Km 29’459, Semonkong, Lesotho.
A cet instant de mon voyage, si près du Cap et ma remontée vers le nord, avec 581 jours de route derrière moi, le Lesotho est un cadeau. Une perle africaine, l’une des plus hautes, cachées quelques part au milieu du ciel de l’Afrique du Sud.
De cols en cols
Avec 28 cols et d’innombrables collines répartis sur 943 km et 14 jours de route (plus 5 de repos), le Lesotho n’a pas été facile à traverser.
Ecrit du15 avril 2015:
Bien qu’aux paysages variés, les jours se suivent et se ressemblent au Lesotho que je traverse, toujours, de cols en cols.
Pas moins de 7 dans les faits pour moins de 150 km d’un tronçon qui devrait me mener à l’ouest du pays, région plus plate et d’où je devrais retrouver l’Afrique du Sud.
Après 12 km d’ascension matinale j’ai pu profiter de 8 km de descente en douceur, virage oblige, pour attaquer, sans le moindre km de plat, le prochain col dont j’aperçois déjà la route, une dizaine de km en face de moi, serpenter dans les montagnes.
Sur la route les journées sont plutôt courte, profitant des rares villages que je croise pour m’y reposer puis de la solitude de l’altitude pour des bivouacs toujours aussi beau qu’appréciable.
Hier après midi c’est une bande de gamins qui m’appercevant, décide de me suivre.
Me demandant comme souvent des bonbons, voire de l’argent, je m’arrête et poliment leur répond que je ne vais rien leur donner.
Une photo s’ils le veulent.
Normalement ça se termine par des sourires, puis ils s’en vont.
Pas cette fois. Un col entier ils m’ont poursuivi, visiblement avec plus d’énergie que quelqu’un qui souffre de faim. S’accrochant aux portes bagages puis me criant miam miam ce n’est qu’au col, court instant de plat, qu’ils me laisseront tranquille.
Le col en question, Cheche, est peuplé d’un village. J’y voyais là l’occasion d’un petit break mais voici qu’une bande dado veut aussi de l’argent. Insistant puis énervé lorsque je leur répond non, c’est d’un gros bras d’honneur enervé, pardon, que je les quitterai et me lancerai à la descente de ce col.
Allez tous vous faire foutre!…
Et 6 km de descente, raide, plus loin, traverser une rivière et attaquer, déjà, le col d’après.
T’avais compris.
Instant Éthiopie qui me rappelle que je suis toujours en Afrique. Heureusement, les rencontres d’après me rappeleront que l’Afrique ce n’est pas que ça. Beaucoup de sourires et de bons moments.
Et quelques km plus loin, la vue me rappelera que le Lesotho est unique et qu’à 2-3 écart près, c’est peut être mon préféré.
Que personne n’est parfait et qu’il n’est pas trop dire que je me plais ici.
LESOTHO SAIT T’ADMIRER
Ecrit de Semonkong, le 18 avril 2016:
« Il Paraît qu’écrire c’est exister.
Moi je sais que pédaler c’est liberté.
Aussi je m’aperçois que
Lesotho sait t’admirer
Mais je n’oublie pas qu’ Essentiel est d’aimer »
Une partie d’un petit mot, un mot juste, juste un mot, sans prétention ni politesse, aucune, que j’écrivais voici quelques nuits lors d’un bivouac solitaire, montagnes oblige.
Solitude pourtant belle, les yeux perdus, rêveurs et porté vers le ciel, là où se trouve Milkyway, La Voie lactée.
Horizon qu’au soir on situe en années lumières. Horizon qui te réveille au matin car au fond de lui le soleil t’apparaît enfin, brillant à t’éclater les yeux si tu a l’arrogance de le regarder dans les siens. Il survole la montagne, la vue est plongeante.
Il est temps de reprendre la route, et, malgré un horizon en années lumières, celui du ciel d’Afrique, se concentrer sur le seul prochain km.
Ici on le compte en dizaines de calories.
Un thé, un peu de confiture sur du pain. Plier sa tente. Et repartir.
Lesotho sait t’admirer.
Voici 10 ans maintenant, un jour d’avril 2006 et pour la première fois, je découvrais les Alpes à vélo.
Un premier col. Poussée d’oxygène au milieu d’une adolescence silencieuse.
Première rencontre que je n’ai su expliquer. Simple hasard, challenge, découverte d’un bien être en fuyant un mal être?
Il est vrai que regarder un américain grimper le galibier à 30 km/h lors du Tour de France à quelque chose de fascinant. Scène pourtant grotesque, ridicule qui en tua plus d’un après carrière par overdose.
Il y a du débile en l’humain.
Non le galibier ne se grimpe pas sainement, ni objectivement d’ailleurs, à 30 km/h. Mais il se grimpe quand même.
Le cyclisme ce n’est pas que ça. Mais le vélo ce n’est pas ça. C’est mon avis.
Peu à peu, un col après l’autre, mon premier « 2000 » puis des dizaines, la passion s’accentua.
Les alpes selon moi ont cette magie, naturelle, qu’elle change tout le temps. Je ne suis pas né dans les alpes et je n’y ai pas grandi mais pendant longtemps sur un vélo il n’y avait qu’elle.
Un col après l’autre.
Une addiction. Exister. Au demeurant suis-je plus malade que la société qui m’a vu le devenir?
J’ai débuté seul, en écrivant sur une feuille avec un crayon. Puis j’ai eu mon premier appareil photo. Facebook quelques années plus tard.
Mais jai continué d’écrire, simplement et petit a petit s’ouvrir au monde tel qu’il est, « Democratie mon cul », sans pourtant jamais réussir à s’y identifier. A s’y adapter. A y croire. A l’aimer au point de ne plus vouloir changer.
Trouver sa place entre l’hypocrisie des religions et la médiocrité, capitalisme oblige, de beaucoup de leurs opposant. « Ta vie c’est des photos! « .
Consolation par Consommation. Pourquoi y croire lorsqu’on croit tout savoir?
A peine s’éviter la marginalisation.
Et si j’étais comme toi?
Non…
Alors est venu Bike for Africa. Je l’ai partagé. Un blog pour l’humanité.
A la découverte des alpes, cumulant découvertes et ascensions, détours les uns après les autres.
Avec cette principale promesse qui grandit au fil du temps, celle de trouver un Équilibre.
Équilibrer sa vie, les passions, les besoins, les envies, les devoirs sociaux, pseudo-carrière de je-ne-sait-quoi. Les heures sur la selle… et les amourettes? En gros les besoins du corps face à la tête.
Et ceux qui se sont aventuré trop loin le savent mieux que moi: le corps fini toujours par l’emporter sur la tête.
Il n’y a pas d’exception.
Et hier, c’est lors d’une rencontre que j’en reviens à comment tout cela a commencé, un jour d’avril 2006.
Rencontre avec un français de la Réunion qui voyage en camping car avec son épouse. Camping car qui lâcha, et ce n’est pas le premier, face aux pentes offertes sur les cols, il y en a cinq, qui mènent à Semonkong.
Cols abordé parfois en zigzaguant sur la route, gauche-droite-gauche-droite… un bon 20%.
« Tu n’y arriveras pas aujourd’hui, c’est impossible », me disait cet homme alors que j’abordais le 3ème col.
A 50 km de Semonkong, il me restait plus de 1500 mètres d’ascensions. Mais a 16 heures, bien avant le couché du soleil, je plantait ma tente à Semonkong, bière en bouche.
« C’était impossible mais je ne le savais pas, alors je l’ai fais » devrais je dire. Mais c’est de la frime.
« C’était impossible mais cet homme ne savais pas que c’était possible », terminerai-je. Un repos se dessine.
Rien d’impossible. Toujours difficile. Tel est Lesotho.
« Sans oublier, jamais, que Lesotho sait t’admirer.
Et qu’Essentiel est d’aimer.
Un mot juste, juste un mot.
Parce que l’on dit qu’écrire c’est exister.
Et que moi je sais que pédaler c’est liberté. «
Puis trouver un Équilibre. Se placer, limiter. Chercher le plaisir, l’illimiter, le vivre.
Je n’ai pas besoin de courir. J’ai le temps.
Je n’ai pas besoin de savoir. J’ai de l’imagination.
Je n’ai pas besoin d’une patrie. J’ai le monde.
Je n’ai pas besoin d’un ami. J’ai un vélo? Hum…
Je n’ai pas besoin d’haïr. Mais j’ai toujours eu besoin d’aimer!
Trouver un Équilibre. Effort ou réconfort.
Consolation par la consommation…
« Moi j’ai choisi de pédaler par liberté.
D’écrire pour exister.
Je vois bien que Lesotho sait t’admirer.
Mais je n’oublie pas quEssentiel est d’aimer.
C’était juste
Juste un mot
Un mot juste
Aimer »
C’est comme ça que j’ai terminé mon mot, mon mot juste. Sans prétention ni politesse, aucune, que j’écrivais voici quelques nuits lors dun bivouac solitaire, montagnes oblige.
Les yeux rivés, perdu, rêveur à se noyer dans Milkyway, La voie Lactée.
Et c’est ainsi que10 ans ont passé, souvenir inutile mais souvenir quand même.
Et toujours, oui toujours, je me plaîs à pédaler.
Olivier Rochat