Km 7’407, Dahkla oasis, Egypte.
Après 9 jours dans le désert, j’arrive à Dakhla, au matin du 10ème jour. Déjà là, déjà plus de 800 kilomètres dans le désert… Et toujours, dans les oasis, le retour à la civilisation. Le retour à la végétation… Mais terrible ce matin j’ai la diarrhée! Déjà qu’avant hier j’ai du passer ma nuit chez les militaires…
Après 350 kilomètres vers l’ouest, mes premiers pas dans le Désert, ce fût Bawiti, mon premier Oasis. Le temps d’un poème. De la poésie parce qu’il en faut et parce que c’est ça, la liberté! La liberté du choix des mots malgré la violence de nos maux. Après j’ai repris ma route en direction de Farafra, le second oasis. 200 kilomètres, dans le désert à nouveau. Mais cette fois: à travers le Désert blanc! Indéfinissable instant que de profiter pédalant dans ce présent. Je prends un caillou dans ma main, le manie un peu, il me dirait peint. En le relâchant j’en retire une marque blanche sur ma paume. Puis c’est une vaste étendue de cailloux couleur sel qui m’entoure tout autour. La blancheur de celui-ci me paraît fausse. Elle ne l’est point. A Farafra j’ai rencontré John et sa fille. Mes premiers touristes depuis toujours sur ce continent et un peu de partage autour d’un feu. C’est qu’entre blanc on se comprend. Le lendemain, déjà sur la route, je pédalais à travers vent. Pris aux pièges car Prisonnier du désert. Ici rien ne sert de crier. A vélo si tu crèves tu crèves. Tu comprends? Je n’écrirai donc pas. D’où ces simple photos. Oui j’ai sorti l’appareil photo. J’ai photo. Mes premières vraies Dunes! Et puis j’suis remonté sur ma selle. Et j’ai vélo. Point! Me voici donc à Dakhla, le troisième oasis depuis le Caire. Bien loin bien loin d’une quelconque tranquillité.
En arrivant à Dakhla…
J‘ai pissé du cul toute la nuit… Ma première diarrhée. Une vraie de vraie. Toute la nuit à faire des allers- retours entre mon sac de couchage et le pied du bosquet, juste là-bas. Finalement c’est un bon mètre carré de champs que j’ai bousillé… Restera les mouches.
Ben voilà, hier soir j’ai enfin eu droit à ma première diarrhée. Tout à finis par se bloquer une fois que j’ai repris la route. Même pas besoin d’Imodium ou de je ne sais trop quoi… Demeure encore cet odeur d’oeuf pourris qui sort de mes tripes à chaque fois que j’esquisse l’ombre d’un petit rot.Bref… mon estomac n’a pas tout à fait encore récupéré. Me voici donc à Dahkla, troisième oasis et surtout, l’occasion de prendre un jour de repos, après 9 jours sur la route. Me voici vidé (j’essaie d’éviter de roter également…).
Je suis donc bel et bien en Afrique: plus de doute possible… En effet, après ma nuit au Stelvio, celles de Budapest, de la Transalpina, de la mer Noire puis d’Istanbul avant la mer Egée et sur les bords de la Méditerranée, il y eu celles d’Alexandrie, puis de la mer Rouge, du Caire et enfin celle du désert. Mais que dire devant ce fait accompli: MA PREMIERE NUIT CHEZ LES MILITAIRES.
Une nuit chez les militaires pour des photos
Il y a deux jours, alors que je traversais tranquille le désert, une voiture s’arrête à ma hauteur. Un homme, vêtu de vert militaire, l’uniforme fière et la tête haute, m’arrête. Pistolet sur la ceinture. 14ème contrôles depuis mon arrivée en Egypte. Je suis en règle, comme d’habitude. Mais cette fois j’ai le droit à une fouille de mon appareil photo. La quatrième…
Enfin, après quelques minutes à tritouiller mon appareil photo, l’homme, vêtu de vert militaire, m’adresse à nouveau la parole. Là, dans un anglais que lui-même ne comprend pas et sans me rendre on appareil photo, il m’indique d’aller l’attendre au prochain poste de police, 25 km plus loin. Lui s’en va dans l’autre sens, menaçant devant mon refus d’optempèrer. En effet il embarque mon appareil photo et s’en va je ne sais trop où.
Vent de face, je m’en vais donc l’attendre dans son foutu camp militaire, limité que je suis. Une fois au camp, deux heures plus tard, je raconte mon histoire à de bien trop jeunes militaire pour m’être d’une quelconque utilité. Personne n’est au courant de l’histoire mais me rassure-t’on: il n’y a pas de problème, juste une solution… Lol. J’aurai droit à manger et puis jouer à la game boy avec le chef…
Plusieurs heures plus tard, donc de nuit, l’homme vêtu de vert (un vert militaire disais-je…), arrive enfin. Et là: scandale!!! en effet, sur l’une de mes photos, on aperçoit une voiture militaire. Photo prise en plein milieu de la circulation cairote. Je pense qu’il lui a fallu toute l’après-midi pour repérer cette voiture. DELETE.
Et puis une autre où l’on aperçoit vaguement un mur au milieu du désert: c’est la prison d’Asyut! me dit-il!!! Lol… Asyut est à 500 bornes de là, je n’y suis jamais allé et je n’ai pas l’intention d’y foutre les roues.M’enfin bon s’il le dit… DELETE!!!
Bref…
Le lendemain matin je récupère mon appareil photo. Enfin. Avec une dizaine de photos en moins. Tout est bien qui fini bien! J’aurai même droit à un petit déjeuner et puis surtout: un selfie avec toute l’équipe! En plein milieu du camp militaire…
En direction du Nil et du Soudan
L’histoire veut que j’avais déjà enregistré ces photos sur mon ordinateur. Et que bien qu’effacée de mon appareil, je possédais donc un double (voir plus haut). L’histoire veut également qu’en réalité ma diarrhée n’a pas duré qu’un seul jour. Non mais trois, presque quatre. En tout trois jours déjà durant lesquels pas de quoi garder quoi que ce soit. Et puis la fièvre. Affaibli, assoiffé, j’ai logiquement du prolonger mon séjour à Dakhla, une fois que ma diarrhée fût calmée. Ce matin donc je reprends la route après jours cinq jours passé à Dakhla. Je repart en direction de Kharga, mon prochain oasis. Et puis ce sera le temps d’un dernier virage sur l’est pour quitter le désert et rejoindre, enfin, le Nil. En direction du Soudan.
Retrouver les cris du désert:
Chamaux, « Le Chamaux c’est le porteur d’eau, porteur de vie, porteur d’espoir malgré le noir des maux. Mot à mot, le chameau avance. Chameau patience. Chameau désert. Les maux s’en vont… »
Désert, « 2015 à l’horizon, sans toit mais toujours avec toi. Et puis bien sûr des buts pleins la tête puisque de toute façon t’as pas besoin de maison quand t’as l’horizon ! »
Oasis, « De la poésie parce qu’il en faut et parce que c’est ça, la liberté! La liberté du choix des mots malgré la violence de nos maux. Sans sang, sans maux, en à peine cent mots mais d’un trait. Le mien. Le mot de l’Oasis. Et photos du désert. Ma vie, mon intime, mon sentiment t’importe peu. Mais en poème c’est différent. »
Désert blanc, « Indéfinissable instant que de profiter pédalant dans ce présent. Je prends un caillou dans ma main, le manie un peu, il me dirait peint. En le relâchant j’en retire une marque blanche sur ma paume. Puis c’est une vaste étendue de cailloux couleur sel qui m’entoure tout autour. La blancheur de celui-ci me paraît fausse. Elle ne l’est point. »
D(‘)unes photo, « Me voici donc prisonnier. Prisonnier de mon être. Prisonnier des mes droits. Prisonnier des mes attentes. Prisonnier de mes rêves. Prisonnier de mon cri solitaire. Prisonnier de t’aimer. Prisonnier de ma solitude. Pris aux pièges car Prisonnier du désert. Car ici à vélo si tu crèces tu crèves! Tu comprends »
Olivier Rochat