Poésie routière, écrit du Libéria.
Les feuilles sont à l’appel
Les voici qui tombent
Et qui me rappellent
Que l’été nous trompe
Que l’automne tombe tôt
Bien trop
Comme tombe l’eau
Moi je tombe de haut
L’hiver approche
A peine l’automne débute
Et moi, oui moi je fais des coches
Qui me rapproche de mon but
Qui me rapproche du doux chant
Celui des oiseaux
Tu connais le printemps
Où vivre à quelque chose de nouveau
Le verbe lui se conjugue
Au présent et au parfait
De la vie qui débute
Eh bien que ça me plaît
Mais nous sommes en automne
Il fait nuit tôt et jour tard
Et cette année qu’on gomme
Puis qui repart
Cette année morte
Qui n’est pas terminée
Mais qui déjà emporte
Avec elle nos passés
Et ce froid qui nous dérange
Qui endort les arbres
Et ces couleurs oranges
Qui ne me laissent de marbre
On dirait que la faucheuse veille
Nous attends au coin du bois
Mais non ce n’est qu’une vieille
Qui se promène là
Bientôt, viendra la neige
Et le silence de son habit blanc
Devrais-je dire beige
Dont le froid est si violent
Violent, oui
Mais c’est sûr
Beau aussi !
Et puis je me souvient
Que ce n’est qu’un souvenir
Un souvenir lointain
De ce jour où je me vis partir
Chercher l’aventure
Aux pays sans été sans hiver
Ou le soleil est un dur
Et la pluie fait trembler la Terre
Ici ce sont des rivières qui naissent
Après les trombes d’eau
C’est le ciel qui nous blesse
Avant qu’enfin nous vienne le beau
Le chant des cigales
Après celui des crapauds
Nostalgie de chez moi
Ici la pluie est bien trop
Elle nous prend dans ses bras
Puis nous tue par ses gouttes
L’eau c’est la vie n’est-ce pas ?
J’ai comme l’ombre d’un doute
Les saisons différentes
De cette Afrique tropicale
Parfois suffocante
Souvent théâtrale
Me rappelle que chez moi
Ce n’est qu’un souvenir
Étranger je n’ai de toit
Que le partage et le plaisir
« Chez moi » n’existe plus
Quand on a plus de chez soit
Quand du bush à la rue
On vit dans le parfois
Dans un monde sans loi et sans règle
Si ce n’est l’imprévu
Un monde qui n’a d’yeux que l’aigle
Et d’oreilles que la rue
Ou le temps est un ami
Qu’il s’appelle en rigolant
Puisqu’ici comme on dit
On avance lentement
Parfois même à reculons
Quand soudain s’accélère
Une foule un mouvement
Quelque chose d’éphémère
Un amour une guerre
Un bonjour un génocide
Il n’y a pas de frontière
Pas plus qu’il n’y a de guide
De tout on passe au rien
Et ce rien est un tout
Allez prend ma main
Non je ne suis pas fou
Et tant pis si pour elle
Tu dois me couper le bras
Je ne suis pas éternel
Mais je sais qu’il repoussera
Je ne fais que passer ma route
Et je regarde en observant
Et je n’ai l’ombre d’un doute
Que je suis bien vivant
Vivant dans ce pays lointain
Ce pays sans feuilles mortes
Où je crois bien
Les souvenirs m’emportent
Me rappelle à hier à chez moi
Qu’elle m’est chère cette vie
Même si je sais que là-bas
Je n’ai plus trop envie
De cette vie à courir
Après je ne sais quoi
Un trésor un souvenir
Qui déjà n’est plus là
De cette vie de droit
Où courent des esclaves
Qui oublient ce mot là
Celui du partage
Ici je ne sais pas
Si c’est un monde juste
Car au Liberia
L’histoire est injuste
C’est l’histoire d’une terre
Rendue aux esclaves
Une histoire de guerre
Quelques choses de très grave
Ou que quand la violence
Se déchaîne puissement
Et que dans l’urgence
On survit simplement
Aujourd’hui je l’observe
Ce monde qui renaît
Qui revit de ses rêves
Qui gomme ses vieux traits
Ce pays classé pauvre
Pauvre comme l’est
Qui vécu Ebola
Tout en rêvant d’US
Mais son regard d’Homme libre
Survécut aux injustices
Aux crimes les plus terrible
À la haine et sa malice
Et quand je vois ce fils d’esclave
Agir en Homme libre
Je me dit qu’un voyage
N’est jamais si terrible
Que d’ici à chez moi
C’est comme rallier Mars à Jupiter
Que je ne me sens pas
Non, sur la même terre
Mais pourtant je dois dire
Qu’en passant d’un monde à l’autre
Celui des martyres
Puis celui des apôtres
Eh bien oui que je crois
Que c’est la même Terre
Et que de Suisse au Libéria
Nous sommes tous frères
Nous sommes tous frères!
Olivier Rochat