Km 10709, Weldiya, Ethiopie.
Au coeur de la région de l’Amhara
Perchée sur les tout hauts plateaux éthiopiens, serpentant les falaises pour y monter puis pour y redescendre après de nombreux km a plus de 3000 mètres d’altitude, d’une longueur de 300 km pour une altitude maximale de 3552 mètres, c’est la chinese road, seconde plus haute route asphaltée du continent africain. Il existe bien quelques routes carrossables plus hautes qui traversent notamment les Simiens mountains et le mont Tulu (Ethiopie), mais en terme de bitume roulable correctement et reliant deux vallées, la chinese road est la seconde plus haute route d’Afrique après celle des Bale Mountains (3’600 mètres d’altitude).
En route pour les montagnes
En quittant Bahir Dar le 26 février 2015, j’ai reçu ma première… tomate. Paf ! En plein sur ma jante… ça change des cailloux. Et dire qu’après on me court après en me demandant… à manger. Oui l’Ethiopie est ainsi. Toujours aussi belle, mais toujours aussi… Ethiopie. L’Ethiopie est Ethiopie et il faut y aller pour comprendre ce qu’être Ethiopie veut dire. Car l’Ethiopie est fière. Fière, fière, fière… Fière d’être Ethiopie. Fière d’être éthiopien. Fière d’être éthiopienne. Mais n’oublions pas que l’Ethiopie a vaincu le colon italien pour obtenir son indépendance. D’où cette fierté légitime. L’Ethiopie reste ainsi le seul pays d’Afrique avec le Liberia a n’avoir jamais été colonisé d’ou une grande fierté qui en ressort ce qui se ressens fortement a travers la population.
Toujours est-il que moi, colon parait-il, je n’ai pas fini. Non je n’ai pas fini de recevoir des cailloux, je n’ai pas fini d’être un Farenje, je n’ai pas fini d’être ébloui par ce pays, de grimper, de transpirer, de manger des injera et de boire des jus de mangues-avocats. Non j’en ai pas fini avec l’Ethiopie ! En fait je viens juste de commencer. Et ça risque de durer un peu.
En effet c’est parti pour 800 km de montagnes entre Werota et Addis Abeba, dont notamment 4 cols à plus de 3000 mètres d’altitude. Le dernier, le Tarnaberpass, dont le point culminant est mesuré à 3240 m d’altitude, est entamé à 1200 m. Soit 2000 m d’ascensions d’un coup! ça me rappelle quelques géants alpins tout ça ! C’est pas les Andes, c’est pas l’Himalaya, mais ça change du Soudan.
Mais avant ça, avant le Tarnaberpass, rien d’autre que la « chinese road », plus haute route asphaltée d’Afrique grâce à son point culminant situé à 3552 mètres d’altitude.
A travers les hauts plateaux éthiopiens
Pour rejoindre Addis Abeba, capitale de l’Ethiopie, j’ai donc choisi de traverser les hauts plateaux par le centre. Pour se faire, j’ai emprunté la « chinese road », route construite par… les chinois en 1982. Cette route relie Werota à Weldiya sur 300 km, 300 km dont la plupart à plus de 3000 mètres d’altitude.
La route commence à Werota, à moins de 2000m d’altitude, traverse les hauts plateaux à travers 3 cols à plus de 3000 mètres puis redescend sur une cinquantaine de kilomètres, serpentant la montagne jusqu’à la ville de Weldiya. Aux alentours des 2000m d’altitude également. Une fois à Weldiya, on peut remonter au nord sur l’Erythrée, partir à l’est dans la région de l’Afar et rejoindre Djibouti, ou descendre au sud sur la capitale Addis Abeba, comme je vais le faire.En choisissant cette route je me rallongeais également mon itinéraire de 250 km par rapport à la route du sud, celle de Debre Markos. Cependant je l’ai choisie pour son côté spectaculaire. En effet, cette route n’est rien d’autre que la deuxième plus haute route asphaltée d’Afrique, atteignant l’altitude maximum de 3552 mètres sur son troisième et dernier col, avant de plonger de plus de 1500 mètres pour atteindre la ville de Weldiya.
A la decouverte de la Chineses Road
La Chinese road débute à Werota, petite ville située dans la plaine est du Lac Tana. Je me trouve alors à une altitude de 1900 mètres et je m’apprête à rejoindre le premier col, 1300 mètres plus haut.
Les premiers km sont presque plats, je découvre quelques champs, de belles montagnes, traverse de petits villages. Par contre c’est avec bonheur que je constate que les gamins ne me courent plus après… Enfin sauf quelques uns dont j’aurai de la peine à me débarrasser et dont je recevrais quelques petits cailloux. Mais ça s’arrête là. Plus d’émeutes dans les villages, plus de youyouyou mais plus de welcome, de goodbye, et ces gosses infatigables qui courent, courent derrière moi dans l’espoir… de me serrer la main. Un espoir que je leur rend bien, une photo pour leur sourire et de grands signes d’adieux pour mes photos…
Après une vingtaine de kilomètres ainsi, l’ascension débute vraiment. La route enchaîne alors les lacets, traverse une superbe forêt, la vue devient belle. Vite je prends de l’altitude et J’arrive le soir dans la ville de Debre Tabor. À plus de 2800 mètres d’altitude. J’y passe la nuit dans un hôtel de « luxe » (standard africain), avec eau chaude et wi-fi pour seulement 6 dollars… Le lendemain je repars en direction du premier col, à 3240 mètres d’altitude. La montée se fait gentiment, par paliers. Des longues montées entrecoupées de petites descentes. Le décor a également changé.
C’est maintenant de vastes champs et des forêts qui me côtoient et rares sont les points de vues sur les vallées surplombées par les hauts plateaux. Les maisons sont construites en rondins de bois, la vie semble y être dure, les gens sont pauvres mais j’aperçois moins de misère que plus bas dans les montagnes. En effet les gens semblent vivre en autonomie, se contentant (du peu) de ce que leur activité leur rapporte. Mais celle-ci est suffisante. Ou du moins leur offre de quoi manger, aller à l’école, avoir un futur. Les « money money » que me répètent les gosses sont donc moins agressifs et ne gâchent que très rarement les moments passé avec ces gamins de rien. Car en Ethiopie, la misere est un quotidien.
J’atteins rapidement l’altitude de 3000m. Le souffle court, j’ai de la peine à m’acclimater. Aussi j’atteins le 1er col en début d’après-midi. A 3200 mètres d’altitude il fait à peine plus de 20°C, c’est la première fois depuis plus d’un mois (Aswan) que la température ne dépasse pas les 30°C durant toute une journée. J’enchaîne alors montées et descentes interminables jusqu’à la ville de Nefas Meewcha, où je passe ma seconde nuit sur la « Chinese Road ». Je m’apprête alors à découvrir les paysages que j’espérais temps…
En effet, en quittant Nefas Meewcha au matin je m’enfonce dans une forêt puis en bordure de celle-ci, la vue est magnifique ! J’aperçois tout plein de vallées en contrebas, sur ma gauche. La vue est vertigineuse, puis soudain ma route continue comme sur « crête ». Falaises à gauches, falaises à droite…
Des multitudes de montagnes m’entourent maintenant et après plusieurs kilomètres de descentes j’entame la remontée, superbe elle aussi. De 2600m je passe à plus de 3000m sur quelques kilomètres à peine. Entouré de falaises sur lesquelles poussent oh miracle des forêts, la vue est magnifique là aussi. Puis, comme lors de la première journée, je continue entre montée et descente sur les hauts plateaux à 3000m d’altitude. Entouré de forêts et de champs jaunis par la saison sèche qui perdure… Le vent m’est de face. J’avance lentement. Après 30 km ainsi, j’arrive alors à Gashena.
En route pour le plus haut col routier d’Afrique
A 3’000 mètres d’altitude, Gashena est un petit village situé au pied du plus haut col routier d’Afrique. J’y passe la nuit. Le lendemain matin il fait très frais au moment de reprendre la route. Le vent, assez puissant, me vient dans la face et me ralenti carrément. Pour atteindre le col c’est plus de 60 km de route. Mais pas de vrai montée au final mais plutôt une sorte d’interminable faux plat, parfois un peu plus raide sur quelques centaines de mètres et redescendant de l’autre côté. Plus je m’approche du col, plus le vent est violent. Plus les villages sont pauvres également. De plus à cette altitude j’ai encore du mal à bien pédaler. J’avance très lentement. J’aperçois toujours champs et forêts même si ces dernières ne sont plus que quelques arbres à l’approche du col.
La vie des habitants qui vivent ici semble être difficile.On vit avec peu dans les montagnes. Il fait frais, a peine 20 degré mais le soleil est terriblement brûlant. Les gamins viennent régulièrement mendier mais sans agressivité, à l’exception d’un jeune homme qui me donne un coup de pied… Bref…Après près de 4 heures à pédaler ainsi, j’arrive enfin au col.
Soudain j’aperçois de vaste montagnes sur ma droite puis ma route s’en va brusquement descendre sur ma gauche, surplombant une énorme falaise puis une vallée plongeante que j’aperçois bien… La vue est splendide.
Débute alors la longue et belle descente en direction de Weldiya. En quelques km à peine la température grimpe, les falaises font place à d’épaisses forêts exotiques.
Après plus de 50 km de descente, entrecoupée de 3 petits cols de 2-3km chacun, j’atteins enfin Weldiya. Addis Abeba est encore loin, il me reste de nombreux cols à grimper, mais la chinese road est maintenant derrière moi.
Souviens toi le 19 septembre dernier, alors au sommet de mon plus beau, le passo dello stelvio (plus haute route d’Italie), je te disais chargé comme deux chameaux: la botte est à mes pieds!
Ben voilà qu’après plus de 3 mois sans pluie (25 novembre à Anamur, Turquie), je te dis, L’Afrique est à mes pieds! J’ai donc rangé mes bottes mais pas mon cargo, j’ai pas fini de grimper… entre beauté et cruauté, fraîche mais au soleil cognant, ce fût la chinese road, plus haute route asphaltée du continent africain.
Olivier Rochat