Coup d’arrêt en remontant le Gabon

Km 36’136, Lambaréné, Gabon.

Depuis quelques jours, je remonte le Gabon. Un pays que je découvre tantôt pluvieux, puis ensoleillé. Mais toujours verdoyant. Un pays qui m’est très accueillant également, malgré de très fréquent contrôle de Police -souvent 3 par jour-. Mais soudain, coup d’arrêt: mon cadre a cédé.

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Face à l’inconnu

Je me dois d’être honnête, en venant au Gabon je ne savais à quoi m’attendre. Que savais-je du Gabon? Pas grand chose, si ce n’est à travers les récentes élections dont on parlais beaucoup lorsque je me trouvais au Congo-Brazzaville voisin. Elections bien vite éclipsée par le toujours si particulier « show » américain -d’un décalage certain avec le quotidien de mon périple africain- ou de manière plus tragique par celle du Congo-Kinshasa.

Ajoutez-y les élections zambiennes, mes derniers mois auront donc été entouré par la politique et, parfois mais toujours de manière indirecte, par les heurts qui les accompagnent trop souvent.

Seule la très prochaine Coupe d’Afrique de janvier 2017 -qui aura donc lieu au Gabon- semble un peu éclipser les événements récent et le négativisme qui en ressort. Avec Aubameyang en tête de file, le ballon d’or africain, le Gabon ne compte pas y faire de la figuration.

Pour le reste en entrant au Gabon j’entrais dans l’inconnu. Un inconnu qui en une semaine m’aura apporté de bien diverses émotions.

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C’est sur une piste boueuse et glissante que j’atteins, samedi dernier, mon 30’000ème km à vélo sur le continent africain.

30’000 km sur le continent africain

Après m’être fait enregistré au poste frontière de Ndindi, t Mayumba, la route longean la Lagune de Banio étant trop sableuse.

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c’est en bateau que j’ai rejoins le reste du pays

Dès lors c’est la pluie qui aura accompagné mes premiers kilomètres au Gabon. C’est sur une piste boueuse et glissante que j’atteins, samedi dernier, mon 30’000ème kilomètre à vélo sur le continent africain. Quelques kilomètres plus loin, je suis tout content de retrouver le goudron. Dès lors un adoucissement s’annonce. Les collines se raccourcissent, la pluie s’arrête un moment, ne recommence qu’au soir. S’arrête à nouveau.

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Je suis tout content de retrouver le goudron. Dès lors un adoucissement s’annonce.

Chaque soir je me retrouve accueilli chez l’habitant ou j’y passe de bien sympathique moment. Toujours au sec, toujours accompagné d’un bon repas, un petit-déjeuner pour bien repartir au matin. Je suis chanceux et seul les nombreux contrôles policiers viennent un tant sois peu « perturber » mon avancée.

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Chaque soir je me retrouve accueilli chez l’habitant ou j’y passe de bien sympathique moment.

Coup d’arrêt

C’est dans un calme retrouvé, adouci par la constante verdure de l’Afrique centrale en saison des pluies, qu’un beau matin, voici deux jours, l’ambiance bascule.

Un craquement sors de l’arrière du vélo. Tout de suite je pense à la roue. Pas de jeu, pas de voile, pas de rayons cassés… J’ai du rouler sur quelque chose…

Mais au moment de repartir, je sens comme un basculement de l’arrière, comme si le pneu était soudainement dégonflé. Misère, c’est le cadre (la partie tenant la roue arrière) qui est fissuré. Et même totalement cassé.

Dans l’impossibilité de rouler, j’arrive, non sans difficulté, à me faire transporter jusqu’à la prochaine ville, Lambaréné.

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c’est Osman, un soudeur-carrossier mauritanien, qui s’applique à ressouder tout ça.

Enfin c’est Osman, un soudeur-carrossier mauritanien, qui s’applique à ressouder tout ça. Puis il m’invite à dormir chez lui, dans une petite maison en bordure de la 7ème ville du Gabon. Dans sa petite maison, l’ordre et l’accueil chaleureux qui y règne me renvoie néanmoins quelque chose de bien plus grand.

Entouré de son épouse et de ses deux filles, nous regardons la télévision qui me rappelle au monde de chez moi. Celui que j’ai quitté il y a maintenant plus de 2 ans, à la fois si peu et tellement. Après le conflit palestinien et l’armée française au nord du Niger, France 24 nous envoie sans transition dans un grand zoo de France ou l’on parle, sans en dissimuler l’émotion, de la naissance prochaine de bébés pandas. Les images défilent, reprises d’un zoo chinois. On y voit la naissance du petit panda. Aussi rose que minuscule, sa mère le prend dans sa gueule, comme pour l’avaler. Il s’agit en fait de sa première toilette. Le petit finira finalement dans une couveuse, ce qui amuse beaucoup l’épouse d’Osman, dissimulée sous son imposant boubou colorés qui me rappelle à ses origines camerounaise.

Puis nous passons du tout au tout, Boko Haram prend le relais et une certaine banalité se mélange à l’horreur que nous vendent les images des réfugiés nigérian. Certains disent avoir traversé le Lac Tchad à la nage. Un homme nous apprend qu’il est le seul rescapé d’un massacre et maintenant c’est Trump qui choisit son nouveau gouvernement. On apprend que Marine Le Pen lui envoie ses félicitations. L’Amérique va mâle.

Suit la météo… Et ainsi nous en venons à dire que le monde va mal. En oubliant que nous allons bien.

C’est finalement sur le sol du salon que je me couche, à un bon mètres des filles d’Osman, couchée sur un double duvet qui leur sert de matelas.

Des pensées me traversent l’esprit. En plus de 2 ans de route solitaire, penser est devenu une activité à part entière, soulageante et réconfortante. Parfois, les rêves des longues nuits solitaires les accompagnent et au matin, j’ai du mal à savoir si ceci a été pensé ou rêver.

Entre les bonnes et les mauvaises journées, je continue de me frayer un chemin dans ce continent qui, au matin, m’apparaissait soudainement interminable. Parfois si généreux, parfois arnaqueur, rarement entre les deux. Un chemin qui ce soir, face au fait accompli, me rappelle qu’après 50’000 km et 30 pays avec Cargo, une page pourrait très bientôt se tourner.

Et quel que soit la prochaine page, la vie continue.

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quel que soit la prochaine page, la vie continue.

Olivier Rochat

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