Km 9538, Wad Medani, Soudan.
Le Nil, source de vie. Source d’espoir. Ou quand un pays dépend de lui. Je pense à l’Egypte et ses plus de 80 millions d’habitants qui se tassent presque uniquement à son long. Le long du désert. Le Nil, source des pyramides. Source des Oasis. Énorme dépotoir parfois. Pour moi énorme tout court.
Au matin du 85eme jour, et après près de 6000 km de route j’ai traversé le Nil, là même où il s’apprête à terminer sa course, sur les bords de la méditerranée. C’est un long chemin que j’ai parcouru pour y arriver mais qui pourtant reste inférieur au chemin que parcours le Nil. Cette incroyable fleuve qui prend forme au centre de l’Afrique pour terminer sa course près de 7000km plus loin. Un fleuve que je ne quitterai plus vraiment avant…. l’Éthiopie dans 2-3 mois.
En effet c’était le 7 décembre 2014. Aujourd’hui au soir du 14 février 2015 et donc plus de 2 mois plus tard, je le traverse une nouvelle fois:
Un dernier regard sur le Nil
3’500km après notre première rencontre, à Rasheed tout au Nord de l’Égypte, là où il s’en va dans la méditerranée, je traverse le Nil peut-être pour la dernière fois. En effet, je m’apprête à esquisser un petit virage sur l’Est alors que lui vient tout droit du Sud. A Khartoum il s’est séparé en deux: le Nil blanc qui remonte du sud jusqu’en Ouganda et le Nil bleu que je suis depuis hier. Ce dernier s’en va en Éthiopie où il prend forme au Lac Tana. Un lac que je retrouverai probablement dans quelques jours sur les hauts plateaux éthiopiens. De là-bas j’aurai le choix pour rejoindre Addis Abeba: la route du centre et ses très haut plateaux (3500m) ou celle du sud, de 200 km plus courte. Si je choisis cette route-là je le traverserai encore une fois, se faufilant entre les montagnes d’Éthiopie.
D’ici là je me dirige toujours gentiment à travers une savane poussiéreuse et polluée.
En route tout de même vers l’Éthiopie qui se fait de plus en plus proche.
3500 kilomètres avec le Nil quelque part autour de moi
Je l’ai aperçu pour la toute première fois le 7 décembre 2014, en arrivant à la tombée de la nuit dans la petite ville de Rasheed. Tout au Nord de l’Égypte, il s’apprêtait à se lancer dans la mer méditerranée. Pollué par la surpopulation qui habite dans le delta du Nil, il n’avait rien d’attrayant. Puis c »est au Caire, une semaine plus tard, que je l’ai retrouvé. Entouré de buildings il avait quelque chose de mythique même si toujours autant pollué, comme j’ai pu le voir une trentaine de kilomètres plus au Sud, à Elwan.
En choisissant de traverser l’Égypte par la route des Oasis je l’ai perdu de vue durant trois semaines, avant de le retrouver à Aswan, tout au Sud de l’Égypte. J’arrivais alors en Nubie. Beaucoup plus beau, beaucoup plus noble, ce fût un plaisir de le retrouver, là même où il se transforme en lac, le lac Nasser. Un lac qui marque la frontière entre l’Égypte et le Soudan.
Le Nil plus sauvage au Soudan
Quelques jours plus tard, en arrivant au Soudan, je l’ai retrouvé le long de ma route et cette fois je ne me suis pas contenté de le traverser. Je l’ai longé. Parfois sur des pistes (la route asphaltée étant située souvent à 2-3 kilomètres du Nil), j’ai aussi « bouffé du moucheron ». Effectivement c’est à des millions de moucherons que j’ai dû faire face. J’ai eu également mes premières canicules, la température grimpant jusqu’à 40°C en arrivant au centre du Soudan. Cela dit je dois bien dire qu’il avait l’avantage d’être beaucoup plus sauvage. Il ressemblais même au Nil beau et savoureux tel que je me l’imaginais. Je l’ai suivi ainsi sur environ 400 kilomètres et l’arrivée à Dongola.
En direction de Khartoum
Après la traversée des déserts de Nubie et de Bayuda, je l’ai de nouveau traversé à Atbara. Il venait d’esquisser un double lacet, remontant vers le Nord-Est. Dès lors je ne l’ai plus quitté jusqu’à Khartoum. Le voici à nouveau au centre d’une grande ville. De Khartoum, la capitale du Soudan. A nouveau source de vie. A nouveau source d’espoir. Le désert derrière moi mais devant lui. Lui qui remonte en direction du désert.
Et puis voici que je le traverse à nouveau. 200 kilomètres au Sud de Khartoum. A Khartoum il est devenu deux. Le bleu et le blanc. Le Nil blanc qui s’en vient de Sud-Soudan et de l’Ouganda. Le Nil bleu que je suis et qui s’en vient des hauts plateaux d’Ethiopie. Les hauts plateaux d’Ethiopie que je m’apprête à rejoindre. Par une autre route que lui. Par une autre route que le Nil. Et s’il y a une petite chance que je le retrouve à sa source, le lac Tana, ce soir ça fait 5 mois que je suis parti. Le temps passe et le temps change. Mais tout va de plus en plus vite… Le soleil s’incline. Un dernier regard sur le Nil. Source de vie. Moi je m’en vais en direction de l’Ethiopie.
Olivier Rochat