Km 26’400, Sekoma, Botswana.
« Bientôt, déjà, le Kalahari sera derrière moi. Il fera partie d’un passé que je me crée à mesure que j’avance dans une Afrique où je n’ai ni passé ni futur. Je ne fais que passer »
Le 27 janvier 2016, je rejoins WIndhoek après la longue traversée du Namib aux hauts plateaux depuis Walvis Bay. Mais alors que je venais à Windhoek avec une seule idée: réparer mon appareil photo et continuer ma route rapidement, je serai parti quelques 9 jours et 10 nuits plas tard et cela tandis que mon apparareil n’ai pas été réparé et, dans les faits, envoyé à Johannesbourg.
En fait j’ai rencontré du monde, ce qui change pas mal des derniers kilomètres désertiques. Le dernier cycliste que j’avais rencontré c’était au Malawi au mois… d’août. Mais alors que je venais d’apprendre que mon appareil photo n’était pas réparable c’est Thomas, du Danemark, qui arrivais. Deux jours plus tard, après avoir partagé bon nombres d’histoires c’est Javier « Colorado » Soriano, lui aussi en plein tour du monde, qui arrivait. Me voilà maintenant avec un danois et un espagnol autour de moi,en bonne compagnie. Finalement c’est Martin, du Danemark lui aussi, qui venait passé ses vacances sur les routes de Namibie, qui rejoignit l’équipe et au bout de 9 jours je reprenais enfin la route après avoir attenteint le total inédit de 4 jours sur la route pour les 3 derniers mois!
Tous les trois ayant découvert le monde de manières plus poussées que moi, je me sentais un peu comme un bébé entre eux. Mais pourtant l’un des seules endroits qu’ils n’avaient tous les trois encore jamais découverts était l’un des seuls que j’avais découverts moi-même et découvre toujours en ce jour: l’Afrique! Moi aussi j’avais donc quelques histoires a raconter.
Mais finalement le temps de reprendre la route est venu. Je repars.
Mais je n’ai pas pédalé 5 km que je croise un autre cycliste. Un ukrainien. 4 mois sur la route et l’Afrique déjà derrière lui. 150 km par jour. Impressionnant. J’ai moi-même débuté en Namibie le 29 septembre 2015 alors qu’il n’a quitté l’Ukraine que deux semaines plus tard… Le même transport mais pas le même chemin…
Adieu Namibie
« La Namibie se termine. Un gros, un beau morceau derrière moi. Le pays dans lequel j’ai le plus pédalé avec 3’242 km de routes. Me voici maintenant à la frontière avec le Botswana. Chaud. Ennuyant. Kalahari ça rime avec ennui.
Pourtant les alentours de Windhoek étaient plutôt plaisant . verdoyant et montagneux. C’est même sous la pluie que j’ai terminé mon premier jour de retour sur la route. Entre deux orages la savane était bien belle. La nuit tendrement boueuse et entouré… de vaches.
Mais hier s’est fait plus ennuyant. A peine quelques babouins, phacochère ou tortue écrasée pour changer d’une route longiligne et inchangeante contrairement au vent qui semble venir de là où je vais.
Aujourd’hui rien de mieux…si ce n’est une crevaison à la frontière. La première depuis le Zimbabwe, 4000 km derrière moi. Si j’ai fini de pousser dans le sable, et semble til pour un moment, j’ai pas fini de rouler droit. Un seul virage pour les 800 prochains km. 5 ou 6 points de ravitaillement.
En quittant la Namibie je quitte le deuxième pays le moins dense au monde (après la Mongolie). En entrant au Botswana j’entre dans le…3eme moins dense au monde . C’est bien les espaces sont là. Pour les étoiles, les girafes et les dunes ont repassera. En Namibie on reviendra.
Me voici au Botswana. Sur la « Trans-Kalahari ». Peut être la route la moins excitante de mon voyage. Rien à signaler. Des champs, des buissons, des vaches…Heureusement il doit faire « à peine » plus de 35ºC cet après midi. On va brancher les écouteurs et se laisser rouler, rouler, rouler…. ben oui c’est tout droit. «
Très vite je rejoins Tsootsha, 90 km après la frontière. Et très vite l’ambiance est donnée: Kang 280 km. Kang c’est le prochain village sur ma route en direction de l’Afrique du sud. C’est donc dans une ambiance solitaire que je pédale mon 20’000ème km sur sol africain.
Les kms ont passé, défilé. Voici que vient le 20’000 eme sur le continent africain. Peut être bien le plus ennuyant de tous, celui du Kalahari. Sans collines mais cent camions. En rejoignant Tsootsha j’ai eu droit à un après midi à l’ombre dans ce qui semble être le seul restaurant à la ronde. C’est le moins qu’on puisse dire car mon prochain ravitaillement est situé 285 km après Tsootsha…
Riz et boeuf au menu, bière fraîche pour la sieste… on fête comme on peut. Rien à signaler sur les routes du Botswana.
Pour la folie on repassera
De jour et d’ennui… le Kalahari
De jour mais d’ennui, je traverse le Botswana. Me voici à mi chemin de cette traversée du Kalahari, plate, chaude et comment dire… repetitive? Oui, repetitive c’est cela.
Les jours se ressemblent passablement et les distances aussi, bien qu’elles semblent diminuer à force que je m’approche de l’Afrique du Sud.
Ainsi ce matin en m’arretant a Sekoma histoire de m’abreuver -et me desabler- je termine 155 kms en solitaire. Certes il y avait 3 petits villages isolés même pas cartographier, mais bon…
Pourtant bien loin des 285 km qui sépare Tsootsha de Kang, à l’ouest du Namib. 285 sans rien de rien d’autres que des buissons, quelques arbres ainsi que vaches, chèvres et papillons dont certains finissent sous -ou sur- un de ces nombreux camions qui traversent le Botswana en direction de la Namibie et parfois continue au nord jusqu’en Angola, voire même plus haut, le Congo.
Certains d’entre eux s’arrêtent en me voyant et j’ai droit à une bouteille d’eau fraîche, voir littéralement congelée (!), parfois un coca ou autre soda. Souvent c’est là pour ainsi dire mes seules discussions de la journée.
Discussion de voyageur comme hier avec ce camionneur sud africain qui revenait de Brazzaville en direction de Johannesbourg. Ancien avocat devenu camionneur indépendant car « le bureau c’est ennuyant », j’ai eu droit moi aussi à de beaux récits. La traversée de l’Angola, « pays le plus chère du monde », « 14 jours sur des routes pourries » etc… au final les rencontres sont rares mais souriantes. Sur la selle ou sur un siège, la solitude est plus qu’une coutume une réalité au Botswana.
Bivouaquer dans ces conditions n’en est que plus facile, encore plus facile qu’en Namibie où parfois les interminables grillages ou barbelés qui longeaient les routes m’empêchaient de m’enfiler quelque part, derrière un buisson, un arbre, à l’abri des regards.
Cependant les bords de routes bien que verdoyant en cette saison n’en reste pas moins sableux. Impossible de s’égarer, du moins de pédaler, hors de cette route bien goudronnée qui me mène droit sur Pretoria. Les quelques sentiers qui s’en vont ici et là n’en reste même pas en rêve. Peut être cauchemar… le sable est bien trop profond.
Mais le Kalahari vit l’été. Et l’été amène la pluie par ici. Ainsi les après midi sont chargés d’électricité et dans cette énorme plaine qu’est le Kalahari les orages sont visible loin, très loin à la ronde. Pédalant sous un soleil de plomb j’ai parfois en vue 4 ou 5 orages de toutes tailles qui m’entourent. Spectacle impressionnant qui peut lui aussi devenir cauchemardesque si ma route s’enfile au dessous de l’un d’eux. Au centre de la bête, vent violent, tout deviens plus compliqué.
Bien que ce destin ne m’a été jusqu’ alors qu’une seule fois dédié. Par chance, j’en terminais avec cette interminable partie de 285 km sans village lorsque l’orage frappa. Après quelques minutes sous la pluie et dans le vent je rejoignais Kang et m’abritais dans une station service qui me servira de toit pour la nuit.
Souvent la chance est au rendez vous du voyageur dont l’audace, peut être, lui permet de la provoquer. De l’apprécier. Toutes ces petites choses insignifiantes qui forment l’entier du quotidien de routier.
Une rencontre, un cri d’oiseau ou de chat sauvage, une crevaison, un orage… des petits rien qu’au quotidien, pris dans notre engrenage égocentrique et de pouvoir -le pouvoir bon dieu le pouvoir!!!- nous ne regardons plus. Trop insignifiant. Sans gloire ni folie. Presque emmerdant. Des petits rien qui pourtant font ce que nous sommes, différemment de ces choses après lesquelles nous courons sans cesse car nous rêvons d’être, de voir et/ou de posséder.
Le bonheur ne se possède pas. Il se vit.
Et peut être qu’en voyageant je réapprend à regarder. Sentir. Profiter. Et certainement à aimer. Simplement.
Dans cette ambiance d’éloignement je continue ma route toujours plus près d’une Afrique du sud qui me servira de dernière grosse étape avant d’entamer ma remontée vers le nord. En avion pour un bout, peut être le tout à vélo? Peu importe je continue sur le sud est pour un dernier détour avant le prochain. Jwaneng n’est qu’à 83 km. Les distances se raccourcissent et bientôt, déjà, le Kalahari sera derrière moi. Il fera partie d’un passé que je me crée à mesure que j’avance dans une Afrique où je n’ai ni passé ni futur. Je ne fais que passer.
Et qu’il est trop facile de faire le sage quand tu n’as plus que toi à aimer…
Olivier Rochat