Km 55’607, Atar, Mauritanie.
Pour plus d’une semaine, nous avons traversé l’Adrar, une région époustouflante de Mauritanie. Il m’est difficile de mettre des mots sur cette expérience tant elle fut spéciale et prenante, je l’ai cependant divisée en deux parties.
nous avons traversé l’Adrar, une région époustouflante de Mauritanie. Il m’est difficile de mettre des mots sur cette expérience tant elle fut spéciale et prenante (photo by Pedro)
L’une d’elle vous parlera d’un chemin particulier. Un chemin de fer, transportant du fer, qui nous aura arraché aux griffes de l’Adrar pour nous ramener sur la côte. Bref, du fer à toutes les sauces.
L’autre la voici:
Si le Sahara était un pays, il en serait le 5ème plus grand du monde. D’une superficie 15 X supérieure à celle de la France, équivalente à celle du Brésil, il s’étend d’est en ouest du continent africain, de la mer rouge à l’océan atlantique sur près de 5’000 kilomètres. Pour beaucoup, comme ce fut le cas pour moi par le passé, Sahara rime avec dunes de sables. Ces énormes dunes spectaculaire dessinées, modulées puis réformées par le vent que nous avons tous vu en reportages, films, livres ou autres. Pourtant le désert de sable à proprement parler ne représente « que » 20% de la surface totale du Sahara. On y trouve des montagnes et hamadas, des regs ou encore d’énormes étendues recouvertes de nappes de sable. Certes, tous sont regroupés par un seul commun: l’aridité. Avec une moyenne proche des 25 mm d’eau par an, le Sahara reste l’un des territoires les plus secs au monde. Il est aujourd’hui le plus grand désert chaud du monde .
Sahara rime avec dunes de sables
Durant plus d’une semaine, semaine que nous aurions volontiers prolongé mais nos visas nous en empêchent, l’Adrar nous a montré quelques unes de ses merveilles, de ses « monde cachés » à plusieurs centaines de kilomètres des côtes, et bien plus de 1’000 de la plus proche forêt. Rejoindre l’Adrar n’aura pas été une mince affaire tant le vent nous aura balayé au milieu de cette plaine sans saveur (voir article précédent: La nuit, le crépuscule et l’enfer). Pourtant, une fois la ville de Akjoujt atteinte, tout aura changé. Nous avons basculé dans un autre monde.
l’Adrar nous a montré quelques unes de ses merveilles, de ses « monde cachés » à plusieurs centaines de kilomètres des côtes
Parti peu après 4 heures du matin, nous espérons devancer le vent et ainsi avancer un maximum avant que ce dernier ne se lève, tel que nous l’avons fait les jours précédents. Bien avant l’aube les kilomètres défilent, mais lentement. Le ciel quant à lui est chargé, en conséquence il n’est « habité » ni d’étoiles ni de lune et seule la lumière de ma dynamo me sort un peu de ma songeuse torpeur renforcée par cette nuit formant l’imaginaire. Dans les faits, seul ma dynamo insiste à me rappeler que je ne suis pas aveugle, si ce n’est quelques montagnes, ou plutôt leurs silhouettes, qui semblent posée là, à quelques kilomètres de nous. Pas une voiture ne passe. Quelques légères collines se succèdent ainsi, à rythme lent, cassant l’esprit plat de ces derniers jours mais déjà, alors qu’il fait bien noir encore, le vent se lève. Timide mais serein, il vient déjà nous casser, pleine face, agitant mon drapeau sierra léonais qui trône fièrement au-dessus du mauritanien, lui-même accroché au-dessus de mon guidon. La journée commence bien, alors qu’elle n’a même pas encore commencé.
Nous continuons ainsi pendant plus d’une heure, attendant avec crainte et appréhension le lever du jour. Lui-même qui voit si souvent le début du « vrai » vent. Mais à mesure que le temps passe, étonnamment, le vent faibli, encore, puis encore, puis encore. Et, aux premières lueurs du jours, au ciel orangé du crépuscule, il s’arrête, nous laissant seul à nous-mêmes, incompris mais heureux dans ce calme sidérant. Ce silence qui devient si violent lorsqu’il succède au sifflement répété du vent. Non, ce matin le vent ne se lève pas. Et nous ne le savons pas encore, mais il ne se lèvera pas. Il fait la grève et nous, en bon fonctionnaire de la route, nous sommes heureux. Il nous laisse seul au milieu d’une énorme plaine au fond de laquelle se dresse de lointaine chaînes de montagnes, plus loin d’énormes dunes. Le soleil se lève timidement, coincé entre deux nuages, dans un calme absolu, serein et au combien agréable. Seul un camion surchargé, premier véhicule de la journée, vient rompre temporairement cette quiétude matinale. Et moi, j’ai l’impression d’avoir changé de monde.
Et moi, j’ai l’impression d’avoir changé de monde. (photo by Pedro)
Dès lors débute la découverte de l’Adrar. Nous nous enfoncons dans un paysage sublime, ce sont maintenant d’énormes dunes qui suivent la route sur plusieurs dizaines de kilomètres, elles mêmes entourées de montagnes. Le ciel lui se charge, encore et encore, avant de nous délivrer son or, de la pluie. Il pleut! Pas beaucoup certes, mais bon, de la pluie au Sahara, on n’oserait la refuser. Cette pluie va même revenir à plusieurs reprises durant plusieurs jours. Quelques gouttes venues de nulle part, tombant là…au milieu de nulle part. Le ciel se met à cracher, nous offrant une pluie qui ne mouille pas, ou si peu, dans une ambiance dantesque. Celle d’un Sahara montagneux au ciel gris, à température agréable sous un vent quasiment inexistant.
ce sont maintenant d’énormes dunes qui suivent la route sur plusieurs dizaines de kilomètres (photo by Pedro)
Pour plus d’une semaine les jours et les kilomètres vont ainsi se suivre sans jamais se ressembler. Ou si peu. Passant d’un canyon qui se termine en col sinueux à un plateau rocailleux surplombant un oasis digne d’un tournage de film puis de paysages dunaire, pour ne pas dire lunaire, à martien, l’Adrar nous à gâté. Mais c’est surtout en s’égarant loin des itinéraires conseillés, ceux du tourisme, que nous avons plongé dans un Sahara accueillant. Authentique et, si difficile, plaisant.
Premier lieu de visite, l’oasis de Tergit nous offre de superbes vues. Un repos, aussi…
Premier lieu de visite, l’oasis de Tergit nous offre de superbes vues. Un repos, aussi, mais son ambiance un brin superficiel bien qu’accessible nous pousse à changer nos plans. Nous oublions les mythiques Chinguetti et Ouadane, présentés par tous comme LES lieux à voir en Mauritanie, de toute manière nous aurions du courir pour avoir le temps d’y accéder, nous n’en avons pas envie. Nous continuons donc notre détour au sud, nous enfonçant encore un peu plus dans les profondeurs du Sahara. Le col de Tourville, panoramique, nous mène sur un plateau où le vent reprend ses aises, tout comme le soleil, mais la curiosité nous mène sur les pistes caillouteuses de la région. Balayé par le sable dans un premier temps, c’est ensuite les cailloux, puis le soleil, qui viennent tour à tour mettre leur grain de sable à notre avancée. Mais ce n’est pas tant pour nous déplaire, les villages sont accueillants et au soir, dans le magnifique village de Tounghad, village aux maisons de pierre entourant un oasis en flanc de montagnes, Saad nous accueille chez lui.
une petite maison de pierres dans laquelle nous partagerons le repas avant d’y passer la nuit, Pedro et moi.
Généreux, Saad nous offre un plat de crêpes locales et de viandes de chameau. Un plat très riche « réservé aux étrangers ou aux occasions spéciales » nous dit-il, dans son inimitable bonne humeur. Mélangeant paroles et sourires, inarétable de bonté, il accompagne notre soirée de nombreuses discussions elles-mêmes accompagnées d’innombrables thés, fort et sucré -ou fort sucré-, qui ne nous empêcheront pas de dormir.
Mélangeant paroles et sourires, inarétable de bonté, il accompagne notre soirée de nombreuses discussions elles-mêmes accompagnées d’innombrables thés (photo by Pedro)
« Mon rêve c’est de faire le tour du monde à moto » ajoute-il calmement. Avant de répondre « non, je ne m’intéresse plus au foot depuis longtemps », lorsque je lui demande, naïvement en ce soir de match, s’il est pro CR7 (Réal) ou Messi (Barça). « Moi c’est la connaissance qui m’intéresse », termine t’il, alors que je le devine sous entendre que le foot c’est un peu « bête « . Sur sa belle tablette des vidéos de « moto-voyageurs » tournent. Celui-ci traverse l’Atlas, les gorges du Ziz, Marrakech, avant de s’attaquer au Sahara occidental, puis le passage de la frontière mauritanienne, juste là où nous nous rendons dans quelques jours. La soirée est intéressante mais les yeux faiblissent. Se battent un peu. Se ferment puis se rouvrent, survivant tout juste par cette envie de pisser. Une dernière sortie puis, à vessie vidée, je sombre dans le sombre de la nuit. Je m’endors. Des rêves étranges, comme bien souvent ces derniers temps, habitent cette nuit. Au bord d’un océan qui me rappelle les belles plages de Sierra-Leone, je me débat avec un courant surpuissant qui cherche à m’emporter dans les profondeurs de l’océan. En parallèle au Sahara, il cherche à m’engloutir. Le tout entouré d’amis d’enfance que je n’ai pas vu depuis longtemps, plus de 10 ans pour certains. Aujourd’hui ils doivent tourner vers les 30 ans, dans mon rêve ils ont les visages de nos 12 ans. Les vagues m’emportent. Je suis seul. Je vais mourir. Je ne meurs pas. Je suis sur la plage. Mes amis aussi, mais ce ne sont plus les mêmes. Je me réveille. Un mal pour un bien, certainement.
D’un café et d’un pain succulent, je reprend goût à la vie éveillée. Puis, après un dernier regard sur Tounghad, un dernier mot pour Saad, nous partons nourri et, pour ma part, touché. Comme bien souvent en Afrique rurale.
Les quelques traversées de rivières se font difficiles car très sableuses (photo by Pedro)
Dès lors, cumulant montées et descentes, c’est les pistes de cailloux qui nous freinent à nouveau, alors que les quelques traversées de rivières se font difficiles car très sableuses. Les roues s’enfoncent. Ils nous faut pousser. Tirer même. On se débat pour avancer à 2 ou 3 km/h maintenant. Chaque mètre est épuisant sous ce soleil qui tape mais, après une dernière colline, au bout d’un plateau rocailleux de quelques kilomètres, à la sortie d’un virage, quelques centaines de mètres en-dessous de nos pieds, comme un mirage, se dresse un oasis: M’hairith.
Presque miraculeux.
Une vaste étendue de sable se dresse maintenant sous nos pieds, peuplée de maisons traditionnels, de mosquées, et autres Darrha (tente traditionnel). J’aperçois quelques enfants qui jouent au foot, puis la mosquée retentit. C’est l’heure de la prière. Une caravane rentre au village, en pleine traversée saharienne. Et moi, je cherche Aladin…
Mais où sommes-nous, au juste ? Ah oui, en Mauritanie…
la vue nous est si belle, si inattendue, que nous y passerons l’après-midi…avant d’y passer la nuit.
Et la vue nous est si belle, si inattendue, que nous y passerons l’après-midi…avant d’y passer la nuit. Cet oasis, ce longiligne village, coincé là au fond d’une faille coupant cet énorme plateau rocailleux en deux, nous envoie direct dans mon imaginaire du Sahara. Presque irréel. Surréaliste.
après une traversée du village terriblement sableuse dès le matin, suivi d’une montée caillouteuse où nous ne sommes pas trop de deux pour pousser nos vélos chargés au haut d’une pente très raide aux cailloux énormes et pointu, la traversée du plateau nous enverra sur mars
Et après une traversée du village terriblement sableuse dès le matin, suivi d’une montée caillouteuse où nous ne sommes pas trop de deux pour pousser nos vélos chargés au haut d’une pente très raide aux cailloux énormes et pointu, la traversée du plateau nous enverra sur mars. Un faux plat montant de près de 40 kilomètres face au vent va quasiment nous achever. Mais c’est par le passe Nouatil, petit col raide aux panoramas spectaculaire, que nous redescendons sur Terre, le lendemain.
c’est par le passe Nouatil, petit col raide aux panoramas spectaculaire, que nous redescendons sur Terre, le lendemain.
Plongeant dans un canyon envoûtant, la route esquisse de léger virages en flanc de falaise, se faufilant miraculeusement au milieu de fantasques paysages saharien. Les derniers virages sont en épingles. La route serpente de gauche à droite tel un serpent tordu. Puis touche à la vallée. Nous entrons en plaine, le terrain s’aplatit. Les montages s’éloignent, nous offrant quelques derniers panoramas. Au loin se dresse Atar. Se dresse la ville. La seule de la région. Le plus dur est derrière nous. Du moins, nous le pensons.
Nous entrons en plaine, le terrain s’aplatit. Les montages s’éloignent, nous offrant quelques derniers panoramas. Au loin se dresse Atar. Se dresse la ville. La seule de la région. Le plus dur est derrière nous. Du moins, nous le pensons.
Chez Mohamed à Atar
Je tenais simplement à mettre un petit mot, comme promis, pour Mohamed qui nous a accueilli à Atar, plus grande ville de l’Adrar, une région magnifique en plein Sahara mauritanien.
Après avoir bénéficié d’une formation offerte par l’organisation espagnole « Amigos do niana », Mohamed s’est lancé dans le tourisme avec pour but premier le partage.
Dans son auberge, Omunelghoura, il propose des hébergements très bon marché, largement en-dessous des standards égionaux, et accueille également chez lui.
Étant plus axé sur les rencontres en milieux ruraux, loin des grands centres et activités touristiques, nous nous sommes simplement reposé une journée chez Mohamed, avant de reprendre notre route en direction du Maroc. Mohamed nous a offert repas, douche, électricité et matelas pour mieux repartir une fois reposé.
Cependant, pour ceux qu’une découverte de l’Adrar intéressait, Mohamed se présente comme un bon guide, soit pour vous orienter vers différents oasis, pour un tour en chameau ou autre activité locales, le tout accompagné d’un bon plat local traditionnel et d’un Taja, (jus de dattes). Faire du tourisme en Mauritanie n’est pas une chose aisée en soit, tant les arnaques sont monnaies courantes et autant le dire, on ne sait jamais à quoi s’attendre, comme me le rappelle plusieurs fois Mohamed durant notre séjour. En nous éloignant des chemins touristiques, la Mauritanie nous a été bien accueillante mais il est vrai que les lieux les plus prisés, comme par-exemple les oasis de Ouadane ou Chinguetti qui regorgent d’histoires riches de caravanes et autres merveilles du désert, se sont refusé à nous. Ou plutôt, nous nous en sommes éloignés. Si personnellement je ne le regrette pas, tant la Mauritanie m’aura paru fantastique tel que je l’ai découverte, leurs découvertes pleines de merveilles en ravira plus d’un et je n’exclu nullement d’y revenir un jour. Alors si l’Adrar vous tente, Mohamed apparaît comme un très bon premier pas pour s’immiscer de manière locale ET abordable dans ce monde là. Ses astuces pour déjouer les arnaques sur les marchés et autres sauront, si besoin, se faire apprécier.
Mohamed propose des chambre à 3’000 ouguyas (7 euros).
Pour le contacter : +222 36 40 20 61
Olivier Rochat