Archives pour la catégorie Etape N°7 : Makoua – Accra

Le voyage est découpé en plusieurs étapes. Retrouvez ici tous les articles de la septième étape : Makoua – Accra

Champion d’Afrique

Km 39’378, Foumbot, Cameroun.

C’est é l’ouest du Cameroun, plus précisemment dans la ville de Dschang et bien entouré, que j’ai assisté le 5 février 2017 à la victoire mémorable des Lions Indomptables du Cameroun en finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2017, jouée au Gabon.

DSCF4087

Une chefferie traditionnelle en pays Bamiléké

 

Voici un récit mis en page, écrit 2 jours après la finale, de retour sur la route:

Un match pour l’histoire

Le Cameroun trône à nouveau sur le football africain après sa victoire en finale de la CAN 2017, dimanche dernier face à l’Egypte.

Un match que j’ai regardé avec une grande curiosité avant de finalement le terminer dans la joie et une ambiance de folie comme je n’en avais jamais vécu jusqu’alors. Un match qui fut finalement, opinion personnel, très représentatif du tournoi des Lions Indomptables du Cameroun. Un tournoi commencé au trot puisque après ses trois matches de groupes très moyens, une élimination au premier tour du Cameroun n’est passée qu’à quelques centimètres, soit un tir sur le poteau d’un joueur gabonais dans le temps additionnel, puis d’une reprise manquée sur le renvoi, miraculeusement arrêtées par le gardien camerounais qui se trouvait au sol. Après être passé proche du KO, le Cameroun est gentiment monté en puissance, éliminant tout d’abord le Sénégal aux tirs aux buts, son plus coriace adversaire, puis le Ghana dans un match bien maitrisé amenant une qualification méritée pour la finale.

Mené 1-0 à la pause de cette finale, l’ambiance dans la ville universitaire de Dschang, à l’ouest du Cameroun, était bien morne. Alors qu’avant le match l’engouement dans le pays était tel qu’un jour férié semblait inévitable en cas de victoire ce soir, on plaisantait en parlant maintenant de jour de deuil.
Puis les joueurs sont rentrés sur la pelouse, la deuxième mi-temps à débuté, et le match a tourné. 10 minutes pour égaliser puis une légère domination et un second but mérité (?), tombé à 3 minutes de la fin du temps réglementaire, et le Cameroun était Champion d’Afrique pour la 5ème fois de son histoire, 2ème palmarès africain après celui de l’Egypte, adversaire du soir, et ses 7 victoires.

Après avoir perdu 3 fois contre l’Egypte, dont notamment la finale de 2008, les Lions Indomptables du Cameroun ont su renverser le cours des choses et prendre une nouvelle fois place dans l’histoire de la CAN, le tout avec une équipe rajeunie suite aux 8 forfaits d’avant tournoi.

Après cette fin de match de folie, la folie semble elle-même se répandre à travers tout le pays, en tout cas dans la ville de Dschang. Rapidement nous voici des centaines, des milliers de personnes au centre ville a chanter, hurler, taper deux couvercles de casseroles pour faire le plus de bruit possible. Debout dans le pick-up de Jeremy qui m’accueille durant deux jours au sein de son association TOCKEM avec laquelle nous traversons le centre ville au pas, je me retrouve vite coincé, presque incapable de bouger, entre de nombreux jeunes surexcités grimpant sur le pick-up, toit et capot compris. Nous croisons quelques voitures et camions bondés de jeunes qui tournent autour de la ville. Bientôt, sous le poids de tout ce monde, l’arrière du pick-up touche le sol, les jeunes continuent de vouloir grimper alors même qu’il n’y a plus de place. On s’accroche comme on peut et certains n’ont plus de contact avec le pick-up, s’agrippant à un bras, une épaule et risquant de tomber et de se « manger » violemment le sol pour ceux qui se trouvent bien en hauteur.

Ce soir 5 février 2017 le Cameroun est champion d’Afrique de football pour la 5ème fois de son histoire.

3 jours auparavant, la demi-finale m’avait permis de comprendre toute la passion qui entoure ce sport qui bien souvent demeure le principale divertissements dans bien des contrées africaines où la vie est rude et les journées répétitives. Ce sport dans lequel certaines des « stars » que nous apercevons, supportons, gagnent en un mois ce que bon nombre de leurs fervents supporters ne gagneront pas en plusieurs vie. Malgré cette absurdité, cette violence de traitement, finalement très visible en Afrique et notamment au Congo où l’argent me semblait être partout et nulle part à la fois, le football garde en lui son esprit fédérateur qui peut rassembler tout un peuple derrière son équipe et son drapeau, sa nation, sa fierté et surtout, son identité.

Au milieu de cette foule survoltée et heureuse, nous sommes 4 blancs dans ou sur ce le pick-up. Je n’en aperçois pas d’autres et pour la première fois dans ce pays, où la fierté est grande et la rancoeur envers le blanc pas toujours cachée, on ne me nomme plus « le blanc » alors que je me trouve entouré de noirs. Un homme s’accroche à ma tête et à mon épaule, il n’a plus de contact avec le sol, il est couché sur les gens à l’arrière du pick-up et surexcité me dit, ou crie: « nous avons gagné, nous avons gagné! » avant de s’apercevoir, surpris, qu’il se trouve à côté d’un blanc qui fête la victoire des camerounais:  » tu toi aussies pour le Cameroun? »

« ce soir nous sommes tous camerounais, nous sommes tous camerounais » termine-je, et nous levons les bras au ciel, au milieu des chants et des sourires et la joie que me transmet cette foule n’a plus de couleurs de peau, et bien que rassemblée sous un seul drapeau,elle n’est rien d’autre que de la joie.

DSCF4079

nous sommes tous camerounais »

Les environs de Dschang

En parallèle à cette fin de tournoi heureuse pour le Cameroun, je découvre depuis quelques jours les montagnes de l’ouest du pays. Le col de Bana notamment m’a mené à plus de 1800 mètres d’altitude avant la longue descente jusqu’en plaine, 1000 mètres plus bas. Puis c’est après une nouvelle ascension, le long d’une falaise impressionnante, que je me suis retrouvé dans les montagnes et la ville de Dschang ou Jérémy m’a accueilli et présenté, en parallèle à cette soirée mémorable, le site de son association TOCKEM avec laquelle il participe à différents projets et notamment le développement d’une école de plus de 200 élèves.

DSCF4063

C’est après une nouvelle ascension, le long d’une falaise impressionnante, que je me suis retrouvé dans les montagnes et la ville de Dschang

Située dans le village de Ntsingbeu, à une dizaine de kms de la ville de Dschang, TOCKEM et son équipe s’appliquent non pas à aider mais à développer le village et même la région , apportant un savoir-faire professionnel et son partage puisque les équipes sont faites de binômes avec les locaux mais je vous invite à venir en découvrir plus sur leur site internet: http://tockem.org/WordPress3/

DSCF4070

le village de Ntsingbeu

Pour ma part je ne peux qu’être reconnaissant de pouvoir vivre ces moments privilégiés et hier c’est accompagné de Jérémy que j’ai quitté TOCKEM. A vélo nous avons parcours quelques 80 kms, agréables avant que je reprenne ma route seule. Avant cela c’est les chutes de la Metché qu’il me présente. Une belle cascade bien que l’eau n’y soit pas aussi importante qu’en saison des pluies. Ces chutes furent pendant longtemps un lieu de sacrifice puisqu’on y jetait alors « les personnes mauvaises » alors que certains « rebelles » et indépendistes camerounais y furent jeté par l’armée française. Aujourd’hui elles restent un lieu sacré ou des offrandes, notamment du sel ou des repas, y sont déposés régulièrement.

DSCF4099

Les chutes de la Metché

En quittant Jérémy je ne peux que dire « merci » et reprendre mon chemin solitaire dans ce Cameroun multi-culturelle, que je vis et ressent comme un pays au caractère fort, peut-être le plus fort que j’aie ressenti jusqu’alors en Afrique. Un pays à peine plus petit que la France et qui comprend la région des forêts, celle du nord qui se rapproche du Sahel, le Littoral le long de l’océan Atlantique et les montagnes de l’ouest où je me trouve actuellement. Une sorte de carrefour entre plusieurs climats, qui lui vaut peut-être sa multi-culturalité et son caractère fort où chacun, au milieu de ces peuples et tribues nombreuses, se doit de se montrer fort au risque de disparaître dans l’anonymat.

DSCF4073

L’église sur le site de TOCKEM

J’y ressens des cultures fortes et différentes ainsi depuis que je suis dans la région où vivent les Bamiléké, une chose attire bien souvent mon attention: les petits et jolis toits pointus que j’aperçois le long de ma route. Accompagné parfois de peintures, ils m’apparaissent nouveau, unique même dans ce voyage. Leur architecture est bien différente que celle, beaucoup plus simple et « répétitive », que j’aperçois depuis de nombreux mois le long de ma route. Je les vois comme des « petits royaumes », presque  des chateaux et en fait ce sont les chefferies, qui sont là où vivent les chefs Bamiléké et représentes le pouvoir, les chefs étant ceux qui en ont le plus.

DSCF4088

les petits et jolis toits pointus que j’aperçois le long de ma route.

Mais en traversant hier la rivière « Noun » je quitte le pays Bamiléké me rapprochant encore plus de la Ring Road et des montagnes de l’ouest ainsi que de l’une des 2 régions anglophones du Cameroun. En atteignant Yaoundé c’est aussi l’épaisse forêt tropicale que je laissais derrière moi, franchissant un pas de plus de plus en direction de la 5ème et dernière grande région d’Afrique qu’il me este à découvrir et traverser: l’Afrique de l’ouest. Maintenant m’y voici tout près, ce n’est qu’une histoire de jours.

« ou vas-tu petit? » me demande un homme le long de la route. « je vais au Nigéria, en passant par Nkambé ».

« toute cette route à vélo » continue-t’il, » et tu n’as pas peur de mourir en route? »

« Peut-être Papa, peut-être. C’est Dieu qui décidera ». Puis je le vois qui, sans répondre, aquiesse avec ma réponse. Car ici voyager à vélo n’est pas commun, pas encré dans la culture. Cela est vu comme une souffrance et souffrir gratuitement, sans récompense matériel, les gens ne comprennent pas. Le plaisir de pédaler, le « spiritualisme en solitaire », non plus. Face à mon voyage, ou durant ce dernier, une réalité très forte m’est imposée: la religion. Qu’il soit appelé « Allah » ou simplement « Dieu », ce dernier prend ici une toute autre importance que celle que je lui connais en Europe ou d’autres logique et réalités peuplent le quotidien. La religion joue ici un rôle social très important et en me dirigeant au Nigeria c’est face à un autre Dieu que je me lance. Un Dieu plus européen, qui se dit venir des pays développé. Un Dieu qui se veut « connaître » et non pas « croire », qui se dit laïque mais qui n’en est pas moins manipulateur. Un Dieu qui s’aime à penser pour les gens, afin qu’ils aillent le temps de se divertir. Un peu comme si divertir rimait avec diversions. Et que son prochain est dangereux; que celui qu’on ne connait pas est méchant. Celui que j’appelle le Dieu média, parce qu’on l’écoute plus fortement que le plus saints des saints, alors même qu’il s’aime tant à vendre et que l’image est plutôt sein. Ce Dieu qui aujourd’hui me place le Nigeria en monstre, comme il le faisait hier avec le Soudan. Un Soudan classé zone rouge, c’est à dire la plus dangereuse. Rouge comme le sang devrait-on penser. Rouge comme l’amour pourrais-je imaginer après avoir traversé ce Soudan qui de loin m’offrit un accueil que je ne reçus nulle part ailleurs.

Peut-être que ma seule conviction sur ce pays, le Nigeria, à quelques centaines de kms de l’entamer, c’est qu’il ne sera ni médias ni paria. Il sera Nigeria. Les mots suivront. Quels qu’en soit la difficulté.

Encore quelques jours et ce sera l’Afrique de l’ouest.

DSCF4035

Je profite de mes derniers jours au Cameroun

Olivier Rochat

De retour sur la route

Km 39’151, Bangangté, Cameroun.

Après un mois de pause à Yaoundé pour cause de paludisme, ce n’est qu’à la fin du mois de Janvier que je pédale mes premiers kilomètres de l’année 2017. Direction l’Afrique de l’ouest et en premier lieu l’ouest du Cameroun. Après plusieurs mois et milliers de kilomètres en pleine forêt tropicale, je la quitte enfin. J’entame mes derniers jours en Afrique centrale.

DSCF4026

plusieurs fois par jour on me demande à me prendre en photo, à tel point que j’en prendrai presque la grosse tête

Lire la suite

Aux Participants

Km 38’872, Yaoundé, Cameroun.

– A toi qui a partagé, à toi qui a participé-

Suite à la fracture de mon cadre au Gabon, j’ai pris la décision de me racheter un nouveau vélo. Un vélo qu’un proche m’amènera au Togo, où nous avions de longue date prévu de nous retrouver. Il y a plus d’un mois une cagnotte a été organisée, permettant ainsi à tout ceux qui le souhaitaient de participer à l’achat de ce nouveau vélo, ainsi qu’à la fin de mon voyage.

Suite à cette cagnotte plus de 3’000 francs suisse (2’900 euros) ont été récolté, une somme considérable et bien supérieur à ce que j’espérais. Après avoir cherché en vain un vélo qui me plaisait à Yaoundé (Cameroun), j’ai  passé ce début d’année à contacter différent magasin, étudier les possibilité face à mes envies. J’ai beaucoup salivé, passé beaucoup plus de temps que prévu là-dessus et finalement j’ai opté pour un vélo que je vous présenterai lorsque je le verrai. Un peu plus « sport » que le précédent mais en acier, toujours en 26″ et en V-Break avec des composants quasiment identiques à mon actuel vélo, ce qui me permet de réutiliser certaines pièces comme la chaîne neuve que je transporte en prévision ou les roues qui ont encore quelques milliers de kilomètres d’espérances de vies, c’est aussi le choix de l’après Afrique car c’est un vélo plus polyvalent, solide pour le voyage mais pratique (selon moi) au quotidien. Sans avoir la possibilité de l’essayer j’étais dans l’obligation de prendre un certain « risque », surtout concernant la géométrie puisque j’ai opté pour un vélo en guidon route, mais j’ai reçu des conseils de spécialistes,  dont notamment  Bertrand du Braquet de la Liberté que je salue et remercie grandement au passage.

Mais finalement j’ai fait mon choix seul en fonction du prix, des possibilités (pour certains vélos les délais sont beaucoup plus longs que pour d’autres, il n’y en a plus en stock etc…) et du coeur.

Le délai pour obtenir ce vélo étant un peu plus long que prévu la rencontre au Togo se fera courant mars et non février.

Ayant retrouver santé et me sentant pleine forme, je vais reprendre la route tout soudainement, faire en sorte de rejoindre le Togo dans de bonnes conditions et je vous donnerai plus de détails bientôt.

Du fond du coeur un immense merci à tout ceux qui ont participé à l’achat de ce vélo.

DSCF1581

Photo Namib Naukluft, Namibie. Juin 2016.

 

Olivier Rochat

 

 

Un Noël à l’abri du consommant

Km 38’692, Abong-Mbang, Cameroun.

« Epuisé par le paludisme, l’isolement du lieu ou  la crise se sera déclarée, j’ai pu profiter de l’humanité des locaux qui peu à peu m’ont offert de leur générosité, leur soutien. De simple « blanc de passage » le premier jour, je suis devenu Olivier, voyageur malade et épuisé. Pour vivre finalement un Noël pas comme les autres avant de connaître un peu le quotidien, parfois dramatique, de ce petit village en pleine forêt tropicale. »

Olivier Rochat, le 29 décembre 2016

DSCF3951

Malade mais privilégié

Le paludisme. La fièvre typhoïde. Des maladies plutôt effrayantes aux oreilles d’européens. En tout les cas les miennes du temps où je préparais encore sagement mon périple africain. Deux maladies que je côtoie régulièrement depuis plusieurs mois avant de finalement les ressentir d’un plus près. Une expérience pour le moins épuisante. Physiquement bien sûr, mais psychologiquement également. Deux maladies qui, en me « terrassant », m’ont permis de prendre encore plus  conscience du privilège que nous avons en tant qu’occidentaux en ayant les moyens de se soigner. De rentrer chez soit ou simplement de trouver de l’aide sur place. Car se sont bien des maladies qui se soignent et pour pas très cher en soit mais qui, néanmoins, tuent encore aujourd’hui énormément de monde qui n’ont pas les moyens de se soigner, financièrement parlant ou à cause de l’isolement de leur lieu de vie. Le paludisme à lui seul tue plus d’un demi-million de personne chaque année, offrant au moustique le titre de « créatures vivante » la plus dangereuse pour l’homme, loin devant l’homme lui-même. Les victimes sont majoritairement des enfants, des personnes âgées, des femmes enceintes ou des personnes affaiblies, par-exemple par le virus du SIDA.

En m’isolant dans la forêt

Après mon entrée au Cameroun par une frontière assez isolée, au sud-est du pays, j’ai continué en remontant sur le Nord, découvrant un Cameroun sauvage, avec des pistes souvent mauvaises et que l’imposante poussière renvoyée par les grumiers et les incessantes collines ont rendues difficiles. Epuisantes.

DSCF3884

avec des pistes souvent mauvaises et que l’imposante poussière renvoyée par les grumiers et les incessantes collines ont rendues difficiles

Mais en bifurquant sur l’ouest par un raccourci afin d’éviter la grande route principale, je m’enfonce dans une région encore plus isolée, traversant néanmoins quelques villages le long de ma route, mais ces derniers diminuent de jour en jour. Ainsi après 7 jours au Cameroun couvrant près de 500 kilomètres je n’ai pas encore trouvé d’électricité, à l’exception de générateurs fonctionnant de 18 à 21 heures dans les plus gros villages que j’ai traversé.

DSCF3928

trouver des sources d’eau fraîches et potable est un véritable bonheur puisqu’il s’agit là de la seule et unique occasion de me rafraîchir

Dans ces conditions trouver des sources d’eau fraîches et potable est un véritable bonheur puisqu’il s’agit là de la seule et unique occasion de me rafraîchir. J’en profite bien évidemment pour me laver.

Un Noël pas comme les autres

Au soir du 23 décembre, alors que je passe ma nuit dans un petit village je ressens un très faible état grippal. Je suis très fatigué, je n’ai pas faim mais la journée à été longue et difficile, je m’endors sereinement. Au matin je me sens un peu mieux, un peu fatigué certes mais je décide de reprendre la route gentiment, de toute manière je n’ai pas le choix. Quelques village accompagnent ma route lors des 10 premiers kilomètres, puis je m’enfonce dans une forêt plus dense et à ce stade là il m’est impossible de savoir que le prochain village se trouve dans 80 kilomètres. S’enchaînent alors un vaste terrains de collines qui m’accompagneront toute la journée jusqu’à mon arrivée dans un petit village à l’entrée de Messok, le plus gros village du coin, alors que la nuit est déjà tombée. Je suis épuisé après une journée de plus de 100 kilomètres sur un terrain difficile.

DSCF3873

plus de 100 kilomètres sur un terrain difficile.

Nous sommes au soir du 24 décembre, je me dirige vers le chef du village qui, après vérification de mes documents m’autorise à planter ma tente en face de sa maison. Cette dernière est une petite maison de terre avec deux entrées et 3 pièces.

On trouve ainsi une chambre principale, une salle, sorte de salon, où le chef du village passe de nombreuses heures à discuter avec les villageois qui viennent lui faire part de leurs problèmes et différents. Ici le chef de village décide de tout ou presque et ce soir se trouvent quelques villageois venu discuter de différents problèmes de terrains ainsi qu’un homme qui s’est fait volé un sac de banane et vient se plaindre. On trouve encore une dernière chambre avec un vieux matelas qui, bientôt, me servira de lieu de repos salvateur. Mais je ne le sais pas encore et ce soir je suis simplement fatigué.

A une centaine de mètres de là se trouve le seul bar du village dans une petite boutique où l’on vend quelques bonbons, des bières, des biscuits, quelques feuilles et autres stylos et c’est un peu tout. Le majorité des villageois sont musulmans mais quelques petites lumières ont été installées pour éclairer le bar en ce soir de Noël et les enfants dansent sur la musique vivante qui tourne à plein régimes. Ici se mélangent adultes et enfants, femmes et hommes, bantous et pygmées et un seul blanc: moi. Mais les gens ne m’en tiennent pas rigueur et ce soir pas de remarque ni arnaques, je peux même dire que je suis à l’aise à observer avec un certain amusement les plus jeunes qui dansent à tour de rôle. L’un après l’autre, les jeunes s’avancent et dansent en face de tout le monde, comme sur une sorte de show. Les applaudissements et la joie se ressentent et ce soir Noël est simple. Mais Noël est beau. Pas de cadeau, pas de folie, le Dieu argent semble à la traîne dans cette région  et s’il est vrai que la famille manque, Noël est agréable.  Mais fatigué je reste un peu après m’être cuisiné un couscous accompagné du dernier concombre qu’il me restait ainsi qu’une boîte de sardine, une Guinness, bière répandue au Cameroun, pour seule « folie ». Je m’endors, pensant profiter d’une bonne nuit de sommeil pour repartir au matin.

DSCF3954

Je discute alors avec les femmes du chef

Mais il n’en sera pas ainsi. La fièvre débute alors accompagnée de gros grelotements, des douleurs au dos et aux membres. Impossible de m’endormir. Au petit matin la fièvre n’est pas très forte mais je n’arrive pas à me lever. Même un effort pour me retourner me paraît insurmontable et maintenant de gros maux de ventres accompagnent mes douleurs aux muscles. Ce n’est que pour aller aux toilettes  que je me lève et là débute une grosse diarrhée qui durera plusieurs jours. Dans ces conditions il m’est impossible de continuer mais heureusement il me reste des médicaments curatif contre la malaria qui font diminuer la fièvre. Heureusement car ici on en trouve pas d’hôpital. Je demande au chef du village si je peux rester me reposer et naturellement cela ne pose aucun problème.

Ainsi se passe ma journée de Noël. J’observe les villageois entrer et sortir de la maison du chef, passant le plus clair de ma journée couché, sans réussir à fermer l’oeil ni avaler quoi que ce soit, si ce n’est de l’eau et un soda qui ressort presque aussi rapidement qu’il était entré. Mais peu à peu mon rapport avec le chef du village s’ouvre alors que jusqu’ici j’observais une certaine méfiance, une certaine distance.

Le lendemain, après une nuit blanche mon état s’améliore mais je me sens un peu faible. Très faible même et bien sûr il m’est impossible de reprendre mon chemin. Je décide de me reposer et l’après-midi, de faire ma lessive. Je discute alors avec les femmes du chef – ce dernier à trois femmes- puis nous jouons à un jeu de société jusqu’à ce qu’un orage arrive, m’obligeant de plier ma tente à la hâte. Dès lors je profiterai de la 2ème chambre, laissée libre ce matin par le plus grand fils du chef qui est parti en ville.

Entre la vie et la mort

C’est alors que le chef rentre de Messok, nous apprenant alors une terrible nouvelle: le premier des fils d’une des femmes du chef est décédé. Ce n’était pas le fils du chef, puisqu’il était né d’un précédent mariage. Aussi sa mère ne vivait plus avec lui ce qui ajoute du choc à la nouvelle. Encore une fois je sens la mort rôdé autour de moi, comme c’est bien souvent le cas en Afrique où j’y suis souvent confronté de manière indirecte. Paludisme, accident de voiture, SIDA, les causes sont nombreuses et souvent on me dit qu’en Afrique la vie est bon marché. Pour un rien la mort emporte. A 20 ans n’avoir plus ses deux parents, c’est presque normal pour beaucoup de monde que j’ai rencontré. Avoir perdu un fils, une fille, pareille. Bien souvent lorsque je dors chez l’habitant on me pose cette question: tes parents vivent-ils toujours? Et lorsque ma réponse est « oui » on se surprend de mon voyage solitaire, sans but lucratif, qui n’a pas pour but d’améliorer la situation économique de ma famille. Le rapport à la famille n’est pas le même, le rapport à la vie, et donc à la mort, non plus. Au Congo j’observais de nombreux cimetière le long des routes, ces derniers étant disposé le long de la route, à proximité des villages, je ne passais pas une journée sans apercevoir une cérémonie d’enterrement, une tombe toute fraîche ou au moins des fleurs disposées à côté d’une photo d’un jeune homme récemment décédé. Et puis souvent lorsque je dors chez l’habitant je garde contact. Avec les réseaux sociaux les nouvelles vont vite et j’apprends régulièrement la mort d’une personne que j’ai rencontré récemment, de son frère, de son fils, des suites d’un accident de la route ou d’une crise de paludisme. La mort est omniprésente.

Le chef me dit que le jeune garçon est tombé malade voici  quelques jours. La malaria l’a emporté. Dans ces conditions j’ai l’impression de déranger mais nous voici dans la salle où le chef reçoit les villageois. Le chef m’invite à m’asseoir et j’observe les discussions dont je ne comprends pas toujours le thème. Parfois on me questionne sur ma présence, les raisons de mon voyage. Certains pensent que je suis un documentariste pour la télévision, d’autres me voient simplement comme un touriste et certains pensent que  cycliste est mon métier. La tristesse des femmes, qui se tiennent à l’extérieur se mélange à la distance des hommes, et moi je ne sais pas trop où me mettre mais paradoxalement c’est à partir de maintenant que nos rapports vont grandement s’améliorer, ou s’ouvrir car ils n’étaient pas mauvais jusqu’ici. Je fais maintenant presque partie de la famille, au soir nous mangeons du Fufu avec de la viande. Un repas très simple mais bon, bien que j’aie beaucoup de mal à l’avaler car que je n’ai absolument pas faim. Je me force mais il met impossible d’avaler plus que quelques bouchées. J’essaye de me reposer mais j’ai l’impression de me fatiguer, d’autant que je n’arrive pas à dormir depuis 3 jours. Quelques heures après la nuit tombée, un énième cri retenti, des pleurs, des énervements. Et puis j’entends une moto qui part. Un homme est venu chercher la mère de l’enfant décédé et l’amène chez son ancien mari.

Et puis la vie reprend ses droits, bien qu’elle n’aie jamais réellement cessé, ni freiner. Quelques larmes coulent parmi les nombreux enfants qui m’entourent dans cette maison. On s’occupe à tour de rôle du dernier né qui n’a que trois semaines. Les autres sont déjà tous très indépendant. La vie arrive et repart à une vitesse folle et, après une journée supplémentaire dans ce village, je décide de reprendre la route. Un  remède local, une sorte de thé au feuilles de goyavier et de deux arbustes dont je ne connais le nom, m’aura remis provisoirement sur pieds.

Après une journée pénible j’arrive enfin à Lomié, le plus grand village depuis mon arrivée au Cameroun où j’arrive brièvement à atteindre mes parents. La dernière fois que je les contactais j’apprenais qu’un proche, malade depuis de nombreux mois, venait de nous quitter. Aujourd’hui j’apprends que je suis oncle depuis près de 10 jours…

DSCF3948

On s’occupe à tour de rôle du dernier né qui n’a que trois semaines

La vie continue

Aujourd’hui cela fait plus de 2 ans que je suis en Afrique, alors que mon voyage initial aurait dû durer 2 ans en tout. Je ne sais pas encore que la maladie que je trimballe est bien le paludisme, et que ce dernier s’accompagne d’une fièvre typhoïde. Ce n’est qu’à Abong Mbang, que j’aurai rejoint en faisant du stop, que je pourrai enfin faire mes tests et débuter un traitement.

Pour accompagner ces derniers il me faudra du repos et encore une fois le voyage se prolonge suites aux imprévus. Mais en Afrique j’aurai appris que nous savons quand nous partons, mais jamais quand nous arrivons. Dans ces conditions l’Homme ne subit pas le temps, bien qu’il ne puisse le contrôler. Si la réunion a lieu à 14 heures, l’Homme va s’organiser pour se réunir à 14 heures. Il subit. Mais d’une certaine manière la réunion n’aura pas lieu à 14 heures. Elle aura lieu lorsque les gens se seront réunis. Ainsi l’Homme ne subit plus le temps. Peut-être est-ce  un aspect qui me manquera  lorsque je rentrerai et noterai mes rendez-vous dans un agenda. Car finalement nous écrivons nos actes sociaux sur un agenda, comme si nous avons peur de les manquer. Alors que c’est le meilleur moyen de manquer les vrais actes sociaux, qui se construisent et s’apprécient au fil des imprévus.

La critique est bien facile mais elle n’est pas mon but. Celui-ci est simplement de constater. Et de ne pas oublier, en ces instants où la famille manque et où je m’en veux profondément de ne pas être là, que nous ne nous retrouverons pas le 15 octobre ou le 18 décembre, ni même le 12 novembre, mais seulement lorsque nous serons réunis à nouveau.

Car ce qui compte finalement c’est le chemin, pas la destination. C’est ce qui trouve entre le point A et le point B car n’est-ce pas en perdant son chemin que l’on retrouve ses pas? Les objectifs sont bien sympa mais ils n’en restent pas moins des oeillères au monde qui nous entoure. Aujourd’hui je ne cherche plus à « faire » ni à « voir », ni même à chercher quoi que soit mais j’ai fait le choix d' »être » et peut-être est-ce pour ça que mon retour se prolonge.

Mais l’Afrique dans son ensemble est aussi là pour me rappeler que nous avons beau  être tous frères et soeurs, nous n’avons qu’une seule famille et qu’elle aussi fait partie du chemin.

DSCF3932

Les objectifs sont bien sympa mais ils n’en restent pas moins des oeillères au monde qui nous entoure.

 

Olivier Rochat

 

 

 

Cameroun: nouveau pays, nouvelles impressions

Km 38’435, Ngato, Cameroun.

Le 20 décembre 2016, après 80 jours au Congo-Brazzaville, j’ai enfin rejoins le Cameroun, 19ème pays de ce voyage.

Voici un texte écris le long de la route, quelques jours après mon entrée au Cameroun par la frontière séparant Ngato de Socambo, au sud-est du Cameroun:

DSCF3832

Me voici (enfin) au Cameroun, à l’extrême sud-est du pays que j’arpente depuis quelques jours.

Nouveau pays, nouvelles impressions

« Me voici (enfin) au Cameroun, à l’extrême sud-est du pays que j’arpente depuis quelques jours. Si c’est avec bonheur et sans regret que je laisse l’incroyable et fatigante bureaucratie congolaise derrière moi, ainsi que les problèmes et demandes de paiement « pour que cela fonctionne » qui vont avec, c’est avec plus de regrets que je laisse la quiétude et politesse des congolais derrière moi. En effet puisque dès mes premiers kms au Cameroun j’observe une grande différence dans la manière qu’ont les gens de m’aborder. Me voici visiblement redevenu « le Blanc », celui qui a l’argent. Au Congo c’était la police, ainsi que les commerçants et autres piroguier, qui étaient le plus regardant pour l’argent. Mais dans les villages les gens restaient très polis et accueillant, finalement assez paisible, bien que les rencontres restent à la fois belle, simple mais fatigante car la notion d’égalité entre noir et blanc en Afrique n’existe pas ou très rarement, amenant parfois beaucoup de superficiel dans les rencontres ou les gens ne se donnent pas toujours tels qu’ils sont.

DSCF3830

La bac entre Socambo et Ngato

Mes premiers jours au Cameroun me laissent l’impression inverse. Certes la police me laisse tranquille mais dans les villages,  la population m’accueille de manière presque brutale, ou rude, avec des mots à mi-chemin entre l’agressivité et la vulgarité. « Hé le Blanc, donne moi l’argent  » le blanc-ci, le blanc ça etc… » et des discussions qui pour un rien semblent vouloir dégénérer.

Après avoir traversé la frontière et obtenus mes tampons de sorties  et entrée  sans problèmes, je me pose dans un petit restaurant tchadien pour boire quelques chose et me préparer avant le prochain tronçon de 100 km qui me sépare du prochain village. Je demande à un jeune homme s’il connait les prix des hôtels bon marchés au Cameroun, en utilisant le terme « hôtel dans les villages ». Tout de suite une dame m’interrompt brutalement, haussant le ton: « On ne dit pas hôtel de village, on dit auberge ». Le jeune homme prend ma défense et lui répond que mon français est correct puisque j’ai précisé « hôtel de village ». Et ainsi la discussion s’envenime, le ton monte et je regarde ce jeune homme et cet femme s’engueuler pour une raison aussi insignifiante, l’une prétendant que mon français est mauvais, l’autre qu’il est correcte. J’ai presque l’impression que la femme va sortir un couteau lorsque soudainement, tout s’arrête. La discussion prend fin, sans crier gare, comme elle avait commencé. Et chacun reprend ses occupations normalement. 5 minutes plus tard la situation se repète, mais cette fois à propos de la distance pour rejoindre Yaoundé. Par la route du nord ou celle du sud? Là encore c’est presque à coup d’insultes qu’on débat pour savoir laquelle est la plus courte. Avant que tout finisse par s’arranger à nouveau. De manière encore plus subite que tout cela avait commencé.

C’est dans une ambiance assez « sanguine »  que je quitte Socambo; premier village camerounais de mon périple, et  me lance à l’assaut du 19ème pays de mon périple africain, le 28ème de ce voyage, avec l’intention d’arriver à Yaoundé pour la fin d’année et mettre un peu de clarté sur la suite.

DSCF3831

 

Retour dans la forêt

Très vite me voici à nouveau dans la forêt, à manger la poussière camions après camions. L’état de la route, qu’on me dit déplorable et impraticable plus de 6 mois dans l’année, n’arrange rien mais à vélo j’évite finalement les trous et autres bosses bien mieux que les camions.

DSCF3843

me voici à nouveau dans la forêt, à manger la poussière camions après camions.

C’est d’abord  le parc national de Lobeke que je traverse, mais cette fois pas d’animaux sauvages à l’horizon, si ce n’est ces singes toujours aussi agile et bruyant. Les nomades tchadiens qui amènent leur zébus au Congo sont les premiers humains que je croise le long de ma route au Cameroun.

DSCF3850

pas d’animaux sauvages à l’horizon, si ce n’est ces singes toujours aussi agile et bruyant

Un premier contact compliqué

Une fois le parc traversé j’entre enfin dans une région plus peuplée, des villages se trouvant de plus en plus régulièrement le long de ma route. Plus confronté à la population je m’acclimate peu à peu à ce nouveau pays, assez rude aux premiers abords mais qui finalement m’offre réflexion. En effet ce que j’ai  (trop) souvent observé en Afrique, et qui m’est très  pénible, c’est le complexe d’infériorité inconscient -par rapport aux blancs- qu’ont encore aujourd’hui bon nombre d’africains. Ici au sud-est du Cameroun j’observe un étonnant paradoxe, le complexe d’infériorité volant en éclat mais le « rêve européen » semblant plus fort que jamais.

DSCF3841

Les nomades tchadiens qui amènent leur zébus au Congo sont les premiers humains que je croise le long de ma route au Cameroun.

« En temps que blanc plus que je jamais je me sens désiré »

L’Europe fait rêver la majorité des africains que j’ai croisé mais jusqu’ici le tout avait été plutôt discret. « Tous les africains ne sont pas pauvres », cela semble être clair pour tous. Mais « tous les européens -blancs- sont riches », pensent de nombreux africains. Et ici au Cameroun on me l’exprime au quotidien. Tous les jours on me rappelle qui je suis: un blanc. Et on me rappelle d’où je viens: le monde des blancs, un monde où tout le monde est riche. Dans les grands villages -et plus tard dans les villes- je passe difficilement une journée sans me faire draguer de manière claire et directe. Oui on veut venir en Europe et on me le fait savoir. Mais là encore les camerounais me surprennent puisqu’en répondant négativement à leurs attentes j’ai tendance à les énerver; les vexer.

Les hommes aussi ont tendance à vouloir m’inviter  -ou demander de l’argent- quelques part (bar ou restaurant) dans l’attente, bien souvent, que ce soit moi qui paie.

En Afrique  de l’Est et Australe la mendicité était très fréquente, mais pratiquée généralement par les enfants. Ici il n’est pas rare de me voir demander de l’argent par les adultes de manière directe, pas toujours plus polis que les enfants.

Pourtant au-delà de ces « premiers rapport humains » parfois pénible se cachent beaucoup d’autres choses et notamment la curiosité qui poussent bon nombres de camerounais à me questionner et souvent m’arrêter le long de la route. Une fois le premier contact, souvent assez « brut », effectué, des discussions plus intéressantes prennent forment et l’accueil suit.

Parfois j’observe une grande fierté, une forte envie des locaux à se « débarasser » du blanc qui agit encore bien souvent -économiquement parlant tout du moins- en tant que colon ou qui profitent de la situation et des avantages qu’êtres blancs procurent en Afrique. Cette fierté est fortement ressentie et parfois la rancoeur qu’on certains camerounais à mon égards -et des blancs en général- est régulièrement observable. On me traite de « sale blanc » ou « sale peaux blanches » et quelques mètres plus loin on m’invite généreusement pour manger voire parfois…dormir à l’hôtel. En fait dans les quelques premiers gros villages que je traverse il m’arrive de traverser une rue en me faisant inviter pour une bière ou pour manger plusieurs fois, entrecoupé d’un ou plusieurs propos raciste et/ou désobligeant autres à mon égard. Les camerounais s’expriment, avec fierté et sans peur ni gène et si cela peut être épuisant voir blessant, j’en retire aussi qu’ici, le complexe d’infériorité est moins marqué, parfois inexistant et c’est peut-être là le principal.

Mais mes impressions sur ce nouvel environnement changent de minutes en minutes, m’offrant cette sensation que tout peut arriver, le meilleur comme le pire, à l’entrée de chaque virage.

En direction de Yaoundé

Après quelques jours de route, je bifurque sur un raccourcis, rentrant à nouveau dans une épaisse forêt poussiéreuse ou j’enchaîne les collines les unes après les autres. L’état des routes déplorables ajoutes un peu d’isolement à une région qui l’est déjà beaucoup géographiquement, isolée. Il en ressort  ces rapports humains si particuliers, dans les quelques petits villages que je croisent,  vécus déjà tant de fois en Afrique. Dans ces régions ou l’isolement géographique s’ajoute aux mauvais états des routes qui compliquent sérieusement les déplacements, les habitants que je croise se retrouvent souvent avec un horizon, une réalité,  bien différente du voyageur que je suis, voyageant pour le plaisir, avec un horizon changeant de jour en jour.

DSCF3919

Une fois le premier contact passé, je découvre alors des gens curieux et accueillant

Mais fière de mes 2 ans sur les routes africaines je décide de réagir différemment. De prendre le temps de vivre les rapports humains, de ne pas juger dès les premières sollicitations et au contraire prendre le temps de « m’attarder ». Une fois le premier contact passé, je découvre alors des gens curieux et intéressant et  très accueillant, comme le soir ou demandant pour planter ma tente dans un village on m’offre un lit, ou on m’envoie dans la scierie proche ou je peux dormir chez le grand patron, très accueillant.

DSCF3913

on m’envoie dans la scierie proche ou je peux dormir chez le grand patron, très accueillant.

Le regard que me porte bon nombre de villageois est également particulier. Assez rude, voir malpoli. « Le blanc, le blanc » s’écrie de nombreux hommes qui me regardent passer. Parfois on m’arrête même sur la route, de manière un peu agressive. « Ou vas-tu? » « Il faut t’arrêter à la chefferie du village » me dit-on. Et si je ne m’arrête pas on ne comprend pas, un peu comme si je fuyais. Alors je m’arrête, poli et souriant bien que sur mes gardes.

« Je fais le Tour d’Afrique à vélo. Je vais à Yaoundé ». Les visages se détendent, surpris mais amusé. Certains ont du mal à me croire, mais en montrant mon passeport et mon visa de tourisme, tout le monde se calme. Alors on me demande mon numéro de téléphone accompagné d’un « on est ensemble » et puis quelques questions plus tard je peux reprendre ma route. On me souhaite bon voyage.

Ainsi passe mes premières journées sur cette route assez isolée.

DSCF3878

l’isolement géographique s’ajoute aux mauvais états des routes

Au fil des jours je  m’acclimate gentiment au niveau « climat » qui m’entoure. Un climat ou la réalité, l’horizon, du voyageur que je suis, plus vaste et m’habituant -en m’obligeant- sans cesse à une relative adaptation, tranche de fait avec celle des locaux, dont le monde s’arrête parfois à quelques villages plus loin, dû à l’isolement du lieu et le manque de moyen de transports. C’est à dire qu’ici  l’horizon des locaux ne sort pas toujours de la forêt, ou seulement occasionnellement. Une forêt dense avec laquelle j’arrive gentiment au bout, l’ayant suffisant exploré.

DSCF3889

Ici l’horizon des locaux ne sort pas toujours de la forêt

 Olivier Rochat