Km 12’145, Omorate, Ethiopie.
Le début d’un nouveau voyage? La fin de l’Ethiopie! Le début de nouvelles émotions? Et certainement la fin de certaine « éthiopienne sensations » : Celle du gamin de rien, de la mendicité permanente, des cols à n’en plus finir (j’ai grimpé 24 cols en Ethiopie), du Fanrenji aussi…Me voici maintenant (21 mars 2015) à quelques centaines de kilomètres du Kenya. Enfin!!! c’est qu’après près de 5 semaines et plus de 2000 kilomètres en Ethiopie j’ai besoin de changer d’air! Le Kenya s’ouvre à moi, ou presque… Et l’Ethiopie, comme Aswan le fût pour l’Egypte ou la Savane pour le Soudan, a garder le plus beau pour la fin: la Vallée de l’Omo!
WELCOME TO OMO VALLEY!
Deux jours après avoir quitté Arba Minch j’atteint enfin ce panneau où il est écrit: « WELCOME TO SOUTH OMO ZONE ». Il fait alors 40°C… Je transpire de partout malgré le plat de ma route. En effet je suis dans une grande plaine. Au loin j’aperçois ce que j’identifie comme de la poussière qui stagne en l’air et parfois se déplace un peu. On dirait un minuscule cyclone… Et puis de vastes montagnes m’entourent mais ma route est plate maintenant. Je viens de grimper trois petits cols magnifiques ce matin (20 mars 2015), chevauchant les montagnes sans le moindre mètre de plat… Ma route est encore asphaltée, voici maintenant près de 4 mois que je n’ai pas vu la pluie. Cela dit la saison des pluies devrait arriver d’un instant à l’autre… ça aurait pu être hier, ce sera peut-être demain. En tout les cas les paysans me disent l’attendre fermement… Et quelques part, après près de 4 mois sans pluie, moi aussi je l’attends, la pluie…
Et puis je dépasse ce panneau… me voici enfin dans la vallée de l’Omo! J’aperçois rapidement des tribus qui ressemblent aux massaïs plus connus des occidentaux mais qui vivent plus au sud également (Tanzanie). Ils marchent le long de la route, amenant leurs énormes troupeaux de bêtes paître ici ou là. Certains hommes portent des Kalachnikov en bandoulière. L’impression qu’ils dégagent est impressionnante…En réalité ce sont les « Hamer », l’une des nombreuses ethnies qui vivent dans cette région. Les femmes sont coiffées de sortes de tresses. Leur visage est comme cuivré de terre, enfin une sorte de terre rouge qu’elles se mettent sur le visage et la coiffe, provoquant une forte odeur. Les plus jeunes ne portent pas d’habits… Les femmes ont les seins à l’air… Je suis bien en Afrique!
Début de la saison des pluies
L’après-midi le ciel s’assombrit d’heure en heure, mais c’est la même chose tous les jours depuis plus d’une semaine. La pluie se fait attendre et la chaleur est étouffante. Je m’arrête alors dans le village de Louka, au bout de cette longue plaine, histoire de boire une bière. Finalement le contact est plus facile que ce que tout j’ai pu vivre dans le nord de l’Ethiopie et je passerai la nuit dans ce petit village d’environ 1000 habitants, plantant ma tente entre deux maisons, me lavant avec l’eau du puits entre le bétail, les gamins et les femmes de ce peuple, les Hamer, qu’on dirait venu d’un autre temps.
La nuit tombe. Soudain des éclairent déchirent le ciel. La pluie arrive, enfin ! L’orage est violent, il durera toute la nuit:
Je me souviens qu’il faisait bon, qu’il faisait beau. Un instant je cru perdre la raison et puis nos lèvres, gentiment, se sont mélangées pour ne former qu’un. Et pour une fois j’avais raison. Et puis…
Et puis le cul mouillé je me suis réveillé… Toujours en Ethiopie mais la saison des pluies cette fois a commencé. Et moi j’ai oublié de bâcher ma tente hier soir. Au début j’ai cru m’être pissé dessus mais non c’était bien de l’eau de pluie. Quant à tes lèvres? Elles avaient disparu… alors j’ai plié ma tente avec l’humeur du triste et j’ai repris la route de l’humeur du solitaire. En gardant l’humour d’écrire. Et l’envie d’en rire…
Me voici seul, toujours, en Éthiopie, toujours. Cela fait maintenant (21 mars 2015) 32 jours et 2129 km que je m’épuise ici mais cette fois le cailloux, la tomates et le cri perpétuelle du « farenji » ont disparu, remplacé par ce grand bonhomme… un noir élancé, musclé, le cou rempli de colliers, le bras de bracelets et la tête ornée d’une sorte de collier de perles multicolores. Le crâne coiffé de superbes tresses il porte une grande toge rouge qui le couvre de l’épaule droite au haut des genoux mais sans dissimuler un maillot du real Madrid. Bleu le maillot. De vastes boucles d’oreilles couvrent ses.. oreilles alors que les innommables lunettes de soleil qu’il porte me donnent l’impression d’être toujours en train de rêver.
Pourtant je ne suis plus en train de rêver. Non je suis juste dans la vallée de l’Omo! La vraie! Il fait 40ºC la journée, un monstrueux orage la nuit et ma route est devenue piste. Une superbe piste dans un décor de film. L’odeur du bétail enjambe ma route …Un cadeau de sortie de l’Éthiopie… car si se sont les plus belles qui font souffrir le plus, ce sont aussi elles qui font le plus rêver! J’en avais bien besoin, les nerfs à fleur de peau.
Le Kenya n’est plus qu’à 100 km mais j’ai ralenti la cadence… Et certainement qu’après avoir vécu la pire semaine de mon voyage je suis en train de vivre la plus belle!
A travers les pistes
Au petit matin, donc, la pluie s’arrête à peine lorsque je reprends la route, en direction des montagnes à nouveau. Je monte gentiment dans un premier temps. L’humidité est incroyable, je transpire de partout et puis ma route s’envole avec plusieurs passages à plus de 10 %… Finalement au bout d’une quinzaine de kilomètres interminables mais permettant de superbes vues, j’arrive enfin au col, le 24 ème et probablement dernier sur sol éthiopien.
Mais aussi la fin de la route asphaltée… Je me lance donc à travers les pistes… Superbes moments, incroyables devrais-je dire, que de pédaler dans ce présent, dans cette savane montagneuse mais pas trop, sous ce ciel orageux mais pas trop, apercevant le long de ma route ces tribus incroyables mais pas trop, ces hommes grands, noirs et musclé mais pas trop, marchant tranquillement le long de cette superbe piste… Pour la première fois de mon voyage je me sens libre, je m’en sens vivant. Presque ivre, mais bien gagnant… En tout cas c’est pas de trop!!!
Au marché de Turmi, dernier instant en Ethiopie…
Je pédale ainsi durant une heure sans apercevoir personnes… Après l’épuisante traversée de l’Ethiopie surpeuplée où je n’aurai jamais pu pédaler plus de 3 kilomètres sans apercevoir quelqu’un, le moment est magique… Je savoure l’instant comme il se doit. Mais si je semble enfin arrivé au bout de mes peines, je ne suis certainement pas arrivé au bout de mes joies…Le lendemain j’arrive au village de Turmi. On est lundi, c’est le jour du marché…
Les Hamer se sont donné rendez-vous, vendant leurs statuettes, petits tabourets faits mains ou autre babioles, mais aussi des graines, du tabacs et divers habits. C’est le troc et j’aperçois de nombreux touristes, américains pour la plupart, venu passer un « incroyable » moment dans la vallée de l’Omo, toujours accompagné d’un guide… On me propose quelques sorties en pays Hafer pour rencontrer les peuples de près mais j’ai du mal… j’ai du mal à payer pour que l’on me montre ce qu’on veux que je voie… Je préfère me laisser guider par mon vélo, admirer ces peuples depuis ma route, discuter autour d’une bière ou d’un coca qui souvent fini en fou-rire…
L’Ethiopie, pour ses dernier kilomètres de route, m’aura réservé le superbe juste au bord de la route. Je continue ainsi jusqu’au village d’Omorate, à quelques kilomètres seulement du Kenya…
Olivier Rochat