Tarmaber et centiments, fin de la 2ème partie

Km 11’268, Addis Abeba, Ethiopie.

Du pieds des montagnes à leur sommet, entre savane et haut plateaux…

50 kilomètres durant, traversant les forêts et chevauchant les falaises, il t’emmène jusqu’au hauts plateaux éthiopiens. A son pied tu y croise encore des chameaux, à sa tête, le vent te glace les membres. C’est le col du Tarmaber. 50 kilomètres d’ascension continuelle pour un dénivelé positif impressionnant de 2100 mètres. C’est sur la route d’Addis Abeba, capitale éthiopienne et fin de la deuxième étape de mon voyage, que je l’ai découvert…

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il t’emmène jusqu’au hauts plateaux éthiopiens.

Étonnante Éthiopie…et bref retour dans la savane

« Le 8 mars 2015, alors roulant en direction d’Addis Abeba, j’arrive en fin de matinée dans le petit village de Shewarobit. Me voici de retour dans la savane, reprenant des forces avant de grimper à nouveau sur les hauts plateaux éthiopiens »

C’est maintenant sous des airs de savane que je me dirige sur Addis Abeba, capitale éthiopienne pour les politiques et « nouvelles fleur » en Amharique (l’Amharique est la langue principale d’Éthiopie). Et pour moi la fin de cette 2ème étape de mon voyage.

Après avoir pénétré les hauts plateaux éthiopiens par le nord-ouest, les avoir traversé d’ouest en est par la très haute Chinese Road, me voici à l’un de leurs pieds, côté est.

A mon ouest, (Sud et Nord) se trouvent de vastes montagnes, celles de l’Amhara. A mon est les plaines de l’Afar et le désert de Danakill plus au nord. Ça valait la peine de grimper tout ça pour me retrouver là… à 1000 mètres d’altitude à parler de savane et de désert… de plus la température va grimper… et donc moi avec.

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C’est maintenant sous des airs de savane que je me dirige sur Addis Abeba,

 Retour du Chameau le long de ma route

En effet j’en ai pas fini avec les hauts plateaux et si Addis Abeba n’a jamais été aussi proche (220km), elle ne m’a jamais paru si lointaine et impénétrable. Et oui c’est le terrible Tarmaberpass que je vais devoir escalader pour rejoindre Addis Abeba. 50 kilomètres d’ascension pour un dénivelé positif de 2100m. J’ai du mal à m’imaginer que 50 kilomètres plus loin d’où je me trouve actuellement se trouvent les plus frais hauts plateaux et une route atteignant l’altitude maximale de 3240 mètres… à l’instant pourtant c’est le retour des chameaux que j’aperçois façon Soudan. Chargés comme deux chameaux (…) ils sont de vrais machines de guerre. Tellement chargé que seules leurs pattes (et parfois leur tête) sortent de leur chargement. Un peu façon tortue.

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Tellement chargés que seules leurs pattes (et parfois leur tête) sortent de leur chargement.

Tout à l’heure et ce pour la première fois j’ai même vu déglutir un chameau… à genoux sur le bord de la route, de l’écume blanche sortait de sa gueule. Son propriétaire, un pauvre, apeuré devant la perte possible de cet être cher, prix la peine de le réconforter. Une scène que je ne saurais décrire, à défaut de la publier. Et l’instant d’un fou rire…

Pauvre bête! (son propriétaire le sauvera)…

Et puis dans cette région de l’Ethiopie les mosquées ont refait leur apparition depuis près de 200 km, au bon souvenir des instants passé en pays musulmans. Et du muezzin également… à 5 heures du matin sort le cri limpide, répétitif et incompréhensible de cet homme au haut parleur (très haut le parleur) qui dans la savane résonne (!!!). Et déjà se réveiller…

Et dire qu’après plus de 1000 km en Ethiopie j’en suis toujours pas à la moitié…

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Ethiopie…

En quittant Shewarobit, petit village situé à 1100 mètre d’altitude, bien nourri et reposé, je m’attaque donc à ce monstre qu’est le col du Tarmaber. Et c’est donc un chameau que je croise dès le départ. Il me coupe la route avant de s’arrêter au beau milieu de cette dernière… je me croirai presque au Soudan. Un seul se laissera photographier mais sans la moindre mendicité. Car en plus du chameaux il fait chaud! J’ai pris beaucoup d’eau avec moi, mais je me demande bien dans quelle histoire je me suis fourré.

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Un seul se laissera photographier mais sans la moindre mendicité.

Les 10 premiers kilomètres sont un simple faux plat. J’avance bien. Mais c’est après que ça ce corse. La route se met à monter sur une collines… raide. Du 7 ou 8 % sur plusieurs kilomètres. Rapidement j’aperçois cette plaine, sorte de savane, que je laisse derrière moi. Je m’enfonce en direction des hauts plateaux...J’aperçois maintenant de vastes montagnes en face de moi.

La vue devient belle.  Des champs multicolores se « dressent » au bas de moi, ainsi que quelques cactus sur le bord de la route. Et pour une fois peu de monde marche le long de cette dernière. Je croise néanmoins trois jeunes qui me courent un peu après, me faisant des signes et m’offrant un sourire communicateur. Un seul se laissera photographier mais sans la moindre mendicité.

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Un seul se laissera photographier mais sans la moindre mendicité.

Ça change du Nord de l’Ethiopie avec sa permanente mendicité, ses gamins qui parfois me lançaient des cailloux et s’écriaient « Farenji, Farenji, Farenji ! » *. Non ici j’ai changé de mentalité, je sens plus de respect. Peut-être est-ce dû à une meilleure situation de vie, une pauvreté moins marquée et donc une aide humanitaire plus faible également. Cette dernière donne parfois l’image que le blanc apporte toujours de l’argent et que pour les locaux il suffit de demander. D’où une certaine frustration des locaux lorsque je ne répond pas à leur mendicité par un don matériel ou monétaire. Mais peu importe ici cela se passe beaucoup mieux.

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La vue devient belle.

Ma route, quant à elle, continue de grimper, grimper et 20 km après Shewarobit, j’atteins enfin un village. Je me désaltère sur une terrasse avant de reprendre la route. Heureusement car le plus dur est à venir… La pente est maintenant proche d’un 10 % et parfois l’atteint et le dépasse même. En 10 km je rejoins la petit ville montagneuse de Debre Sina, Pour y parvenir la route, traversant une forêt, esquisse quelques lacets, raide et difficile, qui parfois m’offrent une généreuse vue sur la vallée qui se fait maintenant de plus en plus lointaine. A 17 heure 30 j’atteins Debre Sina. Je n’atteindrai pas le col ce soir, je m’arrête…

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 « Le lendemain, 9 mars 2015, j’ai enfin atteint le col du Tarmaber, marquant un retour sur les hauts plateaux éthiopiens avant les derniers  kilomètres en direction d’Addis Abeba »

Parti à l’aube, j’atteins le col de Tarmaber en 2 heures. Quelques lacets, une belle forêt, un petit tunnel… Me voici à 3200 mètres d’altitude la fraîcheur est de retour. Le vent quant à lui est violent. Me voici maintenant entouré de prés jaunis, entrecoupés de carrés d’herbes vertes exploités par les paysans. Quelques forêts persistent ici et là malgré l’altitude. Au loin un paysan se bat avec ses deux énormes bœufs sur son carré de terre. En m’apercevant de loin il me lance un salut. Je lui répond bien entendu…

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Au loin un paysan se bat avec ses deux énormes bœufs sur son carré de terre

Pour 10 birr seulement ( monnaie éthiopienne: 10 birr = 0, 50 US Dollars) je mange une assiette bien garnie de spaghettis pour reprendre des forces. Le thé quant à lui me revient à 1 birr (0, 05 Dollars)… la mendicité a disparu, remplacée par des sourires réconfortant. Un accueil à la soudanaise (c’est à dire trop top) m’est maintenant réservé. Il fait bon pédaler ici.

Ma route serpente maintenant les hauts plateaux, longue descente en direction d’Addis Abeba, montant une fois, descendant deux fois. Un virage sur la gauche, un autre sur la droite et puis soudain: une monstrueuse falaise se trouve au bas de moi. J’aperçois maintenant une énorme vallée plus de 1000 mètres en contrebas. La vue est impressionnante, la prudence est de mise… un faux pas et je tombe en bas. Si ce devait être le cas, inutile de dire que je ne remonterais pas.

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un faux pas et je tombe en bas.

Et puis voilà ma poésie qui s’en revient

Je ne suis pas tombé, et dans cette  tranquillité inhabituelle, je me dirige très gentiment en direction d’Addis Abeba. Puis de la vallée du Rift…

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L’aube, le muezzin est terminé.

Alors ce matin l’aube. Le muezzin est terminé. Moi je suis prêt pour pédaler… Addis Abeba comme horizon. Reste juste la brume d' »entre savane et hauts plateaux » pour me freiner. Oui freiné que je suis, de plus en plus par cette putain, ma poésie.

Oui tu sais elle revient. Et c’est vrai ça, je serai déjà loin sans elle, peut être déjà au Rwanda à manger du gorille et me battre contre la malaria, ou quelque part ailleurs. En tout cas je serai bien plus riche et bien plus beau. Sans ma poésie. Oui tu crois pas que ça serait quand même plus facile sans sentiments? Sans ressenti? Comme ça serait bien plus facile si gentiment, je pouvais t’oublier! Et me contenter de pédaler et l’Afrique à contempler.

Oui ça serait plus facile de t’aimer pour tes formes plutôt que pour tout ce que tu me donnes… et tout ce que tu me prends. Ça serait plus facile si j’étais simplement fan d’une équipe de foot à la con ou intéressé par les séries télévisée américaine. Oui bon dieu ça serait plus facile sans sentiments, sans ressenti, si, gentiment, je pouvais t’oublier.

Et bon dieu, trop intelligent (mouais) je réalise déjà qu’un jour, bientôt, va falloir retomber sur terre, alors que je commence à peine à la découvrir, la Terre. Alors va falloir rentrer, et pi redevenir normal, vivre du banal, rêver devant le doré… la course aux cadeaux. Rêver de carrière, rêve de misère… Vivre pour un résultat, vivre d’un triste état.

Alors j’arrêterai d’écrire, de voyager. Je serai patron et j’arrêterai même d’imaginer et d’imager. Pour que les gens me comprennent. Alors que la vie, putain, elle perd tout son sens lorsque tu te mets à la comprendre…

Mais pour l’instant je continue ma route… Freiné que je suis par cette putain, tu sais, ma poésie…

Et inutile de dire que serait bien plus facile sans sentiments. Mais si je peux survivre sans toi (t), sans aile, ma poésie, je ne peux pas…

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Sans aile , ma poésie, je ne peux pas…

Money! Money! Crie ce gamin au loin. Il veut de l’argent. C’est normal j’en ai plein… une poignée de main pourtant le contentera.
Son sourire derrière le mien, mon derrière devant le sien, je continue ma route en direction d’Addis Abeba et d’un jour, le Rwanda, ou quelque part ailleurs..
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Le lendemain matin, je suis arrivé a Addis Abeba, sur une route peu difficile mais belle.
Après 5359 kilomètres de route, ainsi s’achève la deuxième étape de mon voyage, la première sur sol africain.

En deux jours et 50 US Dollars, j’obtiens mon visa pour le Kenya…

Olivier Rochat

* Farenji: « étranger » en Amharique, langue principale d’Ethiopie.

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