Notre dernier Tango

Km 41’909, Lomé, Togo

-C’est un soldat sans peur
Mais un soldat sans arme
Qui aujourd’hui se meurt
Et pour lequel je verse(t) une larme-

DSCF5070

C’est un soldat sans peur Mais un soldat sans arme Qui aujourd’hui se meurt Et pour lequel je verse(t) une larme

Demain je vais laisser celui qui fut mon compagnon de route pour près de 50’000 km, dont 36’000 en Afrique. Celui qui fut presque un confident dans mes évasion alpine d’alors. Puis en Afrique peut-être plus un moyen de transport. Celui que j’appelais -et appellerai encore- Cargo.

Aujourd’hui c’est notre dernier jour ensemble et il est dans un sale état, cadre fracturé à nouveau. Indisponible pour tout déplacements. Je l’abandonne à Lomé, reprenant ma route pour le Ghana voisin.

Aussi en le laissant derrière moi je lui laisse ce mot, comme une dernière danse, un dernier Tango et, je pense, un dernier tableau. Comme une dernière aventure. Avec les mots. Comme pédaler une belle peinture.

Voici donc, juste avant de quitter Lomé, NOTRE DERNIER TANGO.

Après quoi il sera temps de reprendre la route et de baptiser mon nouveau compagnon…

DSCF4375

NOTRE DERNIER TANGO

Par un matin printemps
Une rencontre à deux communs
Un peu comme défier le temps
Faire de la route un beau dessin

Chevauchée fantastique
Evasion dans l’espace temps
C’est vivre le magique
C’est danser, oui danser avec le temps

Puis s’en aller défier la vie
Voir un peu ceux qui s’y cachent
De l’espoir qu’on nous dit
Apprendre aussi à être cash

Aimer le beau et écrire ce qu’on en fait
Vivre le présent et l’aujourd’hui
Et l’écrire à l’imparfait
Et écrire l’infini

Et jouer avec la vie
Tout en jouant avec les mots
Répondre à l’impossible par un oui
Et lui, ce sera Cargo…

Et moi je serai moi
Et lui et moi on sera nous
Ensemble on s’évadera
Sur la Lune, sous l’océan et puis partout

 

A lui qui fut temps go
Contre le temps qui va
A lui qui fut Cargo
Mais qui aussi passa

Qui fut col tout temps décolle
De lacets en lacets
Du pied jusqu’aux sommets
Tout ça pour une école…

Par notre amour qui fut de route
Par ses roues qui furent mon chant
Contre le cri de nos déroutes
Sur les chemins qui furent d’allant

A lui qui fut temps go
Ici partout jusqu’aujourd’hui
Mon cheval aussi mon mot
Même si hier il fut mon cri

Pour chanter contre nos peurs
Et écrire contre le temps
Pour lutter contre terreur
Par les mots qui sont vaillants

Par les mots qui sont des armes
Contre la haine et la mitraille
Pour ne pas céder malgré nos larmes
Oui la route, mon champ de bataille

A lui qui fut temps go
Ma maison c’est l’ailleurs
Toujours plein mais jamais trop
Pour le dire et le meilleur

C’est un soldat sans peur
Mais un soldat sans arme
Qui aujourd’hui se meurt
Et pour lequel je verse(t) une larme

De nos jours qui furent de vie
Plein de doutes mais pas d’ennui(s)
De nos nuits qui furent d’étoiles
Parfois noire mais jamais pâle

A lui qui fut temps go
Par les Alpes et par la pluie
Du Sahara jusqu’au Congo
Aux paysages qu’on envie

Par la boue enfin le beau
Et qui déjà affronte l’oubli
A Lomé par le Togo
Tu sais là-bas, lointain pays

Voici notre dernier cri, en quelques mots,
C’est comme peindre une aventure
Un poème un beau tableau
Comme pédaler une belle peinture

Ce soir notre dernier Tango
Notre dernière danse et sans entracte
C’est danser, je pense, avec les mots
Avec Cargo, un dernier acte

Dernier parfait dernier tableau
Dernier présent bien qu’imparfait
Pour un futur encore plus beau
Pour se dire un jour oui qu’on y était

Qu’il était machine et moi ben l’homme
Le cheval et le soldat
Une entente qui se forme
Pour aborder oui la vie qui va

A lui qui fut temps go
Qui fut mon cri puis mon écrit
Qui fut l’enfance et l’innocence
De l’Europe jusqu’en Afrique

Qui fut galope mais pas trop fric
A qui je dit adieu bonne nuit
A qui j’écrit ce simple mot contre l’oubli
Que j’espère, dames et sir, vous lirez pour lui

Que j’espère, des larmes au rires, vous vivrez pour vous

A Cargo
Olivier Rochat

DSCF5071

En de bonnes main au Togo. En l’occurrence celle de Raoul.

Olivier Rochat

Lire la suite

Ni média Nigeria

Km 40’860, Ilesha, Nigeria.

Intense autant que paradoxal, policé et accueillant, j’ai traversé le Nigeria à vélo. Une expérience particulière pour un pays particulier lui aussi. Durant 15 jours j’ai parcours le Nigeria d’est en ouest…

Voici un résumé écrit sur la route, alors au Yorubaland, à quelques kilomètres du terme de mon aventure nigériane:

DSCF4256

J’ai traversé le Nigeria à vélo. Une expérience particulière pour un pays particulier lui aussi.

Ecrit le 26 février 2017:

Blessé mais toujours vivant

C’est avec un Cargo usé, en bout de course après que la soudure de son cadre fracturé au Gabon a presque cédé à nouveau, me laissant apercevoir une fissure inquiétante, que je termine gentiment ma traversée du Nigeria, entamée voici deux semaines et plus de 1’100 kilomètres  déjà.

DSCF4312

Une fissure inquiétante

Alors à quelques kilomètres seulement du fleuve Niger, c’est un soudeur que je trouve dans un petit village qui en quelques minutes remet mon Cargo d’aplomb pour affronter son dernier challenge: me mener jusqu’au Togo ou je trouverai mon nouveau cadre. Et même plus: un nouveau vélo.

DSCF4319

En quelques minutes il remet mon Cargo d’aplomb

L’aventure nigériane, ce soir là, je la voyais se terminer en bus. Il n’en fut rien grâce, encore une fois, à la main d’oeuvre étonnamment bon marché par ici. Coût de l’opération: 2 euros…

DSCF4335

Coût de l’opération: 2 euros…

Et quelques instants plus tard de nouveau sur la route, en direction du fleuve Niger pour me rapprocher encore un peu plus du Bénin. Toujours surpris par l’une des différences les plus marquantes que j’observe entre les cultures africaines que je traverse, et celle d’ou je viens: le déroulement du temps. Ou plutôt la vitesse à laquelle évolue l’homme à travers celui-là.

DSCF4328

Le fleuve Niger

Parfois un petit acte peut prendre des heures. En voyageant au bus au Malawi, il m’arriva de rester assis 4 heures dans un bus avant même que ce dernier ne parte. La raison? Il n’était pas plein. Au contraire certaine chose peuvent aller bien plus vite, comme trouver un soudeur qui me répare mon cadre bien plus rapidement que ce dernier en a eu besoin pour se fissurer à nouveau.

Entre police et accueil, le Nigeria à vélo… une ambiance particulière.

5000 km après ma première fracture de cadre, me voici donc toujours avec Cargo pour quelques derniers kilomètres en sa compagnie, en direction du Togo donc. Le Nigeria touche à sa fin, me voici actuellement en pays Yoruba, à l’ouest du pays ou je m’octroie mon premier détour dans cet immense pays, le plus peuplé d’Afrique avec une population estimée entre 180 et 200 millions d’habitants.

DSCF4356

En pays Yoruba, à l’ouest du pays ou je m’octroie mon premier détour dans cet immense pays.

 

Un pays qui fut intense, difficile et ultra-contrôlé avec jusqu’à plus de 20 contrôles policiers, militaire et autres dans mes pires journées. Du simple contrôles d’identité aux contrôles des bagages, il m’a fallu rester diplomate, souriant et disponibles, bien conscient qu’il est mieux pour le voyageur d’être trop contrôlé mais en sécurité que pas assez et risquer sa vie.

DSCF4288

Jusqu’à plus de 20 contrôles policiers, militaire et autres dans mes pires journées.

Avec Boko Haram qui frappe le Nigeria depuis plusieurs années dans le nord du pays, majoritairement dans l’état de Borno, la méfiance des habitants est grande et souvent ce sont ces derniers qui font la police. Là encore il me faut user de beaucoup de diplomatie afin que tout rentre dans l’ordre et que je puisse continuer mon chemin dans de bonnes conditions. Avec, souvent, l’intervention de la police afin de certifier aux locaux que je suis bel et bien le simple touriste que je prétend être, et non un terroriste de Boko Haram. Pourtant, au milieu de ce Nigeria ou je ne fus rarement tranquille pour plus de 5 minutes, j’ai découvert de jour en jour une étonnante curiosité. Compréhensible au vu du nombre visiblement très faible d’étranger qui se trouve dans les régions que je traverse. En 2 semaines, je n’ai pas vu le moindre blancs.

« Can I snap with you? » me demande t’on plusieurs fois par jour. Suivent de longues séances photographique plutôt amusantes ou chacun, à tour de rôles ou en groupe, veut se faire prendre en photo avec moi ou alors que moi je les prenne en photo afin d’être vu en Europe.

DSCF4339

Chacun, à tour de rôles ou en groupe, veut se faire prendre en photo avec moi ou alors que moi je les prenne en photo afin d’être vu en Europe

 

DSCF4334

Chacun, à tour de rôles ou en groupe, veut se faire prendre en photo avec moi ou alors que moi je les prenne en photo afin d’être vu en Europe

Pas tout à fait terminée mais bien plus calme depuis 2 jours, ma traversée du Nigeria fut loin, très loin de l’enfer que certains m’avaient promis. A quelques années lumières des préjugés, cette traversée m’a offert néanmoins un challenge réel et constant, celui des relations humaines. Des rencontres qui commencent parfois agressivement lorsqu’on me prend pour un terrorsite et qui se termine pourtant autour d’une bière ou avec un sac de 10 oranges que l’on m’offre pour se faire pardonner… Il faut savoir se comporter, essayer, en quelques secondes, de lire les intentions et le potentiel de celui qui nous interpelle. Doit on rester gentil, coopératif ou au contraire être agressif nous aussi, faire valoir nos droits, menacer pour répondre au menace, au risque que cela dégénère?

Souvent je me suis senti marcher sur un fil au Nigeria. Et pour ne pas glisser, chuter de ce dernier, c’est tout l’apprentissage des relations humaines que j’ai du employer, plusieurs fois par jour. Avec patience en permanence, humour lorsque j’en peux, et colère, menace voir agressivité pour faire valoir me droits lorsqu’un inconnu essayait de me les enlever.

Beaucoup de ce que l’Afrique m’a enseigné et m’enseigne chaque jour depuis maintenant 817 jours (…) est ressorti au Nigeria.

Et dans le soleil du pays Yoruba, par 40°C à l’ombre, je retrouve un peu de quiétude, comme pour me dire: le Bénin c’est juste là.

Et voici que pour une fois, électricité oblige, je trouve mon or: une boisson fraîche. Tout le reste est superficiel.

DSCF4361

Dans le soleil du pays Yoruba, par 40°C à l’ombre, je retrouve un peu de quiétude

Et déjà je transpire, simplement d’être en vie par ces températures. Je regarde les femmes tenir les marchés, les hommes qui se baladent avec leurs grands habits colorés. Pas de short, ni de manches courtes. Pas de sueur non plus. Et j’en vois qui mettent des chaussettes… Mais combien de marabout ont ils payé pour ne pas transpirer? Mystère. Un de plus encore.

Petite goutte de sueur perdue au milieu de l’océan Nigeria, aux portes du Sahel. En pays Yoruba, je m’égare encore un peu. Et puis il sera temps de retrouver ma route, de mener Cargo ou il faut, au Togo. Visiter une école. Et plus encore…

DSCF4375

Sourire en pays Yoruba.

 

« Take this water », me dit le jeune homme qui tient la station service d’ou je vous écris.

Sans entendre « merci », le jeune a compris que je le lui dis. Mon visage, mes mains parlent pour moi: je transpire rien que d’écrire.

Mais je suis en vie. Cargo aussi. L’aventure continue. Le Bénin c’est juste là.

DSCF4278

Mais je suis en vie. Cargo aussi. L’aventure continue.

 

Olivier Rochat

Le long de la Ring Road

Km 39’671, Abong, Cameroun.

C’est dans la région du nord-ouest que j’ai passé mes derniers jours au Cameroun.

Une région particulière puisqu’avec sa voisine du sud-ouest ce sont les deux seules régions anglophones du Cameroun, les 8 autres  étant essentiellement francophones.

Mais plus que ça c’est aussi une région montagneuse que j’ai traversé en découvrant notamment la spectaculaire et relativement isolée Ring Road. Une route dont le nom vient de sa forme puisque cette dernière effectue une boucle à l’intérieur de la région du nord-ouest.

DSCF4142

c’est aussi une région montagneuse que j’ai traversé

Lire la suite

Champion d’Afrique

Km 39’378, Foumbot, Cameroun.

C’est é l’ouest du Cameroun, plus précisemment dans la ville de Dschang et bien entouré, que j’ai assisté le 5 février 2017 à la victoire mémorable des Lions Indomptables du Cameroun en finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2017, jouée au Gabon.

DSCF4087

Une chefferie traditionnelle en pays Bamiléké

 

Voici un récit mis en page, écrit 2 jours après la finale, de retour sur la route:

Un match pour l’histoire

Le Cameroun trône à nouveau sur le football africain après sa victoire en finale de la CAN 2017, dimanche dernier face à l’Egypte.

Un match que j’ai regardé avec une grande curiosité avant de finalement le terminer dans la joie et une ambiance de folie comme je n’en avais jamais vécu jusqu’alors. Un match qui fut finalement, opinion personnel, très représentatif du tournoi des Lions Indomptables du Cameroun. Un tournoi commencé au trot puisque après ses trois matches de groupes très moyens, une élimination au premier tour du Cameroun n’est passée qu’à quelques centimètres, soit un tir sur le poteau d’un joueur gabonais dans le temps additionnel, puis d’une reprise manquée sur le renvoi, miraculeusement arrêtées par le gardien camerounais qui se trouvait au sol. Après être passé proche du KO, le Cameroun est gentiment monté en puissance, éliminant tout d’abord le Sénégal aux tirs aux buts, son plus coriace adversaire, puis le Ghana dans un match bien maitrisé amenant une qualification méritée pour la finale.

Mené 1-0 à la pause de cette finale, l’ambiance dans la ville universitaire de Dschang, à l’ouest du Cameroun, était bien morne. Alors qu’avant le match l’engouement dans le pays était tel qu’un jour férié semblait inévitable en cas de victoire ce soir, on plaisantait en parlant maintenant de jour de deuil.
Puis les joueurs sont rentrés sur la pelouse, la deuxième mi-temps à débuté, et le match a tourné. 10 minutes pour égaliser puis une légère domination et un second but mérité (?), tombé à 3 minutes de la fin du temps réglementaire, et le Cameroun était Champion d’Afrique pour la 5ème fois de son histoire, 2ème palmarès africain après celui de l’Egypte, adversaire du soir, et ses 7 victoires.

Après avoir perdu 3 fois contre l’Egypte, dont notamment la finale de 2008, les Lions Indomptables du Cameroun ont su renverser le cours des choses et prendre une nouvelle fois place dans l’histoire de la CAN, le tout avec une équipe rajeunie suite aux 8 forfaits d’avant tournoi.

Après cette fin de match de folie, la folie semble elle-même se répandre à travers tout le pays, en tout cas dans la ville de Dschang. Rapidement nous voici des centaines, des milliers de personnes au centre ville a chanter, hurler, taper deux couvercles de casseroles pour faire le plus de bruit possible. Debout dans le pick-up de Jeremy qui m’accueille durant deux jours au sein de son association TOCKEM avec laquelle nous traversons le centre ville au pas, je me retrouve vite coincé, presque incapable de bouger, entre de nombreux jeunes surexcités grimpant sur le pick-up, toit et capot compris. Nous croisons quelques voitures et camions bondés de jeunes qui tournent autour de la ville. Bientôt, sous le poids de tout ce monde, l’arrière du pick-up touche le sol, les jeunes continuent de vouloir grimper alors même qu’il n’y a plus de place. On s’accroche comme on peut et certains n’ont plus de contact avec le pick-up, s’agrippant à un bras, une épaule et risquant de tomber et de se « manger » violemment le sol pour ceux qui se trouvent bien en hauteur.

Ce soir 5 février 2017 le Cameroun est champion d’Afrique de football pour la 5ème fois de son histoire.

3 jours auparavant, la demi-finale m’avait permis de comprendre toute la passion qui entoure ce sport qui bien souvent demeure le principale divertissements dans bien des contrées africaines où la vie est rude et les journées répétitives. Ce sport dans lequel certaines des « stars » que nous apercevons, supportons, gagnent en un mois ce que bon nombre de leurs fervents supporters ne gagneront pas en plusieurs vie. Malgré cette absurdité, cette violence de traitement, finalement très visible en Afrique et notamment au Congo où l’argent me semblait être partout et nulle part à la fois, le football garde en lui son esprit fédérateur qui peut rassembler tout un peuple derrière son équipe et son drapeau, sa nation, sa fierté et surtout, son identité.

Au milieu de cette foule survoltée et heureuse, nous sommes 4 blancs dans ou sur ce le pick-up. Je n’en aperçois pas d’autres et pour la première fois dans ce pays, où la fierté est grande et la rancoeur envers le blanc pas toujours cachée, on ne me nomme plus « le blanc » alors que je me trouve entouré de noirs. Un homme s’accroche à ma tête et à mon épaule, il n’a plus de contact avec le sol, il est couché sur les gens à l’arrière du pick-up et surexcité me dit, ou crie: « nous avons gagné, nous avons gagné! » avant de s’apercevoir, surpris, qu’il se trouve à côté d’un blanc qui fête la victoire des camerounais:  » tu toi aussies pour le Cameroun? »

« ce soir nous sommes tous camerounais, nous sommes tous camerounais » termine-je, et nous levons les bras au ciel, au milieu des chants et des sourires et la joie que me transmet cette foule n’a plus de couleurs de peau, et bien que rassemblée sous un seul drapeau,elle n’est rien d’autre que de la joie.

DSCF4079

nous sommes tous camerounais »

Les environs de Dschang

En parallèle à cette fin de tournoi heureuse pour le Cameroun, je découvre depuis quelques jours les montagnes de l’ouest du pays. Le col de Bana notamment m’a mené à plus de 1800 mètres d’altitude avant la longue descente jusqu’en plaine, 1000 mètres plus bas. Puis c’est après une nouvelle ascension, le long d’une falaise impressionnante, que je me suis retrouvé dans les montagnes et la ville de Dschang ou Jérémy m’a accueilli et présenté, en parallèle à cette soirée mémorable, le site de son association TOCKEM avec laquelle il participe à différents projets et notamment le développement d’une école de plus de 200 élèves.

DSCF4063

C’est après une nouvelle ascension, le long d’une falaise impressionnante, que je me suis retrouvé dans les montagnes et la ville de Dschang

Située dans le village de Ntsingbeu, à une dizaine de kms de la ville de Dschang, TOCKEM et son équipe s’appliquent non pas à aider mais à développer le village et même la région , apportant un savoir-faire professionnel et son partage puisque les équipes sont faites de binômes avec les locaux mais je vous invite à venir en découvrir plus sur leur site internet: http://tockem.org/WordPress3/

DSCF4070

le village de Ntsingbeu

Pour ma part je ne peux qu’être reconnaissant de pouvoir vivre ces moments privilégiés et hier c’est accompagné de Jérémy que j’ai quitté TOCKEM. A vélo nous avons parcours quelques 80 kms, agréables avant que je reprenne ma route seule. Avant cela c’est les chutes de la Metché qu’il me présente. Une belle cascade bien que l’eau n’y soit pas aussi importante qu’en saison des pluies. Ces chutes furent pendant longtemps un lieu de sacrifice puisqu’on y jetait alors « les personnes mauvaises » alors que certains « rebelles » et indépendistes camerounais y furent jeté par l’armée française. Aujourd’hui elles restent un lieu sacré ou des offrandes, notamment du sel ou des repas, y sont déposés régulièrement.

DSCF4099

Les chutes de la Metché

En quittant Jérémy je ne peux que dire « merci » et reprendre mon chemin solitaire dans ce Cameroun multi-culturelle, que je vis et ressent comme un pays au caractère fort, peut-être le plus fort que j’aie ressenti jusqu’alors en Afrique. Un pays à peine plus petit que la France et qui comprend la région des forêts, celle du nord qui se rapproche du Sahel, le Littoral le long de l’océan Atlantique et les montagnes de l’ouest où je me trouve actuellement. Une sorte de carrefour entre plusieurs climats, qui lui vaut peut-être sa multi-culturalité et son caractère fort où chacun, au milieu de ces peuples et tribues nombreuses, se doit de se montrer fort au risque de disparaître dans l’anonymat.

DSCF4073

L’église sur le site de TOCKEM

J’y ressens des cultures fortes et différentes ainsi depuis que je suis dans la région où vivent les Bamiléké, une chose attire bien souvent mon attention: les petits et jolis toits pointus que j’aperçois le long de ma route. Accompagné parfois de peintures, ils m’apparaissent nouveau, unique même dans ce voyage. Leur architecture est bien différente que celle, beaucoup plus simple et « répétitive », que j’aperçois depuis de nombreux mois le long de ma route. Je les vois comme des « petits royaumes », presque  des chateaux et en fait ce sont les chefferies, qui sont là où vivent les chefs Bamiléké et représentes le pouvoir, les chefs étant ceux qui en ont le plus.

DSCF4088

les petits et jolis toits pointus que j’aperçois le long de ma route.

Mais en traversant hier la rivière « Noun » je quitte le pays Bamiléké me rapprochant encore plus de la Ring Road et des montagnes de l’ouest ainsi que de l’une des 2 régions anglophones du Cameroun. En atteignant Yaoundé c’est aussi l’épaisse forêt tropicale que je laissais derrière moi, franchissant un pas de plus de plus en direction de la 5ème et dernière grande région d’Afrique qu’il me este à découvrir et traverser: l’Afrique de l’ouest. Maintenant m’y voici tout près, ce n’est qu’une histoire de jours.

« ou vas-tu petit? » me demande un homme le long de la route. « je vais au Nigéria, en passant par Nkambé ».

« toute cette route à vélo » continue-t’il, » et tu n’as pas peur de mourir en route? »

« Peut-être Papa, peut-être. C’est Dieu qui décidera ». Puis je le vois qui, sans répondre, aquiesse avec ma réponse. Car ici voyager à vélo n’est pas commun, pas encré dans la culture. Cela est vu comme une souffrance et souffrir gratuitement, sans récompense matériel, les gens ne comprennent pas. Le plaisir de pédaler, le « spiritualisme en solitaire », non plus. Face à mon voyage, ou durant ce dernier, une réalité très forte m’est imposée: la religion. Qu’il soit appelé « Allah » ou simplement « Dieu », ce dernier prend ici une toute autre importance que celle que je lui connais en Europe ou d’autres logique et réalités peuplent le quotidien. La religion joue ici un rôle social très important et en me dirigeant au Nigeria c’est face à un autre Dieu que je me lance. Un Dieu plus européen, qui se dit venir des pays développé. Un Dieu qui se veut « connaître » et non pas « croire », qui se dit laïque mais qui n’en est pas moins manipulateur. Un Dieu qui s’aime à penser pour les gens, afin qu’ils aillent le temps de se divertir. Un peu comme si divertir rimait avec diversions. Et que son prochain est dangereux; que celui qu’on ne connait pas est méchant. Celui que j’appelle le Dieu média, parce qu’on l’écoute plus fortement que le plus saints des saints, alors même qu’il s’aime tant à vendre et que l’image est plutôt sein. Ce Dieu qui aujourd’hui me place le Nigeria en monstre, comme il le faisait hier avec le Soudan. Un Soudan classé zone rouge, c’est à dire la plus dangereuse. Rouge comme le sang devrait-on penser. Rouge comme l’amour pourrais-je imaginer après avoir traversé ce Soudan qui de loin m’offrit un accueil que je ne reçus nulle part ailleurs.

Peut-être que ma seule conviction sur ce pays, le Nigeria, à quelques centaines de kms de l’entamer, c’est qu’il ne sera ni médias ni paria. Il sera Nigeria. Les mots suivront. Quels qu’en soit la difficulté.

Encore quelques jours et ce sera l’Afrique de l’ouest.

DSCF4035

Je profite de mes derniers jours au Cameroun

Olivier Rochat