Km 10’128, Azezzo, Ethiopie.
Bipolaire
Oui l’Ethiopie est ainsi: bipolaire. Entre le haut et le bas. Le riche et la misère… Moi je l’ai rêvée, je l’ai voulue, je l’ai désirée, j’y suis allé et je l’ai eue! Et maintenant que l’ai et que je la vois, ben je la vis. L’Ethiopie. Je la vis…
Bipolaire, entre la beauté de ses femmes, la stupidité de ses gosses, le partage que j’ai avec chacun de ses hommes, sa population qui, folle, gambade le long des route aux pentes à 1000 %, sa misère et ses hôtels de luxe à 8 dollars…L’Ethiopie est bipolaire. Entre le très haut et le très bas. Mais l’Ethiopie ne paraît pas. L’Ethiopie est. Elle est là, vivante et pas qu’un peu. Blessante parfois, touchante souvent. Belle, tout le temps. Et même bipolaire et incompréhensible, moi elle me plaît ainsi.
Premier pas en Ethiopie
48 heures après avoir franchi la douane, me voici enfin arrivé sur les hauts plateaux éthiopiens. Ce soir je dors donc à 2100 mètre d’altitude, dans la petite ville d’Azezo. Et inutile de dire que ce ne fût pas de tout repos. Enfin si, je vais le dire quand même! Ce fût difficile. Après 4’000 kilomètres quasi tout plats et désertiques, la différence est frappante. En 2 jours j’ai plus grimpé et transpiré en Ethiopie qu’en 2 mois en Egypte et au Soudan.
Après avoir franchi le 10’000 ème kilomètre, alors à une altitude d’environ 1000 mètres, je me suis lancé en direction des hauts plateaux, situés à un peu plus de 2’000 mètres d’altitude. La route ne fait que monter et descendre sur plusieurs kilomètres puis finalement se met à monter plus sévèrement sur une vingtaine de kilomètres qui vont me mener jusqu’à la ville d’Aykel, à plus de 2’000 mètre d’altitude. Pendant toute l’ascension la vue est splendide, le soleil est toujours frappant même si bien sûr la température baisse de plus en plus. Cela dit il fait toujours plus de 30 °C à 2000 mètres…
Je découvre également de petits villages perchés ici et là, construits tout en bois ou paille. La pauvreté y est marquante. Les gens vivent presque avec rien, les gamins portent des sandales, des T-shirt troués. Ils n’hésitent plus comme au Soudan à me demander de l’argent, à manger ou d’autres choses que je pourrais posséder. Cela dit, durant mes premiers kilomètres en Ethiopie je ne subit pas trop de mendicité. Je découvre aussi des gens beaucoup plus fières qu’au Soudan. Presque 50% des garçons portent un maillot de l’équipe de foot éthiopienne, comme pour montrer qu’ils sont fières d’être éthiopiens. Le plus beau pays au monde me disent-ils.
Rencontre avec les éthiopiens
Je passe ma première nuit en direction des hauts plateaux dans un petit village nommé Barunga. Un village si petit qu’il n’existe pas sur les cartes. Je demande au chef du village si je peux planter ma tente. Après quelques minutes d’incompréhension, il accepte et je plante ma tente juste avant la tombée de la nuit, dans un décor éblouissant, entre deux chèvres et trois poulets…
Tout le village se tasse autour de moi pour me regarder monter ma tente. Je suis maintenant un extra-terrestre… j’entends les gamins curieux, tout en restant collés auprès de leur père, rire et parler à propos de moi. Un jeune homme parle anglais, mon Amharique étant très limité, c’est plutôt bienvenu. Après m’être lavé à l’éponge dans la « maison » du jeune homme, une hutte de bois très petite où il y a juste la place pour y mettre un lit et un poulet qui se balade juste à côté, je rentre dans ma tente. La nuit est tombée. Les villageois se tassent autour de moi. Alors le chef du village m’apporte une sorte de grande galette accompagnée d’une sauce piquante et d’un bol qui contient une sorte de Yahourt local. Je déguste avec plaisir…
Le lendemain je repars, le cœur réchauffé par cette belle rencontre humaine, en direction des hauts plateaux. Après une matinée d’ascension, j’arrive enfin à Aykel, première ville des hauts plateaux. Dès lors je me réjouis de découvrir une route plus plate que ce que j’avais pu découvrir jusqu’alors…
youyouyou
Oui… mais la route n’est jamais plate en Ethiopie. A nouveau je descend, remonte, descend , remonte sans arrêt. Et qu’elle n’est pas ma surprise lorsque sur une montée je croise une dizaine de gamins. youyouyouyouyou s’écrient-t’ils! Puis ils demandent de l’argent. Je refuse poliment. Puis ils me poursuivent, une dizaine de mètre derrière moi. Étant forcement ralenti par cette monté de près de 8%, je suis plus lent qu’eux et c’est sans peine qu’ils me rejoignent. Au bout d’un moment, un gamin me balance un caillou dessus. Suit un deuxième puis un troisième. Aucun ne me touche mais après leur avoir dit plusieurs fois « Eref, Eref » (arrête), s’en est trop, Je leur fonce dessus. Ils s’en vont. Et reviendront…
La route en Ethiopie n’est pas de tout repos, mais les paysages sont beaux. Parfois époustouflants. Et puis les gamins ne sont pas tout le temps ainsi. Les plus petits sont souvent à croquer, s’écriant youyouyou de leur petite voix. Ils me font des grands signes de la main, copient leur ainé mais ont encore l’innocence de leur 5 ans. En fait l’énergie que dégage l’Ethiopie est incroyable… Ainsi hier soir c’est 6 jeunes filles qui m’ont suivi en courant sur plusieurs kilomètres. Elles rentraient de l’école m’ont elles dit. En courant. Sans compter la dénivellation de plusieurs centaines de mètres… Elles me parlaient tranquillement tout en courant sans jamais être essoufflées…
Un jour j’écrirai un poème pour les gamins d’Ethiopie. D’ici là je vais m’atteler à les supporter…
Olivier