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Sur les pistes du Djebel Siroua

Km 57’876, Anezal, Maroc.

Des paysages à n’en plus finir, aussi changeant que fantastique, un accueil tout aussi fabuleux, une piste traversant la montagne comme le font les sentiers, quelques rivières à traverser, quelques heures à pousser… Bref, les derniers jours au Maroc ont été fantastique. Plus encore qu’ils ne l’avait été jusque là.

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les derniers jours au Maroc ont été fantastique. Plus encore qu’ils ne l’avait été jusque là.

Dans le classement des pays les plus touristiques d’Afrique dominé par les pays d’Afrique du nord et australe le Maroc arrive, avec plus de 10 millions de touristes -2015- et selon de nombreuses sources, en première position. Devançant notamment l’Afrique du sud et l’Égypte cette situation était difficilement imaginable il y a quelques années encore. Mais si le tourisme égyptien a beaucoup souffert du printemps arabes et du terrorisme grandissant dans la région, le Maroc a su éviter ces problèmes là et, au vu de ses multiples visages -mers, océans, montagnes déserts, oasis etc…- et ainsi que de son emplacement géographique, à deux pas de l’Europe pour ainsi dire, il n’y a rien d’étonnant à cela. Le pays tout entier semble miser sur le tourisme, s’organiser là autour pour montrer au monde entier sa stabilité politique, ses milles trésors naturels, sa richesse culturel ainsi que sa puissance économique. Villes et villages sont propres et électrifiées, la majorité des routes sont goudronnées, des bâtiments neufs poussent ici et là et l’impression de croissance économique que je découvre au Maroc, je ne l’ai découvert nulle part ailleurs en Afrique.

 

Pourtant je l’avoue, si j’ouvre un guide touristique un jour, c’est plutôt pour y lire où ne pas y aller. Pour faire court, plus un lieu est mis en avant, plus je vais avoir tendance à l’éviter, préférant la tranquille authenticité des lieux qui ne figurent sur aucun guide mais, tout au plus, sur une bonne carte routière. Là où la spontanéité est au centre des rencontres et la beauté d’un paysage ou d’un village arrive lorsqu’on ne s’y attend pas forcément.

la tranquille authenticité des lieux qui ne figurent sur aucun guide mais, tout au plus, sur une bonne carte routière.

la tranquille authenticité des lieux qui ne figurent sur aucun guide mais, tout au plus, sur une bonne carte routière.

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Certes il y a eu quelques exceptions durant mon voyage, dont pour la plupart je ne garderai pas grand souvenir -j’y ai vu pas vécu-, et ce sera encore le cas ici au Maroc.

Mais jusque ici ma découverte du Maroc, et particulièrement de l’Atlas, c’était fait belle et sympathique. Ces derniers jours elle est devenue plus fantastique encore. Loin, très loin, des itinéraires les plus touristiques.

jusque ici ma découverte du Maroc, et particulièrement de l'Atlas, c'était fait belle et sympathique. Ces derniers jours elle est devenue plus fantastique encore. Loin, très loin, des itinéraires les plus touristiques.

jusque ici ma découverte du Maroc, et particulièrement de l’Atlas, c’était fait belle et sympathique. Ces derniers jours elle est devenue plus fantastique encore. Loin, très loin, des itinéraires les plus touristiques.

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De retour sur les pistes

En quittant Taliouine, capitale proclamée du safran, je quitte la route principale et me dirige sur Askaoun, un village perché à quasiment 2’000 mètres d’altitude. Situé au pied même du Djébel Siroua, point culminant de l’anti-atlas (3’300 mètres d’altitude) et au sud-est du djébel Toubkal, plus haut sommet marocain (4’167 mètres) qui m’annonce mon arrivée prochaine dans le haut atlas, Askaoun n’est pas bien grand mais offre de nombreux points de vues sur les montagnes qui l’entourent. Malheureusement lorsque j’y arrive l’horizon est complètement bouché par une fine poussière, tel que c’est également le cas en Afrique subsaharienne lors des saisons sèches.

Mais ce soir il y a match, les habitants me sont sympathiques, aussi je passerai ma nuit dans le village, posant mon matelas dans un café après sa fermeture. Ce soir l’Espagne étrille l’Argentine comme jamais et le Maroc se rassure avec une victoire maîtrisée sur l’Ouzbékistan.

ce soir il y a match, les habitants me sont sympathiques, aussi je passerai ma nuit dans le village

ce soir il y a match, les habitants me sont sympathiques, aussi je passerai ma nuit dans le village

Et puis Askaoun retrouve sa tranquillité, la fraîcheur de ses nuits printanières. Et je m’endors les jambes lourdes par les près de 2’000 mètres de dénivellation positives de ma journée.

Au matin, l’horizon est encore plus voilé que la veille et je décide de rester encore, espérant le retour du ciel bleu. Mais, s’il ne viendra pas aujourd’hui, c’est Abdellah, dit Mike, déjà rencontré la veille dans l’un des quelques cafés du village, qui m’interpelle.

« Pourquoi ce drapeau mauritanien accroché à ton vélo ? » me demande-t-il.

« Oh pourquoi pas. Je pédale en Afrique depuis quelques temps. Le Maroc, le Sénégal, la Gambie, Sierra Leone, Ghana, Guinée et quelques autres encore. 33 pays en tout. Et maintenant le Maroc. Je rentre en Europe », en montrant tour à tour les autocollants qui décorent, dans un désordre profond et colorés, mon vélo.

c'est Abdellah, dit Mike, déjà rencontré la veille dans l'un des quelques cafés du village, qui m'interpelle.

c’est Abdellah, dit Mike, déjà rencontré la veille dans l’un des quelques cafés du village, qui m’interpelle.

S’engage alors une discussion qui en amènera bien d’autre avec ce jeune et fière retraité qui connaît l’Afrique politique et géographique comme très peu la connaisse. Finalement je passerai deux nuits supplémentaires à Askaoun, profitant d’explorer un peu des collines entourant Askaoun et du Souk hebdomadaire qui a lieu tous les jeudis. Soudain le village se remplit de vie, les quelques rues se chargent de stands d’oranges, de chaussures, d’outils en tout genre, d’épices délicieuses, de pâtisseries marocaines et les cafés se bondent de monde comme rarement. Le souk, c’est un peu l’événement de la semaine.

Et moi je le découvre avec plaisir, puis me laisse bercé par les histoires interminable de Mike qui m’explique la politique marocaine, le football, la musique tout en m’empêchant de payer ne fût-ce que mon café.

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C’est peut-être en entrant chez l’habitant que l’on commence à s’imprégner d’une culture, la vivre et la partager. Que c’est lorsque l’aventure devient avant tout humaine que l’on se sent le plus humain, justement. Et que ses rencontres surgissent de nulle part, me prenant au dépourvus, faisant d’un vagabond un être à part, celui qui est bienvenu.

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Avant de disparaître dans le précipice du temps qui passe. Et de nos différences. Éphémères mais authentique. Je ne suis que celui qui passe, les rencontres n’y sont que plus magique.

En quittant Mike et sa famille qui m’accueillirent deux jours durant, je retrouve très vite ma tranquillité animale, seul au milieu de quelques sommets qui m’entourent, poussant difficilement mon vélo chargé d’eaux et de nourritures pour gravir le prochain col, à plus de 2’500 mètres d’altitude. Des ruisseaux caillouteux viennent tour freiner mon avancée déjà bien lente alors qu’un troupeau de mouton s’enfuie à ma vue et le Toubkal, lointain, surgit tant bien que mal au fond de ce voile poussiéreux qui ferment l’horizon.

seul au milieu de quelques sommets qui m'entourent

seul au milieu de quelques sommets qui m’entourent

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La piste est rude, remplie de cailloux qui font sauter mes roues à chaque mètre. Une voiture aura bien du mal à passer par ici. Un bon 4X4 ne suffit pas, il faut un bon conducteur également. Peu importe, je n’en apercevrai pas une seule, seul deux hommes, assis au dos de leur ânes respectif, croiseront ma route. Le temps d’un bonjour, de quelques mots d’amazigh volé à Mike qui me les as offerts le soir précédent. Puis d’un au revoir.

La piste est rude, remplie de cailloux qui font sauter mes roues à chaque mètres

La piste est rude, remplie de cailloux qui font sauter mes roues à chaque mètre

Enfin je redeviens animal, quelques temps encore, quelques kilomètres à peine. Avant de redevenir homme enfin, à l’approche du goudron. Et de passer ma nuit sur les pentes du djébel Siroua.

Et de passer ma nuit sur les pentes du djébel Siroua

Et de passer ma nuit sur les pentes du djébel Siroua

Inconnu face à des inconnus, on m’offre une miche de pain dans ce village où je remplit mes bouteilles d’eau. On m’offre une brique de lait (!) lorsque je ne demande rien d’autre qu’à dire bonjour.

on m'offre une miche de pain dans ce village où je remplit mes bouteilles d'eau

on m’offre une miche de pain dans ce village où je remplit mes bouteilles d’eau

Et ce matin, le ciel s’est éclairci.

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Mi-animal mi-humain, je m’évade encore un peu au regard des montagnes qui m’entourent et se dévoile enfin.

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Olivier Rochat

 

Première neige

Km 57’742, Taliouine, Maroc.

Je rêvais de retrouver montagnes, je suis servi.

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Je rêvais de retrouver montagnes, je suis servi.

En effet depuis 650 kilomètres que je pédale dans l’Atlas je cumule les cols les uns après les autres. Au fond de gorges étroites où se cachent oasis d’où l’on sort par une route serpentant falaises, au haut de plateau rocailleux où le vent souffle tout, côtoyant quelques proches sommets où la route serpente comme elle le peut où elle le peut et l’air y est glacial, accompagné par les amandiers en fleurs puis par les palmeraies, paysages et flores varient inlassablement, m’offrant tour à tour quelques uns des 1’000 villages du Maroc.

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accompagné par les amandiers en fleurs puis par les palmeraies, paysages et flores varient inlassablement

Pourtant depuis hier une situation retient mon attention plus que d’accoutumée: la neige.

Cette neige que j’aperçois, de loin certes, avec un amusement non dissimulé. Après celle du Kilimandjaro (Tanzanie) puis les quelques flocons du Malhasela pass (Lesotho), c’est la troisième fois que j’en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain. Mais si la beauté des sommets enneigés m’attire vers elle, c’est aussi le froid qu’il me faut affronter.

c'est la troisième fois que j'en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain.

c’est la troisième fois que j’en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain.

Pourtant bien loin des extrêmes, les températures restant constamment positives, me voici vêtu de gants, bonnets, chaussettes, écharpes et vestes chaudes pour affronter ce climat qui, bien que plus doux que celui d’où je viens et avait l’habitude de pédaler (les alpes), ne m’est plus du tout familier. Mais alors plus du tout.

Durant la majorité de mes 40 mois passés en Afrique climats et paysages furent répétitif mais marqué par une variante principale : saison sèche et saisons des pluies. Seules quelques exceptions sont venues casser la routine alors que j’ai eu droit, en tout et pour tout, à une dizaine de nuits de gels, toutes durant l’hiver australe lors de mes excursions de différents plateaux ou massifs montagneux en Tanzanie, Malawi, Lesotho, Afrique du sud ou Namibie (record-7°C à Windhoek, Namibie, juillet 2016).

Si les Afrique de l’est et australes sont composées de nombreux plateaux d’altitude où les nuits sont parfois très fraîches, cette sensation de répétition fût bien plus réel lors des 18 derniers mois, partagés entre Afrique de l’ouest et Afrique centrale, régions quasiment dépourvues de montages et de plateaux d’altitude où les températures ne varient que peu de saisons en saisons. Il m’a fallu plus de 9 mois en Afrique de l’ouest pour utiliser pour la 1ère fois mon sac de couchage..

Dans certains pays tropicaux l’amplitude thermique est quasi nulle, de quelques degré à peine. Du mois le plus chaud au mois le plus froid, la différence moyenne n’excède pas 5°C, parfois moins, alors que la nuit la plus froide de l’année sera d’à peine 20 degré de moins que la journée la plus chaude.

Si les régions désertiques, tels le Sahara que je viens de traverser, peuvent subir d’importantes amplitudes thermiques, ce ne fût pas comparable à cette traversée de l’Atlas où je ne sais jamais comment m’habiller entre la fraîcheur des sommets et la canicule des vallées les plus basses. Sur une journée il m’arrive de passer du tout au tout à plusieurs reprises.

Il me faut quelques jours, là encore, pour me familiariser avec cette nouvelle réalité.

Pour accélérer mon adaptation je décide de rester quelques jours à Igherm, petite ville de l’anti-atlas qui culmine à plus de 1’700 mètres d’altitude.

Là-haut les températures y sont bien plus fraîches qu’au fond des vallées et, si elles ne sont pas glaciales, elles restent constamment fraîches et la sensation de froid est d’autant plus renforcée par le vent qui balaie ces montagnes et par le fait qu’il n’y a pas de chauffage. Si j’ai froid dehors, j’ai aussi froid dedans. Les douches avec de l’eau glacée peuvent s’avérer bien pénible et, paresseux devant ce froid, j’écourte ma lessive les mains complètement glacée avant de partir me réchauffer avec un café sur la place principale de cette petite ville bien tranquille, toujours vêtu d’une veste que je n’oterai pas, même pour dormir.

Peu à peu je m’acclimate à ce nouveau mode de vie qui me pousse, à m’adapter en permanence au climat changeant des montagnes. D’un climat répétitif je passe à celui très changeant des montagnes et redécouvre à la fois la beauté si prenante à mes yeux des montagnes et la réalité qui l’accompagne : cette beauté se mérite.

 

Mais c’est une réalité qui me convient bien, me tient vivant, me pousse à avancer tout en trouvant un équilibre, même précaire, entre l’effort des montées et le réconfort des descentes tout en profitant du liant qui accompagne ces deux états : la beauté des paysages.

Les montagnes paraissent éternels et pourtant elles changent en permanence. Chaque état semble éphémère.

Si je ne retrouve pas là la rudesse des climats alpins, j’y retrouve beauté et plaisir qui me portent à cette sensation, la plus belle, que le plus beau col qui existe, c’est celui que je suis en train de grimper.

Tout simplement.

Puisque aujourd’hui est le plus beau jour de ma vie. Et que demain le sera aussi.

Ni drogues ni médicament, pédaler dans les montagnes est avant tout un état de fait et je l’aime ainsi. L’Afrique m’a appris à apprécier d’autres modes de vies sans pour autant m’oter le plaisir des montagnes.

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c’est la troisième fois que j’en aperçois en Afrique lorsque se dresse en face de moi, à une centaine de kilomètres, le Djebel Toubkal, plus haut sommet marocain.

Olivier Rochat

Maroc: retour dans les montagnes

Km 57’545, Tata, Maroc.

Après la traversée aussi rapide qu’inattendue du Sahara occidental, dernière partie du Sahara où le vent nous aura poussé sans cesse, nous abordons un monde tout à fait différent de ceux traversés ces derniers mois et l’un des plus attendus de tout mon voyage : l’Atlas.

nous abordons un monde tout à fait différent de ceux traversés ces derniers mois et l'un des plus attendus de tout mon voyage : l'Atlas.

nous abordons un monde tout à fait différent de ceux traversés ces derniers mois et l’un des plus attendus de tout mon voyage : l’Atlas.

En quelques mots

L’Atlas est un massif montagneux de l’Afrique du nord. Cette chaîne de montagnes s’étend sur près de 2’500 kilomètres traversant trois pays du Maghreb : le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Culminant à 4 167 mètres d’altitude par son sommet le plus haut, le Djebel Toubkal, situé au Maroc, il reste l’une des régions habitées les plus froides d’Afrique ( avec le Lesotho ???) où la neige y es saisonnière durant des hivers parfois glaciaux où cette dernière peut venir recouvrir certains oasis en bordure du Sahara. Il sépare la méditerranée du Sahara et, pour retrouver « mon » Europe et terminer ce voyage, j’ai décidé de le traverser de longs en large, cumulant les cols aux quotidiens pour quelques 3’000 kilomètres de montagnes prévu.

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pour retrouver « mon » Europe et terminer ce voyage, j’ai décidé de le traverser de longs en large, cumulant les cols aux quotidiens pour quelques 3’000 kilomètres de montagnes prévu.

Nous changeons de monde

Forcément, je change de monde et d’atmosphère, retrouvant très vite mes « bonnes » vieilles habitudes laissées par chez moi dans les Alpes.

Pourtant, et malgré l’excitation qui me gagne à mesure que s’approche l’Atlas, il me faudra plusieurs jours pour réellement « atterrir » dans un pays extrêmement différents de tout ceux que j’ai traversé en Afrique.

ce sont maintenant d'énormes dunes qui suivent la route sur plusieurs dizaines de kilomètres

La traversée du Sahara fut fabuleuse dans un premier temps, en Mauritanie

La traversée du Sahara fût fabuleuse dans un premier temps, en Mauritanie, puis, avec 1’300 kilomètres parcourus en dix jours dans l’une des régions les plus ennuyantes que je n’ai jamais traversée, très rapide et lente à la fois, tant le vent nous poussait, les distances étaient longues entre chaque village et rencontre et les paysages n’évoluaient pas. Mais très vite le Maroc nous invite à le découvrir. Nous retrouvons là un pays bien plus développé où l’électricité y es constante, les marchés sont bondés de fruits, de légumes, d’épices et de tout produits aussi goûteux que bon marché. Très vite le Maroc m’apparaît comme un pays qui se « modernise » à toute vitesse, où les industries en tout genre, textiles, alimentaires et j’en passe, semblent fleurir à travers tout le pays. Un pays qui avance à toute vitesse dans un continent qui parfois semblent presque reculer, ou du moins avancer bien lentement. Rien ou presque ne ressemble aux récits de mon père qui le visitait voici plusieurs années, si ce n’est ces paysages fantastiques, l’importance de la religion ou ces djellabas que l’on porte, tel celle qu’il nous ramenait en souvenir.

Au fond, suis-je toujours en Afrique ???

La question prend même plus de sens lorsque, souvent, devant mon voyage accomplis, les marocains viennent à me demander : « Alors l’Afrique, c’est comment? »

« L’Afrique? Mais c’est ici l’Afrique mon ami! »

 

Oui, l’Afrique est un continent dont les frontières géographiques restent indiscutable, contrairement à d’autre, et le Maroc, tout comme le reste du Maghreb dans lequel j’entre pour la première fois, en fait aussi partie.

son climat à saisons chaudes puis froides où les hivers sont formés de nuits plus longues que celles des étés qui suivent

son climat à saisons chaudes puis froides où les hivers sont formés de nuits plus longues que celles des étés qui suivent

Mais sa culture, son développement, son climat à saisons chaudes puis froides où les hivers sont formés de nuits plus longues que celles des étés qui suivent, son mode de vie qui, comme me le rappelle parfois Pedro, est très proche de celui pratiqué le long des côtes méditerranéenne, son architecture ou encore ses nombreux oliviers me rappellent plus à l’Europe qu’au reste de l’Afrique. Sans parler de ces innombrables camping-cars qui viennent peupler le Maroc, lui même leur facilitant bien la tâche ( aux touristes) il est vrai. Les caravanes de chameaux que nous apercevions hier en Mauritanie, les yeux bien écarquillés, sont maintenant remplacées par celles de touristes venus profiter de la douceur climatiques et l’énorme offre touristique qu’offre le Maroc. Son climat, son organisation, son « coût de la vie », sa proximité à l’Europe, ses milles visages aussi fascinant les uns que les autres, justifie cela. Et si je m’avoue sans peine avoir un certains mal avec ces rassemblement de masses, je les respectes et les comprends. Mais qu’on se le dise, et si le terme me sied à merveille depuis plus de 3 ans car je n’en suis qu’un moi aussi, je suis toujours le même touriste. Mais d’une certaine manière, de voyageur je deviens vacancier. Ou du moins, c’est tel que je le ressens.

 

Et si les facilités qu’offre cette modernité, que ce soit par son électricité, ses routes goudronnés même pour les moins que secondaire, ou ses marchés où manger varié devient enfin plus facile que son contraire -surtout devant les prix affichés-, que cette  » modernité  » à quelque chose d’excitant dans un premier temps, elle vient vite m’ôter sens à mon voyage. Le confort et la facilité, je le trouve, ont quelque chose de bien lassant. Celle de transformer l’extraordinaire en banal alors que l’Afrique noire et justement, avec toute sa rudesse et sa misère couplée aux sourires et l’espoir de la majorité, est venu m’offrir son contraire. Faire d’un banal un événement. Une chose à première vue facile se transforme parfois en véritable expédition (j’exagère mais à peine) alors qu’une tâche à priori compliquée peut elle devenir la plus facile de toute. Imprévu va de paire avec Afrique, mais au Maroc c’est un peu différent. Là où je me rend compte avoir changé c’est qu’il yca 4 ans encore, alors que je n’avais jamais quitté l’Europe, mettre les pieds au Maroc me serait apparu comme quelque chose de très exotique. Mais après ce voyage, j’ai l’impression d’être tout proche de moi. Ce qui est une réalité vous en conviendrez.

Dans les faits c’est d’une nostalgie certaine que je passe mes premiers jours au Maroc.

Et puis, après quelques temps, je finis par atterrir. Par rentrer dans ce Maroc, par le vivre. C’est Abdeladhi qui, le premier, m’invite chez lui.

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C’est Abdeladhi qui, le premier, m’invite chez lui.

Abdeladhi me suit sur facebook et c’est par ce réseau social là qu’il nous propose de nous arrêter chez lui, à Guelmim, ville présentée comme porte du Sahara, droit sur notre route. La rencontre tombe à pic car Pedro a cassé sa pédale et c’est à l’arrière d’un 4X4 que nous pénétrons Guelmim attendu, déjà, par Abdeladhi et un de ces amis.

Je découvre un jeune homme qui, 2 jours durant, va nous choyer sans que nous le demandions. Nourritures, eaux chaudes et réparations matériels, tout est bienvenu mais plus que tout encore c’est sa personnalité qui me touche puisqu’il me plonge dans un monde que je côtoie moi aussi, forcément, mais que je ne m’attendais pas à découvrir ici: le voyage à vélo. Abdeladhi prépare lui aussi un tour d’Afrique à vélo et avec lui je découvre avec surprise -et plaisir- un peu de là communauté cycliste marocaine grandissante. Du haut de ses 20 ans – qu’il ne fait pas du tout – il me bombarde de questions et me renvoie à quelques années en arrière lorsqu’encore l’Afrique à vélo n’était qu’un projet lointain que j’abordai avec crainte, espoir, appréhension et fascination.

Je découvre un jeune homme qui, 2 jours durant, va nous choyer sans que nous le demandions

Je découvre un jeune homme qui, 2 jours durant, va nous choyer sans que nous le demandions

En quittant Abdeladhi, nous quittons également le Sahara et, pour la première fois depuis début février, nous apercevons des arbres: des oliviers côtoient notre route alors que se dresse ici et là plantations de tomates et autres légumes. Au nord du Sahara nous débutons cette longue, difficile et merveilleuse traversée de l’Atlas que je vais diviser en trois partie: le moyen atlas au nord, le haut atlas au centre où les sommets sont les plus hauts, et l’anti-atlas au sud, plus chaud et abordables en cette saison car le printemps y a déjà débuté. Logiquement, c’est celui-ci que nous abordons en premier.

L'anti-atlas au sud, plus chaud et abordables en cette saison car le printemps y a déjà débuté. Logiquement, c'est celui-ci que nous abordons en premier.

L’anti-atlas au sud, plus chaud et abordables en cette saison car le printemps y a déjà débuté. Logiquement, c’est celui-ci que nous abordons en premier.

Dès les premières vallées je me sens happé par ces montages qui nous entourent, sèches et rocailleuses. Et si les journées sont agréables, bien vite les nuits se rafraîchissent et les bivouacs se font dans une fraîcheur piquante au matin.

Dès les premières vallées je me sens happé par ces montages qui nous entourent, sèches et rocailleuse

Dès les premières vallées je me sens happé par ces montagnes qui nous entourent, sèches et rocailleuses

Les premières rencontres sont difficile. On nous refuse de planter nos tentes aux pieds des maisons et des mosquées, les rares auberges sont toutes fermées et c’est d’un air distant, très distant même, qu’on nous observe. On nous invite clairement à dormir hors des villages puis notre route s’enfonce dans un canyon étroit où se cachent des oasis en flanc de falaises.

On nous invite clairement à dormir hors des villages

On nous invite clairement à dormir hors des villages

 

Pour nous mener au haut de ces derniers, la route s’y tortille comme rarement, esquissant des virages en épingles impressionnant, longeant des falaises où la chute serait mortelles, sur des pentes qui, bien souvent, dépassent allègrement les 10%. Mais, pas à pas, sûrement, nous montons.

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la route s’y tortille comme rarement, esquissant des virages en épingles impressionnant, longeant des falaises où la chute serait mortelles, sur des pentes qui, bien souvent, dépassent allègrement les 10%.

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Nous voici maintenant sur un plateau ou le vent nous balaie et le froid est de mises. Des oasis nous passons à la montagne, et l’opération se répète encore et encore. Les villages se font rares et semblent dormir lorsque nous les traversons. Dorénavant, chaque virage nous réserve son lot de surprise. En 5 kilomètres nous changeons plusieurs fois de paysages, des oasis aux champs d’amandiers en fleurs.

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Des oasis nous passons à la montagne, et l’opération se répète encore et encore.

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Nous campons dans une froideur nouvelle puis sommes invité par Hassan avec qui nous découvrons accueil et simplicité. Nous comprenons vite que la distance des premiers jours n’étaient que passagère, presque accidentel. Les sourires et la vie reprennent gentiment le dessus, puis nous atteignons la « haute montagne » et la fraîcheur qui la caractérise bien souvent.

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nous atteignons la « haute montagne » et la fraîcheur qui la caractérise bien souvent.

L’air y est frais et vif, beau et cruel à la fois. En montagne, la beauté se mérite mais s’apprécie encore plus. Le temps n’est jamais au fixe et une matinée ensoleillé peut facilement
se transformer sous une grisaille et la pluie, voir la neige, en un instant. Le climat éphémère se mélange avec l’immortel immensité de ces montagnes. Les montagnes changeant constamment, de saisons en saisons, parfois de jours en heure, elles se vêtissent de tout habit, passant d’une robe blanche aux étendues de fleurs.

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d’une robe blanche aux étendues de fleurs.

 

Très vite je me retrouve dans mes habitudes alpines d’alors, mélangeant les genres constamment. Les kilomètres ne rythment plus notre avancée, ce sont les ascensions qui le font. À moins de 10 kilomètres à l’heure pour parfois plusieurs heures, nous atteignons les cols. Puis les redescendons au-delà des 50. Enfin nous recommençons l’opération dans des paysages qui passent du tout au tout en permanence. L’effort des montées, où le corps travaille sans discontinuer, ne fait que précéder le réconfort des descentes, où seul les mains travaillent un tant soit peu, activant les poignées de freins pour ne pas sombrer dans les virages.

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dans des paysages qui passent du tout au tout en permanence.

Les yeux, finalement, sont les seuls à être actif de long en large de ces journées fascinantes de beauté.

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Les yeux, finalement, sont les seuls à être actif de long en large de ces journées fascinantes de beauté.

Finalement, au sommet d’un énième col, en émerveillement, une lointaine chaîne de montagne se dresse en face de moi. Plus de cent kilomètres à vol d’oiseau nous en sépare mais la claireté de l’air nous offre un peu de sa beauté. De ses sommets enneigé qui me font vite comprendre qu’il s’agit là du djébel Toubkal, le toit du Maroc. Et si ses neiges n’y sont éternels, la fraîcheur de la saison leur permet de résister au printemps qui s’amène jour après jour. De fait l’hiver, là haut, n’est pas tout à fait terminé. Et, après 4 ans sans printemps, ces neiges là ont tout, absolument tout, de l’éternel. À commencer par les températures et le froid qui nous glace, nous poussant à changer de direction. C’est simple, une fois au carrefour et plutôt que de remonter vers le nord, nous descendons vers le sud. Déjà nous filons à vive allure, poussé par ce vent qui nous freinait hier encore. Les températures montent à nouveau, la vallée s’élargit, d’un orange brunâtre les falaises qui nous côtoient passe aux roses violacés alors qu’au milieu de rien un arbre survit. Solitaire. Il faut plusieurs kilomètres pour en apercevoir d’autre.

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Dès sommets enneigés aux oasis ensoleillés, l’Atlas marocain mélange les genres comme rarement

Enfin des campings refont surfaces à l’approche des premiers oasis. Le Sahara pointe à nouveau le bout de son né. Dès sommets enneigés aux oasis ensoleillés, l’Atlas marocain mélange les genres comme rarement et c’est dans ces conditions que je passe mes derniers jours en compagnie de Pedro.

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je passe mes derniers jours en compagnie de Pedro.

Après plus de deux mois ensemble, une page se tourne encore. Une autre s’ouvre. Et c’est en grimpant que je compte bien l’écrire…

Habité ce matin d’un léger pincement au cœur, je retrouve ma solitude.

Olivier Rochat