Archives de l’auteur : Olivier Rochat

A travers le Haut Atlas

Km 60’384, Zeida, Maroc.

Rude et montagneux, sauvage et intraitable, magnifique pourtant.

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Après 6 jours et près de 450 kilomètres dans le haut atlas, je bascule de l’autre côté des montagnes, laissant derrière moi cette magnifique région du monde.

Et avec elle le Sahara. Pourtant, aux portes de ce dernier, se dresse le Djébel Ayachi, 3’700 mètres d’altitude, dont les derniers névés de neige n’ont pas encore fondu, comme un dernier témoignage du rude hiver qui marqua la région.

le Djébel Ayachi, 3'700 mètres d'altitude, dont les derniers névés de neige n'ont pas encore fondu

le Djébel Ayachi, 3’700 mètres d’altitude, dont les derniers névés de neige n’ont pas encore fondu

Mais c’est bien sous une écrasante canicule que je rejoints, enfin, le moyen Atlas. Mais que ce fût dur sur des pentes incessantes pour près d’une semaine gravissant tour à tour une quinzaine de cols dont la majorité à plus de 2’000 mètres d’altitude, frôlant parfois les 3’000.

je me suis enfoncé dans un Maroc rude, traditionnel et somptueux.

je me suis enfoncé
dans un Maroc rude, traditionnel et somptueux.

Mais qu’elle folie faut-il pour affronter, charger d’eau et de nourriture, de tels montagnes ? De tels monstre où la rudesse de certains de ses habitants semblent témoigner de la rudesse où se déroule la vie sous un tel climat? Où chaque village ou presque semble être séparé de son voisin par un col sinueux, une falaise, un ravin où se glisse, tant bien que mal, une route. Un sentier que l’on parcours à dos d’âne.

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À l’intérieur de gorges étroites où la piste qui y mène est, à de biens nombreux endroits, recouverte des éboulements récents

À 1’000 lieues du modernisme des jours derniers, je me suis enfoncé
dans un Maroc rude, traditionnel et somptueux. À l’intérieur de gorges étroites où la piste qui y mène est, à de biens nombreux endroits, recouverte des éboulements récents, au sommet de plateaux dénués de végétation qu’il me faut atteindre après d’interminables ascensions de plusieurs heures qui se redescendent presque à pied tant la pente est raide.

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À l’intérieur de gorges étroites

Jamais le terrain ne fut plat. Impitoyable. D’un rythme lent, presque celui de l’escargot, je me lance à l’assaut d’une montée intraitable. La route semble vouloir défier la gravité en s’élançant jusqu’au ciel mais, comme cloué à la route, mon chargement me ramène inévitablement à ma si simple et compliquée réalité terrestre. Parfois, il me faut même pousser, plantant mon regard sur le prochain virage en me persuadant d’y arriver. Puis recommencer au suivant, et ainsi jusqu’au sommet du col qui me verra basculer dangereusement de l’autre côté de la montagne.

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Après avoir tant lutté pour gravir cette montagne, il me faut maintenant lutter pour ne pas sombrer dans la descente.

Après avoir tant lutté pour gravir cette montagne, il me faut maintenant lutter pour ne pas sombrer dans la descente. Me voici littéralement aspiré par le centre de la terre. La gravité, cumulée au poids de mon chargement, me tire de toutes ses forces, semble vouloir me dévorer et, cumulant les virages par dizaines, mes freins sont mis à rudes épreuves. À tel point que lors des plus longues descentes, une douleur gênante me tord les doigts, m’obligeant même à m’arrêter brièvement, tant la pression exercée est forte et la douleur intense.

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Enfin, une fois la descente terminée, la pente reprend de plus belle. Le prochain col arrive déjà. Au soir, ce n’est pas mes mains qui seront douloureuses, mais bien mes jambes qui se forgent, peu à peu, à ce dur labeur.

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Le plus rude, peut-être. Le plus beau, certainement.

Pourtant cet univers intraitable est peut-être celui que je préfère. Le plus rude, peut-être. Le plus beau, certainement. Avec ces vallées étroites qui, parfois, se transforment en gorge étroites et caillouteuse, ses petites routes de montagnes où le trafic ne semble vouloir s’y aventurer. Sur certaines routes, je ne croiserai pas une seule voiture sur la journée entière. Seule deux motos et quelques mulets partageront, l’espace d’une brève rencontre, ma route.

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ses petites routes de montagnes où le trafic ne semble vouloir s’y aventurer.

Mais, renforcé par le fait de voyager en période du ramadan, la difficulté sera bien là. En effet, les quelques villages que je croisent semblent tous endormi lorsque je les traversent. Pas un café, pas un restaurant, pas même une boutique pourrait me servir de ravitaillement et la nourriture que je transporte ne sera pas de trop comme, parfois, l’accueil des habitants qui m’invitent à boire le thé, accompagné de quelques dattes, pain et confiture. Un accueil irrégulier qui contraste fortement avec l’agressivité des plus jeunes. « Msieu msieu l’argent l’argent » me lance une petite fille au visage cherchant ma pitié. Parfois, on s’accroche au vélo, cherchant à y prendre une bouteille où quelque chose qui traînerait alors que les plus téméraires me suivent sur plusieurs centaines de mètres, défiant sans vergogne toute forme de politesse. Allant jusqu’à cracher dans leur mains avant de chercher à me serrer la main en guise de salut, certains gosses viennent à tirer sur mes nerfs, bien plus que ne le pourrait n’importe lequel des cols que j’attaque.

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Les quelques villages que je croisent semblent tous endormi lorsque je les traversent.

Au fond, c’est bien deux mondes, deux réalités, qui se croisent comme ce fut le cas si souvent lors de ce périple africain. Pourtant, lorsqu’on me lance un ballon, en pleine traversée d’un village, c’est autour de ce dernier que s’improvise une partie. En cercle, puis en « tas désordré », bien vite rejoint par de jeunes adultes, la balle circule de pieds en tête. En sandale où à pied nu, chacun la renvoie en se prenant pour un Messi de l’Atlas. Autour de ce jeu, deux mondes se rejoignent brièvement pour ne former qu’un. Comme si souvent.

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le mois du ramadan, tout juste terminé, laisse place au mois de la coupe du monde.

Et dans un timing parfait, fruit du hasard, le mois du ramadan, tout juste terminé, laisse place au mois de la coupe du monde.

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Place au Dieu football.

Olivier Rochat

De retour sur la route

Km 59’829, Fqih Ben Salah, Maroc.

Le 5 juin 2018.

Je m’égare à travers la campagne marocaine, laissant l’étouffante ville de Casablanca derrière moi. Place, maintenant, à la tranquillité.

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De collines en collines, village après village, je découvre un nouveau visage, un de plus, à ce Maroc dans lequel j’ai déjà pédalé plus de 4’000 kilomètres.

De collines en collines, village après village, je découvre un nouveau visage, un de plus, à ce Maroc dans lequel j’ai déjà pédalé plus de 4’000 kilomètres. Loin des centres touristiques du pays, à mi-chemin entre montagnes et déserts, je découvre une région qui, sans être aussi spectaculaire que les précédentes, n’en demeurent pas moins agréable et plus encore, accueillante.

Aux chaudes journées de juin succède des nuits glaciales qui, me dit-on, n’ont rien de juin. Glaçantes comme l’est surtout l’hiver, elle me surprennent. Me glacent lors de mes premiers bivouac. M’obligeant même à ressortir mes habits chauds. Je m’emmitoufle alors du mieux que je peux, plongeant au plus profond de ma tente, là où le sac de couchage est bien chaud, après m’être cuisiné un couscous de fortune accompagné d’un thé, quelques biscuits. Il fait déjà bien nuit lorsque je m’enfonce enfin dans ma tente.

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Aux chaudes journées de juin succède des nuits glaciales qui, me dit-on, n’ont rien de juin.

Quelques minutes plus tard, une lampe torche vient se pointer sur moi. Un homme surgit, comme sorti de nulle part.

« De quel pays viens-tu me demande-t-il ? Ne veux-tu pas venir dormir chez moi, j’habite dans la ferme là-bas, derrière le virage ».

« Ah, je viens de Suisse!, lui répondis-je. Il est tard, est-ce que ça pose problème si je dors ici? »

« Non aucun souci. Ici au Maroc tu es en sécurité partout ». Continue t-il avant de me tendre un petit saut à l’intérieur duquel se trouve plusieurs yaourt dont je devine au premier coup d’œil leur fabrication maison.
« Tiens, prends en-un! Ils sont à la vanille ».

Je m’exécute avec plaisir, touché et amusé par cette rencontre, inattendue, avec cet homme qui m’offre à manger sans même que nous puissions clairement voir nos visages respectif. L’homme repart dans la nuit. Je m’endors enfin, avant de me réveiller quelques heures plus tard sous « l’éteincelance » de la (pleine) lune qui a fini par se lever.

Le lendemain, toujours sur les routes de campagne, je découvre un pays qui vit, sans surprise, au rythme du ramadan. Un peu au ralenti le jour, presque en accéléré la nuit.
Aux villages paisible, endormi le matin et doucement éveillé l’après-midi, succèdent les champs. On fait les foins.

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Aux villages paisible, endormi le matin et doucement éveillé l’après-midi, succèdent les champs. On fait les foins.

« Tu peux gagner jusqu’à 5 euros par heure, si tu travaille bien. On te donnera 2 dirhams (20 centimes) par botte. » me propose un homme, un marocain domicilié à Toulouse, venus rendre visite à sa soeur qui habite le village. « On forme des groupes de trois. Le travail commence le soir, se termine au matin. Là journée on dort. C’est comme ça. »

Cela ne me surprend guère. Au contraire, s’en est que plus logique. Effectuer ce travail en pleine journée, par cette chaleur, sans boire n’y manger, serait suicidaire. Mais travailler de nuit alors que je viens de reprendre la route ne m’enchante guère, aussi, je continue mon chemin.

Tout de rouge, les coquelicots égaient ma route qui s’enfile collines les unes après les autres, sans répits ni variation, comme pour me préparer aux montagnes vers lesquelles je m’approche sereinement. Les jambes lourdes car plus habituées aux collines après ces 5 semaines de pauses, j’avance lentement. Mais sereinement.

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Tout de rouge, les coquelicots égaient ma route qui s’enfile collines les unes après les autres, sans répits ni variation

Seule la gentillesse des marocains, qui me proposent parfois à manger en pleine journée malgré le ramadan, me sort brièvement de ma douce avancée. Et parfois me touche au cœur, lorsqu’on m’invite carrément… à l’hôtel. Comme quoi, l’hospitalité n’a pas de limite.

« Je n’ai pas de place chez moi », me dit Rachid qui insiste pour que je me repose ici, dans sa ville. Non content de m’offrir une nuit dans un hôtel, il me surprend quelques dizaines de minutes plus tard en m’apportant un plateau de nourriture dans ma chambre.

Touché par cette hospitalité spontanée, je reprends également des forces à l’entame des montagnes qui s’annoncent et qui, après quelques dizaines de cols encore, m’emmèneront en Espagne.

Mais si les paysages marocains ont longtemps semblé vouloir me retenir encore un peu dans cette Afrique, lorsque ceux-ci sont venus à manquer ce sont les gens qui, me semble-il, ont pris le relais.

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Non content de m’offrir une nuit dans un hôtel, il me surprend quelques dizaines de minutes plus tard en m’apportant un plateau de nourriture dans ma chambre.

Olivier Rochat

Je la regarde encore

Km 60’000, Tizi n’Illissi, Maroc.

« Les kilomètres s’amoncellent
Et moi et moi
Je suis cul sur selle
Depuis des mois déjà

Les pays se suivent
Mais ne se ressemblent
Les rencontres arrivent
Comme un ensemble

Seul et innombrable
Je ne sais plus qui je suis
Mais ce monde est abordable
Je te le dit

Et alors qu’enfin j’arrive
Que je vois presque l’autre monde
Le bout de la rive
J’ai le coeur qui gronde

Les souvenirs m’empoignent
Ils me prennent à la gorge
Mais à l’instant des larmes
C’est un sourire qu’ils forgent

Ils me l’offrent, ce sourire
Comme un cadeau d’adieu
Ou peut-être pour me dire
Qu’ici j’ai vécu plus que mieux

J’ai vécu plus que bien
À chercher l’horizon
Et changer de chemins
Autant que de maisons

On m’a dit qu’il faut lui offrir
Mais l’Afrique m’a tant offert
Elle qui à tant à dire
Puisqu’elle à tant souffert

Un sourire ou un toit
Le cœur qui se noue
Des bêtises parfois
Et ses chemins de boue

Qui se transforment en désert
Elle qui avance au pas
Et qui de ses cimetière
Ressuscite par joie

Je la regarde encore
Comme un chien malade
Regarde la mort
Qui arrive qui l’attrape

Je la regarde encore
Me rassure un peu
Il me reste quelques jours
Et ça me rend heureux

Je la regarde encore
Simplement par plaisir
Comme on regarde un vieux port
D’où naquit le désir

Je voudrais lui dire « merci »
Lui demander « pourquoi »
Je l’ai tant fait par écrit
Mais elle ne répond pas

C’est simple pourtant
Autant que la vie et la mort
Mais il me reste du temps
Je la regarde encore

Je la regarde encore… »

Voilà.

Au jour 1’365, sur les pentes (descendantes) du Tizi n’Illissi dans le haut Atlas marocain, le km 60’000.

Merci!

Merci à tous pour votre soutient.

À l’heure d’aborder -gentiment- ce retour en Europe, et plus encore le rythme et mode de vie qui l’accompagne, je l’apprécie plus encore.

Quelques statistiques au matin du 10 juin 2018:

Km: 60’000 dont 54’091 en Afrique
Pays : 42 dont 33 en Afrique
Heures de routes: 3’784 dont 3’342 en Afrique
Mais aussi des dizaines de crevaisons, des centaines de bières, des milliers de rencontres et des millions de sourire. Et encore un milliard de remerciement pour le peuple marocain qui me témoigne chaque jour un accueil chaleureux et inoubliable.

À bientôt

Olivier Rochat

Le 10 juin 2018

Au rythme du ramadan

Km 59’482, Casablanca, Maroc.

Après une longue pause de près de 5 semaines me voici de retour sur la route pour ce qui devrait être mes dernières semaines en Afrique.

En effet après plus de 2 mois au Maroc, partagé entre le Sahara et l’Atlas, déserts et montagnes, je suis retourné quelques temps en Namibie, sans vélo, pour y retrouver mon amoureuse. J’ai également essayé d’obtenir un visa pour l’Algérie. Mais après plusieurs refus catégorique, car les autorités algérienne applique le principe de réciprocité et le visa doit être obtenu dans mon pays de résidence et lui seul, comme c’est le cas pour les algériens souhaitant se rendre en Europe (et plus ou moins tous les africains) je me suis résolu à terminer mon périple africain par la traversée du détroit de Gibraltar et, donc, par le nord du Maroc.

Arrivé à Casablanca, les côtes espagnoles n’étaient plus qu’à 350 kilomètres et, pour la première fois depuis longtemps, je pouvais regarder l’Europe droit dans les yeux (ou presque) et un mélange d’excitation, de nostalgie et d’émotions m’a vite gagné.

Cependant, j’ai décidé de m’octroyer
un dernier détour (encore un) et, plutôt que de filer vers l’Europe, retourner dans l’Atlas marocain une dernière fois, profiter des paysages fabuleux du Maroc et, plus encore, de l’accueil incroyable qui les accompagne. Et puis un autre événement majeur est venu, encore, plus, motiver ces dernières semaines de route en Afrique : le ramadan.

En effet, depuis le 17 mai dernier, le Maroc et les musulmans du monde entier se sont mis au rythme du ramadan. Entre le lever du jour (l’aube) et le coucher du soleil, le pays tout entier se met à jeûner. Seuls les enfants, les malades et quelques exceptions ont alors le droit de manger ou boire durant la journée.

De retour de Namibie quelques jours après le début du ramadan, j’ai décidé de me prêter au jeu : les jours de repos je jeûnerai.

Profitant de l’accueil formidable de Rachid et de sa famille, je me plonge dans le rythme particulier du ramadan. Pour plus d’un mois le pays entier semble tourner au ralenti le jour avant de se réveiller au soir et de vivre pleinement la nuit. Le Maroc veille de nuit, et s’endort au matin.

À Casablanca avec Rachid et un ami, Zakaria

À Casablanca avec Rachid et un ami, Zakaria

Si cette année la durée du jeûne est plus courte au Maroc que dans les pays situé plus au nord, elle dure tout de même 16 heures. Ce n’est que peu avant 20 heures que les familles entières se rassemblent pour le F’tor, le repas du soir que l’on prend juste après la prière qui accompagne le coucher du soleil, la 4ème (il y’en a 5). S’il ne fait pas pleinement nuit, le soleil a bel et bien disparu lorsque nous entamons, affamé, le repas. Les rues de Casablanca, pourtant ville la plus peuplée du Maroc (du Maghreb même???), se vide complètement. Les voitures se sont toutes parquées, les boutiques sont fermées et la vie semble s’être arrêtée. Pourtant le Maroc ne dort pas, il mange. Il fête. En famille. Et pour ainsi dire, comme pour symboliser l’Afrique entière derrière ce simple terme : ENSEMBLE.

Mais c’est avec une simple datte que nous cassons le jeûne. Puis c’est d’un verre de jus de fruit « pressés maison » que l’on se désaltère et reprend des forces. Le festin peut alors débuter. Devant moi une table remplie de nourriture, spécialités marocaine. Les crêpes se dégustent avec du miel ou du fromage, lorsque ce n’est les deux à la fois. Des soupes de légumes viennent remplir le ventre en prenant le relais de petits « sandwichs » en tout genre, garni de kefta (sorte de viande hachées), de fromages, de légumes alors qu’un bol d’huile d’olive, si important au Maroc, accompagne presque chaque repas. Le tout, bien sûr, toujours accompagné de multiples thés. Dehors, les cafetiers et restaurateurs offrent un repas au plus démunis et, bien vite, les boutiques vont se réouvrir, les cafés se remplir et beaucoup vont vivre cette nuit dans son entièreté.

Ce n’est que vers trois heures que nous nous rassemblons à nouveau afin de prendre des forces pour la journée qui s’annonce. Vers 3h30, alors que les toutes premières lueurs du jour s’apprête à apparaître au fond de l’horizon, alors que l’aube pointe le bout de son nez, l’appel à la prière retentit. Beaucoup vont prier, je m’en vais dormir. Pour tous, une nouvelle journée de jeûne débute.

Le soleil se couche, nous cassons le jeûne

Le soleil se couche, nous cassons le jeûne

Olivier Rochat

Le Whisky Berbère

Km 49’482, Casablanca, Maroc.

Mes deux premiers mois de route au Maroc ont avant tout été centré autour des paysages aperçu dans ce spectaculaire pays d’Afrique du nord, véritable porte de l’Europe.

Il faut dire que je n’ai pas été déçu. Entre déserts et montagnes, falaises en bord de mer, oasis et sommets enneigés, j’ai côtoyé des paysages changeants et, naturellement, j’ai dû m’adapter au climat qui accompagne ces différences.

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Mes deux premiers mois de route au Maroc ont avant tout été centré autour des paysages aperçu dans ce spectaculaire pays d’Afrique du nord, véritable porte de l’Europe.

Et après le blanc de la neige fraîche des montagnes du Haut Atlas et la fabuleuse découverte de La Vallée Oubliée, c’est le vert des vallées du nord de cet impressionnant massif montagneux qui sont venues émerveiller encore un peu plus mes journées. Dans les vallées de l’Aït Bouguemez puis sa voisine de l’Aït Bou Oulli de petits villages aux maisons traditionnels côtoient la route comme ils le peuvent, poussant au haut d’un ravin où toute chute s’avèrera, c’est quasi certain, mortelle, au milieu d’un » pic rocheux  » qui fait d’un petit village de kasbah une citadelle imprenable avec en point d’orgue la toujours très belle mosquée, centre de tout village, ou au fond de ces vallées ou ma route ne s’aventure guère, laissant ce soin là à une mauvaise piste qui ne fera qu’isoler un peu plus le village. Une excursion pour le rejoindre me prendrait plusieurs heures parfois, tant la route qui y mène y est compliquée.

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l’Aït Bouguemez

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l’Aït Bou Oulli

Zigzaguant au milieu d’impressionnants canyons, à flanc de falaise ou surplombant un énorme fossé, la route que j’emprunte change de paysages en permanence. Durant plus d’une semaine pas un jour, pas une heure, pas même une minute, ne m’offrira pas de paysage surprenant, une vue nouvelle.

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Durant plus d’une semaine pas un jour, pas une heure, pas même une minute, ne m’offrira pas de paysage surprenant, une vue nouvelle.

Les sommets qui m’entourent, et notamment le M’Goun, deuxième sommet marocain, sont totalement recouvert de la neige fraîche tombée tardivement durant ce printemps aux allures hivernale. Mais aux fonds des vallées les champs verdits d’une herbe épaisse font fasse aux rouges des coquelicots, violets, jaunes et autres palettes colorées de milles fleurs qui, d’humeurs folles, viennent poser ici et là un peu de leur multiples couleurs et de leur magie. Parfois, j’avance même dans ce qui ressemble à une allée de fleur. Puis, en apercevant mes premières forêts de conifères depuis plus de 3 ans, placée au pieds d’imposantes falaises qui mènent droit aux vastes sommets enneigés, je me plonge dans des paysages du nord des alpes, me rappelant l’Autriche ou, plus sobrement, la Suisse d’où je viens , avant, au virage suivant, m’élançant dans une vallée bien plus sèche, de plonger dans le sud des alpes et je ne sais quel col ou vallée située entre Briançon et Monaco. Enfin, après deux cols d’altitude, je plonge sur plus de 40 kilomètre dans une vallée ou toute végétation a disparu.

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je me plonge dans des paysages du nord des alpes, me rappelant l’Autriche ou, plus sobrement, la Suisse d’où je viens

Seuls quelques palmeraies se dressent ici et là m’annonçant la traversée brève d’un village isolé. Me voici aux portes du Sahara.

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Me voici aux portes du Sahara.

L’éternel des montagnes n’a de plus bel opposé que l’éphémère des habits qu’elles portent, changeant de saison en saison et transformant chaque « virée » en quelques choses de bien particulier, rendant chaque journée unique et spéciale. Les montagnes ne semblent vouloir bouger, changer. De siècles en siècles elles semblent vouloir rester les mêmes, survivant même à la folie, laide et destructrice, des Hommes. Pourtant, l’habit qu’elles revêtissent est chaque jour un autre.

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L’éternel des montagnes n’a de plus bel opposé que l’éphémère des habits qu’elles portent, changeant de saison en saison

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Mais parfois cet habit n’est pas le plus agréable et c’est sous un épais brouillard, tenace et froid, que je grimperai l’interminable Tizi-n-Test: 38 kilomètres d’une pente douce et régulière me permettant, une énième fois, de passer au nord du massif. Mais cette fois sur les pentes du Djébel Toubkal, sommet du Maroc (4’167 mètres d’altitude), que la météo colérique ne me laisse guère apercevoir. Et puis c’est Marrakech, temple du tourisme, mélangeant vieux et neuf, conservatisme et modernisme comme rarement, qui me sert de porte de sortie de l’Atlas. La jet-set côtoie les Souks de la même manière que les montagnes côtoient les pleines. Le Sahara n’est qu’à une centaine de kilomètres. La neige encore moins. L’océan Atlantique à peine 200 et, en ligne droite, rejoindre l’Europe ne me prendrait pas plus d’une semaine.

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Mais parfois cet habit n’est pas le plus agréable et c’est sous un épais brouillard, tenace et froid, que je grimperai l’interminable Tizi-n-Test

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le Djébel Toubkal, sommet du Maroc (4’167 mètres d’altitude),

Le Whisky berbère

En quittant Marrakech je fonce droit sur Casablanca, véritable capitale économique d’un pays en plein développement économique. Plus de 4 millions d’habitants se serre en bordure de l’Atlantique. Pour y parvenir je redécouvre les plaines, peuplées de champs de blé, où rien ne semble pouvoir freiner le vent propulsé par la mer. Très vite la circulation m’étouffe et avancer devient presque survivre. Je change à nouveau de monde, du traditionnel je passe à l’industriel. Du conservatisme je passe au modernisme. Heureusement pour moi, un seul commun semble vouloir lier tous les marocains, ou pour le moins la majorité (l’adjectif « tous », de même que  » tout », « toujours » et « jamais » ne sont généralement rien d’autres que des exagérations -à part en mathématique-), l’hospitalité. Hébergé par un restaurateur un jour, un épicier le lendemain, un étudiant un autre jour puis un chômeur le surlendemain, l’hospitalité reste. De l’océan indien à la méditerranée, de la forêt tropicale au Sahara, l’hospitalité reste. Elle reste et semble vouloir me garder. Me refuser ce départ, ou ce retour c’est selon, qui s’approche à grand pas.

 

Si le vent ma chanceusement aidé dans le Sahara, peut-être qu’elle ne voulait me faire souffrir. Mais si les paysages ont été si beau, que le vent m’a tant freiné dans les montagnes et que l’hospitalité me retient toujours un peu plus, c’est que l’Afrique ne veut pas me voir partir. Ou alors est-ce moi qui ne veut pas. Qui me refuse à cela.

Et à défaut d’alcool, c’est autour d’un  » whisky » un brin spécial, que l’on m’invite ici et là : celui qu’on appelle parfois le « whisky berbère ». Autrement dit le thé que l’on boit tant par ici. Et qui, bien souvent, se partagera jusqu’à très tard autour d’un tajine dégusté tardivement, parfois même après minuit.

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e thé que l’on boit tant par ici. Et qui, bien souvent, se partagera jusqu’à très tard autour d’un tajine dégusté tardivement, parfois même après minuit.

 

Olivier Rochat