Km 40’860, Ilesha, Nigeria.
Intense autant que paradoxal, policé et accueillant, j’ai traversé le Nigeria à vélo. Une expérience particulière pour un pays particulier lui aussi. Durant 15 jours j’ai parcours le Nigeria d’est en ouest…
Voici un résumé écrit sur la route, alors au Yorubaland, à quelques kilomètres du terme de mon aventure nigériane:
J’ai traversé le Nigeria à vélo. Une expérience particulière pour un pays particulier lui aussi.
Ecrit le 26 février 2017:
Blessé mais toujours vivant
C’est avec un Cargo usé, en bout de course après que la soudure de son cadre fracturé au Gabon a presque cédé à nouveau, me laissant apercevoir une fissure inquiétante, que je termine gentiment ma traversée du Nigeria, entamée voici deux semaines et plus de 1’100 kilomètres déjà.
Une fissure inquiétante
Alors à quelques kilomètres seulement du fleuve Niger, c’est un soudeur que je trouve dans un petit village qui en quelques minutes remet mon Cargo d’aplomb pour affronter son dernier challenge: me mener jusqu’au Togo ou je trouverai mon nouveau cadre. Et même plus: un nouveau vélo.
En quelques minutes il remet mon Cargo d’aplomb
L’aventure nigériane, ce soir là, je la voyais se terminer en bus. Il n’en fut rien grâce, encore une fois, à la main d’oeuvre étonnamment bon marché par ici. Coût de l’opération: 2 euros…
Coût de l’opération: 2 euros…
Et quelques instants plus tard de nouveau sur la route, en direction du fleuve Niger pour me rapprocher encore un peu plus du Bénin. Toujours surpris par l’une des différences les plus marquantes que j’observe entre les cultures africaines que je traverse, et celle d’ou je viens: le déroulement du temps. Ou plutôt la vitesse à laquelle évolue l’homme à travers celui-là.
Le fleuve Niger
Parfois un petit acte peut prendre des heures. En voyageant au bus au Malawi, il m’arriva de rester assis 4 heures dans un bus avant même que ce dernier ne parte. La raison? Il n’était pas plein. Au contraire certaine chose peuvent aller bien plus vite, comme trouver un soudeur qui me répare mon cadre bien plus rapidement que ce dernier en a eu besoin pour se fissurer à nouveau.
Entre police et accueil, le Nigeria à vélo… une ambiance particulière.
5000 km après ma première fracture de cadre, me voici donc toujours avec Cargo pour quelques derniers kilomètres en sa compagnie, en direction du Togo donc. Le Nigeria touche à sa fin, me voici actuellement en pays Yoruba, à l’ouest du pays ou je m’octroie mon premier détour dans cet immense pays, le plus peuplé d’Afrique avec une population estimée entre 180 et 200 millions d’habitants.
En pays Yoruba, à l’ouest du pays ou je m’octroie mon premier détour dans cet immense pays.
Un pays qui fut intense, difficile et ultra-contrôlé avec jusqu’à plus de 20 contrôles policiers, militaire et autres dans mes pires journées. Du simple contrôles d’identité aux contrôles des bagages, il m’a fallu rester diplomate, souriant et disponibles, bien conscient qu’il est mieux pour le voyageur d’être trop contrôlé mais en sécurité que pas assez et risquer sa vie.
Jusqu’à plus de 20 contrôles policiers, militaire et autres dans mes pires journées.
Avec Boko Haram qui frappe le Nigeria depuis plusieurs années dans le nord du pays, majoritairement dans l’état de Borno, la méfiance des habitants est grande et souvent ce sont ces derniers qui font la police. Là encore il me faut user de beaucoup de diplomatie afin que tout rentre dans l’ordre et que je puisse continuer mon chemin dans de bonnes conditions. Avec, souvent, l’intervention de la police afin de certifier aux locaux que je suis bel et bien le simple touriste que je prétend être, et non un terroriste de Boko Haram. Pourtant, au milieu de ce Nigeria ou je ne fus rarement tranquille pour plus de 5 minutes, j’ai découvert de jour en jour une étonnante curiosité. Compréhensible au vu du nombre visiblement très faible d’étranger qui se trouve dans les régions que je traverse. En 2 semaines, je n’ai pas vu le moindre blancs.
« Can I snap with you? » me demande t’on plusieurs fois par jour. Suivent de longues séances photographique plutôt amusantes ou chacun, à tour de rôles ou en groupe, veut se faire prendre en photo avec moi ou alors que moi je les prenne en photo afin d’être vu en Europe.
Chacun, à tour de rôles ou en groupe, veut se faire prendre en photo avec moi ou alors que moi je les prenne en photo afin d’être vu en Europe
Chacun, à tour de rôles ou en groupe, veut se faire prendre en photo avec moi ou alors que moi je les prenne en photo afin d’être vu en Europe
Pas tout à fait terminée mais bien plus calme depuis 2 jours, ma traversée du Nigeria fut loin, très loin de l’enfer que certains m’avaient promis. A quelques années lumières des préjugés, cette traversée m’a offert néanmoins un challenge réel et constant, celui des relations humaines. Des rencontres qui commencent parfois agressivement lorsqu’on me prend pour un terrorsite et qui se termine pourtant autour d’une bière ou avec un sac de 10 oranges que l’on m’offre pour se faire pardonner… Il faut savoir se comporter, essayer, en quelques secondes, de lire les intentions et le potentiel de celui qui nous interpelle. Doit on rester gentil, coopératif ou au contraire être agressif nous aussi, faire valoir nos droits, menacer pour répondre au menace, au risque que cela dégénère?
Souvent je me suis senti marcher sur un fil au Nigeria. Et pour ne pas glisser, chuter de ce dernier, c’est tout l’apprentissage des relations humaines que j’ai du employer, plusieurs fois par jour. Avec patience en permanence, humour lorsque j’en peux, et colère, menace voir agressivité pour faire valoir me droits lorsqu’un inconnu essayait de me les enlever.
Beaucoup de ce que l’Afrique m’a enseigné et m’enseigne chaque jour depuis maintenant 817 jours (…) est ressorti au Nigeria.
Et dans le soleil du pays Yoruba, par 40°C à l’ombre, je retrouve un peu de quiétude, comme pour me dire: le Bénin c’est juste là.
Et voici que pour une fois, électricité oblige, je trouve mon or: une boisson fraîche. Tout le reste est superficiel.
Dans le soleil du pays Yoruba, par 40°C à l’ombre, je retrouve un peu de quiétude
Et déjà je transpire, simplement d’être en vie par ces températures. Je regarde les femmes tenir les marchés, les hommes qui se baladent avec leurs grands habits colorés. Pas de short, ni de manches courtes. Pas de sueur non plus. Et j’en vois qui mettent des chaussettes… Mais combien de marabout ont ils payé pour ne pas transpirer? Mystère. Un de plus encore.
Petite goutte de sueur perdue au milieu de l’océan Nigeria, aux portes du Sahel. En pays Yoruba, je m’égare encore un peu. Et puis il sera temps de retrouver ma route, de mener Cargo ou il faut, au Togo. Visiter une école. Et plus encore…
Sourire en pays Yoruba.
« Take this water », me dit le jeune homme qui tient la station service d’ou je vous écris.
Sans entendre « merci », le jeune a compris que je le lui dis. Mon visage, mes mains parlent pour moi: je transpire rien que d’écrire.
Mais je suis en vie. Cargo aussi. L’aventure continue. Le Bénin c’est juste là.
Mais je suis en vie. Cargo aussi. L’aventure continue.
Olivier Rochat