Km 9328, Khartoum, Soudan.
Déjà 3 semaines au Soudan
Finalement j’ai franchis le pas. Après une semaine de repos, j’ai enfin quitté mon paisible village de Wawissi pour rejoindre la grande Khartoum. C’est dans la poussière que je m’y suis un peu perdu. Mais j’aurais appris cette chose: ici on ne dit jamais « non ». Lorsqu’on ne sait pas, on invente. Mieux vaut mentir que dire « non »! Aujourd’hui il a fait à peine 35°C à Khartoum. Oui, à peine. Je crois que peu à peu je m’habitue au Soudan. Ces derniers jours il a fait 40°C mais depuis hier ça redescend et aujourd’hui je ressens un peu de fraîcheur. D’autant que le vent est violent. Mais « fraîcheur » par 35°C, pour moi reste une nouveauté. Les yeux ensablé je m’arrête à ce café, le » GAD café », pour me rafraîchir un peu.
Voilà déjà 3 semaines que j’arpente le Soudan à vélo. Avec Cargo par 40°C je descends le Nil, fait un détour dans le désert, admire les pyramides de Meroé, rencontre un Cobra. Il me regarde droit, me tire la langue et puis lorsque je le prends en photo, il se fait beau. Il est temps de partir à nouveau. Une piqûre de Cobra ça pardonne pas. Et moi, peu à peu, je prends le temps, je me fais lent. Mon km solitaire devient paisible, c’est peut-être le Soudan qui me pénètre. Je trouve enfin ce que je suis venu chercher. Le temps! Je croise quelques voyageurs et tous sont plus rapide que moi. C’est bien la première fois. Peut-être que je grandis…
Les deux premières semaines au Soudan je les ai passée le long de la route, tranquillement, à la découverte des gens. De la Nubie pour un premier coup de coeur. Mais la troisième je l’ai passée loin de la route, chez Hashim et sa famille. Bien loin, très loin du monde occidental. Hashim connaît beaucoup de chose mais il y a une chose qui lui échappe encore: le stress… Il est plus riche que moi.
Hashim fût pour moi une des âmes de mon voyage. De celles qui n’appartiennent pas aux cartes, de celles qu’on ne peut photographier. De celles qu’on ne peut oublier. De celles qui débouchent en amitié. Depuis mon départ j’ai traversé 11 pays, et découvert différentes religions. Je ne suis pas venu pour voir la misère et la pleurer. Mais parfois je l’ai touchée. J’ai dormi avec elle. J’ai mangé avec elle. Et souvent elle m’offrit plus que ce qu’une simple compagnie pourrait m’offrir.
150 jours sur la route
Je ne suis pas venu là pour juger. Pour dire musulman-ci, chrétien par-là. Mais je me rends compte qu’au fond toutes les sociétés, les religions, les non-religions, vivent avec le même fond. Dans chaque pays il y a des bons et des moins bons. Et là je te parle du fond. Du fond des gens. L’humanité qu’on à tous et qui nous échappe parfois, au fil de la vie. Au détriment du stress et des envies, des attentes et mésententes. De ce qu’on nous montre à la télévision, de ce qu’on ne voit pas lorsque l’on voyage trop pour soi. De ce qu’on ne voit pas, peut-être, lorsque l’on a déjà une maison. Une vie bien remplie. Bien cadrée. Mais ce n’est pas mon cas… Ce n’est plus mon cas.
Ce soir (mercredi 11 février 2015) ça fait exactement 150 jours que je suis sur la route. En 150 jours j’ai fait certes quelques kilomètres, mais quelques rencontres également. Ainsi je t’ai parlé précédemment d’Hashim, dans le petit village soudanais de Wawissi. Mais je pourrais aussi te parler d’un autre monde: la Roumanie. Ah Timisoara et ses beaux immeubles communistes ^^! Ou encore mieux: la Moldavie!!! Là ce n’est pas que les immeubles qui sont communistes: c’est aussi le gouvernement! Et puis Zvezdet… en grimpant un col inondé à la sortie des Balkans. Un vieil homme m’invite. Sa maison: c’est incroyable qu’elle tienne encore debout! Et que dire, que penser d’Istanbul. Débarquer sous la pluie, en pleine nuit, dans cette ville gigantesque de 15 millions d’habitants. Ne plus se retrouver. Est-ce dieu qui l’a mise sur ma route? Et si tu n’y crois pas, c’est qui? En tout cas on s’est rencontrés et tout ce qu’elle m’a montré de sa ville à travers sa propre générosité, je ne l’oublierai. Et Ulas qui me vit en pleine nuit depuis sa moto. Je me trouvais dans cette station service façon Stephen King. Mais il me vît et 10 jours plus tard je dormais encore chez lui.
En quittant Khartoum
En quittant Hashim j’ai juste envie de dire merci à toutes les âmes de mon voyage. Que ce soit pour une simple nuit dans une station service moldave, 2 jours dans ce petit appartement, lucarne d’un grand immeuble de Timisoara, où 2 jours chez Hatef, tout au nord de l’Egypte. Village pauvre. Hathef égorge le boeuf pour gagner sa vie. Musulman, sa femme est voilée. Au début elle ne me disait pas bonjour. A la fin on faisait des plaisanteries à tour de rôle… Et on s’est presque fait la bise. Oui je sais ça paraît grotesque mais lorsque deux mondes se rencontrent et qu’il n’y a pas d’attentes et rien d’autre que le besoin, le besoin d’aider et celui de partager, je crois qu’il n’y a pas de raison de se chamailler.
Alors juste merci à ceux qui ont croisé ma route et qui l’espace d’un soir ou de quelques jours, ont mis leur travail, religion, richesse ou différence en retrait face à leur humanité. Une humanité belle et forte qu’ils m’ont partagé.
Il y a des moments difficile, dans un voyage comme celui-ci. Des réalité difficiles à accepter. Des misères sur lesquelles je suis parfois obligé de cracher. Des endroits où je ne me sens pas le bienvenue. Et d’autre où je ne le suis carrément pas.
Et si après 150 jours de route, je suis de plus en plus motivé, c’est certainement grâce eux! A toutes les âmes cachées de mon voyage.
Et, après 150 jours de route, je m’apprête enfin à quitter Khartoum. En suivant le Nil Bleu en direction des hauts plateaux d’Ethiopie. A la recherche de nouvelles sensations, de nouveaux kilomètres mais surtout, de nouvelles « âmes de Route ».
Olivier Rochat