Km 33’919, Sibiti, Congo-Brazzaville.
Petit retour sur mes premiers jours de route au Congo-Brazzaville. 17-20 septembre 2016
Chaleureux, souriant, poussiéreux, accueillant, épuisant…
C’est ainsi que se passent mes premiers jours sur la route à la decouverte du Congo-Brazzaville.
Tantôt sur le goudron, tantôt sur des pistes poussiéreuse, poussière rouge et collante, je m’éloigne de Brazzaville.
Dès les premiers kms, sous un soleil de retour après une semaine nuageuse à Brazzaville, je me retrouve étouffé, transpirant sur chacune des collines qui se suivent inlassablement. Après 5 semaines de pauses et seulement 10 jours de routes sur les 3 derniers mois, il faut se réaclimater au rythmes de la route mais aussi à l’humidité du lieu, bien que plus faible que le craignais.
Le Mzungu d’hier, Farenji avant hier, est devenu le Mundele aujourd’hui. Mais pourtant c’est avec des sourires et des « bonjour » que je traverse chacun des villages qui se trouvent sur ma route. « Bonjour Papa« , « Ca va? » me lancent presque chacun des villageois assis devant leur maison pour les uns, faisant la lessive pour les autres, vendant quelques beignets ou jouant avec des petits camions faits de cannettes, bouchons de bouteilles et fils de fer, parfois accompagné d’un morceau de bois taillé pour faire le corps du camion, pour les plus jeunes. Parfois un petit marché coloré vient égayer mes kms qui régulièrement se retrouvent coincé par des barrages policiers ou autres péages. La curiosité est alors de mise et les policiers me regardent avec questionnement. Avant de me laisser partir, toujours sans le moindre souci. Ou du moins sans la moindre agressivité. Et sans omettre de me souhaiter une bonne route, un peu amusé face au Mundele qui traverse l’Afrique a vélo.
Enfin, après 3 jours de route, je quitte la N1, route principale qui relie Brazza a Pointe-Noire, afin de remonter vers le nord et la forêt tropicale.
Lorsque je me lance sur les pistes le soleil est couchant. C’est à ce moment qu’il devient rouge, magnifique. Dès lors et pour quelques précieux instants, je me retrouve avec une boule de feu en face de moi qui me réserve spectacle avant de disparaître sous l’horizon, rattrapée par les mouvements incéssants de l’univers. Alors il disparait et très vite la journée se termine. Sans transition, ou si peu, il fait nuit. Une autre aventure débute.
Oui car dans ces villages on ne trouve électricité. La nuit prend alors une tout autre signification que celle que nous lui connaissons dans notre belle Europe ou la nuit, vu de la brousse africaine, n’existe pas. Il y a toujours une lumière qui brille, une ampoule qui s’excite, un lampadaire qui protège. L’Europe ne dors plus. L’Europe ne dors pas. Vu d’ici elle me semble s’évader sans cesse dans son besoin de « toujours faire« , de vouloir contrôler. Son besoin d’exister, de consommer même lorsqu’il ne faudrait pas. « Ne rien faire c’est du temps perdu », le temps c’est de l’argent ». Mais parfois il faudrait se taire, se reposer. Se laisser aller aux rêves qui forment nos nuits. A l’inconnu d’un ciel noir. L’Europe me semble s’évader dans sa technologie trop présente qui a fait de l’homme son propre esclave tout en lui faisant perdre ces premiers instincts, la notion du jour et celle de la nuit.
Ceux qui font que chaque jour a un début. Et donc une fin. Et un rythme qui nous permet d’exister. Et non pas de s’évader. Car combien sommes nous, européen, à rêver de vivre, et non de voir? A rêver de ressentir, et non pas de faire? Nous rêvons d’oublier. De s’oublier. Nos cherchons à nous évader, comme si nous n’avions plus le courage nécessaire pour affronter simplement notre réalité.
Et pire que tout, le système qu’elle prétend le plus juste, le plus évolué, pour sûr le plus matérialiste, l’Europe cherche à le promouvoir au monde entier. En pensant éduquer l’Afrique avec des démocraties qui n’ont jamais fonctionné chez elle, des droits humains qui n’ont jamais objectivement existé, hormis pour les plus riches, l’Europe oublie une chose essentielle, elle est différente de l’Afrique. Nos cultures, nos traditions, nos logiques sont différentes. Ce qui sera juste en Europe ne sera pas forcément perçu comme tel en Afrique, et vice-versa. L’Afrique d’aujourd’hui est fragmentée de pays qui n’ont, pour la plupart, aucune frontière correspondant aux traditions et coutumes, ni même à l’économie, locales. Les frontières africaines sont européennes. Ce sont celles des colonies d’hier qui perdurent aujourd’hui.
Et aujourd’hui justement, après des siècles de luttes, l’européen a fait son choix. Il a choisi de devenir son propre esclave. Mais lorsque l’esclave a choisi de l’être, la révolte n’existe pas. N’existe plus.
Et le malheur de l’Afrique c’est que l’Europe, qui a besoin de s’enrichir pour ressentir, est un continent pauvre et misérable. Ainsi la richesse première de l’Europe, c’est l’argent des autres.
Chez le Président
Mais ici, dans la campagne congolaise, la nuit il fait nuit. Tout simplement. Parfois un lampadaire me guide. C’est la Lune. Mais pas ce soir, le ciel est couvert. Il fait nuit noir et chaque geste, chaque rencontre, demande plus d’energie et regorge de mille mystères.
Et lorsque je rejoins un petit village, alors que la transition jour-nuit se termine dans quelques instants, je demande a un villageois s’il est possible de planter ma tente et passer ma nuit dans le village.
Quelle question!!!
Je découvre alors pour la première fois, mais pas la dernière, l’accueil de la campagne congolaise. Nous nous rendons chez le président (chef du village) qui m’autorise -plutôt m’invite- bien sur, a dormir chez lui. Il me donnera son matelas et dormira sur une chaise, à l’entrée de la petite maison qui me servira de chambre.
Mais avant cela nous partageons l’Ounguila, le Vin de Canne a Sucre, et on m’explique alors le mariage de samedi prochain. On parle de la dotte, enfin de la bête qu’il faudra offrir avec le…yaourt. Un petit nom que l’on donne au vin de maïs que l’on offrira également.
Puis, lorsque je dis me diriger au Gabon, on me parle d’une tribu de ce pays voisin, les « faim » (aucune idée de l’ortographe) , qui se nourrisent de chaires humaines. On me prévient qu’il faudra faire attention car « là-bas, lorsqu’un homme est malade la famille le cache. Car si la maladie dure trop longtemps,… Il ne faut pas que la viande se perde. Alors un étranger…Il faudra que tu fasses attention »
Mythe ou réalite? N’y a t’il pas une part de réalite dans chaque mythe? Je me souviens de ces enfants, en Tanzanie, qui s’enfuyaient en me voyant. Ils pleuraient en s’écriant « Mama mama ». Leurs parents aimaient leur raconter que s’ils faisaient des bêtises un homme blanc viendrait pour les attraper. Ensuite il mangerait l’enfant qui a fait des bêtises.
Et c’est ainsi que nous nous évadons, à travers paroles et mythes farfelus, éclairés par une faible lampe torche qui me permet de distinguer chacun de mes interlocuteurs, mais sans vraiment les voirs.
Enfin nous partons nous couchés. Et pour la première fois je dors dans la chambre du président sur qui je pourrai enfin mettre un visage au petit matin.
Puis je me lance sur des pistes poussiéreuse, grimpant des collines qui me semblent ne jamais vouloir s’arrêter. La végétation qui borde ma route augmentent de km en km, m’offrant des paysages de plus en plus beau, contrairement a cette poussière que je bouffe. Et qui se mélange, a chaque colline que je grimpe, a la transpiration qui ressort de la chaleur et de l’humidité de cette journée qui se veut belle et souriante, a chaque village que je traverse… « Bonjour Papa », « ça va? » « tu vas ou? ». Ainsi je traverse les villages qui accompagnent ma route.
Gentiment, j’entre dans la forêt équatoriale.
Et je continue ma route ainsi…
Olivier Rochat