Le dimanche 28 août 2016 a eu lieu le Brunch de soutien de Bike for Africa.
« Ce continent est trop vaste pour être décrit. C’est un véritable océan, une planète à part, un cosmos hétérogène et immensément riche. Nous disons « Afrique », mais c’est une simplification sommaire et commode. En réalité, à part la notion géographique, l’Afrique n’existe pas. »
Ryszard Kapuscinski, dans « Ebène »
Poésie routière Poésie routinière La routine du solitaire…
Voici un mélange de lettres.
Une derrière l’autre, la lettre forme un mot. Le mot en forme un autre et ensemble ils forment une phrase. Suite à d’autre lettres qui forment d’autres mots, apparaissent d’autres phrases. Ensemble elles forment un texte. Ce texte le voici, écrit hier en Namibie.
Publié aujourd’hui en Zambie.
Poème pour t’écrire
T’écrire que l’amour sème
Un poème pour semer
Semer des « on s’aime »!
S’aimer en poème Poème pour semer
Semer un je t’aime…
On se rencontre on se salue
On s’imagine
On se rend compte qu’on s’est perdu
On s’illumine
Puis calmement on se regarde
On ne s’ignore
On parle d’hier et de demain
On remémore
Et on se parle on s’écoute
On sous-entend
On perd nos doutes mais sur nos gardes
On s’tient distant
On se sourit comme si de rien
De rien n’était
On s’en va puis on revient
Mais sans excès
On se revoit elle l’idéal
Elle l’eternel
Lui il la suit jusqu’au travail
Il pense à elle
On se rapproche encore encore
On se suit et on se plaît
On s’étreint on se sent fort
On est content on crée l’attrait
Le temps passe et nous on reste
On s’enlasse et on s’en presse
On se confiance on se confie
Sans importance on se selfie
Il est conquis elle est contente
Elle est conquise ils s’en contentent
Elle l’intimide mais il l’a suis
Et au final lui il s’enfuit…
S’est-elle trompée? Il est parti…
L’a t’il trompée? Tout est fini !
A la fois proche, à la fois loin
Tout est si moche tout est si loin
Elle le haït mais elle n’arrive
Il l’a trahit donc il s’en prive
Et on s’ignore et on s’ignore
On ne se parle on à moitié mort
Elle est triste elle est déçue
Et lui il croit l’avoir perdue
Passe quelques jours on se déplait
Et pour toujours on tire un trait
Elle se méfiance elle se méfie
Ce n’est pour lui qu’elle se maquille
Il se distance il se fait p’tit
Mais c’est pour elle qu’il se sent Vie
On ne se parle mais on s’récrit
Et p’tit à p’tit
On s’dit bonjour on s’dit bonne nuit
On se croise mais on n’y croit
Mais p’tit à p’tit
On se reparle on se revoit
On se veut fête et on s’amuse
Elle ne veut que fête il l’a veut muse
Et on s’endort il fait des proses
Et pas si mort on est tout chose
Enfin elle lui sourit il en revit
Elle se rapproche il réjouit
Et on s’entend et on s’écoute
Il l’a surprend elle a des doutes
Jour après jour
On se revoit on en revit
De jour en jour
On se défie on se selfie
Elle lui sourit il en rigole
On se replait on ne s’en lasse
On est en vie on en rigole
On se surplait puis on s’embrasse
On se parfait à chaque instant
On se conjugue nos aventures
A l‘imparfait de nos présents
Au passé pi au futur
Puis calmement on se regarde
On cherche un port
D’un tremblement on perd nos gardes
Corps contre corps…
Nos existences rencontrées
Nos exigences partagées
Puis nos corps entremêlés
Comme le port, que le marin a retrouvé
Enfin on touche le ciel
C’est au présent qu’il pense à elle
Mais les temps ne se conjuguent plus
Il n’y a qu’un temps qui ne soit perdu
C’est le plus-que-parfait
Olivier Rochat
À mesure que je m’approche de Lusaka, la capitale zambienne, la circulation de la T1 qui me mène droit sur Lusaka augmente.
De gros camions me dépassent fréquemment, klaxonnant souvent , comme pour me prévenir d’un danger. Le leur. Le gros bruit sourd de leur klaxons résonnent comme un « pousse-toi! » violent, me sortant un peu de ma routine pédalière le long de cette longue route généralement ennuyante ou chaque journée ressemble à la précédente. Seul les détails changent. Les petits rien qui parfois, souvent, font les différences.
Parfois un feu de brousse (!) me sort de ma torpeur. « Incendie ! » pensais-je, comme si ce dernier me réveillait d’un long rêve tranquille. Un rêve somnolé sur mon Cargo à mesure que les kilomètres passent sans changer, à pédaler, toujours contre le vent.
Oui mais soudain je me « réveille » avec de grosses flammes qui jaillissent, poussée par le vent, en ma direction. Heureusement « l’incendie » est de l’autre côté de la route et le goudron de cette dernière le stoppera. Mais il ne stoppera pas cette fumée épaisse qui vient dangereusement heurter le ciel bleu qui jusqu’ici formait mon horizon. Au même moment, quelques dizaines d’insectes -je les nommerai grillons et sauterelles mais quel que soit leurs noms leur taille est bien plus grosse que les insectes de chez moi- me foncent droit dessus à toute vitesse. Certains ne manquent pas de me heurter le front, les mollets, un bras. Ils fuient l’incendie. Ce dernier s’éloigne de la route et repart dans la brousse. Le vent a changé.
Quelques instants plus tard les flammes faiblissent déjà, laissant derrière elles une brousse calcinée, des résidus d’herbes noires et au milieu, des arbres qui n’ont pas brûlé. Tel sera mon paysage pour les prochains kilomètres avant de retrouver une brousse jaunie par la saison -l’hiver- mais bien vivante. Et de continuer ainsi jusqu’au prochain incendie.
Oui jusqu’au prochain car ce n’est pas d’un incendie qu’il sagit puisque tout ça est volontaire, contrôlé…et répété. L’herbe brûlée repousse mieux -à vérifier-.
Alors on l’a brûle en hiver pour qu’elle repousse mieux durant la saison des pluies . Quant au contrôle du feu il reste ma fois assez précaire, bien que généralement les accidents sont évités. Cependant Il m’était arrivé, l’année dernière, de me retrouver coincé sous une fumée étouffante -c’est le mot- et de pédaler a quelques mètres des flammes, en me protégeant bouche et yeux, sur quelques dizaines de mètres afin de sortir de cette incendie, feu de brousse volontaire, que le vent poussait soudainement sur ma route. Quelques mètres plus loin je croisait les « responsable » qui, tranquillement, me disait de faire attention car aujourd’hui ils mettent le feu à certaines parties de la brousse…
Lorsque j’y entre tout est fermé. Même le gros supermarché, d’ordinaire ouvert même le dimanche, est fermé. Et oui, aujourd’hui on vote!
Cherchant de l’ombre, un restaurant pour me reposer un peu, boire et manger quelque chose , je m’enfile dans une rue non goudronnée que quelqu’un me conseille. Là encore tout semble mort. On dirait presque un dimanche de mi-novembre pluvieux en Suisse -mais sans la pluie et avec 25 degré de plus-.
Quelques gamins sortent de je ne sais trop d’où. Vêtu seulement d’un T-shirt et d’un short sale et troué et visiblement affamé, ils me tendent la main et un petit « Please boss » sort de leur bouche. Leur regard implore la pitié. Quelques mètres plus loin un homme vient et s’en va, prononçant des paroles que personne ne comprend. À moins que lui les comprennent. Ces habits sont troués, il est sale et lorsqu’il me regarde j’ai l’impression que ces yeux ne me voient pas. Et lorsqu’une jeune femme, très bien habillée, talons hauts, coiffée comme pour un défilé de mode, traverse la rue, il vient lui tendre la main pour une petite pièce. Mais lorsqu’elle la lui donne, il s’en va dans l’autre sens, ignorant sa princesse de l’instant. Repartant quelques part pour quelques mètres, titubant. Se relevant puis revenant soudainement prendre la pièce et remercier sa bienfaitrice sans même la regarder. Le regard perdu dans le vide. Perdu dans un monde qu’il est le seul à connaître.
Finalement Je trouve mon restaurant où le responsable me dit être allé voter ce matin pour pouvoir garder son business ouvert le reste de la journée. Il me montre l’un de ces ongles marqué d’une tâche brune, signe qu’il a voté. Que sa voix est comptée.
Et petit à petit l’après midi passe, la vie semble reprendre ses droits. Les résultats tomberont samedi. D’ici là la ville retrouve son quotidien et moi le mien. Paisible, ennuyant si ce n’est par les détails du quotidien. Par les détails qui font mon chemin.
Les gamins sont toujours là lorsque je reprends mon chemin, comme on en voit souvent dans presque chaque ville africaine. Vivant de je ne sais quoi, probablement sans parents, souvent pas lavés depuis plusieurs jours, sans éducation et, affamés mais « interdit de voler », formé par la mendicité.
Pourtant maintenant, dans cette rue qui reprend un peu de vie, on les voit moins. Ils disparaissent un peu sous le quotidien de chacun. Ils font tout juste partie du décor et parfois j’aimerais bien leur donner un nom. Un pour chacun. Mais sont ils même un détail ? Ils ne sont qu’un chiffre…
« Please boss ! Please boss !!! » celui-ci me tend la main. Déjà je remarque que j’ai du mal à le regarder droit dans les yeux, lui qui a des yeux qui me voient bien. Il me serait bien plus facile de l’ignorer. Je pousse Cargo dans la poussière me demandant si ce gamin là sortira, un jour, de la misère. En Afrique il n’est pas difficile d’y entrer. Y sortir est bien plus compliqué. S’il va terminer comme ce pauvre homme que j’apercevais tout a l’heure, seul, aux portes de la folie. Une porte qu’il avait visiblement déjà franchie…
« Please boss ! Please boss! » continue-t’il, presque timidement. Puis il s’en va, mendier son pain plus loin.
J’ai presque peur de lui dire que chez moi la « misère » est telle que ce n’est pas la nourriture que l’on chasse. C’est les Pokémon.
Et bientôt je disparaît par le fond de cette rue. Presque aussi vite qu’il y a quelques heures j’étais apparu.
Je quitte Mazabuka tout en admirant le coucher de soleil, magnifique. Une boule rouge tombant sous l’horizon. Et puis il fait nuit…
Et dans quelques heures la Zambie aura un nouveau président.
Olivier Rochat
Plate et plutôt ennuyante, ma route m’emmène à travers des forêts où ici et là je croisent un village, parfois quelques simples huttes où les habitants sortent de leur somnolence pour me saluer, parfois un petit « centre » où se mélangent les vendeurs de fruits, le barbier, le boulanger faisant face au restaurant local où je mange pour 1$ ainsi que de nombreux bars qui servent à rassasier en alcool les villages environnants. Dans ce dernier la musique est puissante, désagréable, et l’alcool sent loin.
Je passe mon chemin, poussant mon Cargo dans le sable poussiéreux qui se mêle aux maisons, à peine arrêté par la porte d’entrée. Une femme, son bébé joliment accroché à son dos, me vend 4 tomates pour quelques centimes. 4 tomates qui accompagneront le poisson et le Nsima, ce plat local, sorte de polenta de farine de maïs un peu fade. Ce sera mon repas.
Même si les nuits sont fraîches et agréables le soleil est africain. En Zambie c’est peut-être lui le plus agressif.
C’est en me retrouvant sous son rayonnement pour plusieurs heures que je m’en rend compte en avoir perdu l’habitude. Il n’est pas midi que je sèche comme un poisson au désert. La gorge sèche je m’arrête au premier shop où je m’achète un coca froid. Et puis je reprends ma route, me faufilant entre ces énormes trous qui se trouve ici et là sur la route, obligeant camions et autres bus et voitures à faire de gros zigzags sur la route. Les apercevant de loin, j’aperçois ces 4 roues se rapprocher de moi à une allure parfois proche de celle du pas, tournant ridiculement autour de ces trous avec le but de n’y mettre roue. Comprenez, parfois Les trous atteignent près d’1 mètre de profondeur. Suffisant pour détruire une voiture qui s’y egarerait à bonne allure.
Mes journées se passent tranquillement, de temps en temps « perturbée » par l’une ou l’autre rencontre y amenant un peu de vie. Un sourire aux gamins qui me suivent dans certains villages. Un coup de nerf sur les « mzungu mzungu » incessant que me crie un ado. Au « mzungu » il ajoute rire et sifflement puis quelques « money money » puis, à vélo, se rapproche du mien et continue de plus belle malgré mes constantes demandes, polie, de se calmer. Énervé je finirai par lui rentrer dedans. Il s’enfuira, toujours en riant aux éclats.
Puis je reprends ma balade qui se déroule à l’allure de la vie, croisant tantôt des vélos chargés, tantôt hommes et femmes à pieds, portant charge sur leur tête. L’allure de la vie en Zambie c’est souvent à l’allure des pas qu’elle avance. Bien qu’une fois une route sans trous retrouvées, c’est d’une allure suicidaire que se déplace les véhicules locaux. Du pas à l’éclair on ne fait transitions.
Lorsque je rejoins Kazungula, village frontalier du Botswana, j’apperçois une file impressionnante de camions arrêté le long de la route sur 3 km. En effet pas de pont pour traverser le Zambéze, ici on emploie un ponton sur lequel on ne met que deux camions à la fois. Il doit y en avoir une centaine et le ponton met plus d’une demi-heure pour faire l’aller retour.
« Je suis arrivé hier! » me dit un camionneur.
« Hier? Es tu sérieux ? » Lui repondis- je.
« oui mais ne t’en fais pas, avec un peu de chance demain je passerai de l’autre côté. »
« Comment ça un peu de chance, deux jours pour traverser une frontière c’est de la chance ? »
Il me rit au nez énergiquement « normalement cela dure une semaine!!! »…
Rouler à s’en tuer pour attendre une semaine à la frontière pour la passer… L’Afrique est bien mystérieuse parfois.
Proche de Dieu
Et puis encore une fois je reprends mon paisible chemin, dormant facilement dans le bush puis à Linvingstone dans une mission catholique où l’on m’offre une chambre et un bon repas avant de refaire la vie avec le prêtre brésilien qui s’amuse en regardant les JO qui se déroule près de chez lui. L’équipe britannique féminine de rugby à 7 ecrase sa concurrente japonaise. 26 à rien à la mi-match… Puis on parle des élections de jeudi prochain, mes toutes premières en Afrique.
« il ne faudra pas voyager ce jour là « me dit le prêtre.
« ah oui? Les gens manifestent ici aussi? »
« non non, ou plutôt ils manifestent leur joie. Ils font la fête et les routes deviennent dangereuses sous l’effet de l’alcool. »
Et puis je m’endors, mi bouffé par ces moustiques que je déteste à nouveau plus que le diable. Je m’endors proche de Dieu, paisiblement.
Et au matin le prêtre vient me réveiller:
« le petit déjeuner est prêt ! »
La journée n’a pas commencé qu’elle est déjà bien commencée. Dieu est avec moi ce matin…
Olivier Rochat