Première neige

Km 57’742, Taliouine, Maroc.

Je rêvais de retrouver montagnes, je suis servi.

IMG_20180331_233023_095

Je rêvais de retrouver montagnes, je suis servi.

En effet depuis 650 kilomètres que je pédale dans l’Atlas je cumule les cols les uns après les autres. Au fond de gorges étroites où se cachent oasis d’où l’on sort par une route serpentant falaises, au haut de plateau rocailleux où le vent souffle tout, côtoyant quelques proches sommets où la route serpente comme elle le peut où elle le peut et l’air y est glacial, accompagné par les amandiers en fleurs puis par les palmeraies, paysages et flores varient inlassablement, m’offrant tour à tour quelques uns des 1’000 villages du Maroc.

IMG_20180325_190725_859

accompagné par les amandiers en fleurs puis par les palmeraies, paysages et flores varient inlassablement

Pourtant depuis hier une situation retient mon attention plus que d’accoutumée: la neige.

Cette neige que j’aperçois, de loin certes, avec un amusement non dissimulé. Après celle du Kilimandjaro (Tanzanie) puis les quelques flocons du Malhasela pass (Lesotho), c’est la troisième fois que j’en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain. Mais si la beauté des sommets enneigés m’attire vers elle, c’est aussi le froid qu’il me faut affronter.

c'est la troisième fois que j'en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain.

c’est la troisième fois que j’en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain.

Pourtant bien loin des extrêmes, les températures restant constamment positives, me voici vêtu de gants, bonnets, chaussettes, écharpes et vestes chaudes pour affronter ce climat qui, bien que plus doux que celui d’où je viens et avait l’habitude de pédaler (les alpes), ne m’est plus du tout familier. Mais alors plus du tout.

Durant la majorité de mes 40 mois passés en Afrique climats et paysages furent répétitif mais marqué par une variante principale : saison sèche et saisons des pluies. Seules quelques exceptions sont venues casser la routine alors que j’ai eu droit, en tout et pour tout, à une dizaine de nuits de gels, toutes durant l’hiver australe lors de mes excursions de différents plateaux ou massifs montagneux en Tanzanie, Malawi, Lesotho, Afrique du sud ou Namibie (record-7°C à Windhoek, Namibie, juillet 2016).

Si les Afrique de l’est et australes sont composées de nombreux plateaux d’altitude où les nuits sont parfois très fraîches, cette sensation de répétition fût bien plus réel lors des 18 derniers mois, partagés entre Afrique de l’ouest et Afrique centrale, régions quasiment dépourvues de montages et de plateaux d’altitude où les températures ne varient que peu de saisons en saisons. Il m’a fallu plus de 9 mois en Afrique de l’ouest pour utiliser pour la 1ère fois mon sac de couchage..

Dans certains pays tropicaux l’amplitude thermique est quasi nulle, de quelques degré à peine. Du mois le plus chaud au mois le plus froid, la différence moyenne n’excède pas 5°C, parfois moins, alors que la nuit la plus froide de l’année sera d’à peine 20 degré de moins que la journée la plus chaude.

Si les régions désertiques, tels le Sahara que je viens de traverser, peuvent subir d’importantes amplitudes thermiques, ce ne fût pas comparable à cette traversée de l’Atlas où je ne sais jamais comment m’habiller entre la fraîcheur des sommets et la canicule des vallées les plus basses. Sur une journée il m’arrive de passer du tout au tout à plusieurs reprises.

Il me faut quelques jours, là encore, pour me familiariser avec cette nouvelle réalité.

Pour accélérer mon adaptation je décide de rester quelques jours à Igherm, petite ville de l’anti-atlas qui culmine à plus de 1’700 mètres d’altitude.

Là-haut les températures y sont bien plus fraîches qu’au fond des vallées et, si elles ne sont pas glaciales, elles restent constamment fraîches et la sensation de froid est d’autant plus renforcée par le vent qui balaie ces montagnes et par le fait qu’il n’y a pas de chauffage. Si j’ai froid dehors, j’ai aussi froid dedans. Les douches avec de l’eau glacée peuvent s’avérer bien pénible et, paresseux devant ce froid, j’écourte ma lessive les mains complètement glacée avant de partir me réchauffer avec un café sur la place principale de cette petite ville bien tranquille, toujours vêtu d’une veste que je n’oterai pas, même pour dormir.

Peu à peu je m’acclimate à ce nouveau mode de vie qui me pousse, à m’adapter en permanence au climat changeant des montagnes. D’un climat répétitif je passe à celui très changeant des montagnes et redécouvre à la fois la beauté si prenante à mes yeux des montagnes et la réalité qui l’accompagne : cette beauté se mérite.

 

Mais c’est une réalité qui me convient bien, me tient vivant, me pousse à avancer tout en trouvant un équilibre, même précaire, entre l’effort des montées et le réconfort des descentes tout en profitant du liant qui accompagne ces deux états : la beauté des paysages.

Les montagnes paraissent éternels et pourtant elles changent en permanence. Chaque état semble éphémère.

Si je ne retrouve pas là la rudesse des climats alpins, j’y retrouve beauté et plaisir qui me portent à cette sensation, la plus belle, que le plus beau col qui existe, c’est celui que je suis en train de grimper.

Tout simplement.

Puisque aujourd’hui est le plus beau jour de ma vie. Et que demain le sera aussi.

Ni drogues ni médicament, pédaler dans les montagnes est avant tout un état de fait et je l’aime ainsi. L’Afrique m’a appris à apprécier d’autres modes de vies sans pour autant m’oter le plaisir des montagnes.

IMG_20180325_184911_685

c’est la troisième fois que j’en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain.

Olivier Rochat

Laisser un commentaire