Km 48’985, Macenta, Guinée.
Petite pause à Macenta, petite ville toute proche de ce qui fut l’épicentre de la dernière « crise » d’Ebola.
Au coeur de la Guinée forestière
Après ma nouvelle « crise » de paludisme, et après m’être bien reposé, j’ai quitté Kankan, direction le sud.
4 jours de route plus tard j’ai retrouvé la pluie, que la Haute-Guinée m’avait presque fait oublier. J’ai retrouvé les belles collines, douce et verdoyante, de la Guinée forestière. Les routes quant à elles furent un mélange de pistes boueuses, de vieux goudrons d’il y a 40 ans complètement défoncé et, miracle ou presque, de passages récemment -et très bien- goudronné.
Me voici aujourd’hui à Macenta, petite ville coincée au centre de la Guinée forestière à quelques encablures de deux de ses voisins : le Libéria et la Sierra-Leone.
Macenta c’est une petite Ville comme il y en a des centaines en Afrique. Une ville sans grande envergure, d’environ 50’000 habitants, qu’on oublie facilement si on ne fait qu’y passer, quoique les paysages qui l’entourent sont spectaculaire et les habitants accueillant malgré les « toubabou » -blanc- incessants que me lancent les gosses qui me voient passer.
Le retour d’Ebola
Pourtant Macenta et la région a récemment fait parler d’elle à travers le monde entier et même jusqu’en occident. Enfin, sans qu’on cherche vraiment à la situer. En effet fin 2013 va débuter une « crise »sans précédent qui va grandement affecter l’Afrique de l’Ouest et notamment trois de ses pays (et non toute l’Afrique comme je l’entends parfois…) qui sont le Libéria, la Sierra-Leone et la Guinée : le virus Ebola.
En effet c’est dans un village de Guinée forestière, proche de la ville voisine d’où je me trouve actuellement, Guéckedou, que le « patient zéro », un jeune garçon de 2 ans et demi, aurait succombé à une fièvre hémorragique qui sera quelques mois plus tard analysée comme étant le virus Ebola. Sa mère, sa grand-mère ainsi qu’une amie sierra-leonaise y succomberont elles aussi. Débute alors une crise sans précédent et pour la première fois le virus Ebola, découvert pour la 1ère fois en 1976 en RD Congo le long d’une rivière appelée… Ebola, est découvert hors de l’Afrique centrale.
Le virus est rapidement déclaré au Libéria et au Sierra-Leone voisin, passant les frontières terrestres. Quelques mois plus tard des cas sont également recensé au Sénégal, au Mali ainsi qu’au Nigeria. Puis un prêtre espagnol rapatrié décède à Madrid, un libérien en voyage à Dallas y décède également, un cas est déclaré en Italie. Un autre en Grande-Bretagne. Ils survivront.
Mais le monde entier s’affole devant cette épidémie qui prend de vitesse la médecine actuelle et menace de se propager au monde entier. Il n’existe alors pas de vaccins et le taux de mortalité est extrêmement élevé bien qu’il varie beaucoup selon les conditions dans lesquels les patients sont traités, passant de 25 à 90%.
La Guinée, la Sierra-Leone et surtout le Libéria sont les pays les plus touchés, rapidement mis en quarantaine, frontières fermées, vols annulés. La région de Macenta, très peu développée et manquant de moyen, se retrouve sans moyen devant la maladie. Des médecins et infirmiers étrangers y sont envoyés ainsi que des hélicoptère et des 4X4 pour pouvoir atteindre les villages les plus reculé.
Mais dans certaines régions, la communication officielle est mal comprise par la population ou interprétée comme prolongeant un discours post-colonial, en désignant par exemple la consommation de viande de brousse comme source de contamination. Similairement des autorités ou des ONG ont pu être perçues comme soutenant un « discours dominant » qui « porte en germe la stigmatisation de certaines communautés, victimes de mépris ou de préjugés culturels que les messages officiels visant à prévenir la propagation de la maladie ne font que renforcer ». Ce discours invite les populations locales à s’éloigner de la forêt, qui est pourtant localement une ressource, médicamenteuse notamment. Les communautés locales savent aussi que les hôpitaux manquent d’infirmiers et médecins et ce fait a pu motiver certains refus de laisser hospitaliser des membres de la famille. Certains centres de soin sont également saccagé par la population locale et la lutte contre le virus Ebola n’en est rendue que plus difficile, bien qu’elle va s’améliorer au fil des mois.
Aujourd’hui près de 4 ans ont passé depuis le 1er cas, 18 mois depuis le dernier, enregistré au Libéria, début avril 2016. La vie à repris son cours, les frontières sont toutes ouvertes, « l’etat d’urgence mondial » déclaré a été enlevé. Selon les sources officielles plus de 28’000 cas ont été recensé, au moins 11’300 en sont morts et quelques 10’000 personnes souffrent aujourd’hui des stigmates de cette maladie dont notamment les tabous qui l’entourent. De nombreux survivants sont ainsi rejetés par la société.
Ici a Macenta seul un panneau, à l’entrée de la ville, m’indique qu’ici fut Ebola. Personne n’en parle et rien ne laisse apercevoir qu’il y a deux ans encore, la situation était extrêmement critique.
En découvrant cette région, je ne peux m’empêcher de penser à Ebola. Ce « virus africain » qui soudainement menaça l’Occident tout entier. Ce virus qui en 2 ans n’a pas tué plus de monde que le paludisme n’en tue chaque…semaine.
Bien sûr, la situation n’est de loin pas semblable, ni même comparable. Le paludisme n’est pas un virus mais une maladie parasitaire, la plus répandue au monde et notamment en Afrique subsaharienne (environ 90% des victimes mondiales). Et puis il se traite.
Cependant le moustique qui transmet le paludisme à l’Homme ne peut survivre au-delà des tropiques. L’Europe, l’Amérique du nord à l’abri, le paludisme est peut-être encore celui qui a le plus de beaux jours devant lui.
Pendant ce temps-là à Macenta la vie continue. Ebola n’est plus là…
Olivier Rochat