Km 32’343, Betta, Namibie.
Voici un texte écrit lors de ma remontée du sud de la Namibie, sur les pistes sableuses, bosselée et venteuse qui longe désert du Namib. Distances et solitude au menu.
En retrouvant les pistes voici trois jours, j’espérais secrètement un autre vent.
Espoir vain.
Ce matin pourtant, après deux difficiles journée de pistes, le vent s’était arrêté.
Dans ces instants, silencieux au milieu de ces longues plaines, le temps semble s’arrêter lui aussi.
Mais bien vite, trop vite, le vent repris de plus belle et moi de m’enfermer dans mon pitoyable chemin de croix.
Au vent s’ajouta les cailloux, multitudes de petits soubresauts, puis le sable. Poussé Cargo dans un sable profond à la montée…
Aujourd’hui c’est sûr j’avais tout contre moi pensais-je, n’apercevant qu’un 4X4 de temps en temps m’envoyant poussière à la gueule, sauf un qui s’arrêta et m’offrit un soda.
4X4 auxquels sajoute ces interminables grillages et barbelés qui me rappelle à la triste réalité du monde occidental. Travail travail et travail pour des misérables vacances aussi courte que coûteuse, évasion furtives d’une réalité programmée de jour en jour et retransposée dans des vacances à l’identique mais ..à l’autre bout du monde.
Pédalant, enfin me débattant, contre les éléments, je m’égare à ces pensées lointaine, celles du Monde de chez moi que je retrouve ici dans ce beau pays où a l’exception de fermier blanc pour lesquels travaillent des noirs, toujours (c’est bon marché), je ne croise que des touristes et ceux qui s’en occupent. Pas un seul village au sens qu’il signifie.
La Namibie est élitiste et ça m’énerve, bien conscient que je suis de l’élite.
L’Afrique me paraît si loin tout à coup.
Et moi j’en veux au monde qui me vit naître et grandir. Je lui en veux d’avoir tant de mal à aimer ses sentiments et de baver pour un peu d’argent, je lui en veux de chercher sans cesse à repousser la vieillesse et y dépenser temps, énergie et argent alors que de jour en jour je me rend compte qu’il suffirait de lâcher ces trois choses pour la repousser, la vieillesse.
Le temps passe si vite qu’on ne peut pas le freiner. Et moi j’en veux à mon espèce, à ma race de sang, de sans cesse l’accelerer en pensant le prolonger.
Je lui en veux de me dire, de m’avoir appris, cette triste réalité occidentale: la générosité est une qualité. La gentillesse un défaut.
Je lui en veux de mettre son éthique si loin de toute morale et bon sens. La générosité n’est pas une qualité car ce devrait être la norme. La gentillesse quand à elle, est une qualité.
Mais c’est vrai, elle n’apporte pas richesse.
Et je lui en veux, de plus en plus, de prendre mes mots pour utopie. Je lui en veux d’être si faible et si peureux devant ses rêves, de fuir toute empathie et de penser, d’éduquer, pour principale savoir l’intelligence économique.
De promouvoir, toujours et aveuglement, que « le temps c’est de l’argent », alors que c’est bien le contraire qui prévaut.
En poussant Cargo dans le sable j’en veux à l’occident tout entier. Devant chaque mètre de ces putains de barbelés, je vois les barrières qui forment notre Monde, nos démocratie ratées qui sont venus pourrir l’Afrique les unes après les autres. Derrière chacun de ces barbelés je vois des prosacs, un psy et un suicidé. Je vois ce gosse qui n’entend que ce que ces écouteurs lui crient, n’écoutent que ce que les médias lui disent. Un gosse enchaîneé par ses propres parents. Dont tant sont vieux avant même d’avoir grandi.
Je vois cette femme qui se fait vomir et que l’on montre au final sur une affiche publicitaire.
Elle est la, la liberté de la Femme d’occident?
Et j’en veux toujours plus à l’occident, je lui en veux de ne pas être pire que les autres mais de tout bouffer, jour après jour, mètre après metre, vers après vers, culture après culture. Tout bouffer la Terre entière…de promouvoir sa merde au monde entier.
Derrière chacun de ces barbelés je vois l’occident qui oxyde le monde entier. Barricadé de peur que la merde qu’il a créé puis répandue lui retombe un jour dessus.
L »e désert est le meilleur des psys « m’avait on dit », Alors je parle comme hier je chantais lorsque le vent me poussais.
Et je parle avec le vent jusqu’au prochain 4X4, bouffée de poussière. Je sors mon réchaud pensant bouffer autre chose, me renforcer, enfin je réalise que je n’ai même pas faim.
Ainsi victime de mes attentes, je parle au vent. Je lui parle et petit à petit comprend qu’il ne souffle pas contre moi.
C’est moi qui vais contre lui.
Et déjà je m’en veux d’en vouloir à l’occident. Je m’en veux de ne pas être comme lui comme je m’en veux de m’énerver lorsqu’on me freine, d’aimer solitude comme on aime à l’éternité.
et Je m’en veux de m’en vouloir tant.
Serais je donc comme lui? Comme l’occident?
Je ne sais pas, je ne sais plus. Mais je ne m’en veux pas de ne pas savoir. Je m’en veux juste de ne pas regarder cette femme telle qu’elle est. Telle qu’elles sont…
Et de ne pas me battre avec elle mais contre moi.
« ‘C’est bien! » Me répond le vent. Alors je me concentre sur la route. Petit à petit, le sable se durcit. J’avance un peu mieux, retrouve sérénité.
Je suis libre à nouveau. Le vent pour seule chanson, pensée pour seul parole. J’écoute le silence et chacun de la beauté de ses cris.
J’avais oublié que le ciel est si bleu, les paysages si beau derrière barbelés, et me concentre à Route.
La voilà qui m’appelle. Elle me veut, me désir comme hier je l’embrassais encore.
Et bien qu’il ne s’agisse pour ce dernier paragraphe que d’imagination, je rejoins Betta, petit bled improbable comme on en voit tant en Namibie. J’y croise un couple de néerlandais.
Nairobi-Le Cap est leur itinéraire.
Ils sont beaux, jeunes et ils me font rêver. Ils ont tout pour eux, vélos, rêves, voyages, amour… C’est que roulant à contre sens du miens, même le vent souffle avec eux. Il ny a que le temps qui les fuient.
Nous partageons paroles, ces endroits que nous avons partagés, à jours différents. Ces mêmes cyclistes que nous avons croisés, à endroits différents.
Soudain le temps s’accélère tant j’ai plaisir à vivre ces rares moments de complicité entre voyageur…d’occident.
Le vent ne souffle pas pour rien. Il me les a porté.
Ça me rappelle Riccardo ce brésilien croisé voici deux jours. Croisé au milieu de rien pour des moments d’infini. Pourtant ce n’est qu’un mec…mais le café que nous partageons à le goût du Brésil, l’accent portugais, le regard brillant du voyageur et le bonheur d’être partagé. Il a traversé l’Afrique de l’ouest, où je vais. Il a fait le Nigeria, l’Angola.
Lui aussi me fait rêver avec ces visas que je convoite tant. Et puis l’entendant me dire qu’il a eu beaucoup de chance de les avoir, j’en viens à penser que j’ai eu beaucoup de chance de le rencontrer.
Sans oublier que la chance n’est que résultat de provocation.
Alors nous nous séparons. L’Afrique du Sud l’attend. Moi cest l’Afrique de l’ouest qui m’attend. Ai je plus de chance que lui?
L’avenir me le dira, je m’en vais le provoquer.
Et c’est d’un soleil romantique que se termine cette journée, coucher de soleil après lequel se couche le vent, lui aussi. Comme tous les soirs. Avant de reprendre de plus belle au petit matin.
« N’as tu pas peur de mourir? » Me demandais cette femme hier.
« Non, non. La mort est fascinante, » pensais je profondément. La mort est le passage vers un nouvel ailleurs. Ou alors il n’y a rien de l’autre côté. Dans ce dernier cas il n’y rien à craindre. Mais toute nouveauté est bonne à prendre.
« Non, j’en ai pas peur, mais ça ne m’attire pas » répondis je simplement à cette femme qui me demanda ensuite si ma famille, mes amis pensent que je suis fou.
Je n’osais lui répondre que son pays est lui même une folie, chacun de ses barbelés une maladie. Mais Je lui souhaitais une bonne journée. Un regard fuyant comme seul réponse.
Et ce soir je me rend compte qu’après 20 mois de route je n’ai plus peur de vivre, pas plus que de mourir. Mais j’ai toujours peur du vent.
Persuadé qu’en y venant à bout je n’aurai plus peur de lui ni de rien, je m’endors sereinement.
Car au lit de ma tente, quand tous les soirs je pense à toi, je sais que je n’ai plus peur d’aimer.
Olivier Rochat
Salut Olivier,
On a bu du karkadé en ton honneur avant la coupe d’été de ton père, bref c’est les foins malgré la pluie.
Toujours autant de plaisir à découvrir tes textes.Magnifique!!
On attend skype chez Florian???
Portes toi bien, on pense souvent à toi et à ton ange gardien.
Gros bisous
Agnès Ami-Louis et Sylvie
Oui haha un bel ange gardien m’accompagne. Merci pour votre message!
Gros bizoux à tous!!!
A bientôt