Archives du mot-clé voyage

Petit mot du Gabon

Km 36’747, Leconi , Gabon.

-Photo l’instant d’avant, poème l’instant d’après-

DSCF3298

« De paysages inattendus, je quitte le Gabon
D’orages et de belles vues qui sentent bon

En face de moi collines dans la plaine
Que je grimpe en sourire mais de peine

Le ciel se grise, les nuages foncent
Ciel qui me grise, et puis se fonce

L’odeur du souffre est cet éclair
Le ciel qui de sombre soudain m’éclaire

La pluie qui guette, les nuages noirs
Puis soudain qui fouettent, O désespoir

De sec à trempé, me voici attrapé
Le bruit des pluies, celui qui fait la vie

Qui fait de l’arbre qui était ombre
Restant de marbre, un abri sombre

Le silence du ciel qui jadis chantait tranquillement,
Soudain se fait bruyant, se fait violent

De voyageur chassant il y a un instant
Me voici bête, chassée par le ciel enragé

C’est mon destin qui bascule
M’échappe, comme la sauterelle surprise qui gesticule

Au coeur de la bête, en pleine tempête
Battu par la pluie qui s’acharne
Par le vent « rentre dedans »
Comme un soldat qui perd son arme

Ainsi mon destin, ainsi mon chemin
Pour un long instant, demi déprimant

Face à moi les belles collines qui, sous l’orage
Sont plutôt… O rage, enfin imagine

Puis le village, Leconi.
Fin de l’orage, trempe mais bien vite accueilli.

Ce soir c’est Diarra, qui vient du Mali,
Étranger comme moi
Étranger par ici
Qui m’offre gîte et le repas.

Un peu le migrant accueillant
Parti lui aussi de chez lui
Laissant derrière femme et les enfants
Loin, bien loin, là-bas dans son chaud Mali

Ainsi Gabon termine
Ainsi Congo profile
Dans la chaleur et loin du vil
Par l’accueil qui, l’étranger, illumine

Entre la douleur et la saveur
Celle de la route
Entre la chaleur et le bonheur
Qui ôtent tous mes doutes

Ce tout qui fait mon Afrique
Ce vaste continent
Parfois touristique
Mais dont bonheur est par les gens »

Coup d’arrêt en remontant le Gabon

Km 36’136, Lambaréné, Gabon.

Depuis quelques jours, je remonte le Gabon. Un pays que je découvre tantôt pluvieux, puis ensoleillé. Mais toujours verdoyant. Un pays qui m’est très accueillant également, malgré de très fréquent contrôle de Police -souvent 3 par jour-. Mais soudain, coup d’arrêt: mon cadre a cédé.

DSCF3111

Face à l’inconnu

Je me dois d’être honnête, en venant au Gabon je ne savais à quoi m’attendre. Que savais-je du Gabon? Pas grand chose, si ce n’est à travers les récentes élections dont on parlais beaucoup lorsque je me trouvais au Congo-Brazzaville voisin. Elections bien vite éclipsée par le toujours si particulier « show » américain -d’un décalage certain avec le quotidien de mon périple africain- ou de manière plus tragique par celle du Congo-Kinshasa.

Ajoutez-y les élections zambiennes, mes derniers mois auront donc été entouré par la politique et, parfois mais toujours de manière indirecte, par les heurts qui les accompagnent trop souvent.

Seule la très prochaine Coupe d’Afrique de janvier 2017 -qui aura donc lieu au Gabon- semble un peu éclipser les événements récent et le négativisme qui en ressort. Avec Aubameyang en tête de file, le ballon d’or africain, le Gabon ne compte pas y faire de la figuration.

Pour le reste en entrant au Gabon j’entrais dans l’inconnu. Un inconnu qui en une semaine m’aura apporté de bien diverses émotions.

DSCF3095

C’est sur une piste boueuse et glissante que j’atteins, samedi dernier, mon 30’000ème km à vélo sur le continent africain.

30’000 km sur le continent africain

Après m’être fait enregistré au poste frontière de Ndindi, t Mayumba, la route longean la Lagune de Banio étant trop sableuse.

DSCF3078

c’est en bateau que j’ai rejoins le reste du pays

Dès lors c’est la pluie qui aura accompagné mes premiers kilomètres au Gabon. C’est sur une piste boueuse et glissante que j’atteins, samedi dernier, mon 30’000ème kilomètre à vélo sur le continent africain. Quelques kilomètres plus loin, je suis tout content de retrouver le goudron. Dès lors un adoucissement s’annonce. Les collines se raccourcissent, la pluie s’arrête un moment, ne recommence qu’au soir. S’arrête à nouveau.

DSCF3093

Je suis tout content de retrouver le goudron. Dès lors un adoucissement s’annonce.

Chaque soir je me retrouve accueilli chez l’habitant ou j’y passe de bien sympathique moment. Toujours au sec, toujours accompagné d’un bon repas, un petit-déjeuner pour bien repartir au matin. Je suis chanceux et seul les nombreux contrôles policiers viennent un tant sois peu « perturber » mon avancée.

DSCF3106

Chaque soir je me retrouve accueilli chez l’habitant ou j’y passe de bien sympathique moment.

Coup d’arrêt

C’est dans un calme retrouvé, adouci par la constante verdure de l’Afrique centrale en saison des pluies, qu’un beau matin, voici deux jours, l’ambiance bascule.

Un craquement sors de l’arrière du vélo. Tout de suite je pense à la roue. Pas de jeu, pas de voile, pas de rayons cassés… J’ai du rouler sur quelque chose…

Mais au moment de repartir, je sens comme un basculement de l’arrière, comme si le pneu était soudainement dégonflé. Misère, c’est le cadre (la partie tenant la roue arrière) qui est fissuré. Et même totalement cassé.

Dans l’impossibilité de rouler, j’arrive, non sans difficulté, à me faire transporter jusqu’à la prochaine ville, Lambaréné.

DSCF3112

c’est Osman, un soudeur-carrossier mauritanien, qui s’applique à ressouder tout ça.

Enfin c’est Osman, un soudeur-carrossier mauritanien, qui s’applique à ressouder tout ça. Puis il m’invite à dormir chez lui, dans une petite maison en bordure de la 7ème ville du Gabon. Dans sa petite maison, l’ordre et l’accueil chaleureux qui y règne me renvoie néanmoins quelque chose de bien plus grand.

Entouré de son épouse et de ses deux filles, nous regardons la télévision qui me rappelle au monde de chez moi. Celui que j’ai quitté il y a maintenant plus de 2 ans, à la fois si peu et tellement. Après le conflit palestinien et l’armée française au nord du Niger, France 24 nous envoie sans transition dans un grand zoo de France ou l’on parle, sans en dissimuler l’émotion, de la naissance prochaine de bébés pandas. Les images défilent, reprises d’un zoo chinois. On y voit la naissance du petit panda. Aussi rose que minuscule, sa mère le prend dans sa gueule, comme pour l’avaler. Il s’agit en fait de sa première toilette. Le petit finira finalement dans une couveuse, ce qui amuse beaucoup l’épouse d’Osman, dissimulée sous son imposant boubou colorés qui me rappelle à ses origines camerounaise.

Puis nous passons du tout au tout, Boko Haram prend le relais et une certaine banalité se mélange à l’horreur que nous vendent les images des réfugiés nigérian. Certains disent avoir traversé le Lac Tchad à la nage. Un homme nous apprend qu’il est le seul rescapé d’un massacre et maintenant c’est Trump qui choisit son nouveau gouvernement. On apprend que Marine Le Pen lui envoie ses félicitations. L’Amérique va mâle.

Suit la météo… Et ainsi nous en venons à dire que le monde va mal. En oubliant que nous allons bien.

C’est finalement sur le sol du salon que je me couche, à un bon mètres des filles d’Osman, couchée sur un double duvet qui leur sert de matelas.

Des pensées me traversent l’esprit. En plus de 2 ans de route solitaire, penser est devenu une activité à part entière, soulageante et réconfortante. Parfois, les rêves des longues nuits solitaires les accompagnent et au matin, j’ai du mal à savoir si ceci a été pensé ou rêver.

Entre les bonnes et les mauvaises journées, je continue de me frayer un chemin dans ce continent qui, au matin, m’apparaissait soudainement interminable. Parfois si généreux, parfois arnaqueur, rarement entre les deux. Un chemin qui ce soir, face au fait accompli, me rappelle qu’après 50’000 km et 30 pays avec Cargo, une page pourrait très bientôt se tourner.

Et quel que soit la prochaine page, la vie continue.

DSCF3105

quel que soit la prochaine page, la vie continue.

Olivier Rochat

Lire la suite

Un Cargo au Congo

Km 35’175, Brazzaville, Congo-Brazzaville.

Voici une semaine que je me trouve à Brazzavile, la capitale de la République du Congo. Ayant obtenu mes visas pour le Gabon et le Cameroun, je vais reprendre la route bientôt. Mais avant cela j’ai pris le temps de mettre mon blog à jour avec 5 articles retraçant mes 4 semaines de routes à travers ce pays d’Afrique centrale, marquant mon retour -retour bienvenu- dans la francophonie.

DSC_0142

 

Durant ces 4 semaines de routes j’ai pu découvrir différent aspects du Congo-Brazzaville, dont certains m’ont beaucoup plu.

Le rapport avec les gens, l’hospitalité rencontrée dans les villages, pédaler dans la forêt tropicale, avoir un nouveau compagnon de route pour quelques temps ou encore traverser le très surprenant « désert vert », tels ont été les principaux interêts routier de ces 4 semaines, traçant un itinéraire de 1’600 km, dont plus de 900 de pistes.

DSCF2585

le très surprenant « désert vert »

Les articles écrits:

Bonjour Papa

La Sardine d’Or

Pas de Gabon mais un nouveau compagnon

Une journée dans la Jungle

Le désert vert

Et pour terminer, voici quelques photos prises le long de la route:

DSCF2248

Les enfants dans la mission de Mbinda lors de notre attente -avec Pedro-, alors que la frontière du Gabon était fermée

DSCF2319

Beignet et bananes. Les aliments les plus fréquents sur les marchés, même isolés.

DSCF2386

Ananas

DSCF2523

Coucher de soleil sur les Plateaux

DSCF2632

Les routes du Congo.:goudron ou piste? Ou les deux non?

DSCF2341

Une rivière dans la forêt équatoriale

 

DSCF2594

Le désert ver. Spectaculaire et unique.

 

DSCF2310

Les fruits exotiques…

 

DSCF2541

Bonne nuit

DSCF2401

Macher dans la Jungle pour trouver son eau

DSCF2212

La Nature

DSCF2567

Le fameux « désert vert » encore une fois

DSC_0144

On charge (photo prise par Pedro)

DSCF2112

Avec le prêtre de la mission de Komono

Olivier Rochat

 

Pas de Gabon, mais un nouveau compagnon

Km 34’348, Mossendjo, Congo-Brazzaville.

Toujours à la découverte du Congo-Brazzaville, j’ai passé 10 jours avec Pedro, un cycliste espagnol qui, comme moi, fait un tour d’Afrique à vélo et dans le sens des aiguilles d’une montre. Nous nous étions précedemment rencontré à Windhoek, en Namibie, mais cette fois c’est à Mbinda, un gros village à 7 km du Gabon, que nous nous sommes retrouvé, près de 3  mois après notre première rencontre. La frontière étant toujours fermée depuis les élections de fin août, nous avons décidé de revenir sur nos pas. En direction de Brazzaville pour y faire nos visas pour le Cameroun.

Voici quelques photos et mes impressions, écrites sur la route et mises en page aujourd’hui, sur le fait de retrouver un compagnon de route pour plusieurs jours après plus de 15 mois  d’itinérance solitaire.

DSCF2279

J’ai passé 10 jours avec Pedro, un cycliste espagnol qui, comme moi, fait un tour d’Afrique à vélo

* « Nous nous sommes disparus
Comme un marin qui prend les nues
Pour l’océan …
Et qui s’enfonce au fond de l’eau
L’amour emporté par les flots
Les flots du temps…
Nous aurions pu nous unir mieux
Comme on dit « s’unir devant Dieu « 
La mascarade …
Non moi ne m’a jamais tenté
Oui que la sincère amitié
Des camarades » 

Sauvage, souriante et authentique, l’aventure continue au Congo-Brazzaville.

En effet en rejoignant la frontière gabonaise entre Mbinda (Congo-Brazzaville) et Moanda (Gabon), je me retrouve face à l’impossibilité de rentrer au Gabon. Suites aux élections de fin août les frontières ont été fermée. Pourtant à l’ambassade du Gabon à Brazzaville, où j’ai obtenu mon visa, on m’avait dit -et certifié- qu’elles étaient déjà ouvertes, alors que ce n’était visiblement toujours pas le cas 5 semaines après les élections.

DSCF2247

En jouant avec les enfants durant l’attente à Mbinda

Après 3 journées d’attente et de repos, nous reprenons la route en sens inverse. Nous revenons donc sur nos pas.

Oui je dis « nous » puisqu’à défaut de Gabon, j’ai gagné un nouveau compagnon. C’est dorénavant avec Pedro que je continue ma route en Afrique.

DSCF2326

C’est dorénavant avec Pedro que je continue ma route en Afrique.

Pedro c’est un voyageur espagnol qui est parti de Madrid 3 mois avant mois avec une idée sensiblement similaire à la mienne : un Tour d’Afrique à vélo et dans le sens des aiguilles d’une montre. Et sans date de retour. Il était donc normal que nous nous rencontrions et cela aurait pu se faire bien plus tôt, même s’îl en fut autrement.

Pour comprendre notre histoire commune, remontons donc un peu le temps :

Novembre 2014 : Pedro entre en Afrique quelques jours avant moi. Nous n’avons alors aucune connaissance l’un envers l’autre.   

                                                                                 

Janvier 2015 : Lorsque j’entre au Soudan, le 21 janvier 2015, je ne sais pas encore que Pedro y es entré 5 jours auparavant. Un mois plus tard, j’entre en Ethiopie. Sur la route, le jour précédent mon entrée en Ethiopie, je dors dans le village de Doka, quelques dizaines de kilomètres avant la frontière. Il s’agit là de ma dernière nuit au Soudan. Dans le village on me dit que deux cyclistes me précèdent d’un jour. L’un deux est Pedro. Mais sans moyen de se contacter, nos chemins s’éloignent. Pedro pédale avec Niguel, un voyageur néo-zélandais que j’avais rencontré brièvement à Aswan. Les deux cyclistent décident de partir au nord de l’Ethiopie, ou peu de cyclistes se rendent. Je décide de passer par le centre du pays, pensant les rattraper à Addis Abeba. Je rejoindrai Addis Abeba bien avant eux.

Mars 2015: 5 semaines après y être entré, je quitte l’Ethiopie, partagé entre le pire et le meilleur, alors que Pedro y restera 5 semaines de plus.

Avril 2016: Notre histoire aurait bien pu s’arrêter là mais 13 mois plus tard, alors que je suis accueilli par Grant à Lady Grey (Afrique du Sud) de la communauté Warmshowers, je revient sur les traces de Pedro que Grant à également accueilli 1 mois plus tôt. Il me dit que Pedro effectue lui aussi un Tour d’Afrique (je l’ignorais à l’époque) et ne compte pas s’arrêter au Cap comme la plupart des voyageurs cyclistes le font. Il est, à ce moment du voyage comme aujourd’hui encore, le seul voyageur que je connais étant en train de remonter du Cap au Maroc à vélo, dans les mêmes dates (environs), que moi. Il y en a peut-être d’autres, mais c’est là la meilleure occasion – et peut-être bien la seul?- d’avoir un compagnon de route ces prochains mois.

Juin 2016: Mon visa sud-africain terminé, je quitte le pays en bus, du Cap jusqu’à la frontière namibienne, rattrapant un peu de mon retard sur Pedro. Après quelques hasards, finalement c’est à Windhoek, capitale de la Namibie, que je rencontre enfin Pedro. Cette fois nous comptons bien continuer ensemble, en direction de l’Afrique centrale. Mais la bien mystérieuse administration angolaise en décidera autrement. Sans visa, je suis obligé de contourner l’Angola alors que Pedro a, lui, eu son visa. Mais le rythme de route de l’un et les tentatives répétitives et avortées de l’autre -pour obtenir le visa angolais- finiront par nous permettre de nous retrouver au Congo-Brazzaville, à 7 km de la frontière gabonaise qui ne nous laissera pas passer.

DSCF2223

C’est à 7 km de la frontière gabonaise que nous effectuons nos premiers km ensemble

Nous revenons sur nos pas

Me voici maintenant avec un nouveau compagnon de route, pour la première fois depuis plus de 15 mois et la venue de mon frère pour m’accompagner durant 3 semaines en Tanzanie. Tous les cyclistes voyageurs ne recherchent pas la même chose et pour ma part, entrer en Afrique seul m’a permis, ou obligé, de devoir faire des efforts d’intégration. De devoir aller vers les autres, sans avoir personne sur qui compter, ou pour faire le travail à ma place. Si je veux parler à quelqu’un, ce sera avec les locaux. En étant accompagné, comme je l’avais été avec Stephan ou mon frère en 2015, j’ai trouvé que le rapport avec les pays traversé était très différent.  Sans s’en rendre compte, on peut rester plus distant des populations locales (ce ne sera bien sûr pas toujours le cas) en passant l’entier de nos discussions avec no(tre)s partenaire(s). Voyager à plusieurs à ses avantages et désavantages, de même que voyager seul.

DSCF2329

Les collines incessantes dans la forêt tropicale

Mais en choisissant de partir seul, bien conscient que je ne rencontrerais pas des milliers de voyageurs -et si tel était le cas rien n’indiquait que nous nous entendrions suffisamment bien pour passer plus de quelques jours ensemble- je savais que je passerai beaucoup de temps avec moi-même. Durant ce voyage et bien qu’en Afrique nous ne sommes finalement jamais seul, les nuits tombent relativement tôt durant toute l’année (entre 17h et 19h pour ma part), obligeant à trouver un endroit pour dormir. Lorsque je dors dans le bush, il m’arrive d’avoir fini ma toilette, ma cuisine, vers les 19 heures, peut-être même avant. Sans électricité, dans la nuit, il me reste plus de 10 heures a passé, à attendre. Réfléchir. Dormir.

Pédaler seul c’est aussi une manière d’avancer à laquelle je suis habitué depuis longtemps, et à laquelle j’ai du, petit à petit, me réhabituer dans ce voyage.  Pédaler sur son temps libre n’a pas grand chose en commun avec voyager pour plusieurs années à vélo. Si l’un sera plus une évasion, un changement au quotidien souvent blasant de notre existence, l’autre devient, au fil du temps, un nouveau  mode vie. Au contraire de l’évasion, ou encore de l’oubli de mes problèmes le temps d’une sortie à vélo, ce voyage est pour moi l’occasion de me retrouver. De me découvrir d’une manière beaucoup plus forte et honnête que je ne l’ai jamais faite auparavant, et que peut-être je ne ferai plus. Mes problèmes n’ont pas été fui, ils ont été affronté. J’ai du les comprendre, comprendre leur source si besoin, puis petit à petit ils ont disparu, laissant place à une réalité bien plus simple. Celle du quotidien du voyageur cycliste qui me permet de revenir à l’essentiel. M’alimenter. Dormir. Me laver. Sourire, aimer. Se distraire. Vivre.

Un problème? Ah bon…

Et si certains peuvent naturellement penser que voyager c’est un peu une manière de se déresponsabiliser -de mes « devoirs sociaux » par exemple-, il en fut tout le contraire. Car avant de vouloir créer une famille ou changer le monde et se responsabiliser vis à vis de ces tâches, il est bien de se responsabiliser vis à vis de soi-même.  De s’aimer soi-même avant de chercher à en aimer un/e autre. L’amour nous appartient. Pas notre partenaire.

* « Pauvres de leur cupidité
sont ceux qui s’échinent à garder
L’autre pour soi ..
Au diable les rêveurs qui
Ne tenant pas debout se lient
Les coeurs en croix
Au diable leur stupidité
Car même à deux nous ne sommes faits
Ouais que de soi…
Sûr que de soi … »

J’aime parfois dire qu’en effectuant un seul Tour d’Afrique, des « tours de moi-même » j’en ai fait des dizaines. En fait en moins de 6 mois, sans même chercher à le faire, le travail « thérapeutique » qui s’est opéré régulièrement dès le premier jour de mon voyage – et même dès que j’ai mis une date sur mon jour de départ, 6 mois avant ce dernier- a été bien plus grand que n’aurait même pu l’espérer un psy sur 6 ans de thérapie. Au fil du temps  j’ai trouvé réponse à mes questions, à mes soi-disant problèmes, pour la plupart imaginaires comme le sont la plupart des vôtres,  et ces derniers mois j’ai souvent eu l’impression d’avoir trouvé une nouvelle vision du monde, et surtout de moi-même, de mon existence. Une vision plus simple et légère. En simplifiant le matériel qui m’entoure,  j’ai aussi enrichi le spirituel qui m’habite. Qui nous habite tous. La plupart de mes journées sont simples. Mais elles comblent bien plus que mes besoins. Ces derniers ont diminué. Au final une certaine tristesse, mélancolie avec laquelle je suis né, j’ai grandi, s’en est comme allée. Remplacée par autre chose, comme un bonheur qui est juste là. Partout, toujours. Le bonheur d’être et d’exister. Peut-être aidé par la confiance en soit.

Beaucoup d’amis cyclistes, lorsqu’ils me font part de leur expérience de voyageur, m’expliquent avoir traversé une phase de haut, au début de leur voyage, puis des phases plus basses, enfin plus hautes.  Ce ne fut pas le cas pour moi. J’ai traversé ce voyage, que je traverse encore d’ailleurs, comme si j’étais parti du fond de l’océan, coincé dans les profondeurs avec un boulet accroché au pied. Gentiment mais sûrement, sans vraiment m’en rendre compte, j’ai trouvé le moyen de me délester du boulet qui me coinçait dans les profondeurs. Alors j’ai commencé à remonter, petit à petit, jusqu’à retrouver la surface de l’eau. Emporté par le vent, l’élan, à un moment donné j’aurai pu m’envoler, mais sachant que ne sachant pas voler je retomberait durement à la surface de l’eau, comme souvent par le passé, je suis resté à la surface, me laissant emporté par le courant de l’eau. Parfois fort, parfois doux. Rencontrant de temps à autres d’autres courants, parfois tumultueux, parfois franchement ennuyant, et acceptant un certain ennui à d’autres instants. Laissant passer les tempêtes. Apprenant, dans les faits, à m’adapter au courant de l’eau. Sans chercher ni à m’envoler, ni à faire de la plongée sous-marine.

Comme une montée timide mais incessante, qui se stabilise, enfin, dans un environnement qui est le sien. Sans addiction ni émotion exagérée.

Aujourd’hui mes problèmes d’hier, ceux qui peuplaient mon quotidien au début de mon voyage, ont disparu. Comme happé par le temps que j’ai su apprécier. Que chaque jour j’apprends à aimer. Le temps n’est pas mon ennemi, malgré ce qu’on nous apprend dans nos écoles. Mais à ce stade de mon existence physique, c’est à travers lui que je vis, que je vois. Que je ressens et que j’évolue. Le temps occupe chaque particule de mon existence et je dois faire avec. Physiquement je n’ai de solution.  Spirituellement je m’aime ainsi. Ne pas l’aimer équivaudrai à ne pas m’aimer. Etre son ennemi équivaudrai à être mon propre ennemi. Aujourd’hui, le temps, je le prend par la main.

J’apprend à apprecier le courant de l’eau. Car l’eau, c’est la vie.

 

J’ai parfois eu le sentiment d’avoir touché le bonheur

Un bonheur léger comme celui des enfants, mais qui se doit de rester vigilant car loin des parents. Un bonheur sans stress ni attente particulière. Le bonheur de revenir à l’essentiel et de prendre le surplus comme un cadeau, un petit plus. Celui d’avoir de l’électricité de 18 h à 22 heures lorsque nous passons la nuit -avec Pedro- dans une mission. Celui de regarder les match de foot le dimanche après-midi au cinéma du village et pleins d’autres encore qui font qu’être heureux, au fond, c’est très simple. C’est peut-être là qu’il se cache le bonheur. Dans la simplicité. Dans l’authenticité. Peut-être ne faut-il pas le chercher, plutôt le laisser s’exprimer, exister.

Et  surtout ne pas le rechercher. Il ne se cache pas.

Mais en découvrant le Congo-Brazzaville, je me suis aussi aperçu qu’une certaine fatigue s’était installée dans mon quotidien. Pas celle des jambes mais celle d’être, sans arrêt, un blanc parmi les noirs. Un différent qui ne laisse personne indifférent. Avec les avantages et les inconvénients que ça comporte. Car voyager en Afrique, opinion personnel, demande une certaine énergie, majoritairement dans les rapports humains. Une énergie journalière, répétitive. En voyageant comme je le fais j’ai la chance de découvrir une Afrique que tout le monde n’a pas l’occasion de connaître, au rythme de mon vélo. Et la simplicité que ce dernier m’apporte, autant spirituellement que matériellement. Mais bien qu’aujourd’hui je me rende compte que l’Afrique va terriblement me manquer le jour où je vais la quitter, je me dois d’admettre que l’égalité y est utopique. Je suis toujours un blanc. Un blanc à vélo, un blanc comme çi ou comme ça, que l’on aime ou que l’on n’aime pas. Mais un blanc avant tout. Un Mundélé, un Mzungu, un Farenji. Et si un jour j’ai besoin de parler, je n’ai personne.

En tant que blanc, ici je représente l’argent à tel point que certains africains, bien mieux lotis financièrement que moi, vont me voir comme une chance d’accéder à la richesse. J’ai parfois l’impression que l’un des plus gros problèmes de l’Afrique c’est qu’aujourd’hui elle ne croit pas en elle. Son potentiel, pourtant, est gigantesque. Bien sûr, personne n’a jamais vraiment joué le jeu avec l’Afrique. Mais aujourd’hui le complexe d’infériorité -par rapport aux blancs-, inconscient, qui habite bon nombre d’africain, est effrayant. J’ai rencontré beaucoup d’africain qui n’étaient pas pauvres (matériellement parlant) mais qui croyaient l’être. Un congolais (de RDC) m’avait dit en Zambie:

« Dieu nous a donné la richesse les terres les plus riches-, mais l’intelligencel’exploitation de cette richesse-, il l’a donnée aux blancs ». 

Avant d’ajouter que l’indépendance du pays, acquise en 1960, était venue beaucoup trop tôt. Alors que cette dernière est venue après plus de 4 siècles de l’un des génocides les plus inhumains -l’escalavage- qui a littérallement sucé l’Afrique de tout dévelopement positif –.naturel et culturel-  et 1 siècles de colonie prônant la haine et le classement des races, mettant les « races d’Afrique » entre l’animal et la « simple » infériorité, dans le meilleur des cas.  Soit beaucoup trop tard.

Alors que ce « classement » a perduré jusque dans les années ’90 (oui j’étais déjà né) en Afrique du Sud avec l’apartheid que certains (j’en ai rencontré) défendent encore.

Un « classement » qui perdure encore dans bon nombre de conscience (médiatique, politique…), lorsqu’il ne s’agit pas d’inconscience (le noir est un migrant, le blanc un expatrié).

En retrouvant Pedro je retrouve donc un blanc comme moi, voyageur qui plus est. Plus âgé aussi, et donc certainement plus expérimenté. Mais je retrouve surtout une épaule sur laquelle me reposer, et cette impression de facilité, celle où tout va bien se passer. Et quelqu’un à qui parler, avec qui partager. Car si le bonheur est d’exister, autant le partager.

* « Mon amour j’ai pas su tenir
Les promesses du devenir
Un avec toi
J’ai plus que moi-même à qui dire
Qu’il est triste mon triste empire
Qu’il est triste sans toi
Quel océan vers quel abîme
Dis-moi où mène ce chemin
Où tu n’es pas ?
Car si l’on ne meurt pas d’amour
Je peux te dire qu’il est certain
Qu’on meurt de toi

Qu’on meurt de toi … »
*= parole de la chanson « On meurt de toi », de Damien Saez
DSC_0094
Olivier Rochat
 

 

 

 

 

 

Premier pas à Brazzaville

Km 33’378, Brazzaville, Congo-Brazzaville.

« Ce continent est trop vaste pour être décrit. C’est un véritable océan, une planète à part, un cosmos hétérogène et immensément riche. Nous disons « Afrique », mais c’est une simplification sommaire et commode. En réalité, à part la notion géographique, l’Afrique n’existe pas. »

Ryszard Kapuscinski, dans « Ebène »

Lire la suite