Km 32’435, Namib Desert Route C27, Namibie.
En traversant le désert du Namib une chose m’a marqué, c’est les grillages et clôtures qui côtient la route en permanence, même dans les endroits les plus isolés. Bon nombre de fois j’ai aperçu des animaux coincé par cela, un petit séparé de sa mère où, même, un Oryx qui s’était coincé la patte dans une clôture…
Ambiance du Namib, entre paysages de solitude et la liberté qu’ils provoquent et clôtures de chez moi et l’emprisonnement qui en ressort…
Un parfum d’outre-monde a reprit ses droits depuis 2 jours…
La solitude, le vent, le mauvais des routes, tôles ondulées, sableuses ou caillouteuse avait semble t’il eu raison de ma motivation…
La Namibie de territoire magnifique était devenue terroire empirique, vaste râle poétique. Plaisir poétique car nulle part ailleurs je n’y trouvais plaisir.
« C’est en perdant son chemin que l’on commence à voyager », c’est cette phrase que je me suis répetée lorsque je m’aperçus de ma bêtise profonde avant hier au matin. En effet, je m’étais trompé de route.
Mais comment est-il possible dêtre aussi con?
En quittant ce jeune couple de hollandais j’en oubliais qu’il me fallait revenir une centaine de mètre en arrière avant de prendre à droite au lieu de continuer tout droit comme je le faisais.
Une fois l’erreur comprise, je n’était pas bien loin, quelques km à peine, mais impossible de revenir en arrière. Non! Je n’en ai pas envie. Ainsi je m’éloignais de cette route et, grimpant colline, en découvrais une autre, moins connue, plus montagneuse et finalement… bien mieux revêtue.
Petit à petit je m’éloignais de cette longue plaine, du vent, du tourisme, de mes attentes et pour un moment, le temps d’une boucle d’une centaine de km me ramenant un peu plus au nord du point où j’avais quitté ma route de prédilection, me permettait de me retrouver tout comme le vent que je retrouvais une fois ma boucle boulée.
Je retrouvais donc ce Namib, de plus en plus beau, ces routes de plus en plus mauvaises bien que le vent soufflait moins que de raison, pour une fois.
M’enfonçant dans un désert de plus en plus aride je m’égare à donner une raison rationelle de la présence de ces interminables fils ou barbelés qui longent ces routes.
Rencontre inatendue
Soudain c’est 2 springboks qui se trouvent en face de moi. Effrayés ils s’en vont en courant de leurs bonds incessants. Ils s’en vont sur la droite quand soudain… BOUM! En plein sur les fils, la tête la première. Leur tête rebondit et manquent de peu de se coincer entre deux fils. L’un d’entre eux comprend le « piège » et arrive, de justesse, à s’échapper d’un bond mais, sans élan, en retombe en plein sur ce grillage et manque de peu de se coincer la patte.
L’autre, complètement affolé, revient de plus belle et refonce la tête la première, rebondit comme sur un ressort avant de traverser à toute allure la route, espérant s’échapper de l’autre côté.
Bien sûr, de l’autre côté de la route, c’est la même chose qui l’attend. BOUM!
Moi j’observe la scène, ne sachant pas plus quoi faire que penser. Je m’arrête pour ne pas plus l’effrayer, le pauvre l’est déjà tant. Il repart de plus belle de l’autre côté et… BOUM! Il se relève titubant, prenant juste le temps de me regarder et s’apercevant que je ne le suis plus. Je le vois qui disparaît au loin. Séparé de son partenaire il continue le long de ce grillage et je ne l’appercevrai plus.
Pensant au ridicule de la scène, je m’attaque alors à cette petit colline. La route est mauvaise, j’avance lentement. Au haut de cette bosse j’entend, là encore, un bruit de grillage.
Mais, tournant la tête, c’est un Oryx que j’apperçois cette fois, la patte coincée dans un grillage une cinquantaine de mètre en haut de la route. Plus grand que le Springbok avec ces longues cornes que j’aperçois souvent au haut d’un crâne prônant devant les maisons des fermiers, souvenirs de chasse, les Oryx n’arrivent pas à sauter ces grillages, me dira t’on plus tard. Ils essayent de passer dessous.
La situation tourne au ridicule. Je me retrouve au milieu de rien, ou presque. Personne ne vit à l’année ici, il n’y a rien ou si peu, quelques arbustes de temps en temps et ces animaux, zèbres, springboks ou Oryx qui vivent là entouré de ces grillages qui ne couvrent ni ferme ni partie de chasse ni parc national, j’en suis toujours à l’extérieur. Je ne vois là absolument aucune raison rationelle à tout ça, bien que j’en apperçoive toujours ce bel Oryx se débattre pour essayer de se dégager de ce mauvais pas.
S’étant coincer la patte au haut d’une colline, personne ne le voit depuis la route, les voitures de touristes étant bien trop préocupée par la prochaine attraction touristique, les dunes de Sossusvlei ou le wifi et la douche chaude qu’ils trouveront dans le prochain hôtel à 100 us après avoir survécu à ces véritables champs de bosses, champs de tôles ondulées..
3 voitures passent rapidement, j’attends qu’elles s’éloignent car il n’y a rien de pire que les conseils de ceux qui n’ont jamais essayé.
J’y vais, je franchis un premier grillage qui me permet d’accèder à 2 mètre environs de cet impressionant Oryx qui me prend certainement pour son bourreau et se débat de plus belle. Je m’aperçois que le fil est bien coincé dans son sabot, cela doit faire un moment qu’il est coincé puisque du sang commence à couler.
Avec ses grandes cornes qui couvrent une bonne partie de son corps, il me sera impossible de l’approcher, il va m’empaller. C’est un animal dont je ne connais absolument rien d’autre que ce que j’y vois le long de la route (on en voit beaucoup par ici), il m’a l’air très peureux mais bon… face à la mort, ou ce qu’il prétend comme telle, donc moi, inutile d’espèrer miracle.
Je me souviens alors que j’ai une tenaille dans mes bagages, petites pinces dont une partie est faite pour couper les fils de ce genre. Ce doit bien être le seul outil que je n’ai pas utilisé jusqu’alors.
Je retourne à mon vélo. J’y vais, j’y vais pas?
A quoi bon, il ne me laissera jamais s’approcher.
Maintenant, du bas de la route ou reste Cargo, je le vois qui se couche. Un brin dépité.
Franchement Il me fait pitié mais bon, quelqu’un, un fermier va bien le trouver. Il y a des gens payé pour ça non? La prochaine Lodge est à 60 km je n’y arriverai pas aujourd’hui. Personne ne fera 60 km pour un Oryx, surtout qu’il est juste à l’extérieur (pour 3 km à peine) de la réserve du Namib que je m’apprête à traverser et par conséquent, pas protegé.
Les rencontres du soir me donneront raison, personne ne serait venu pour lui me dira un local, travaillant pour cette fameuse lodge que j’aurai rejointe entretemps. Et puis il est interdit de les approcher, ils sont protégés. Protégé mon cul… Enfermé plutôt.
Pensant à ce que je risque mais persuadé que tout va bien se passer, j’y vais.
Je franchis le premier grillage, il se relève, il a de la peine. Je m’approche du fil, à 50 cm de sa patte et il se tourne et pousse un impressionnant grognement, la pointe de ses cornes atteignent sa patte il est tout proche de moi et…je fais un bond en arrière, véritable sursaut, mon poul accélère.
Il est maintenant debout. Juste en face de moi. Il me faut un instant pour comprendre que je ne maîtrise plus rien mais qu’il est libre.
En effet sa patte s’est dégagée dans le mouvement qu’il a fait, mouvement de peur.
Il ne bouge pas, me fixe du regard, poussant un faible et continu grognement, menaçant… GRRRRRRRRR… Nous nous regardons quelques secondes, peut-être moins mais cela me semble durer une éternité. Puis Je saute le grillage derrière moi. Je m’éloigne gentiment en le regardant.
Je me demande ce qu’il pense de moi, quel était vraiment les risques. Puis j’atteint Cargo. Je range ma tenaille, monte mon sac, l’attache correctement.
Au moment de reprendre ma route je ne le vois plus… ah si, c’est juste qu’il a déjà couru 100 mètres.
Alors je monte sur ma selle et le regarde s’éloigner.
Quelques centaines de mètres ou kilomètres plus loin, l’émotion retombe, bon ou pas bon peu importe, je m’ésclaffe de rire.
Je brandis les bras au ciel, les doigts bien haut: FUCK OFF!!!
Suis-je en train de devenir sensible à la cause des animaux? n’ai-je plus de sens à mon voyage? Est-ce la solitude qui me rend ainsi? Ne devrais-je pas me soucier d’autre chose que d’un Oryx comme il y en a des milliers dans ce monde là? Les questions me viennent mais pourtant disparaissent rapidement, aussi vite que ce magnifique Oryx a repris gout à son chemin, je reprend goût au mien.
J’en apercerai quelques dizaines durant le restant de la journée qui tous, ou du moins ceux qui seront près de la route lorsque j’y passerai, me regarderont avec méfiance et inquiétude.
En les regardant je repense à cette scène, à cette rencontre si particulière, si unique et finalement si simple qu’elle prend 1000X plus d’importance que ces magnifiques paysages qui m’entourent.
Mais moi j’ai ma petite histoire d’amour à moi.
Et je sais bien, en repensant à cette rencontre, qu’ilsn’atteindront jamais même le dessous du talon de toutes ces rencontres que nous faisons en voyageant. En y passant tout droit j’y perdrai photos, rien de plus. Mais à chacun de mes kms, a chacune de mes rencontres j’y gagne humanité. J’y gagne serenité.
Parce qu’au final peu importe ce que pensent les gens. Plus important est ta propre pensée.
Et que la mienne m’apprend que dans ce pays, cette région faite de supériorité plus que de raison, là où le blanc et le noir se mélange si mal, là où l’animal est soit gibier que l’on chasse ou prédateurs que l’on vent en Safari et braconne par derrière, mais que tous son inférieur au plus crétin des hommes, cette région où la nature est pourtant si belle, la supériorité que nous avons acquise face à l’animal, cette suprériorite grotesque nous mène chaque jour à notre perte, celle de notre propre maison la Terre et un jour si nous continuons, de notre propre espèce. Qu’arrogance n’est pas évolution, que possessions non plus et bien des animaux sont plus sensibles que nous le sommes nous mêmes, bien plus réceptif à l’attitude des autres.
Et à mesure que s’approche les mythiques dunes de Sossusvlei, je laisse libre court à mes pensée, persuadé que l’entier de nos problèmes, ou presque, ne sont que le résultats de nos besoins de possessions, nos attentes, notre arrogance et nos questions, jalousies et autres folies.
Mais que les animaux ne peuvent pas en dire autant.
J’aperçois gentiment ces dunes s’agrandir au loin à mesure que je m’en approche. Alors passent les 4X4 et les lodges luxurieuse dont celle ci où je m’arrête boire une boisson fraîche car j’en ai marre et ressent le besoin d’écrire.
Au milieu du désert j’ai maintenant du wifi et tout ça , oui tout ça ne rime à rien. A rien du tout.
Et déjà cette gentillette serveuse noire au sourire d’or (toujours distinguer la couleur de peau par ici), m’apercevant me perdre le regard sur cette Oryx qui s’approche et vient s’abreuver, me raconte comme il est interdit d’approcher les Oryx.
Je dis « Ah », je dis « Bon » et me contente d’un regard de loin et, le sourire au coin, garde mes propres pensées pour moi.
Je reprend la route et déjà, les dunes de Sossusvlei, les vrais dunes du Namib, sont presque là mais moi de penser droit, je ne les vois presque pas.
Je vois bien plus loin que ça…
Oryx de m’y libérer…
Olivier Rochat