La course au Kenya et 6 mois sur la route, déjà!

Km 11’780, Arba Minch, Ethiopie.

Température à hauts degrés, paysages à s’émerveiller, comportement à oublier… bienvenue dans l’Omo Valley. La course au kenya a débuté. Avec un seul but: accélérer…

DSCF8154

Petit village typique du sud de l’Ethiopie.

J’aime bien jouer avec mes mots mais si parfois c’est pesant que pourrais-je faire d’autre? Ici, au sud de l’Éthiopie, le nord et ses hauts plateaux viennent à me manquer. Au moins là-bas, au Nord, j’étais le « Farenji « . Au moins là-bas derrière le « money » lancé par les gamins il y avait un partage. Un tant sois peu de dialogue, un sourire derrière une photo, un rire derrière un gentil mot. Au moins là-bas, au Nord, j’étais quelque chose. Car si au centre de l’Ethiopie, à Addis Abeba, à Weldiya ou au Tarmaber ça allait mieux, ici au Sud, je ne suis rien. Même pas un « farenji ». Dans le meilleur des cas je suis « China ». L’étranger chinois. Oui dans le meilleur des cas c’est ainsi que l’on m’appelle: China! Mais la plupart du temps je ne suis rien. Ou alors une cible. Une cible sur qui cracher, un vélo sur lequel s’accrocher, un homme sur lequel crier « money money money »…

En direction de l’Afrique centrale

Après 3 jours de repos à Addis Abeba,  j’ai entamé la troisième étape de mon voyage, le 14 mars 2015. Me voici donc au début d’une nouvelle et enrichissante aventure. En effet, si tout va bien, je vais découvrir l’Afrique de Addis Abeba à Dar es Salaam. Au programme la vallée de l’Omo pour rejoindre le Kenya, puis l’Ouganda par le Mt-Elgon avant les plus petits Rwanda et Burundi. Deux pays magnifiques, pleins de montagnes et où on trouve les sources du Nil les plus au sud. Elles se trouvent au Burundi. C’est aussi au Burundi que je rejoindrai le Lac Tanganyika, deuxième lac d’Afrique, et avec lui la grande et belle Tanzanie, plus grand pays de cette deuxième étape . D’ouest en est, je  traverserai alors la Tanzanie afin de rejoindre le Kilimandjaro par les plaines tanzanienne avant de rejoindre Dar es Salaam plus au sud, l’une des principales ville tanzanienne et située sur les bord de l’océan indien…

DSCF7871

Addis Abeba, capitale de l’Ethiopie. J’y ai passé trois jours de repos.

Ayant obtenu mon visa kényan à Addis Abeba, je reprends la route serein et reposé en direction du Kenya. Il existe deux frontières pour rejoindre le Kenya:

1. prendre la route principale, celle du centre, qui descend plein sud sur Moyale d’où je peux rejoindre le Kenya. C’est une route dont je ne connais pas grand chose si ce n’est son revêtement qui est bien asphalté.

2. rejoindre le Kenya par la vallée de l’Omo, enchaînant les kilomètres sur pistes et asphaltes, découvrant également les peuples incroyables qui vivent encore ici. Je choisis logiquement cet itinéraire, plus compliqué mais beaucoup plus beau et intéressant.

DSCF7868

Le visa kényan dans les mains

6 mois sur la route

Et puis au soir du 14 mars 2015, juste après avoir quitté Addis Abeba, j’ai terminé mon 6 ème mois sur la route. Alors dans le village de Tulu Bolo…

De Lausanne à Tulu Bolo, des bois du Jorat à la vallée de l’Omo… ou 6 mois sur la route. Il y eu la Transylvanie, et puis le sud de la Turquie, enfin le Caire, l’oasis de Kharga, la savane soudanaise et puis ce soir je m’attaque à la vallée de l’Omo, laissant les hauts plateaux derrière moi. Ce soir ça fait 6 mois… 6 mois que je suis parti, déjà!  Mois après mois… me voici sur la route depuis 6 mois, déjà… 6 mois de haut et de bas… de chaud et parfois de froid. Même si là ça fait longtemps que le froid est derrière moi. 6 mois d’un km cumulé devenu plus de 11 fois milliers… 6 mois à écrire parce qu’en mots ça vieux… parce qu’en mots les maux s’en vont. Ils prennent le large et moi avec. J’ai pris le large en 6 mois. En 6 mois j’ai découvert d’autre facette de moi. Mais me voici là et au fond j’ai pas changé…

Y a 6 mois j’me disais et si moi j’y allais? J’y suis allé! Et ce soir j’y suis… et pour encore certainement bien plus de 6 mois…

DSCF7882

En 6 mois j’ai découvert d’autre facette de moi. Mais me voici là et au fond j’ai pas changé…

Un dernier col à plus de 3’000 mètres

Mais en Ethiopie pas besoin de 6 mois pour vivre une aventure. En effet chaque jour est une aventure en Éthiopie. Chaque jour a son challenge. Ainsi en quittant Addis Abeba je me réjouissais d’avoir plus de plat. En effet, sur 150 kilomètres, à peine deux petites montées, le reste est tout plat. Sauf que j’ai réussi… à me tromper de route, me retrouvant dans la vallée parallèle de celle où j’espérais me trouver. Pour rejoindre ma route en direction du Kenya j’ai le choix:

Revenir en arrière (non merci), faire un énorme détour pour contourner les montagnes, ou franchir un col à plus de 3000 mètres d’altitude qui relie les deux vallées… bref j’ai choisi cette dernière solution, bien sûr.

De plus c’est une route que j’avais prévue de prendre avant de renoncer en apprenant que ce n’était pas une route asphaltée… Finalement il s’avère que cette route (Welkite-Hosaina), mis à part quelques portions en construction, est asphaltée et même plutôt bien!
C’est donc plein d’entrain que je m’engage à l’assaut de ce nouveau col, mon 15ème en Éthiopie.

Entre deux ça coince un peu

En quittant la petite ville de Welkite je m’attaque au col qui commence… par descendre (!)  De plus l’asphalte se transforme en bourbier puis je croise un homme dont les jambes s’arrêtent aux genoux. Ne pouvant marcher, il se traine dans la poussière de cette route. Un bus passe, il s’arrête… des dizaines de billets de 1 birr (1 birr = 0, 05 us dollars) sortent du bus et tombe au pied de ce pauvre homme qui se traîne comme il peut pour les ramasser avant que le vent ne le fasse pour lui…

Ce n’est pas le premier pauvre misérable que je croise ainsi mais pour ma part, devant pareille misère, je n’ai que le courage d’arrêter de réfléchir et de continuer ma route. 2km plus loin ma route redevient asphalte, l’ascension (1500 mètres de dénivelé tout de même) débute enfin. Mais me voici poursuivi par une dizaine de gosses très joueur. Tellement joueur que l’un deux finira par me balancer… un véritable poulet. Mort, juste égorgé.

DSCF7963

Et maman qui me disait de ne pas jouer avec la nourriture car en Afrique il n’y en a pas assez…

Heureusement le poulet ne me touche pas mais je le ramasse et continue ma route. Voyant le poulet partir au loin, emporté par le Farenji que je suis, le sourire du gamin s’efface, comprenant que son père va le racler. J’aperçois l’un de ses amis qui tient un autre poulet par les pattes. Égorgé, saignant du cou, le pauvre poulet gausse encore…

Oui j’aime l’Éthiopie! Oui tous les matins je me réjouis de la découvrir et tous les soirs je m’endors impatient du lendemain mais entre les deux ça coince un peu. Je l’ai déjà dit et je le redirai encore…

Et puis j’ai continué ma route…J’ai passé une nuit à Endibir, un petit village montagneux où j’aurai eu droit à un véritable défilé des gamins qui, adorables, voulaient tous avoir une photo…

DSCF7978

Un véritable défilé des gamins qui, adorables, voulaient tous avoir une photo…

Je quitte Endibir à l’aube… La route grimpe, grimpe… Je monte rapidement. Je m’arrête reprendre des forces:

Magnifique! De superbes paysages, température idéale à 3000 mètres d’altitude. De superbes moments passés avec les gamins dans un village un peu après l’histoire du poulet… de superbes moment passé ce matin avec ces paysans attachant qui m’invitèrent à déjeuner, de superbes vues sur une superbe asphalte. Puis un superbe lac juste avant d’arriver au col. Une superbe assiette de pâtes à un prix super bon marché pour reprendre de superbes forces pour terminer le col avant la superbe descente en direction d’Hosaina… Oui l’Ethiopie sait se montrer superbe… Mais par instant comment dire… ça coince un peu.

DSCF8030

Une assiette de spaghetti pour seulement 1 US Dollars…

Plus chaud, plus beau… plus bargot

Après trois jours de route relativement tranquille mis à part l’histoire du poulet, je suis arrivé à Hosaina. Mes premiers maux.

Tout débute avec une première arnaque dans un hôtel. Des taxes imaginaires et autres histoires en tout genre. Je garde mon calme, avant de faire valoir mes droits. Face à mes menaces l’hôtelier, un homme détesté de tout son personnel, me rendra mon dû, l’argent qu’il voulait m’extorquer avec ses arnaques à répétitions… j’ai failli lui souiller sa chambre en y faisant mes besoins et pleins d’autres saleté…

Le lendemain je continue en direction de la petite ville de Sodo. . De beaux paysages, un col, une monstrueuse descente, puis ce village…

DSCF8113

De beaux paysages…

C’est l’émeute dès que j’y entre. Les gamins me foncent dessus, s’accrochent à mes portes bagages, un « money money money » sort de partout, des adultes comme des gosses, des jeunes filles comme des vieilles, aucune manière, un jeune me crache dessus… C’est le même rituel durant plusieurs villages de suite.

Parfois la mendicité se fait en famille, le père montre l’exemple au gamin… money s’écrie-t-il! Du haut de son éducation. La mère, avec un vocabulaire plus élaboré, s’écrie give money, comme si c’était un ordre . Une vieille, du haut de sa sagesse, avec son regard noir, me fixe droit dans les yeux et puis brandit son parapluie qui lui sert de parasol comme pour me frapper. Surpris j’esquisse un virage… La vieille dame se met à rire d’un rire moqueur, suivit de tous le village.

DSCF8118

un « money money money » sort de partout

Au début je reste calme, souriant, courtois. Mais pas longtemps. Trop jeune, j’ai du mal à répondre d’un sourire aux insultes. Je finis par répondre en mots, à foncer sur ceux qui me menacent. Ils s’en vont en courant. Et puis j’adopte une autre méthode: je mendie à mon tour. J’entre dans le village en demandant de manière direct « give money I’m hungry ». Ce qui a le don d’irriter les adultes mais de taire tout le monde, surpris devant pareil demande. Finalement je branche mes écouteurs à fond, puis continue mon chemin comme si de rien n’était…

DSCF8157

je continue mon chemin comme si de rien n’était…

A la sortie d’un village une voiture me dépasse. Une grosse 4X4 de luxe. A l’intérieur se trouve ce que j’identifie comme deux riches entrepreneurs chinois. Ayant vu la dernière scène, Ils me font des signes, m’accostent, me critiquent.
Comme si j’étais en tort! Je leur répond clairement mon opinion, que chaque voyageurs ne doit pas balancer sa thune dès qu’il voit un pauvre alors qu’il y en a partout… Que cette attitude ne mène nulle part si ce n’est à transformer le blanc en billet de banque à pattes et rompre tout dialogue… Mes deux compères chinois ne veulent rien savoir… En plus du village j’ai réussi  à me mettre les chinois à dos..

Entre le haut et le bas, la température prend ses aises

En arrivant hier soir à Sodo (17 mars 2015) je ne rencontre pas de souci à l’hôtel, dont je paye la chambre 2,5 $ pour dormir une nuit. C’est correct. C’est les prix ici. Mais en partant l’hôtelier me demande une taxe pour avoir… gardé mon passeport durant la nuit. Taxe imaginaire bien entendu!
Et puis ensuite il me demande 25 birrs* pour un café qui en vaut 3 dans les villages et 5 dans les villes. Je hausse le ton. Je payerai mon café le prix qui est le sien: 5 birrs.

Finalement je suis parti prêt à faire la guerre à nouveau durant les 125 kilomètres en direction d’Arba minch, plus grande ville de la région située à quelques centaines de kilomètres du Kenya seulement…

La route descend subitement, la température quant à elle prend son aise… A 11 heures il fait déjà plus de 30 degré… Au loin j’aperçois le lac d’Abaya son eau brune et quelques unes de ces îles…

DSCF8166

Le lac d’Abaya, et son eau brune

Oui mais ce matin c’est différent. Les gens sont plus poli, plus réservé. En m’arrêtant dans un village boire un café je passe un bon moment à discuter de tout et de rien avec les jeunes du coin, surpris que je sache parler quelques mots d’Amharique ( langue principale d’Éthiopie).

Je payerai mon café 15 centimes et repartirai avec un kilogramme de bananes gentiment offert par une demoiselle qui ne me demanda rien en retour…
Elle refuse même que je lui paie son kilogrammes de bananes. .

DSCF8149

je passe un bon moment à discuter de tout et de rien avec les jeunes du coin

Puis au village d’après une jeune fille manque de me toucher avec sa papaye. Je lui demande pourquoi cherche-t-elle à me balancer une papaye dessus? Aucune réponse..

Moi l’Ethiopie j’y comprends rien…

Et puis plus loin, enfin, j’aperçois mon premier babouin. Le corps poilu mais le cul haut et nu, il traverse la route, un petit sur son dos..

Sans le savoir cet être différent m’offre un précieux répit. Je m’arrête et l’observe traverser la route. Le cul tellement haut. Mais tellement calme… oui tellement calme…

Finalement, après une vingtaine de kilomètres de pistes j’arrive en fin d’après-midi à Arba Minch, ville touristiques m’a-t-on dit… On y  trouve le Crocodile Market notamment… Mais la température écrasante, les routes fatigantes avec leurs montées incessantes ainsi que la folie de certains de ces gens m’ont épuisé. Je reste un jour à Arba Minch. Mais uniquement pour me reposer…

Le Kenya est encore à plus de 3000 kilomètres, dont la plupart de pistes…

*= la Birr est la monnaie éthiopienne. 1 US Dollars = 20 birrs

Olivier Rochat

DSCF8169

Les pistes en direction d’Arba Minch

Laisser un commentaire