Km 24’403, Sesfontein, Namibie.
-Dans un silence assourdissant j’ai planté ma tente de la même manière que j’ai passé ma journée et que je m’apprête à passer ma nuit, silencieusement-
400 kilomètres de pistes au Kaokoweld. 400 kilomètres hors du temps, parmi les plus difficiles de ce voyage. Parmi les plus beaux également. Traversant désert et montagnes, rivières assechées ou surprise en cette saison, plaines boueuses… Le tout dans un décor changeant, époustouflant. « Mars, la Lune et le Kaokoweld… » c’est dans les faits 8 jours loin de tout si ce n’est des Himbas, des animaux, de la nature et au final et surtout, de moi-même. Parfois demeurait cette impression de pédaler sur Mars.
Un must absolu dans ce voyage, presque une consécration.
Se retrouver tout seul ou presque et faire le point avec moi-même. Je me souviens qu’en traversant le désert égyptien, chaque jour, en tout cas chaque soir, je faisais le tour de moi-même, impossible d’y échapper. C’était lourd et long.
Certainement que lorsque que quelque chose ne tourne pas rond, se retrouver seul c’est aussi ne pas pouvoir y échapper, s’enfuir. Mais devoir s’affronter. Aujourd’hui, près de 10 mois après le désert égyptien, ça tourne mieux, ça tourne bien.
Mais le Kaokoweld c’est pour moi, parmi ces endroits où tu y es encore qu’il te manque déjà, la manière d’un lac Malawi ou d’un col alpin…
Oui je suis comme ça, je passe et je viens. Quand je m’endors je ne suis rien. Je pense à demain. Un rêve et puis déjà c’est le matin. Je me réveille et au jour déjà je passe et puis je viens. Et toujours je ne suis rien.
Seulement parfois reste un endroit, un de ceux que tu n’oublies pas… …à la manière d’un lac Malawi ou d’un col alpin
Au Kaokoweld…
-Purros, le 24 octobre 2015-
Au matin j’ai l’horizon, géant, comme seul destin et une piste, méchante, presque terrifiante, comme seul chemin. Mon jour est long, lent mais suffisant. Le décor époustoufflant.
Une voiture passe. Ce sera la seule aujourd’hui. Bonjour. Au revoir. Je peux toujours me parler ou mieux, me taire et laisser vivre mes sens présents.
Une girafe, une autruche. Déjà le soleil se couche. Au milieu de rien.
Au soir sentir le vent comme seul présence. Le ciel comme seul plafond, les étoiles pour seule lumière.
Into the wild. Ou se sentir vivant.
Deux oiseaux, on dirait des corbeaux. Bonne nuit.
Loin du monde, des civilisations, de la misère et des abrutis. Au fond loin de moi même également. Plus proche que jamais, certainement.
Là où le temps est une saveur, le regarder filer lentement jusqu’au soir, avant de le reprendre au matin. Le sentir libre de s’exprimer, se sentir libre de l’accepter, à la vitesse où il va, le temps. Se sentir vivant.
Au Kaokoweld… »
Le premier jour
Dans les faits c’est bien la route la plus incroyable de mon voyage que j’ai découvert. Une piste de 400 kilomètres au Kaokoweld, reliant Opuwo à Sesfontein via Orupembe et Purros.
Traversant déserts et montagnes sur des routes partagées entre difficiles et très difficiles… Mais toujours dans un décor unique et jamais traversé jusqu’ici.
La région, sauvage et isolée, est belle. Mais cette piste fut pour moi une petite expédition. En quittant Opuwo, dernier gros village avant d’attaquer cette piste, j’emportait donc 22 litres d’eau, ajoutez-y la nourriture! Heureusement la forte chaleur tombera rapidement, dans un premier temps grâce aux orages, les premiers de la saison. Et dès le début des pistes, je découvre une Namibie à laquelle je n’avais jamais eu droit jusqu’alors.
En quelques instants la Namibie a pris les devants, me voici au milieu d’un monde intéressant. Un monde différent. Autrement. Surprenant.
Le goudron c’est sûr cette fois a disparu. Place aux pistes, aux cols, à la nature, sauvage, superbe, calme et bien vivante. Comme une chanson interminable résonne le cri des oiseaux.
Sans fin.
Et pour ne pas tomber dans un quelconque ennui, le ciel s’est mêlé à la fête. Pobablement vexé de se taire depuis plus de 9 mois, il s’est mis à chanter lui aussi, vaste grognement mal accordé. La pluie est tombée. Et pas qu’un peu. La saison des pluies, à l’instant où je debutais les pistes, à commencé… Presque d’un mois en avance.
D’orage en orage jusqu’à la tombée de la nuit, l’après-midi fut bruyant, parfois boueux, sable mélangé à la terre alourdi par l’eau, tel une éponge, ma route devint molle. Jusqu au prochain passage caillouteux, et là se faufiler, a 7-8 km/h, entre les cailloux avec pour but de ne pas glisser. De ne pas tomber. Jusqu’à ce qu’emporté par le poids de mon eau mal équilibré, mon vélo, un Cargo pas que de nom pour l’occasion, bascule. BOUM.
Il me faudra enlever quelques sac et bouteille pour pouvoir le relever.
Et moi qui dans ces pistes réputés parmi les plus durs de Namibie, s’égarant dans un kaokoweld presque inhabité craignant d’avoir trop chaud, emportait hier au matin au départ d’Opuwo 22 litres d’eau, voici qu’elle tombe du ciel.
Me voici ridicule. Mais pas tant car c’est toujours plus intelligent d’avoir trop d’eau que pas assez. Et je préfère ne pas pouvoir en témoigner. La suite me donnera raison.
Et après un matin ensoleillé, col caillouteux, les yeux somptueux, c’est un arc en ciel qui accompagna le soleil qui se couchait, réapparaissant soudain au loin, là où le ciel était bleu. Et oui, l’orage n’était bien que sur ma tête. Au loin j’apercevais bien le ciel bleu.
Cette journée surprenante, première d’une vaste suite à travers cette nature revigorante, se terminait. Dans la forêt je campais mais je n’avais pas planté ma tente que déjà il pleuvait. L’orage était fini pas la pluie. Quoique que parfois dans la nuit, l’éblouissante lumière d’un éclair me réveillait.
Au matin, donc maintenant, il ne pleuvait plus, le ciel était bleu et blanc, pas de nuages gris pour l’instant…
Alors je repartais a l’assaut, enfin à vélo, de cette nature impressionante non pas qu’à regarder, mais à vivre, sentir et profiter.
Non dans ces conditions 22 litres n’était pas de trop…
Entre les cailloux, Orupembe ou l’isolement
Après cette première journée orageuse mais belle, j’ai repris la route sereinement. Traversant d’abord une plaine désertique avant que les orages n’arrivent. Un petit col au soir, à l’entrée d’un véritable pierrier où je passerai ma seconde nuit. La troisème journée fut difficile mais belle en tout point, enchaînants de petits col caillouteux dans des décors superbe, malgré le ciel nuageux. Ce n’est que le soir que je rejoindrai Orupembe histoire de me ravitailler, alors que je venais juste de terminer ma dernière bouteille d’eau. De là je reprends ma descente sur le sud, plus de 3’000 kilomètres après l’avoir interrompue au Mozambique afin de partir sur l’ouest où je me trouve actuellement. Tout au nord-ouest de la Namibie, Orupemebe est un lieu très isolé, parmi les plus isolé de mon voyage.
V int un premier désert…
Une longue plaine, plate puis chaude. De temps en temps la pluie d’hier avait formé de vastes flac d’eau. Généralement ça roule plutôt bien. Après 15km, un magasin sur ma droite. Se raffrachaîr. Parler. Ce sera la seule fois aujourd’hui.
Profiter d’un paysage surprenant. Parfois un village Himba, un troupeau d’autruche. Quelques Springboks qui, au loin, s’enfuient en me voyant.
La journée passe, les orages arrivent. La plaine se termine, les montagnes arrivent, juste avec la pluie.
Un col, le premier aujourd’hui, aussi. Sous la pluie également…
Et là s’enfiler à travers un univers de cailloux. Mars où le Kaokoweld? Peu importe juste y passer la nuit. Sous la pluie toujours.
Avant de repartir sec au matin, sur un univers de cailloux toujours, enchaîner cols et km dans un univers déroutant, les nuages se matin comme plafond.
L’atmosphère est respirable par ici, bien plus qu’ailleurs. Drôle de planète. Belle à regarder. Mais difficile à pédaler.
Une himba sur son âne, un jeune garçon, crâne râsé, à l’avant. Quelques mots que je ne comprends pas. Tant pis ou peu importe. Au virage d’après un village. Okandjambo de son nom. Un magasin. Quelques Himbas. Un coca car je suis encore sur Terre bien que Mars est quelque part. Et de là, s’enfoncer difficilement mais sûrement, dans une région de plus en plus isolée.
Aujourd’hui une seule voiture, pas beaucoup moins que demain bien que je ne le sache encore. Ce sera tout. Je suis seul. Enfin je le crois.
8 girafes me coupent la route. De loin, je l’ai observe. De silence et d’envie, loin des touristes, des parcs et autre attractions, je suis comblé. Je continuerai à pied pour ne pas les effrayer.
30 minutes durant, c’est accompagné de 8 girafes que je continuerai. Gardant leur distances, avançant avec moi, s’arrêtant lorsque je m’arrête.
Un col plus tard, deux zèbres en face de moi. Terrain horriblement caillouteux, dernière plaine, difficile, avant Orupembe. J’y arriveai juste avant la tombée de la nuit.Les zèbres sont déjà bien loin.
Il était temps. J’avais fini mon eau. Les 22 litres d’eau n’était pas de trop.
Me voici bientôt à la moitié de cette piste mais pas au bout de mes peines. Orupembe en terme de distance c’est le lieu le plus isolé de cette piste et peut-être de ce voyage. Ici, au nord-ouest de la Namibie, j’arrive au terme de mes 3’000 km d’est en ouest, je peux gentiment recommencer à descendre sur le sud. L’océan Atlantique n’est plus loin. La fraîcheur qui l’accompagne également.
J’en termine avec ces difficiles passages caillouteux, et sans le savoir, je débute tout juste les non moins dfficiles pistes ondulées. A Orupembe on trouve également un magasin, tout petit mais bien utile au milieu de ce vaste univers, ainsi qu’une police station qui fait plus office de refuge pour les locaux devant s’aventurer sur ses terres pour X raison.
De Mars à Purros
2 jours de pistes ondulées, difficiles. Dans une plaine désertique. Un moment, sans apercevoir personne pour plus d’un jour, pas même un animal la première journée, j’aurai bien cru pédaler sur Mars. J’étais bien au Kaokoweld d’où cette arrivée,splendide, à Purros, un village avec 2 magasins, un lodge de luxe, une autre meilleur marché avec un camping. Et un village Himbas réservé aux touristes…
Nouvelle journée de pistes, nouvelles journée d’émotions. Aujourd’hui c’est un désert que j’ai traversé.
Un vaste désert de cailloux, traversé par cette interminable piste ondulée qui plus d’une fois m’aura mis à terre.
Paysage lointain, un peu lunaire. Pas un magasin, pas un passant, même pas un bruit si ce n’est le vent. Mon vélo. Oui la chaîne crie un peu. Les paysages quand à eux deviennent de plus en plus aride jusqu’à ce que la végétation disparaissent totalement. Autour de moi une vaste plaine rocailleuse, au loin des montagnes. Ainsi que deux voitures que j’aurais croisé, dont une s’arrêta:
–Bonjour. Combien de km jusqu’à Orupembe? –
-31 vous y trouverez de l’eau a la police station, j’y ai passé la nuit. La route est bosselée faites attention. Bonne route!
-Au revoir…
Le reste ne sera que parler avec le vent, parler avec moi même ou mieux, me taire. Et profiter de l’instant. Loin de tout, de la pollution, du bruit, de la misère et des abruti. Tout en me retrouvant. Calme et serein. Serein comme la quiétude qui ressort de ces cailloux. Serein comme ces deux corbeaux qui viendront brailler derrière ma boîte de thon qui sera mon souper, au soir, campant dans une atmosphère lunaire.
Oui ce soir j’ai campé sur la lune. J’ai pas vu de martien, pas de venus. Mais le ciel, bien que noir était brillant. Brillant des étoiles qui vu d’ici se voie bien. L’air sens bon, pas de civilisation. Pas de pollution. Ce soir j’ai dormi sur la lune.
Et au matin ça tombe bien j’ai pédalé sur mars. Il y avait une piste et des cailloux. La piste était ondulée les cailloux n’aidaient pas.
Pas grand chose à dire mais beaucoup à regarder. Et dans ces paysages là, il faut savoir regarder. Savoir apprécier.
L’atmosphère était sec, il faisait chaud, au loin ces montagnes que j’apercevais de mieux en mieux à mesure que la route descendais. De gris éléphants elles tournaient parfois à rouge cuivré, presque sang.
Mais pas d’éléphants à l’horizon et à mesure que le temps avançait, la matinée devenait journée. Sur mars aussi à midi le soleil est tout haut, brillant -et pas toujours pratique pour prendre des photos-.
Puis au loin deux traces de poussière qui se déplace.Au dessus d’elle, un grosse tâche noire. Tout de suite j’ai pensé à mon premier martien,mais je me trompais. En me rapprochant j’apercus deux longues pattes, de lamême couleur que le sol, raccordait la tache noire.Au dessus de cette dernière, un long cou puis une tête. C’etait une autruche qui s’enfuyait!
Ainsi je retournais sur terre. Et quelques kilomètres plus loin, une jolie descente et au loin, en contrebas, Purros.
La vue était grandiose et dans ces conditions impossible de pédaler. Je me suis assis, jai contempler.Un certain moment.
J’apercevais la rivière ou plutôt la végétation qui en ressort. Comme un oasis car derrière elle, c’était une plaine de sable, de vastes dunes qui finissait leur route sur une montagne sans végation.
Juste avant Purros une lodge au milieu de rien. Intéressant. Dans les fait à 280 Dollars la nuit, une bière suffira. Bien raffraîchi c’est en bas, au campsite, que je passerai la nuit et la suivante, profitant d’une journée de repos à Purros, petit village perdu dans le Kaokoweld.
Un bel endroit. Tourisitique un peu. On y trouve un village traditonnel Himbas. Le décor, sorte d’oasis entouré de montagnes et de dunes, et splendide.
Entre cailloux et cailloux, un dernier désert pour la route
Après plus de 400 km sur 8 jours de pistes parmi les plus durs que je n’ai jamais pédalé, j’ai rejoins, vivant, Sesfontein, un petit village. Petit mais bien grand comparé au reste. Prochaine ville? J’y pense même pas.
En quittant Purros, l’un des lieux les plus beaux dans lesquels j’ai pédalé (ou poussé), voici deux jours, je pensais laisser le plus dur derrière moi. Je me trompais.
Il me restait à peine plus de 100 km pour sortir de cette piste…
100 km hors du temps encore une fois. Mais avec le retour du très chaud, l’arrivée d’un sable impédalable et des passages caillouteux dantesque, 100 kilomètres qui furent long. Très long.
La route, longeant une rivière asséchée, très vite passa de rocheuse à sableuse, enchaînant 1-2 km en poussant puis en galerant sur les cailloux qui venaient droit derrière. Pas un mètre de repis.
Le tout dans un décor effroyable, parmi le plus beau qu’il m’ai été donné de rencontrer. Encore une fois.
Au soir, avoir parcouru à peine 50 kilomètres sur près de 7 heures à pédaler, une vaste étendue de sable rouge se dresse devant moi.
Impossible de pédaler. A peine plus d’avance. A mesure que j’avance la couche de sable augmente, il m’est difficile de tenir les rythme des 3 km/h…
Après plus d’une heure a poussé, le soleil se couche. C’est là que j’aperçois une caravane, quelques centaines de mètres en face de moi.
Une vingtaine de minutes plus tard, poussant un Cargo plus encombrant qu’autre chose, je la rejoins.
Ironie du sort.
C’est le type qui vient racler la route, enlever les bosses, ces terribles ondulations, et les surplus de cailloux. Oui c’est ironique, alors à 50 km d’en terminer, je rencontre le gars qui va tout nettoyer. A une semaine près, soit le temps qui lui est nécessaire pour combler les 400 km, j’avais une route « toute propre ». La dernière fois qu’il était passé ici: 2 ans.
Dans l’absolu rien de grave mais surtout une rencontre inattendue et l’occasion de partager un repas au milieu de ce désert.
Au matin de toute façon bien que les ondulation n’étaient plus là, pour moi ça ne changeait rien. Il fallait pousser.
J’ai compté 16 kilomètres entre les 2 extrémités, avec 5-6 km de « repis pedalables » entre deux. Terrible. La encore difficile d’atteindre les 3 km/h par moment, lorsque les roues s’enlisent.
Et après le sable, place aux cailloux. Un petit pierrier pour un col magnifique sous une chaleur étouffante…
Après plus de 400 km sur 8 jours de pistes parmi les plus durs que je n’ai jamais pédalé, j’ai rejoins, vivant, Sesfontein, un petit village. Petit mais bien grand comparé au reste. Prochaine ville? J’y pense même pas.
Mais quel spectacle!!!
Et déjà, le Damaraland se place devant moi. Enfin c’est moi qui se place devant lui.
Oui tu vois je suis comme ça, je passe et je viens. Quand je m’endors je ne suis rien. Je pense à demain. Un rêve et puis déjà c’est le matin. Je me réveille et au jour déjà je passe et puis je viens. Je rêve et toujours je ne suis rien.
Seulement parfois reste un endroit, un de ceux que tu n’oublies pas…
Olivier Rochat