Archives pour la catégorie Etape N°6 : Le Cap – Makoua

Le voyage est découpé en plusieurs étapes. Retrouvez ici tous les articles de la sixième étape : Le Cap -Makoua

Jour d’éléction

Km 33’445, Mazubuka, Zambie.

-Le 11 août 2016, les zambiens ont voté afin d’élire leur nouveau président.    Je me trouvais ce jour-là à une centaine de kilomètres au sud de Lusaka, la capitale zambienne

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À mesure que je m’approche de Lusaka, la capitale zambienne, la circulation de la T1 qui me mène droit sur Lusaka augmente.

De gros camions me dépassent fréquemment, klaxonnant souvent , comme pour me prévenir d’un danger. Le leur. Le gros bruit sourd de leur klaxons résonnent comme un « pousse-toi! » violent, me sortant un peu de ma routine pédalière le long de cette longue route généralement ennuyante ou chaque journée ressemble à la précédente. Seul les détails changent. Les petits rien qui parfois, souvent, font les différences.

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Les camions chargés de a T1 qui mène à Lusaka (ici du coton)

Parfois un feu de brousse  (!) me sort de ma torpeur. « Incendie ! » pensais-je, comme si ce dernier me réveillait d’un long rêve tranquille. Un rêve somnolé sur mon Cargo à mesure que les kilomètres passent sans changer, à pédaler, toujours contre le vent.

Oui mais soudain je me « réveille » avec de grosses flammes qui jaillissent, poussée par le vent, en ma direction. Heureusement « l’incendie  » est de l’autre côté de la route et le goudron de cette dernière le stoppera. Mais il ne stoppera pas cette fumée épaisse qui vient dangereusement heurter le ciel bleu qui jusqu’ici formait mon horizon. Au même moment, quelques dizaines d’insectes -je les nommerai grillons et sauterelles mais quel que soit leurs noms leur taille est bien plus grosse que les insectes de chez moi- me foncent droit dessus à toute vitesse. Certains ne manquent pas de me heurter le front, les mollets, un bras. Ils fuient l’incendie. Ce dernier s’éloigne de la route et repart dans la brousse. Le vent a changé.

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L’incendie repart dans la brousse. Le vent a changé.

Quelques instants plus tard les flammes faiblissent déjà, laissant derrière elles une brousse calcinée, des résidus d’herbes noires et au milieu, des arbres qui n’ont pas brûlé. Tel sera mon paysage pour les prochains kilomètres avant de retrouver une brousse jaunie par la saison -l’hiver- mais bien vivante. Et de continuer ainsi jusqu’au prochain incendie.

Oui jusqu’au prochain car ce n’est pas d’un incendie qu’il sagit puisque tout ça est volontaire, contrôlé…et répété. L’herbe brûlée repousse mieux -à vérifier-.
Alors on l’a brûle en hiver pour qu’elle repousse mieux durant la saison des pluies . Quant au contrôle du feu il reste ma fois assez précaire, bien que généralement les accidents sont évités. Cependant Il m’était arrivé, l’année dernière, de me retrouver coincé sous une fumée étouffante -c’est le mot- et de pédaler a quelques mètres des flammes, en me protégeant bouche et yeux, sur quelques dizaines de mètres afin de sortir de cette incendie, feu de brousse volontaire, que le vent poussait soudainement sur ma route. Quelques mètres plus loin je croisait les « responsable » qui, tranquillement, me disait de faire attention car aujourd’hui ils mettent le feu à certaines parties de la brousse…

Mais c’est dans ma torpeur retrouvée que j’ai atteint, en fin de matinée, Mazabuka, 125 km au sud de la capitale.

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Même le gros supermarché, d’ordinaire ouvert même le dimanche, est fermé

Lorsque j’y entre tout est fermé. Même le gros supermarché, d’ordinaire ouvert même le dimanche, est fermé. Et oui, aujourd’hui on vote!

Cherchant de l’ombre, un restaurant pour me reposer un peu, boire et manger quelque chose , je m’enfile dans une rue non goudronnée que quelqu’un me conseille. Là encore tout semble mort. On dirait presque un dimanche de mi-novembre pluvieux en Suisse        -mais sans la pluie et avec 25 degré de plus-.

Please Boss!!!

Quelques gamins sortent de je ne sais trop d’où. Vêtu seulement d’un T-shirt et d’un short sale et troué  et visiblement affamé, ils me tendent la main et un petit « Please boss » sort de leur bouche. Leur regard implore la pitié. Quelques mètres plus loin un homme vient et s’en va, prononçant des paroles que personne ne comprend. À moins que lui les comprennent. Ces habits sont troués, il est sale et lorsqu’il me regarde j’ai l’impression que ces yeux ne me voient pas. Et lorsqu’une jeune femme, très bien habillée, talons hauts, coiffée comme pour un défilé de mode, traverse la rue, il vient lui tendre la main pour une petite pièce. Mais lorsqu’elle la lui donne, il s’en va dans l’autre sens, ignorant sa princesse de l’instant. Repartant quelques part pour quelques mètres, titubant. Se relevant puis revenant soudainement prendre la pièce et remercier sa bienfaitrice sans même la regarder. Le regard perdu dans le vide. Perdu dans un  monde qu’il est le seul à connaître.

Finalement Je trouve mon restaurant où le responsable me dit être allé voter ce matin pour pouvoir garder son business ouvert le reste de la journée. Il me montre l’un de ces ongles marqué d’une tâche brune, signe qu’il a voté. Que sa voix est comptée.

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Finalement Je trouve mon restaurant

Et petit à petit l’après midi passe, la vie semble reprendre ses droits. Les résultats tomberont samedi. D’ici là la ville retrouve son quotidien et moi le mien. Paisible, ennuyant si ce n’est par les détails du quotidien. Par les détails qui font mon chemin.

Les gamins sont toujours là lorsque je reprends mon chemin, comme on en voit souvent dans presque chaque ville africaine. Vivant de je ne sais quoi, probablement sans parents, souvent pas lavés depuis plusieurs jours, sans éducation et, affamés mais « interdit de voler », formé par la mendicité.

Pourtant maintenant, dans cette rue qui reprend un peu de vie, on les voit moins. Ils disparaissent un peu sous le quotidien de chacun. Ils font tout juste partie du décor et parfois j’aimerais bien leur donner un nom. Un pour chacun. Mais sont ils même un détail ? Ils ne sont qu’un chiffre…

« Please boss ! Please boss !!! » celui-ci me tend la main. Déjà je remarque que j’ai du mal à le regarder droit dans les yeux, lui qui a des yeux qui me voient bien. Il me serait bien plus facile de l’ignorer. Je pousse Cargo dans la poussière me demandant si ce gamin là sortira, un jour, de la misère. En Afrique il n’est pas difficile d’y entrer. Y sortir est bien plus compliqué. S’il va terminer comme ce pauvre homme que j’apercevais tout a l’heure, seul, aux portes de la folie. Une porte qu’il avait visiblement déjà franchie…

« Please boss ! Please boss! » continue-t’il, presque timidement. Puis il s’en va, mendier son pain plus loin.

J’ai presque peur de lui dire que chez moi la « misère » est telle que ce n’est pas la nourriture que l’on chasse. C’est les Pokémon.

Et bientôt je disparaît par le fond de cette rue. Presque aussi vite qu’il y a quelques heures j’étais apparu.

Je quitte Mazabuka tout en admirant le coucher de soleil, magnifique. Une boule rouge tombant sous l’horizon. Et puis il fait nuit…

 

Et dans quelques heures la Zambie aura un nouveau président.

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Un petit marché le long de la T1

Olivier Rochat

Zambie

Km 33’082, Linvingstone, Zambie.

Tranquillement mais sûrement, je reprends goût à la route depuis 3 jours, découvrant une Zambie sympathique et simpliste qui, sans en faire trop, sait se montrer souriante.

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Je reprends goût à la route

Plate et plutôt ennuyante, ma route m’emmène à travers des forêts où ici et là je croisent un village, parfois quelques simples huttes où les habitants sortent de leur somnolence pour me saluer, parfois un petit « centre » où se mélangent les vendeurs de fruits, le barbier, le boulanger faisant face au restaurant local où je mange pour 1$ ainsi que de nombreux bars qui servent à rassasier en alcool les villages environnants. Dans ce dernier la musique est puissante, désagréable, et l’alcool sent loin.

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Ma route m’emmène à travers des forêts

Je passe mon chemin, poussant mon Cargo dans le sable poussiéreux qui se mêle aux maisons, à peine arrêté par la porte d’entrée. Une femme, son bébé joliment accroché à son dos, me vend 4 tomates pour quelques centimes. 4 tomates qui accompagneront le poisson et le Nsima, ce plat local, sorte de polenta de farine de maïs un peu fade. Ce sera mon repas.

Même si les nuits sont fraîches et agréables le soleil est africain. En Zambie c’est peut-être lui le plus agressif.
C’est en me retrouvant sous son rayonnement pour plusieurs heures que je m’en rend compte en avoir perdu l’habitude. Il n’est pas midi que je sèche comme un poisson au désert. La gorge sèche je m’arrête au premier shop où je m’achète un coca froid. Et puis je reprends ma route, me faufilant entre ces énormes trous qui se trouve ici et là sur la route, obligeant camions et autres bus et voitures à faire de gros zigzags sur la route. Les apercevant de loin, j’aperçois ces 4 roues se rapprocher de moi à une allure parfois proche de celle du pas, tournant ridiculement autour de ces trous avec le but de n’y mettre roue. Comprenez, parfois Les trous atteignent près d’1 mètre de profondeur. Suffisant pour détruire une voiture qui s’y egarerait à bonne allure.

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me faufilant entre ces énormes trous qui se trouve ici et là sur la route

Mes journées se passent tranquillement, de temps en temps « perturbée » par l’une ou l’autre rencontre y amenant un peu de vie. Un sourire aux gamins qui me suivent dans certains villages. Un coup de nerf sur les « mzungu mzungu » incessant que me crie un ado. Au « mzungu » il ajoute rire et sifflement puis quelques « money money » puis, à vélo, se rapproche du mien et continue de plus belle malgré mes constantes demandes, polie, de se calmer. Énervé je finirai par lui rentrer dedans. Il s’enfuira, toujours en riant aux éclats.

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Un sourire aux gamins qui me suivent dans certains villages.

Puis je reprends ma balade qui se déroule à l’allure de la vie, croisant tantôt des vélos chargés, tantôt hommes et femmes à pieds, portant charge sur leur tête. L’allure de la vie en Zambie c’est souvent à l’allure des pas qu’elle avance. Bien qu’une fois une route sans trous retrouvées, c’est d’une allure suicidaire que se déplace les véhicules locaux. Du pas à l’éclair on ne fait transitions.

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croisant tantôt des vélos chargés, tantôt hommes et femmes à pieds

Lorsque je rejoins Kazungula, village frontalier du Botswana, j’apperçois une file impressionnante de camions arrêté le long de la route sur 3 km. En effet pas de pont pour traverser le Zambéze, ici on emploie un ponton sur lequel on ne met que deux camions à la fois. Il doit y en avoir une centaine et le ponton met plus d’une demi-heure pour faire l’aller retour.

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j’apperçois une file impressionnante de camions arrêté le long de la route sur 3 km.

« Je suis arrivé hier! » me dit un camionneur.

« Hier? Es tu sérieux ? » Lui repondis- je.

« oui mais ne t’en fais pas, avec un peu de chance demain je passerai de l’autre côté. »

« Comment ça un peu de chance, deux jours pour traverser une frontière c’est de la chance ? »

Il me rit au nez énergiquement « normalement cela dure une semaine!!! »…

Rouler à s’en tuer pour attendre une semaine à la frontière pour la passer… L’Afrique est bien mystérieuse parfois.

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avec un peu de chance demain je passerai de l’autre côté. »

Proche de Dieu

Et puis encore une fois je reprends mon paisible chemin, dormant facilement dans le bush puis à Linvingstone dans une mission catholique où l’on m’offre une chambre et un bon repas avant de refaire la vie avec le prêtre brésilien qui s’amuse en regardant les JO qui se déroule près de chez lui. L’équipe britannique féminine de rugby à 7 ecrase sa concurrente japonaise. 26 à rien à la mi-match… Puis on parle des élections de jeudi prochain, mes toutes premières en Afrique.

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Je reprends mon paisible chemin, dormant facilement dans le bush

« il ne faudra pas voyager ce jour là «  me dit le prêtre.

« ah oui? Les gens manifestent ici aussi? »

« non non, ou plutôt ils manifestent leur joie. Ils font la fête et les routes deviennent dangereuses sous l’effet de l’alcool. »

Et puis je m’endors, mi bouffé par ces moustiques que je déteste à nouveau plus que le diable. Je m’endors proche de Dieu, paisiblement.
Et au matin le prêtre vient me réveiller:
« le petit déjeuner est prêt ! »

La journée n’a pas commencé qu’elle est déjà bien commencée. Dieu est avec moi ce matin…

 

Olivier Rochat

En route pour la Zambie

Km 32’852, Katima Mulilo, Namibia.

-De retour sur la route après une improbable mais agréable pause de 54 jours-

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En route pour la Zambie

De retour à Katima Mulilo

Le 29 septembre dernier c’est par cette ville, Katima Mulilo, que j’entrais en Namibie pour un séjour qui ne devait durer que 2 mois au maximum… Aujourd’hui plus de 10 mois ont passé et c’est par cette même ville, tout au nord-est de la Namibie dans la fine bande de Caprivi, que je quitte ce magnifique pays qu’est la Namibie.

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Oryx de Liberté

Km 32’435, Namib Desert Route C27, Namibie.

En traversant le désert du Namib une chose m’a marqué, c’est les grillages et clôtures qui côtient la route en permanence, même dans les endroits les plus isolés. Bon nombre de fois j’ai aperçu des animaux coincé par cela, un petit séparé de sa mère où, même, un Oryx qui s’était coincé la patte dans une clôture…

Ambiance du Namib, entre paysages de solitude et la liberté qu’ils provoquent et clôtures de chez moi et l’emprisonnement qui en ressort…

 

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Vent d’Oxydant

Km 32’343, Betta, Namibie.

Voici un texte écrit lors de ma remontée du sud de la Namibie, sur les pistes sableuses,  bosselée et venteuse qui longe désert du Namib. Distances et solitude au menu.

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les pistes sableuses de Namibie

 

En retrouvant les pistes voici trois jours, j’espérais secrètement un autre vent.

Espoir vain.

Ce matin pourtant, après deux difficiles journée de pistes, le vent s’était arrêté.

Dans ces instants, silencieux au milieu de ces longues plaines, le temps semble s’arrêter lui aussi.

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Dans ces instants, silencieux au milieu de ces longues plaines, le temps semble s’arrêter

Mais bien vite, trop vite, le vent repris de plus belle et moi de m’enfermer dans mon pitoyable chemin de croix.

Au vent s’ajouta les cailloux, multitudes de petits soubresauts, puis le sable. Poussé Cargo dans un sable profond à la montée…

Aujourd’hui c’est sûr j’avais tout contre moi pensais-je, n’apercevant qu’un 4X4 de temps en temps m’envoyant poussière à la gueule, sauf un qui s’arrêta et m’offrit un soda.

4X4 auxquels sajoute ces interminables grillages et barbelés qui me rappelle à la triste réalité du monde occidental. Travail travail et travail pour des misérables vacances aussi courte que coûteuse, évasion furtives d’une réalité programmée de jour en jour et retransposée dans des vacances à l’identique mais ..à l’autre bout du monde.

Pédalant, enfin me débattant, contre les éléments, je m’égare à ces pensées lointaine, celles du Monde de chez moi que je retrouve ici dans ce beau pays où a l’exception de fermier blanc pour lesquels travaillent des noirs, toujours (c’est bon marché), je ne croise que des touristes et ceux qui s’en occupent. Pas un seul village au sens qu’il signifie.

La Namibie est élitiste et ça m’énerve, bien conscient que je suis de l’élite.

L’Afrique me paraît si loin tout à coup.

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Aujourd’hui et malgré les paysages c’est sûr j’avais tout contre moi pensais-je, n’apercevant qu’un 4X4 de temps en temps m’envoyant poussière à la gueule, sauf un qui s’arrêta et m’offrit un soda.

 

Et moi j’en veux au monde qui me vit naître et grandir. Je lui en veux d’avoir tant de mal à aimer ses sentiments et de baver pour un peu d’argent, je lui en veux de chercher sans cesse à repousser la vieillesse et y dépenser temps, énergie et argent alors que de jour en jour je me rend compte qu’il suffirait de lâcher ces trois choses pour la repousser, la vieillesse.

Le temps passe si vite qu’on ne peut pas le freiner. Et moi j’en veux à mon espèce, à ma race de sang, de sans cesse l’accelerer en pensant le prolonger.

Je lui en veux de me dire, de m’avoir appris, cette triste réalité occidentale: la générosité est une qualité. La gentillesse un défaut.

Je lui en veux de mettre son éthique si loin de toute morale et bon sens. La générosité n’est pas une qualité car ce devrait être la norme. La gentillesse quand à elle, est une qualité.

Mais c’est vrai, elle n’apporte pas richesse.

Et je lui en veux, de plus en plus, de prendre mes mots pour utopie. Je lui en veux d’être si faible et si peureux devant ses rêves, de fuir toute empathie et de penser, d’éduquer, pour principale savoir l’intelligence économique.

De promouvoir, toujours et aveuglement, que « le temps c’est de l’argent », alors que c’est bien le contraire qui prévaut.

En poussant Cargo dans le sable j’en veux à l’occident tout entier. Devant chaque mètre de ces putains de barbelés, je vois les barrières qui forment notre Monde, nos démocratie ratées qui sont venus pourrir l’Afrique les unes après les autres. Derrière chacun de ces barbelés je vois des prosacs, un psy et un suicidé. Je vois ce gosse qui n’entend que ce que ces écouteurs lui crient, n’écoutent que ce que les médias lui disent. Un gosse enchaîneé par ses propres parents. Dont tant sont vieux avant même d’avoir grandi.

Je vois cette femme qui se fait vomir et que l’on montre au final sur une affiche publicitaire.

Elle est la, la liberté de la Femme d’occident?

Et j’en veux toujours plus à l’occident, je lui en veux de ne pas être pire que les autres mais de tout bouffer, jour après jour, mètre après metre, vers après vers, culture après culture. Tout bouffer la Terre entière…de promouvoir sa merde au monde entier.

Derrière chacun de ces barbelés je vois l’occident qui oxyde le monde entier. Barricadé de peur que la merde qu’il a créé puis répandue lui retombe un jour dessus.

L »e désert est le meilleur des psys « m’avait on dit », Alors je parle comme hier je chantais lorsque le vent me poussais.

Et je parle avec le vent jusqu’au prochain 4X4, bouffée de poussière. Je sors mon réchaud pensant bouffer autre chose, me renforcer, enfin je réalise que je n’ai même pas faim.

Ainsi victime de mes attentes, je parle au vent. Je lui parle et petit à petit comprend qu’il ne souffle pas contre moi.

C’est moi qui vais contre lui.

Et déjà je m’en veux d’en vouloir à l’occident. Je m’en veux de ne pas être comme lui comme je m’en veux de m’énerver lorsqu’on me freine, d’aimer solitude comme on aime à l’éternité.

et Je m’en veux de m’en vouloir tant.

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En poussant Cargo dans le sable

Serais je donc comme lui? Comme l’occident?

Je ne sais pas, je ne sais plus. Mais je ne m’en veux pas de ne pas savoir. Je m’en veux juste de ne pas regarder cette femme telle qu’elle est. Telle qu’elles sont…

Et de ne pas me battre avec elle mais contre moi.

« ‘C’est bien! » Me répond le vent. Alors je me concentre sur la route. Petit à petit, le sable se durcit. J’avance un peu mieux,  retrouve sérénité.

Je suis libre à nouveau. Le vent pour seule chanson, pensée pour seul parole. J’écoute le silence et chacun de la beauté de ses cris.

J’avais oublié que le ciel est si bleu, les paysages si beau derrière barbelés, et me concentre à Route.
La voilà qui m’appelle. Elle me veut, me désir comme hier je l’embrassais encore.

Et bien qu’il ne s’agisse pour ce dernier paragraphe que d’imagination, je rejoins Betta, petit bled improbable comme on en voit tant en Namibie. J’y croise un couple de néerlandais.

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J’y croise un couple de néerlandais.

Nairobi-Le Cap est leur itinéraire.

Ils sont beaux, jeunes et ils me font rêver. Ils ont tout pour eux, vélos, rêves, voyages, amour… C’est que roulant à contre sens du miens, même le vent souffle avec eux. Il ny a que le temps qui les fuient.

Nous partageons paroles, ces endroits que nous avons partagés, à jours différents. Ces mêmes cyclistes que nous avons croisés, à endroits différents.

Soudain le temps s’accélère tant j’ai plaisir à vivre ces rares moments de complicité entre voyageur…d’occident.

Le vent ne souffle pas pour rien. Il me les a porté.

Ça me rappelle Riccardo ce brésilien croisé voici deux jours. Croisé au milieu de rien pour des moments d’infini. Pourtant ce n’est qu’un mec…mais le café que nous partageons à le goût du Brésil, l’accent portugais, le regard brillant du voyageur et le bonheur d’être partagé. Il a traversé l’Afrique de l’ouest, où je vais. Il a fait le Nigeria, l’Angola.

Lui aussi me fait rêver avec ces visas que je convoite tant. Et puis l’entendant me dire qu’il a eu beaucoup de chance de les avoir, j’en viens à penser que j’ai eu beaucoup de chance de le rencontrer.

Sans oublier que la chance n’est que résultat de provocation.

Alors nous nous séparons. L’Afrique du Sud l’attend. Moi cest l’Afrique de l’ouest qui m’attend. Ai je plus de chance que lui?

L’avenir me le dira, je m’en vais le provoquer.

Et c’est d’un soleil romantique que se termine cette journée, coucher de soleil après lequel se couche le vent, lui aussi. Comme tous les soirs. Avant de reprendre de plus belle au petit matin.

« N’as tu pas peur de mourir? » Me demandais cette femme hier.

« Non, non. La mort est fascinante, » pensais je profondément. La mort est le passage vers un nouvel ailleurs. Ou alors il n’y a rien de l’autre côté. Dans ce dernier cas il n’y rien à craindre. Mais toute nouveauté est bonne à prendre.

« Non, j’en ai pas peur, mais ça ne m’attire pas » répondis je simplement à cette femme qui me demanda ensuite si ma famille, mes amis pensent que je suis fou.

Je n’osais lui répondre que son pays est lui même une folie, chacun de ses barbelés une maladie. Mais Je lui souhaitais une bonne journée. Un regard fuyant comme seul réponse.

Et ce soir je me rend compte qu’après 20 mois de route je n’ai plus peur de vivre, pas plus que de mourir. Mais j’ai toujours peur du vent.

Persuadé qu’en y venant à bout je n’aurai plus peur de lui ni de rien, je m’endors sereinement.

Car au lit de ma tente, quand tous les soirs je pense à toi, je sais que je n’ai plus peur d’aimer.

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Au lit de ma tente, quand tous les soirs je pense à toi, je sais que je n’ai plus peur d’aimer.

Olivier Rochat