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En direction du Haut Atlas

Km 58’225, Tinghir, Maroc.

Le voyage continue tranquillement au Maroc où, sans surprise car je m’y attendais c’est vrai, les paysages continuent d’illuminer mes journées.

les paysages continuent d'illuminer mes journées.

les paysages continuent d’illuminer mes journées.

Après la neige et la fraîcheur, c’est la chaleur et les oasis que je côtoie. En quelques sortes je passe des alpes au Sahara. Des sommets enneigés que sont le Siroua et Toubkal aux vallées caillouteuses peuplées d’oasis. Et, qui plus est, c’est en grimpant cols les uns après les autres que je passe d’un « style » à un autre sans vraiment crier gare.

c'est en grimpant cols les uns après les autres que je passe d'un "style" à un autre sans vraiment crier gare.

c’est en grimpant cols les uns après les autres que je passe d’un « style » à un autre sans vraiment crier gare.

Une piste très caillouteuse me mène à Ouarzazate où j’aperçois, surplombant les palmiers d’un oasis aux multiples kasbah traditionnel, une épaisse étendue de neige peuplant les sommets qui m’entourent. Puis, quittant Ouarzazate rapidement, trop touristique à mon goût, je m’embarque sur une vaste route au trafic inquiétant où les camions manquent tour à tour de m’écraser. Et rien ne s’arrange lorsque le vent se lève. Il me prend en pleine face et c’est tout en peine que j’arrive, juste après le coucher du soleil, au haut du tizi n tififft, à près de 1’700 mètres d’altitude. Là je m’abrite tant bien que mal derrière de gros cailloux. Le campement est rustique mais il fera l’affaire car, très important, il me protège du vent.

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Au matin ce dernier est tombé lorsque le soleil vient me frapper de toute sa luminosité dès les premières lueurs du jour.

Au matin ce dernier est tombé lorsque le soleil vient me frapper de toute sa luminosité dès les premières lueurs du jour. Une quinzaine de kilomètres de descente pour bien entamer la journée, une omelette berbère pour reprendre des forces, et me voici dans la vallée du Drâa, vallée mythique et touristique où se mélangent paysages de films, Maroc traditionnel dans les petits villages où j’arrivent un tant soit peu à m’égarer, et développement touristique où je croise bon nombre de camping-cars, cycliste en vacance et de nombreux hôtels et campings pour tous les goûts. Stupéfaction ! Je découvre même une piste cyclable.

la vallée du Drâa

la vallée du Drâa

Mais dès le lendemain c’est une toute autre ambiance qui m’accompagne lorsque je me lance à l’assaut du Tizi N’Tazazert, un col culminant à plus de 2’200 mètres d’altitude. En effet je retrouve une piste qui, sur une trentaine de kilomètres, zig-zag à travers la montagne. Les 15% derniers kilomètres sont difficiles avec quasiment 1’000 mètres de dénivelé positifs mais la pente régulière est fabuleuse. Les paysages secs et caillouteux sont fabuleux eux aussi et, à mesure que je grimpe, les vues sont de plus en plus belles.

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Les 15% derniers kilomètres sont difficiles avec quasiment 1’000 mètres de dénivelé positifs mais la pente régulière est fabuleuse.

Je passerai ma nuit au sommet du col, avec une vue de « toit du monde ».

Je passerai ma nuit au sommet du col, avec une vue de "toit du monde".

Je passerai ma nuit au sommet du col, avec une vue de « toit du monde ».

Seule ombre au tableau: cette fine poussière, sorte de brume, qui bouche totalement l’horizon depuis une dizaine de jours. Si le ciel reste bleu jour après jour, la visibilité -au niveau de l’horizon- est très faible. Les montagnes voisines disparaissent sous la fine couche poussiéreuse, extrêmement lumineuse, qui bouche les vues et couchers de soleil.

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Des problèmes de riches, vous en conviendrez.

Les paysages marocains continuent sans cesse de m’éblouir.

Olivier Rochat

Sur les pistes du Djebel Siroua

Km 57’876, Anezal, Maroc.

Des paysages à n’en plus finir, aussi changeant que fantastique, un accueil tout aussi fabuleux, une piste traversant la montagne comme le font les sentiers, quelques rivières à traverser, quelques heures à pousser… Bref, les derniers jours au Maroc ont été fantastique. Plus encore qu’ils ne l’avait été jusque là.

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les derniers jours au Maroc ont été fantastique. Plus encore qu’ils ne l’avait été jusque là.

Dans le classement des pays les plus touristiques d’Afrique dominé par les pays d’Afrique du nord et australe le Maroc arrive, avec plus de 10 millions de touristes -2015- et selon de nombreuses sources, en première position. Devançant notamment l’Afrique du sud et l’Égypte cette situation était difficilement imaginable il y a quelques années encore. Mais si le tourisme égyptien a beaucoup souffert du printemps arabes et du terrorisme grandissant dans la région, le Maroc a su éviter ces problèmes là et, au vu de ses multiples visages -mers, océans, montagnes déserts, oasis etc…- et ainsi que de son emplacement géographique, à deux pas de l’Europe pour ainsi dire, il n’y a rien d’étonnant à cela. Le pays tout entier semble miser sur le tourisme, s’organiser là autour pour montrer au monde entier sa stabilité politique, ses milles trésors naturels, sa richesse culturel ainsi que sa puissance économique. Villes et villages sont propres et électrifiées, la majorité des routes sont goudronnées, des bâtiments neufs poussent ici et là et l’impression de croissance économique que je découvre au Maroc, je ne l’ai découvert nulle part ailleurs en Afrique.

 

Pourtant je l’avoue, si j’ouvre un guide touristique un jour, c’est plutôt pour y lire où ne pas y aller. Pour faire court, plus un lieu est mis en avant, plus je vais avoir tendance à l’éviter, préférant la tranquille authenticité des lieux qui ne figurent sur aucun guide mais, tout au plus, sur une bonne carte routière. Là où la spontanéité est au centre des rencontres et la beauté d’un paysage ou d’un village arrive lorsqu’on ne s’y attend pas forcément.

la tranquille authenticité des lieux qui ne figurent sur aucun guide mais, tout au plus, sur une bonne carte routière.

la tranquille authenticité des lieux qui ne figurent sur aucun guide mais, tout au plus, sur une bonne carte routière.

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Certes il y a eu quelques exceptions durant mon voyage, dont pour la plupart je ne garderai pas grand souvenir -j’y ai vu pas vécu-, et ce sera encore le cas ici au Maroc.

Mais jusque ici ma découverte du Maroc, et particulièrement de l’Atlas, c’était fait belle et sympathique. Ces derniers jours elle est devenue plus fantastique encore. Loin, très loin, des itinéraires les plus touristiques.

jusque ici ma découverte du Maroc, et particulièrement de l'Atlas, c'était fait belle et sympathique. Ces derniers jours elle est devenue plus fantastique encore. Loin, très loin, des itinéraires les plus touristiques.

jusque ici ma découverte du Maroc, et particulièrement de l’Atlas, c’était fait belle et sympathique. Ces derniers jours elle est devenue plus fantastique encore. Loin, très loin, des itinéraires les plus touristiques.

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De retour sur les pistes

En quittant Taliouine, capitale proclamée du safran, je quitte la route principale et me dirige sur Askaoun, un village perché à quasiment 2’000 mètres d’altitude. Situé au pied même du Djébel Siroua, point culminant de l’anti-atlas (3’300 mètres d’altitude) et au sud-est du djébel Toubkal, plus haut sommet marocain (4’167 mètres) qui m’annonce mon arrivée prochaine dans le haut atlas, Askaoun n’est pas bien grand mais offre de nombreux points de vues sur les montagnes qui l’entourent. Malheureusement lorsque j’y arrive l’horizon est complètement bouché par une fine poussière, tel que c’est également le cas en Afrique subsaharienne lors des saisons sèches.

Mais ce soir il y a match, les habitants me sont sympathiques, aussi je passerai ma nuit dans le village, posant mon matelas dans un café après sa fermeture. Ce soir l’Espagne étrille l’Argentine comme jamais et le Maroc se rassure avec une victoire maîtrisée sur l’Ouzbékistan.

ce soir il y a match, les habitants me sont sympathiques, aussi je passerai ma nuit dans le village

ce soir il y a match, les habitants me sont sympathiques, aussi je passerai ma nuit dans le village

Et puis Askaoun retrouve sa tranquillité, la fraîcheur de ses nuits printanières. Et je m’endors les jambes lourdes par les près de 2’000 mètres de dénivellation positives de ma journée.

Au matin, l’horizon est encore plus voilé que la veille et je décide de rester encore, espérant le retour du ciel bleu. Mais, s’il ne viendra pas aujourd’hui, c’est Abdellah, dit Mike, déjà rencontré la veille dans l’un des quelques cafés du village, qui m’interpelle.

« Pourquoi ce drapeau mauritanien accroché à ton vélo ? » me demande-t-il.

« Oh pourquoi pas. Je pédale en Afrique depuis quelques temps. Le Maroc, le Sénégal, la Gambie, Sierra Leone, Ghana, Guinée et quelques autres encore. 33 pays en tout. Et maintenant le Maroc. Je rentre en Europe », en montrant tour à tour les autocollants qui décorent, dans un désordre profond et colorés, mon vélo.

c'est Abdellah, dit Mike, déjà rencontré la veille dans l'un des quelques cafés du village, qui m'interpelle.

c’est Abdellah, dit Mike, déjà rencontré la veille dans l’un des quelques cafés du village, qui m’interpelle.

S’engage alors une discussion qui en amènera bien d’autre avec ce jeune et fière retraité qui connaît l’Afrique politique et géographique comme très peu la connaisse. Finalement je passerai deux nuits supplémentaires à Askaoun, profitant d’explorer un peu des collines entourant Askaoun et du Souk hebdomadaire qui a lieu tous les jeudis. Soudain le village se remplit de vie, les quelques rues se chargent de stands d’oranges, de chaussures, d’outils en tout genre, d’épices délicieuses, de pâtisseries marocaines et les cafés se bondent de monde comme rarement. Le souk, c’est un peu l’événement de la semaine.

Et moi je le découvre avec plaisir, puis me laisse bercé par les histoires interminable de Mike qui m’explique la politique marocaine, le football, la musique tout en m’empêchant de payer ne fût-ce que mon café.

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C’est peut-être en entrant chez l’habitant que l’on commence à s’imprégner d’une culture, la vivre et la partager. Que c’est lorsque l’aventure devient avant tout humaine que l’on se sent le plus humain, justement. Et que ses rencontres surgissent de nulle part, me prenant au dépourvus, faisant d’un vagabond un être à part, celui qui est bienvenu.

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Avant de disparaître dans le précipice du temps qui passe. Et de nos différences. Éphémères mais authentique. Je ne suis que celui qui passe, les rencontres n’y sont que plus magique.

En quittant Mike et sa famille qui m’accueillirent deux jours durant, je retrouve très vite ma tranquillité animale, seul au milieu de quelques sommets qui m’entourent, poussant difficilement mon vélo chargé d’eaux et de nourritures pour gravir le prochain col, à plus de 2’500 mètres d’altitude. Des ruisseaux caillouteux viennent tour freiner mon avancée déjà bien lente alors qu’un troupeau de mouton s’enfuie à ma vue et le Toubkal, lointain, surgit tant bien que mal au fond de ce voile poussiéreux qui ferment l’horizon.

seul au milieu de quelques sommets qui m'entourent

seul au milieu de quelques sommets qui m’entourent

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La piste est rude, remplie de cailloux qui font sauter mes roues à chaque mètre. Une voiture aura bien du mal à passer par ici. Un bon 4X4 ne suffit pas, il faut un bon conducteur également. Peu importe, je n’en apercevrai pas une seule, seul deux hommes, assis au dos de leur ânes respectif, croiseront ma route. Le temps d’un bonjour, de quelques mots d’amazigh volé à Mike qui me les as offerts le soir précédent. Puis d’un au revoir.

La piste est rude, remplie de cailloux qui font sauter mes roues à chaque mètres

La piste est rude, remplie de cailloux qui font sauter mes roues à chaque mètre

Enfin je redeviens animal, quelques temps encore, quelques kilomètres à peine. Avant de redevenir homme enfin, à l’approche du goudron. Et de passer ma nuit sur les pentes du djébel Siroua.

Et de passer ma nuit sur les pentes du djébel Siroua

Et de passer ma nuit sur les pentes du djébel Siroua

Inconnu face à des inconnus, on m’offre une miche de pain dans ce village où je remplit mes bouteilles d’eau. On m’offre une brique de lait (!) lorsque je ne demande rien d’autre qu’à dire bonjour.

on m'offre une miche de pain dans ce village où je remplit mes bouteilles d'eau

on m’offre une miche de pain dans ce village où je remplit mes bouteilles d’eau

Et ce matin, le ciel s’est éclairci.

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Mi-animal mi-humain, je m’évade encore un peu au regard des montagnes qui m’entourent et se dévoile enfin.

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Olivier Rochat

 

Première neige

Km 57’742, Taliouine, Maroc.

Je rêvais de retrouver montagnes, je suis servi.

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Je rêvais de retrouver montagnes, je suis servi.

En effet depuis 650 kilomètres que je pédale dans l’Atlas je cumule les cols les uns après les autres. Au fond de gorges étroites où se cachent oasis d’où l’on sort par une route serpentant falaises, au haut de plateau rocailleux où le vent souffle tout, côtoyant quelques proches sommets où la route serpente comme elle le peut où elle le peut et l’air y est glacial, accompagné par les amandiers en fleurs puis par les palmeraies, paysages et flores varient inlassablement, m’offrant tour à tour quelques uns des 1’000 villages du Maroc.

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accompagné par les amandiers en fleurs puis par les palmeraies, paysages et flores varient inlassablement

Pourtant depuis hier une situation retient mon attention plus que d’accoutumée: la neige.

Cette neige que j’aperçois, de loin certes, avec un amusement non dissimulé. Après celle du Kilimandjaro (Tanzanie) puis les quelques flocons du Malhasela pass (Lesotho), c’est la troisième fois que j’en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain. Mais si la beauté des sommets enneigés m’attire vers elle, c’est aussi le froid qu’il me faut affronter.

c'est la troisième fois que j'en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain.

c’est la troisième fois que j’en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain.

Pourtant bien loin des extrêmes, les températures restant constamment positives, me voici vêtu de gants, bonnets, chaussettes, écharpes et vestes chaudes pour affronter ce climat qui, bien que plus doux que celui d’où je viens et avait l’habitude de pédaler (les alpes), ne m’est plus du tout familier. Mais alors plus du tout.

Durant la majorité de mes 40 mois passés en Afrique climats et paysages furent répétitif mais marqué par une variante principale : saison sèche et saisons des pluies. Seules quelques exceptions sont venues casser la routine alors que j’ai eu droit, en tout et pour tout, à une dizaine de nuits de gels, toutes durant l’hiver australe lors de mes excursions de différents plateaux ou massifs montagneux en Tanzanie, Malawi, Lesotho, Afrique du sud ou Namibie (record-7°C à Windhoek, Namibie, juillet 2016).

Si les Afrique de l’est et australes sont composées de nombreux plateaux d’altitude où les nuits sont parfois très fraîches, cette sensation de répétition fût bien plus réel lors des 18 derniers mois, partagés entre Afrique de l’ouest et Afrique centrale, régions quasiment dépourvues de montages et de plateaux d’altitude où les températures ne varient que peu de saisons en saisons. Il m’a fallu plus de 9 mois en Afrique de l’ouest pour utiliser pour la 1ère fois mon sac de couchage..

Dans certains pays tropicaux l’amplitude thermique est quasi nulle, de quelques degré à peine. Du mois le plus chaud au mois le plus froid, la différence moyenne n’excède pas 5°C, parfois moins, alors que la nuit la plus froide de l’année sera d’à peine 20 degré de moins que la journée la plus chaude.

Si les régions désertiques, tels le Sahara que je viens de traverser, peuvent subir d’importantes amplitudes thermiques, ce ne fût pas comparable à cette traversée de l’Atlas où je ne sais jamais comment m’habiller entre la fraîcheur des sommets et la canicule des vallées les plus basses. Sur une journée il m’arrive de passer du tout au tout à plusieurs reprises.

Il me faut quelques jours, là encore, pour me familiariser avec cette nouvelle réalité.

Pour accélérer mon adaptation je décide de rester quelques jours à Igherm, petite ville de l’anti-atlas qui culmine à plus de 1’700 mètres d’altitude.

Là-haut les températures y sont bien plus fraîches qu’au fond des vallées et, si elles ne sont pas glaciales, elles restent constamment fraîches et la sensation de froid est d’autant plus renforcée par le vent qui balaie ces montagnes et par le fait qu’il n’y a pas de chauffage. Si j’ai froid dehors, j’ai aussi froid dedans. Les douches avec de l’eau glacée peuvent s’avérer bien pénible et, paresseux devant ce froid, j’écourte ma lessive les mains complètement glacée avant de partir me réchauffer avec un café sur la place principale de cette petite ville bien tranquille, toujours vêtu d’une veste que je n’oterai pas, même pour dormir.

Peu à peu je m’acclimate à ce nouveau mode de vie qui me pousse, à m’adapter en permanence au climat changeant des montagnes. D’un climat répétitif je passe à celui très changeant des montagnes et redécouvre à la fois la beauté si prenante à mes yeux des montagnes et la réalité qui l’accompagne : cette beauté se mérite.

 

Mais c’est une réalité qui me convient bien, me tient vivant, me pousse à avancer tout en trouvant un équilibre, même précaire, entre l’effort des montées et le réconfort des descentes tout en profitant du liant qui accompagne ces deux états : la beauté des paysages.

Les montagnes paraissent éternels et pourtant elles changent en permanence. Chaque état semble éphémère.

Si je ne retrouve pas là la rudesse des climats alpins, j’y retrouve beauté et plaisir qui me portent à cette sensation, la plus belle, que le plus beau col qui existe, c’est celui que je suis en train de grimper.

Tout simplement.

Puisque aujourd’hui est le plus beau jour de ma vie. Et que demain le sera aussi.

Ni drogues ni médicament, pédaler dans les montagnes est avant tout un état de fait et je l’aime ainsi. L’Afrique m’a appris à apprécier d’autres modes de vies sans pour autant m’oter le plaisir des montagnes.

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c’est la troisième fois que j’en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain.

Olivier Rochat

Maroc: retour dans les montagnes

Km 57’545, Tata, Maroc.

Après la traversée aussi rapide qu’inattendue du Sahara occidental, dernière partie du Sahara où le vent nous aura poussé sans cesse, nous abordons un monde tout à fait différent de ceux traversés ces derniers mois et l’un des plus attendus de tout mon voyage : l’Atlas.

nous abordons un monde tout à fait différent de ceux traversés ces derniers mois et l'un des plus attendus de tout mon voyage : l'Atlas.

nous abordons un monde tout à fait différent de ceux traversés ces derniers mois et l’un des plus attendus de tout mon voyage : l’Atlas.

En quelques mots

L’Atlas est un massif montagneux de l’Afrique du nord. Cette chaîne de montagnes s’étend sur près de 2’500 kilomètres traversant trois pays du Maghreb : le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Culminant à 4 167 mètres d’altitude par son sommet le plus haut, le Djebel Toubkal, situé au Maroc, il reste l’une des régions habitées les plus froides d’Afrique ( avec le Lesotho ???) où la neige y es saisonnière durant des hivers parfois glaciaux où cette dernière peut venir recouvrir certains oasis en bordure du Sahara. Il sépare la méditerranée du Sahara et, pour retrouver « mon » Europe et terminer ce voyage, j’ai décidé de le traverser de longs en large, cumulant les cols aux quotidiens pour quelques 3’000 kilomètres de montagnes prévu.

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pour retrouver « mon » Europe et terminer ce voyage, j’ai décidé de le traverser de longs en large, cumulant les cols aux quotidiens pour quelques 3’000 kilomètres de montagnes prévu.

Nous changeons de monde

Forcément, je change de monde et d’atmosphère, retrouvant très vite mes « bonnes » vieilles habitudes laissées par chez moi dans les Alpes.

Pourtant, et malgré l’excitation qui me gagne à mesure que s’approche l’Atlas, il me faudra plusieurs jours pour réellement « atterrir » dans un pays extrêmement différents de tout ceux que j’ai traversé en Afrique.

ce sont maintenant d'énormes dunes qui suivent la route sur plusieurs dizaines de kilomètres

La traversée du Sahara fut fabuleuse dans un premier temps, en Mauritanie

La traversée du Sahara fût fabuleuse dans un premier temps, en Mauritanie, puis, avec 1’300 kilomètres parcourus en dix jours dans l’une des régions les plus ennuyantes que je n’ai jamais traversée, très rapide et lente à la fois, tant le vent nous poussait, les distances étaient longues entre chaque village et rencontre et les paysages n’évoluaient pas. Mais très vite le Maroc nous invite à le découvrir. Nous retrouvons là un pays bien plus développé où l’électricité y es constante, les marchés sont bondés de fruits, de légumes, d’épices et de tout produits aussi goûteux que bon marché. Très vite le Maroc m’apparaît comme un pays qui se « modernise » à toute vitesse, où les industries en tout genre, textiles, alimentaires et j’en passe, semblent fleurir à travers tout le pays. Un pays qui avance à toute vitesse dans un continent qui parfois semblent presque reculer, ou du moins avancer bien lentement. Rien ou presque ne ressemble aux récits de mon père qui le visitait voici plusieurs années, si ce n’est ces paysages fantastiques, l’importance de la religion ou ces djellabas que l’on porte, tel celle qu’il nous ramenait en souvenir.

Au fond, suis-je toujours en Afrique ???

La question prend même plus de sens lorsque, souvent, devant mon voyage accomplis, les marocains viennent à me demander : « Alors l’Afrique, c’est comment? »

« L’Afrique? Mais c’est ici l’Afrique mon ami! »

 

Oui, l’Afrique est un continent dont les frontières géographiques restent indiscutable, contrairement à d’autre, et le Maroc, tout comme le reste du Maghreb dans lequel j’entre pour la première fois, en fait aussi partie.

son climat à saisons chaudes puis froides où les hivers sont formés de nuits plus longues que celles des étés qui suivent

son climat à saisons chaudes puis froides où les hivers sont formés de nuits plus longues que celles des étés qui suivent

Mais sa culture, son développement, son climat à saisons chaudes puis froides où les hivers sont formés de nuits plus longues que celles des étés qui suivent, son mode de vie qui, comme me le rappelle parfois Pedro, est très proche de celui pratiqué le long des côtes méditerranéenne, son architecture ou encore ses nombreux oliviers me rappellent plus à l’Europe qu’au reste de l’Afrique. Sans parler de ces innombrables camping-cars qui viennent peupler le Maroc, lui même leur facilitant bien la tâche ( aux touristes) il est vrai. Les caravanes de chameaux que nous apercevions hier en Mauritanie, les yeux bien écarquillés, sont maintenant remplacées par celles de touristes venus profiter de la douceur climatiques et l’énorme offre touristique qu’offre le Maroc. Son climat, son organisation, son « coût de la vie », sa proximité à l’Europe, ses milles visages aussi fascinant les uns que les autres, justifie cela. Et si je m’avoue sans peine avoir un certains mal avec ces rassemblement de masses, je les respectes et les comprends. Mais qu’on se le dise, et si le terme me sied à merveille depuis plus de 3 ans car je n’en suis qu’un moi aussi, je suis toujours le même touriste. Mais d’une certaine manière, de voyageur je deviens vacancier. Ou du moins, c’est tel que je le ressens.

 

Et si les facilités qu’offre cette modernité, que ce soit par son électricité, ses routes goudronnés même pour les moins que secondaire, ou ses marchés où manger varié devient enfin plus facile que son contraire -surtout devant les prix affichés-, que cette  » modernité  » à quelque chose d’excitant dans un premier temps, elle vient vite m’ôter sens à mon voyage. Le confort et la facilité, je le trouve, ont quelque chose de bien lassant. Celle de transformer l’extraordinaire en banal alors que l’Afrique noire et justement, avec toute sa rudesse et sa misère couplée aux sourires et l’espoir de la majorité, est venu m’offrir son contraire. Faire d’un banal un événement. Une chose à première vue facile se transforme parfois en véritable expédition (j’exagère mais à peine) alors qu’une tâche à priori compliquée peut elle devenir la plus facile de toute. Imprévu va de paire avec Afrique, mais au Maroc c’est un peu différent. Là où je me rend compte avoir changé c’est qu’il yca 4 ans encore, alors que je n’avais jamais quitté l’Europe, mettre les pieds au Maroc me serait apparu comme quelque chose de très exotique. Mais après ce voyage, j’ai l’impression d’être tout proche de moi. Ce qui est une réalité vous en conviendrez.

Dans les faits c’est d’une nostalgie certaine que je passe mes premiers jours au Maroc.

Et puis, après quelques temps, je finis par atterrir. Par rentrer dans ce Maroc, par le vivre. C’est Abdeladhi qui, le premier, m’invite chez lui.

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C’est Abdeladhi qui, le premier, m’invite chez lui.

Abdeladhi me suit sur facebook et c’est par ce réseau social là qu’il nous propose de nous arrêter chez lui, à Guelmim, ville présentée comme porte du Sahara, droit sur notre route. La rencontre tombe à pic car Pedro a cassé sa pédale et c’est à l’arrière d’un 4X4 que nous pénétrons Guelmim attendu, déjà, par Abdeladhi et un de ces amis.

Je découvre un jeune homme qui, 2 jours durant, va nous choyer sans que nous le demandions. Nourritures, eaux chaudes et réparations matériels, tout est bienvenu mais plus que tout encore c’est sa personnalité qui me touche puisqu’il me plonge dans un monde que je côtoie moi aussi, forcément, mais que je ne m’attendais pas à découvrir ici: le voyage à vélo. Abdeladhi prépare lui aussi un tour d’Afrique à vélo et avec lui je découvre avec surprise -et plaisir- un peu de là communauté cycliste marocaine grandissante. Du haut de ses 20 ans – qu’il ne fait pas du tout – il me bombarde de questions et me renvoie à quelques années en arrière lorsqu’encore l’Afrique à vélo n’était qu’un projet lointain que j’abordai avec crainte, espoir, appréhension et fascination.

Je découvre un jeune homme qui, 2 jours durant, va nous choyer sans que nous le demandions

Je découvre un jeune homme qui, 2 jours durant, va nous choyer sans que nous le demandions

En quittant Abdeladhi, nous quittons également le Sahara et, pour la première fois depuis début février, nous apercevons des arbres: des oliviers côtoient notre route alors que se dresse ici et là plantations de tomates et autres légumes. Au nord du Sahara nous débutons cette longue, difficile et merveilleuse traversée de l’Atlas que je vais diviser en trois partie: le moyen atlas au nord, le haut atlas au centre où les sommets sont les plus hauts, et l’anti-atlas au sud, plus chaud et abordables en cette saison car le printemps y a déjà débuté. Logiquement, c’est celui-ci que nous abordons en premier.

L'anti-atlas au sud, plus chaud et abordables en cette saison car le printemps y a déjà débuté. Logiquement, c'est celui-ci que nous abordons en premier.

L’anti-atlas au sud, plus chaud et abordables en cette saison car le printemps y a déjà débuté. Logiquement, c’est celui-ci que nous abordons en premier.

Dès les premières vallées je me sens happé par ces montages qui nous entourent, sèches et rocailleuses. Et si les journées sont agréables, bien vite les nuits se rafraîchissent et les bivouacs se font dans une fraîcheur piquante au matin.

Dès les premières vallées je me sens happé par ces montages qui nous entourent, sèches et rocailleuse

Dès les premières vallées je me sens happé par ces montagnes qui nous entourent, sèches et rocailleuses

Les premières rencontres sont difficile. On nous refuse de planter nos tentes aux pieds des maisons et des mosquées, les rares auberges sont toutes fermées et c’est d’un air distant, très distant même, qu’on nous observe. On nous invite clairement à dormir hors des villages puis notre route s’enfonce dans un canyon étroit où se cachent des oasis en flanc de falaises.

On nous invite clairement à dormir hors des villages

On nous invite clairement à dormir hors des villages

 

Pour nous mener au haut de ces derniers, la route s’y tortille comme rarement, esquissant des virages en épingles impressionnant, longeant des falaises où la chute serait mortelles, sur des pentes qui, bien souvent, dépassent allègrement les 10%. Mais, pas à pas, sûrement, nous montons.

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la route s’y tortille comme rarement, esquissant des virages en épingles impressionnant, longeant des falaises où la chute serait mortelles, sur des pentes qui, bien souvent, dépassent allègrement les 10%.

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Nous voici maintenant sur un plateau ou le vent nous balaie et le froid est de mises. Des oasis nous passons à la montagne, et l’opération se répète encore et encore. Les villages se font rares et semblent dormir lorsque nous les traversons. Dorénavant, chaque virage nous réserve son lot de surprise. En 5 kilomètres nous changeons plusieurs fois de paysages, des oasis aux champs d’amandiers en fleurs.

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Des oasis nous passons à la montagne, et l’opération se répète encore et encore.

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Nous campons dans une froideur nouvelle puis sommes invité par Hassan avec qui nous découvrons accueil et simplicité. Nous comprenons vite que la distance des premiers jours n’étaient que passagère, presque accidentel. Les sourires et la vie reprennent gentiment le dessus, puis nous atteignons la « haute montagne » et la fraîcheur qui la caractérise bien souvent.

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nous atteignons la « haute montagne » et la fraîcheur qui la caractérise bien souvent.

L’air y est frais et vif, beau et cruel à la fois. En montagne, la beauté se mérite mais s’apprécie encore plus. Le temps n’est jamais au fixe et une matinée ensoleillé peut facilement
se transformer sous une grisaille et la pluie, voir la neige, en un instant. Le climat éphémère se mélange avec l’immortel immensité de ces montagnes. Les montagnes changeant constamment, de saisons en saisons, parfois de jours en heure, elles se vêtissent de tout habit, passant d’une robe blanche aux étendues de fleurs.

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d’une robe blanche aux étendues de fleurs.

 

Très vite je me retrouve dans mes habitudes alpines d’alors, mélangeant les genres constamment. Les kilomètres ne rythment plus notre avancée, ce sont les ascensions qui le font. À moins de 10 kilomètres à l’heure pour parfois plusieurs heures, nous atteignons les cols. Puis les redescendons au-delà des 50. Enfin nous recommençons l’opération dans des paysages qui passent du tout au tout en permanence. L’effort des montées, où le corps travaille sans discontinuer, ne fait que précéder le réconfort des descentes, où seul les mains travaillent un tant soit peu, activant les poignées de freins pour ne pas sombrer dans les virages.

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dans des paysages qui passent du tout au tout en permanence.

Les yeux, finalement, sont les seuls à être actif de long en large de ces journées fascinantes de beauté.

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Les yeux, finalement, sont les seuls à être actif de long en large de ces journées fascinantes de beauté.

Finalement, au sommet d’un énième col, en émerveillement, une lointaine chaîne de montagne se dresse en face de moi. Plus de cent kilomètres à vol d’oiseau nous en sépare mais la claireté de l’air nous offre un peu de sa beauté. De ses sommets enneigé qui me font vite comprendre qu’il s’agit là du djébel Toubkal, le toit du Maroc. Et si ses neiges n’y sont éternels, la fraîcheur de la saison leur permet de résister au printemps qui s’amène jour après jour. De fait l’hiver, là haut, n’est pas tout à fait terminé. Et, après 4 ans sans printemps, ces neiges là ont tout, absolument tout, de l’éternel. À commencer par les températures et le froid qui nous glace, nous poussant à changer de direction. C’est simple, une fois au carrefour et plutôt que de remonter vers le nord, nous descendons vers le sud. Déjà nous filons à vive allure, poussé par ce vent qui nous freinait hier encore. Les températures montent à nouveau, la vallée s’élargit, d’un orange brunâtre les falaises qui nous côtoient passe aux roses violacés alors qu’au milieu de rien un arbre survit. Solitaire. Il faut plusieurs kilomètres pour en apercevoir d’autre.

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Dès sommets enneigés aux oasis ensoleillés, l’Atlas marocain mélange les genres comme rarement

Enfin des campings refont surfaces à l’approche des premiers oasis. Le Sahara pointe à nouveau le bout de son né. Dès sommets enneigés aux oasis ensoleillés, l’Atlas marocain mélange les genres comme rarement et c’est dans ces conditions que je passe mes derniers jours en compagnie de Pedro.

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je passe mes derniers jours en compagnie de Pedro.

Après plus de deux mois ensemble, une page se tourne encore. Une autre s’ouvre. Et c’est en grimpant que je compte bien l’écrire…

Habité ce matin d’un léger pincement au cœur, je retrouve ma solitude.

Olivier Rochat

Sirocco, la bal(l)ade saharienne

Km 56’769, Tah, Maroc.

Voici un (long) récit de mes derniers kilomètres au Sahara dans le possible dernier pays africain de mon voyage, le Maroc. Plus encore, au Sahara occidental.

« Là ou le Sahara rencontre la mer, l’océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons. »

"Là ou le Sahara rencontre la mer, l'océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons."

« Là ou le Sahara rencontre la mer, l’océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons. »

Nous pensions y passer 20 jours, peut-être 25. Nous rêvions d’en passer 15, tout en craignant d’en passer 30.

« Le vent décidera! », nous le savions. Lui qui balaye le grand désert en quasi permanence, il décidera de notre avancée. Nous devrons nous y adapter. Nous en formaliser. Dans ces régions particulière comme l’est le Sahara, à la merci des distances et du vent, c’est ce dernier qui contrôle, c’est lui qui décide. Nous, nous nous adaptons. Nous faisons avec. Quitte à attendre pour cela.

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Dans ces régions particulière comme l’est le Sahara, à la merci des distances et du vent, c’est ce dernier qui contrôle, c’est lui qui décide.

Après 30 jours en Mauritanie, nous quittons cet époustouflant pays, magnifique à de nombreuses reprises et qui nous aura été accueillant jusqu’au dernier jour. Après l’éreintant voyage en train, nous rejoignons, sale et fatigué, Nouadhibou, à l’extrême nord de notre périple mauritanien, 50 kilomètres au sud de la frontière. Nous rejoignons aussi la côte Atlantique et, après 2 jours de repos incroyablement bienvenu chez Mohamed et sa famille ( mais quel accueil !), nous attaquons l’une des parties réputées les plus compliquées de mon voyage : la traversée du Sahara occidental du sud au nord. Soit 1300 kilomètres de désert, le long de l’Atlantique balayé par un vent qui, la grande majorité du temps, souffle du nord et parfois très fortement. Nous nous préparons donc à rouler contre le vent, comme tout le monde nous l’indique, pour plus de 1’000 kilomètres.

nous quittons cet époustouflant pays, magnifique à de nombreuses reprises et qui nous aura été accueillant jusqu'au dernier jour.

nous quittons cet époustouflant pays, magnifique à de nombreuses reprises et qui nous aura été accueillant jusqu’au dernier jour.

En recherche d’indépendance

Le Sahara occidental est une région, un pays même, très particulier. Reconnu comme  » territoire non-autonome » par l’ONU, sous gouvernement marocain depuis 1976, ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental se situe au sud du Maroc, au nord de la Mauritanie et partage une courte frontière avec l’Algérie à l’est. L’ouest du pays est longé par l’océan Atlantique et sa ville principale, Laayoune, se trouve juste en face des îles canaries. Sa superficie est plus grande que celle du Royaume-Uni mais, peuplé d’à peine un demi-million d’habitants, le territoire deviendrait le second pays le moins densément peuplé au monde en cas d’indépendance, juste derrière la Mongolie. La région est à l’origine peuplée de nomades, les sahraouis, en conflit depuis plus de 40 ans avec le Maroc pour ce territoire qu’ils revendiquent le leur sous le nom de « République arabe sahraouie démocratique (RASD) », via le Front Polisario. Celui-ci est un mouvement dont l’objectif est l’indépendance totale du Sahara occidental, revendication soutenue par l’Algérie. Devenu un enjeu global illustrant la rivalité entre le Maroc et l’Algérie, le dossier saharien bloque toujours la construction de l’Union du Maghreb arabe (UMA).

Aujourd’hui la majorité du pays est gouvernée par le Maroc qui administre et contrôle environ 80 % du territoire, tandis que le Front Polisario en contrôle 20 % laissés par le Maroc derrière une longue ceinture de sécurité, le « mur marocain » devenu aujourd’hui la frontière de facto, plusieurs centaines de kilomètres à l’intérieur des terres. De nombreuses mines « peuplent » cette frontière.

Mais soyons clair, une fois la frontière traversée, nous sommes bien au Maroc. Les imposants drapeaux marocains brandits un peu partout où poussent des bâtiments nous le rappellent. Le tampon d’entrée est bien un tampon marocain et c’est de « bienvenue au Maroc » que nous accueille la police. La route que nous empruntons, la seule qui traverse le Sahara occidental dans son ensemble, est sous contrôle totale du Maroc. En y entrant, j’entre là dans ce qui pourrait bien être le dernier pays africain de mon voyage (?), le 33ème, j’ai nommé: le Royaume du Maroc !

 

La région est à l'origine peuplée de nomades, les sahraouis

La région est à l’origine peuplée de nomades, les sahraouis

Mais ce n’est pas tant pour son histoire ou sa politique que j’avais noté cette partie depuis même avant mon départ voici 42 mois (!), mais bien plus pour son climat. Nous sommes là au Sahara, le long de la côte océanique sur ce qui fut la première route entièrement goudronnée à traverser le Sahara dans son ensemble terminée en 2005 côté mauritanien, 1992 (à vérifier) côté marocain. De toutes manière il n’y en a pas 36 puisqu’à ma connaissance seules 4 ou 5 routes officiels traversent le grand désert. Celle du Nil à l’est, avec deux variantes le long de la mer rouge et le long des oasis égyptiens, la mythique route de Tamanghasset, goudronnée sur quasiment tout son ensemble qui traverse le Sahara par son centre permettant de relier Alger à Lagos au Nigeria, celle qui relie Alger à Gao au Mali, non-goudronnée dans sa plus grande partie. Ces deux dernières, ainsi que quelques pistes pas toujours balisées, anciennes routes des caravanes du Sahara, sont interdites aux touristes pour causes de sécurité. La 4ème, celle de l’ouest est donc celle du Sahara que nous empruntons actuellement, reliant Tanger à Dakar le long de la côte Atlantique. Une autre route relie la Mauritanie à l’Algérie (Bir Mogrein-Tindouf), mais trouver des informations sérieuses quant à l’ouverture (aux touristes) de cette route est très compliqué, de nombreux camps de réfugiés sahraouis se trouvent également côté algérien de la route.

 

 

C’est donc sans réels options que nous empruntons cette route. Réputée pour son vent du nord, nous savons que nous débutons là l’une des parties les plus ardues du périple. De plus, le vent nous a déjà beaucoup soufflé contre en Mauritanie et, avec le manque de temps sur nos visas mauritanien, nous n’avons pu nous reposer comme souhaité. En quittant la Mauritanie, nous avons déjà plus de 1’000 kilomètres de Sahara dans les jambes, il nous en reste plus de 1’300.

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En quittant la Mauritanie, nous avons déjà plus de 1’000 kilomètres de Sahara dans les jambes, il nous en reste plus de 1’300.

Face à cette situation très particulière, notre « plan » est de jouer la gestion. Plutôt que de foncer tête baissée face au vent et s’épuiser inutilement jusqu’à littéralement « péter un câble », nous nous préparons à attendre s’il le faut, tel que nous l’avions fait en Mauritanie. Préférant ainsi les jours où le vent nous sera le moins défavorable, quitte à rouler la nuit pour cela, nous espérons ainsi sauver de l’énergie et garder le cap plus longtemps. Notre plus grande chance, pensons-nous, c’est soit d’avoir un vent d’ouest -de l’océan- comme il en arrive parfois, vent qui ne nous sera pas trop mauvais, soit un vent faible, voir inexistant. Car c’est lorsque le vent sera le moins fort que nous dépenserons le moins d’énergie. Et de l’énergie, pour traverser le Sahara, nous en aurons besoin.

Mais pourtant, sans n’avoir pu même l’espérer, en rejoignant Nouadhibou un phénomène particulier va se produire. Dès notre sortie du train, quelque chose me frappe: le vent souffle du sud. Mais que se passe-t-il ? Nous avons 5 kilomètres à descendre au sud pour rejoindre la ville et nous n’avançons pas à dix kilomètres à l’heure. Oui, le vent souffle du sud !!!? Il nous balaie même !

Au soir, installé chez Mohamed, nous contrôlons la météo et effectivement le vent souffle du sud. Il semble venir de la mer, propulsé par un énorme orage aux larges des côtes, et vient se  » fracasser » sur les terres. Là, il se divise en deux, descend au sud par la Mauritanie, monte au nord par le Maroc. Nous comprenons notre chance et n’hésitons pas longtemps : nous partons même avant la fin de notre visa. La situation s’inverse, de chassé nous devenons chasseur. De patient nous devenons impatient. Il faut comprendre qu’un jour avec le vent c’est minimum 100 kilomètres, certainement plus, avec une dépense d’énergie moindre. Le contraire c’est 50 kilomètres avec une dépense d’énergie monstrueuse. Le tout dans une région extrêmement répétitive où vous ne rencontrez pas grand monde et les paysages ne changent pas. Ou si peu. Le vent de face n’est pas seulement difficile pour les cyclistes que nous sommes, il est frustrant. Usant. Lutter contre c’est changer de caractère, devenir irritable, colérique. Le vent rend fou. Et fou, nous le sommes déjà suffisant sans ça. C’est décidé, nous partons. Et sans nous retourner.

Dès notre départ de Nouadhibou, comme indiqué par les prévisions météorologiques, le vent nous pousse. Il nous porte, travaille à notre place. En deux heures nous faisons la même distance qu’auparavant en un jour. Euphorique, nous nous lançons sur la route tout en sachant que cela peut ne pas durer. Chaque heure avec le vent peut être la dernière pour des semaines, nous en sommes bien conscient. Il faut profiter. Et nous en profitons.

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Parfois, des dunes lointaines se dressent au milieu des buissons

Les premiers jours se font dans un vide total ou presque. Seules quelques cafétéria, disposée tous les quelques 80-100 kilomètres, et les antennes téléphoniques nous servent d’abri et/ou de réapprovisionnement. Parfois, des dunes lointaines se dressent au milieu des buissons alors que les matins se font toujours frais et, parfois, sous un épais brouillard.
Des paysages lunaires habités de petits buissons côtoient notre route. Se répétant inlassablement.

Des paysages lunaires habités de petits buissons côtoient notre route.

Des paysages lunaires habités de petits buissons côtoient notre route.

Parfois, nous apercevons l’océan dont les vagues, soufflées elles aussi, viennent se fracasser contre les falaises. Elles me rappellent à l’Irlande. De l’Irlande au Sahara occidental, le parallèle est osé, certes, mais l’océan est le même. L’humidité et la grande fraîcheur des nuits, amenées par l’océan justement, le justifie un peu. Le long de l’océan, tous les 2-3 kilomètres, se trouvent de petites maisons. On pense d’abord à des maisons de pêcheurs. Ce sont des militaires qui contrôles l’immigration clandestines. Mais les villages sont très rares et la majorité des bâtiments que nous apercevons sont militaires, ornés d’énormes drapeau marocains. L’impression est bizarre, les gens qui vivent ici semblent ne pas y être né. Tout y est neuf, grand et propre. Organisé. Du contrôle de police/gendarmerie à l’intérieur des cafétéria. Plus proche de l’Europe que de l’Afrique de mes 3 dernières années, nous changeons de monde.

De l'Irlande au Sahara occidental, le parallèle est osé, certes, mais l'océan est le même.

De l’Irlande au Sahara occidental, le parallèle est osé, certes, mais l’océan est le même.

Il nous faudra atteindre Boujdour, notre première ville au 6ème jour de route, pour apercevoir une femme. Jusqu’ici, seul polices, militaire, gendarmerie, ouvriers des cafétérias et gens de passages ont croisés notre route. Tout y est grand et neuf, propres et surréaliste

Ce Sahara là, chaque jour, détruit tous les clichés qu’on puisse lui donner. Quelques fleurs, violettes, se dressent en bord de route, défiant le sable et les camions. Les chameaux font face à l’océan, puis disparaissent sous le brouillard alors qu’au 3ème jour de route, un panneau nous indique notre passage du tropique du cancer. Pour la première fois depuis plus de 3 ans, je me trouve au nord des tropiques.

Quelques fleurs, violettes, se dressent en bord de route, défiant le sable et les camions.

Quelques fleurs, violettes, se dressent en bord de route, défiant le sable et les camions.

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Ce Sahara là, chaque jour, détruit tous les clichés qu’on puisse lui donner.

Les chameaux font face à l'océan, puis disparaissent sous le brouillard

Les chameaux font face à l’océan, puis disparaissent sous le brouillard

un panneau nous indique notre passage du tropique du cancer. Pour la première fois depuis plus de 3 ans, je me trouve au nord des tropiques.

un panneau nous indique notre passage du tropique du cancer. Pour la première fois depuis plus de 3 ans, je me trouve au nord des tropiques.

Mais notre bonheur à nous, c’est le vent.

Si, après ce départ en fanfare, il s’arrête, nous soufflant contre pour un après-midi, il revient de plus belle dès le lendemain. Plus fortement encore. Il nous balaie. Nous souffle, nous porte à 30 km/h sans effort. 37 en poussant un peu. 40 parfois. Les kilomètres défilent maintenant sous nos yeux. Nous n’avons pas de moteur, mais avec ce vent, c’est tout comme. Des étapes que nous pensions durer plusieurs jours se déroulent en quelques heures. Les pauses déjeuners se font avec 80 kilomètres dans les jambes, parfois plus. Les après-midi nous en pédalons 60, souvent plus.
Et la situation météorologique, que nous observons de temps à autre grâce à l’étonnante connexion marocaine (3G même à plus de 100 kilomètres du village le plus proche), s’améliore. La chance est avec nous. Ici 1 jour avec un vent du sud était un rêve. Alors que dire d’une semaine ? La situation est inespérée. Nous nous engouffrons dans la brèche bien conscient que nous aurons le temps de nous reposer plus au nord, profiter des bazar aux épices et fruits colorés, du printemps qui s’annonce. Le Sahara se traverse. Le Maroc se découvre. Nous découvrirons plus tard, aujourd’hui, nous traversons. Nous pédalons.

Le Sahara défile sous nos yeux mais le marché de Boujdour, notre premier bazar, nous offre du magnifique. Les épices sentent bon et les boutiques offrent de tout, des fruits secs aux chocolats, de l’huile d’olive aux pâtisseries marocaines, des oranges délicieuses aux tomates tout aussi bonne, industriel ou artisanal. Nous sommes en vie.

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Le Sahara défile sous nos yeux

Mais sous un vent toujours aussi bon et généreux, nous continuons.

Tel des albatros, poussé par une tempête qui souffle dans notre dos, nous filons à toute vitesse, fracassant nos principes engendrés depuis plus de 3 ans. Tout me semble inversé, du rapport aux gens à celui de cette partie du voyage, à tel point que j’ai l’impression d’être ivre. De ne pas comprendre. D’être un autre, dans une situation autre, dans une culture autre, dans un climat autre. Je m’étais préparé aux jours les plus longs, pénibles et ennuyants de ma vie nomades. Ils sont les plus faciles. Les plus lisses. Les plus rapides aussi. 365 kilomètres sont avalés les 3 premiers jours. 173 le 4ème. Je m’étais préparé à souffrir du vent mais ce sont les cyclistes que nous croisons qui se retrouvent dans cette situation. Et eux aussi sont surpris. On leur avait prédit une traversée facile avec vent de dos, les voici qui galère pour tenir un 10 km/h. Le visage fermé, l’humeur difficile, c’est l’amertume qui les gagnes. Et on les comprends. Pour eux le Sahara se traverse en souffrant. Chaque kilomètres en sueur. Pour nous en sifflotant à 35 km/h, chantant le refrain des chansons qui passent sur nos MP3. Et moi je me tape des fous rire en repensant à tout ça. Car si le vent de face rend fou, celui de dos, lui, rend heureux. Il rend ivre. Le tout à 30 de moyenne. 40 en poussant un peu. Bon, on s’arrête, on compatit, on a presque pitié et, de gènes, on échange quelques mots. Et très vite, nous repartons. Cruel ? Certainement pas. Si le vent les freines ce n’est que brièvement. Dans quelques jours, il changera et, comme prévu, les poussera. Pour nous c’est le contraire, c’est maintenant ou jamais. La patience est une vertu…Sauf dans notre situation. Nous fonçons!

À mesure que nous continuons au nord, la circulation augmente. Les contrôles de police aussi. Quelques villages apparaissent enfin, puis une ville. Puis une autre le lendemain. C’est la vie qui augmente. Le Maroc attendu se rapproche, le Sahara se termine. Le bruit du trafic remplace peu à peu celui des vagues se fracassant aux falaises. Un champ d’éolienne se dresse au loin. Éole, justement, est avec nous. Seuls quelques dunes, soudaines, bordent notre route qui devient deux voies au moment d’aborder Lâayoune, plus grande ville du Sahara occidental. La route les coupes en deux et, en ce jour de tempête, le sable y est balancé à travers la route. Entre camions et voitures, le sable nous renversent dans un mini chaos. Rapidement des gonfle de sable se forment sur la route, freinant le trafic alors que les plus gros camions, avec une prise au vent maximale, s’arrête complètement pour éviter tous risques. Sableux, nous gagnons Lâayoune. Mais, poussé encore par ce vent tempétueux, continuons dans un paysage d’infini chargé de timides buissons et d’éoliennes au fond d’un horizon qui ne semble vouloir se terminer. Au soir, dans le village de Tah, nous quittons le Sahara occidental. 350 kilomètres de Sahara nous sépare de Guelmim, parfois proclamée porte du Sahara.

Après la plus longue semaine de ce voyage, 984 kilomètres au compteur pour près de 2’500 km au total, la traversées du Sahara est presque terminée.

Ce n’est que le lendemain que nous pouvons mettre un nom sur cet étonnant phénomène : le Sirocco. Le sirocco est, je cite, « un vent violent, très sec et très chaud qui souffle sur l’Afrique et le sud de la mer Méditerranée.
Le sirocco se produit lorsqu’une masse d’air tropicale et stationnaire installée sur le Sahara se trouve entre une zone anticyclonique à la verticale de la ligne du tropique du cancer et une soudaine zone de forte dépression se creusant rapidement au-dessus de la mer Méditerranée. La masse d’air saharienne brûlante est alors aspirée vers le nord par la dépression et remonte en direction sud-nord au-dessus du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie. »

Ce phénomène expliqué ne changera rien à notre sentiment général: de la chance. Beaucoup de chance, celle d’avoir été au bon moment au bon endroit. Ou un karma au top du top.

Nous pensions y passer 20 jours, peut-être 25. Nous revions d’en passer 15, tout en craignant d’en passer 30. 7 auront suffit.

« Là ou le Sahara rencontre la mer, l’océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons. »

"Là ou le Sahara rencontre la mer, l'océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons."

« Là ou le Sahara rencontre la mer, l’océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons. »

 Olivier Rochat