Km 27’467, Roossenekal, Afrique du Sud.
Balmoral, le 3 mars 2015.
Une dame au matin me demande:
« Et tu n’as pas peur de rouler par ici? »
« heu ben pas vraiment, disons que j’évite de rouler de nuit et dans les township mais non, je ne peux dire que j’aie vraiment peur »
« Ah bon, parce qu’hier 4 policiers se sont fait abattre à 5 km d’ici »!!!
En quittant Pretoria
C’est dans une ambiance lourde que je me suis engagé sur la route hier matin, après un premier ravitaillement à Balmoral et lorsqu’en fin d’après-midi je me renseigne pour savoir si la route de campagne que j’emprunte est dangeurese on me dit que non, pas à vélo, et que ce genre d’histoire est courante depuis toujours en Afrique du Sud.
Bon.
Voilà 2 semaines que je suis en Afrique du Sud et après plus d’une semaine d’attente pour raison administrative reprendre la route me fait un bien fou.
Bien qu’accueilli à maintes reprises, parfois ce fut pesant. L’Afrique du Sud semble s’enfoncer gentiment dans une petite crise et la semaine dernière plusieurs universtités ont été fermées. Des étudiants en colère et réclamant un meilleur accès à l’éducation pour les plus pauvre ont notamment mis le feu à celle de Pretoria alors qu’à la mi-temps d’un match de Rugby entre blanc des noirs sont venus manifester. Le match a dégénéré en bagarre général.
Certains médias blancs parlaient d’attaque de noir alors que les images montraient des étudiants noirs brandissant des pancartes et se baladant sur la pelouse alors que les joueurs étaient aux vestiaire et soudain quelques dizaines de blancs courir en direction des manifestants et assené de nombreux coups…
La tension semble être à son comble et le président Zuma et sa gestion catastrophie du pays n’aide personne. Chacun y va de sa verité et par moment l’Afrique du Sud représente tout ce que je hais avec ses divisions raciales et lorsqu’en traversant Pretoria j’entends un blanc s’écrier « rentre chez toi » à un noir qui mendie au milieu de la route avant de s’arrêter donner quelques pièces à un blanc qui mendie lui aussi, j’ai du mal à me positionner. « Le pauvre est brûlé par le soleil » ajoute on.
En me faisant visiter le très beau bâtiment gouvernemental, on me répond d’une petite pique lorsque je dis honnêtement que je le trouve très beau: « ça aussi ce sont les blancs qui l’ont construit » avant de continuer en montrant du doigt les détritus qui sont dans le parc que le gouvernement noir vient d’ouvrir aux étudiants: ça par contre ce sont les noirs.
J’ai presque envie de dire que ce qui permet à une bonne partie des 4, 5 mio de blancs de soutenir un rythme de vie occidental, c’est quand même un peu grâce à l’exploitation d’une bonne partie des 45 millions de noirs dont beaucoup travaillent pour à peine 5 dollars par jour…
En fait en Afrique du Sud je rentre dans un pays développé mais pour certaines choses j’ai l’impression de revenir 150 ans en arrière…
Tous les jours’ j’ai droit à des discours différents, les blancs-ci, les noirs-ça mais pourtant, j’en convient, l’Afrique du Sud représente aussi ce que je me dois d’aimer: la SOLIDARITE.
En tant que voyageur et qui plus est à vélo avec déjà plus 21’000 km en Afrique derrière moi, ici j’ai tout pour moi. L’accueil et le respect. Noirs et blancs me regardent avec intérêt et ont visiblement du plaisir à m’aider. M’offrir un lit, parfois plus, lorsque la situation le permet. Ou comme hier surpris par la nuit sur une route secondaire mais horriblement bondée et entourée de grillage qui empêche tout camping sauvage je me dis que finalement le meilleur que je puisse faire est d’appliquer ce que la culture africaine-ou ce qu’il en reste- m’a appris: aller vers les autres. Sourire, Bonjour, comment allez vous. Moi ça va bien. Merci…
Intelligence émotionnelle.
C’est donc dans un camp de travailleur que je planterai ma tente, endormi par une musique
de Johnny Cash autour d’un feu de bois.
Les histoires entendues ces derniers jours à l’esprit… et si l’un d’entre eux avait un flingue?
Au final les histoires semblent être surtout bonne à raconter et je me réveillerai bien vivant.
Ce matin j’entre dans la province de Limpopo, toujours en direction opposée du cap.
Après 3 jours qu’en terme de cyclisme je qualifierai de merdique faute à une route inadaptée à l’étonnante quantité de traffic, je pénétre enfin les montagne. au pied du plus haut col de la région à 2331 mètre d’altitude, La circulation baisse. Entouré de champ, de collines puis déjà de montagne, je découvre encore une fois la magie du voyageur. Celle de passer d’un monde à l’autre en permanence malgré une vitesse qualifiée par beaucoup de désuète.
18 mois pour un trajet qui se vole en 18 heures.
Comme me disait récemment John rencontré au Malawi: ce qui reste ce n’est pas ce que tu as vu. Mais ce que tu as vécu.
Les rencontres ne sont pas écrites sur les cartes. les souvenirs non plus. Et voyager de cette manière me permet de passer d’un monde à un autre, de dormir un jour chez l’oppresseur et le lendemain chez l’oppresse avec le seul devoir d’être moi-même.
Mais en menfoncant dans les montagnes c’est avant tout à ma carte que je confie, histoire de ne pas me tromper de col et d’entamer enfin les région panoramique de cette Afrique du Sud. Afin de me rapprocher du cap en toute beauté.
Quitte à parfois, souvent, m’en éloigner.
Olivier Rochat