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De retour sur la route

Km 59’829, Fqih Ben Salah, Maroc.

Le 5 juin 2018.

Je m’égare à travers la campagne marocaine, laissant l’étouffante ville de Casablanca derrière moi. Place, maintenant, à la tranquillité.

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De collines en collines, village après village, je découvre un nouveau visage, un de plus, à ce Maroc dans lequel j’ai déjà pédalé plus de 4’000 kilomètres.

De collines en collines, village après village, je découvre un nouveau visage, un de plus, à ce Maroc dans lequel j’ai déjà pédalé plus de 4’000 kilomètres. Loin des centres touristiques du pays, à mi-chemin entre montagnes et déserts, je découvre une région qui, sans être aussi spectaculaire que les précédentes, n’en demeurent pas moins agréable et plus encore, accueillante.

Aux chaudes journées de juin succède des nuits glaciales qui, me dit-on, n’ont rien de juin. Glaçantes comme l’est surtout l’hiver, elle me surprennent. Me glacent lors de mes premiers bivouac. M’obligeant même à ressortir mes habits chauds. Je m’emmitoufle alors du mieux que je peux, plongeant au plus profond de ma tente, là où le sac de couchage est bien chaud, après m’être cuisiné un couscous de fortune accompagné d’un thé, quelques biscuits. Il fait déjà bien nuit lorsque je m’enfonce enfin dans ma tente.

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Aux chaudes journées de juin succède des nuits glaciales qui, me dit-on, n’ont rien de juin.

Quelques minutes plus tard, une lampe torche vient se pointer sur moi. Un homme surgit, comme sorti de nulle part.

« De quel pays viens-tu me demande-t-il ? Ne veux-tu pas venir dormir chez moi, j’habite dans la ferme là-bas, derrière le virage ».

« Ah, je viens de Suisse!, lui répondis-je. Il est tard, est-ce que ça pose problème si je dors ici? »

« Non aucun souci. Ici au Maroc tu es en sécurité partout ». Continue t-il avant de me tendre un petit saut à l’intérieur duquel se trouve plusieurs yaourt dont je devine au premier coup d’œil leur fabrication maison.
« Tiens, prends en-un! Ils sont à la vanille ».

Je m’exécute avec plaisir, touché et amusé par cette rencontre, inattendue, avec cet homme qui m’offre à manger sans même que nous puissions clairement voir nos visages respectif. L’homme repart dans la nuit. Je m’endors enfin, avant de me réveiller quelques heures plus tard sous « l’éteincelance » de la (pleine) lune qui a fini par se lever.

Le lendemain, toujours sur les routes de campagne, je découvre un pays qui vit, sans surprise, au rythme du ramadan. Un peu au ralenti le jour, presque en accéléré la nuit.
Aux villages paisible, endormi le matin et doucement éveillé l’après-midi, succèdent les champs. On fait les foins.

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Aux villages paisible, endormi le matin et doucement éveillé l’après-midi, succèdent les champs. On fait les foins.

« Tu peux gagner jusqu’à 5 euros par heure, si tu travaille bien. On te donnera 2 dirhams (20 centimes) par botte. » me propose un homme, un marocain domicilié à Toulouse, venus rendre visite à sa soeur qui habite le village. « On forme des groupes de trois. Le travail commence le soir, se termine au matin. Là journée on dort. C’est comme ça. »

Cela ne me surprend guère. Au contraire, s’en est que plus logique. Effectuer ce travail en pleine journée, par cette chaleur, sans boire n’y manger, serait suicidaire. Mais travailler de nuit alors que je viens de reprendre la route ne m’enchante guère, aussi, je continue mon chemin.

Tout de rouge, les coquelicots égaient ma route qui s’enfile collines les unes après les autres, sans répits ni variation, comme pour me préparer aux montagnes vers lesquelles je m’approche sereinement. Les jambes lourdes car plus habituées aux collines après ces 5 semaines de pauses, j’avance lentement. Mais sereinement.

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Tout de rouge, les coquelicots égaient ma route qui s’enfile collines les unes après les autres, sans répits ni variation

Seule la gentillesse des marocains, qui me proposent parfois à manger en pleine journée malgré le ramadan, me sort brièvement de ma douce avancée. Et parfois me touche au cœur, lorsqu’on m’invite carrément… à l’hôtel. Comme quoi, l’hospitalité n’a pas de limite.

« Je n’ai pas de place chez moi », me dit Rachid qui insiste pour que je me repose ici, dans sa ville. Non content de m’offrir une nuit dans un hôtel, il me surprend quelques dizaines de minutes plus tard en m’apportant un plateau de nourriture dans ma chambre.

Touché par cette hospitalité spontanée, je reprends également des forces à l’entame des montagnes qui s’annoncent et qui, après quelques dizaines de cols encore, m’emmèneront en Espagne.

Mais si les paysages marocains ont longtemps semblé vouloir me retenir encore un peu dans cette Afrique, lorsque ceux-ci sont venus à manquer ce sont les gens qui, me semble-il, ont pris le relais.

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Non content de m’offrir une nuit dans un hôtel, il me surprend quelques dizaines de minutes plus tard en m’apportant un plateau de nourriture dans ma chambre.

Olivier Rochat

Au rythme du ramadan

Km 59’482, Casablanca, Maroc.

Après une longue pause de près de 5 semaines me voici de retour sur la route pour ce qui devrait être mes dernières semaines en Afrique.

En effet après plus de 2 mois au Maroc, partagé entre le Sahara et l’Atlas, déserts et montagnes, je suis retourné quelques temps en Namibie, sans vélo, pour y retrouver mon amoureuse. J’ai également essayé d’obtenir un visa pour l’Algérie. Mais après plusieurs refus catégorique, car les autorités algérienne applique le principe de réciprocité et le visa doit être obtenu dans mon pays de résidence et lui seul, comme c’est le cas pour les algériens souhaitant se rendre en Europe (et plus ou moins tous les africains) je me suis résolu à terminer mon périple africain par la traversée du détroit de Gibraltar et, donc, par le nord du Maroc.

Arrivé à Casablanca, les côtes espagnoles n’étaient plus qu’à 350 kilomètres et, pour la première fois depuis longtemps, je pouvais regarder l’Europe droit dans les yeux (ou presque) et un mélange d’excitation, de nostalgie et d’émotions m’a vite gagné.

Cependant, j’ai décidé de m’octroyer
un dernier détour (encore un) et, plutôt que de filer vers l’Europe, retourner dans l’Atlas marocain une dernière fois, profiter des paysages fabuleux du Maroc et, plus encore, de l’accueil incroyable qui les accompagne. Et puis un autre événement majeur est venu, encore, plus, motiver ces dernières semaines de route en Afrique : le ramadan.

En effet, depuis le 17 mai dernier, le Maroc et les musulmans du monde entier se sont mis au rythme du ramadan. Entre le lever du jour (l’aube) et le coucher du soleil, le pays tout entier se met à jeûner. Seuls les enfants, les malades et quelques exceptions ont alors le droit de manger ou boire durant la journée.

De retour de Namibie quelques jours après le début du ramadan, j’ai décidé de me prêter au jeu : les jours de repos je jeûnerai.

Profitant de l’accueil formidable de Rachid et de sa famille, je me plonge dans le rythme particulier du ramadan. Pour plus d’un mois le pays entier semble tourner au ralenti le jour avant de se réveiller au soir et de vivre pleinement la nuit. Le Maroc veille de nuit, et s’endort au matin.

À Casablanca avec Rachid et un ami, Zakaria

À Casablanca avec Rachid et un ami, Zakaria

Si cette année la durée du jeûne est plus courte au Maroc que dans les pays situé plus au nord, elle dure tout de même 16 heures. Ce n’est que peu avant 20 heures que les familles entières se rassemblent pour le F’tor, le repas du soir que l’on prend juste après la prière qui accompagne le coucher du soleil, la 4ème (il y’en a 5). S’il ne fait pas pleinement nuit, le soleil a bel et bien disparu lorsque nous entamons, affamé, le repas. Les rues de Casablanca, pourtant ville la plus peuplée du Maroc (du Maghreb même???), se vide complètement. Les voitures se sont toutes parquées, les boutiques sont fermées et la vie semble s’être arrêtée. Pourtant le Maroc ne dort pas, il mange. Il fête. En famille. Et pour ainsi dire, comme pour symboliser l’Afrique entière derrière ce simple terme : ENSEMBLE.

Mais c’est avec une simple datte que nous cassons le jeûne. Puis c’est d’un verre de jus de fruit « pressés maison » que l’on se désaltère et reprend des forces. Le festin peut alors débuter. Devant moi une table remplie de nourriture, spécialités marocaine. Les crêpes se dégustent avec du miel ou du fromage, lorsque ce n’est les deux à la fois. Des soupes de légumes viennent remplir le ventre en prenant le relais de petits « sandwichs » en tout genre, garni de kefta (sorte de viande hachées), de fromages, de légumes alors qu’un bol d’huile d’olive, si important au Maroc, accompagne presque chaque repas. Le tout, bien sûr, toujours accompagné de multiples thés. Dehors, les cafetiers et restaurateurs offrent un repas au plus démunis et, bien vite, les boutiques vont se réouvrir, les cafés se remplir et beaucoup vont vivre cette nuit dans son entièreté.

Ce n’est que vers trois heures que nous nous rassemblons à nouveau afin de prendre des forces pour la journée qui s’annonce. Vers 3h30, alors que les toutes premières lueurs du jour s’apprête à apparaître au fond de l’horizon, alors que l’aube pointe le bout de son nez, l’appel à la prière retentit. Beaucoup vont prier, je m’en vais dormir. Pour tous, une nouvelle journée de jeûne débute.

Le soleil se couche, nous cassons le jeûne

Le soleil se couche, nous cassons le jeûne

Olivier Rochat