Km 20’390, Mwanza, Malawi.
-Quand un jeune cycliste suisse rencontre un pasteur roumain venu prêter main forte au Malawi-
« Les cultures se mélangent, la religion un instant laisse place aux besoins de chacun. Et à la fin, tout le monde est content. Ces simples instants qui redonnent soudain une vie sociale au solitaire que je suis et qu’au fond j’ai toujours été. La messe d’hier, ou je ne sais pas trop comment la nommer par ici, fut bien la première fois que je me suis éclaté dans une église avec le besoin profond d’y retourner.
A regarder chanter toute ces dames, ces africaines costumées, la cinquantaine mais un visage qui leur rend 20 ans de plus. Oui on vieillit plus vite en Afrique. Mais on sourit plus longtemps. Et parfois comme hier on sourit en chantant. Mélodieux quoique rigolo.
Jouer au Domino à la lumière de la bougie sur une table fais main par Ionut et ses deux acolytes: Alex et Moses. Jouer au Domino à la lumière de la bougie dans les montagnes de Kirk Range, quelque part perdu au sud du Malawi aux pieds d’un Mozambique qui fut rébellion, il y a quelques jours à peine.
Mais ce matin bien que content c’est triste, le coeur en espoir d’un vrai au revoir, je veux dire « revoir », que je continue mon chemin. Mon visa pour le Mozambique est déjà entamé de plus que moitié que j’en suis toujours au Malawi. Après la rencontre la plus touchante, la plus forte de tout mon voyage.
Je laisse ainsi Ionut et son épouse dans la mission de Matandani. Je les quittes et leur gentillesse me manque déjà. Leurs accents roumain, leur accueil universel. Sans oublier la qualité de tout ce qu’ils m’ont offert. J’avais un peu la tête à la transylvanie, à la mer Noire et aux chiens errants que j’écrivais en Princess. Mais j’étais bien au Malawi. Sans ivresse mais plein d’espoir puisqu’il en faut. Victime heureuse d’une rencontre bien plus belle que probable.
Avec le temps j’ai cru comprendre que ce genre de gentillesse est bien trop rare pour qu’elle soit constante. Mais plus que la gentillesse je dirais l’honnêteté, l’authenticité, le dévouement et surtout l’envie d’aller de l’avant.
Je quitte ainsi Ionut et son épouse Laurie, Alex, Moses et plein d’autres âmes encore qui n’avaient rien à faire sur mon chemin et qui pourtant mon retenu quelques jours…
Le mystère d’une rencontre(s)
Certains parle de chance, de réussite. Je pourrai parler tel en me rappelant ce qui a mis sur ma route la mission de Matandani. Pourtant je ne vais pas le faire car persuadé que chances et réussites sont provoquées. Provoquées par quelque chose en nous qui ne cherche parfois qu’à s’exprimer, quelque chose qui fait qu’à tel ou tel moment de notre vie on se retrouve à un endroit qui va nous permettre de rencontrer quelqu’un qui parfois marquera notre existence. Mais combien de rencontre ai-je manquée en gardant la tête sur mon compteur? Personne ne le sait car seul restes ces moments où justement, nous lâchons notre tête de notre compteur.
Ainsi, 1 an avant d’entreprendre ce voyage, alors que j’en étais encore aux doutes et aux préparations, je me souviens de cette belle et improbable rencontre sur le ferry de la compagnie « Corsica ferries », une rencontre improbable. Je ne pense pas qu’on puisse parler de simple hasard… Mais pour rencontrer Maurizio Ceraldi sur le port de Bastia, alors qu’il rentrait d’un long voyage de 2 ans en Afrique dont les valises contenait la réponse à tous les doutes que m’accaparaient et bien plus encore, je n’avais que peux de chance. Combien de fois un cycliste a entrepris un voyage de 2 ans en Afrique? Combien parmi eux sont rentrés par… la Corse? Combien de fois m’y suis-je rendu, moi, en Corse? Une seule fois. Et là encore il fallait qu’on tombe dans le même ferry. Le même jour. Et l’entrée dans le ferry était suffisamment mal organisée pour qu’on se loupe. Et pourquoi, d’ailleurs, a t’il choisi de se rendre de Bastia à Savone et non pas à Gênes, Marseille, Nice ou n’importe laquelle de l’une des nombreuses destinations en partant de Bastia? Et pourtant… un cycliste rentrait dans le même carrefour que moi, Et de plus ce cycliste, Maurizio, était Suisse. Et habitait proche de chez moi.
Ce fut pareil à Mzuzu, rencontrant alors un homme, un ami, rencontré 1 mois précédemment à l’ambassade du Mozambique à Dar es Salaam. Encore fallait-il qu’il raccourcisse son itinéraire et que moi je rallonge le mien et là encore il fallait que nous choisissions le même hôtel/camping dans une ville peuplée de plus de 200’000 habitants. Mais c’est au Mzoozoozoo que nous nous sommes rencontré nouveau. Par hasard…
Ou encore à Bagamoyo alors que je m’égarais dans les ruelles proche de l’océan indien. Je tombe sur Sarah et Scott, cycliste nord-américain dont j’avais vaguement entendu parler. Sarah, cheffe pâtissière à Paris, ainsi que son ami Scott s’étaient fait voler par un gang en entrant au Kenya. Une histoire que m’avait précédemment raconté Anselm, un cycliste allemand croisé par hasard à Addis Abeba qui lui-même avait rencontré Sarah et Scott peu de temps après leur mésaventure… Bref.
Hasard ou pas c’est à Likoma voici plus d’un mois que j’ai eu la chance de rencontré Maryna et Denis venu d’Afrique du Sud. Nous aurions pu nous croiser sans nous parler… Ils étaient à Likome en vacance quelques jours et ne dormaient pas au même endroit que moi. Mais Denis m’interpella sans vraiment savoir pourquoi et je lui expliquai sans gêne mon voyage, mon projet. Et c’est ainsi qu’il me parla de Matandani, au sud du pays. Mais sans donner nos adresse nous nous sommes séparés. Avant de se rencontrer à nouveau. A bord du mythique Ilala cette fois, quittant l’île de Likoma, par hasard sur le même bateau… Et cette fois sans oublier de nous échanger nos adresses.
Sur les conseils de Maryna je me suis rendu à Matandani, dans le village de Neno proche du Mozambique. Après de multiples détours j’y suis enfin arrivé. Je me suis dis: l’espace d’une après-midi. Mais c’est 3 jours plus tard que j’ai repris mon chemin! mon visa mozambicain disais-je, déjà bien entamé (j’ai obtenu mon visa pour le Mozambique précédemment à Lilongwe et il arrive à échéance dans 10 jours alors que je n’y suis par encore entré).
Matandani
A Matandani j’ai ainsi pu découvrir le travail de Ionut, un pasteur roumain venu prêter main forte à la mission de Matandani voici quatre ans et pour un an encore. Accompagné par son épouse Laurie, durant ces 4 années ils ont contribué aux développement de la mission, amenant notamment l’électricité, deux nouvelles pompes pour amener l’eau dans le village, reconstruire le dortoir des filles et bientôt celui des garçons, un jardin botanique et bien d’autre choses encore qu’ils projettent de faire, notamment la reconstruction de l’école primaire ainsi que l’aménagement de deux nouvelles pompes, plus petites pour y amener l’eau potable cette fois.
Mais plus que le développement de la mission de Matandani qui existe depuis 1908, c’est l’harmonie ressentie entre les villageois, les élèves et Ionut qui m’a le plus touché. La manière d’évoluer, de penser, d’accueillir les plus démunis mais également de travailler avec les locaux. A leur côté j’ai ressenti un bien être que rarement je n’avais ressenti pareillement auparavant.
Découvrir ensemble les environs de Matandani, les belles montagnes ou la petite cascade à travers les montagnes de Kirk Range, fut un réel plaisir, une courte parenthèse. Encore une.
Une parenthèse ouverte comme bien souvent suite à l’une de ces rencontres qui ne sortent nous ne savons pas trop d’où mais qu’en ouvrant les yeux nous vivons tous. De plus Maryna et Denis , qui m’ont mis sur la route de Matandani, habitent Pretoria… Le hasard encore une fois? Je ne sais pas… Mais c’est à Pretoria, capitale de l’Afrique du Sud, que j’avais prévu de me rendre afin d’y obtenir mes visa(s) pour l’Afrique de l’ouest. Sans vraiment avoir le choix d’ailleurs.
Partie toujours embarrassant que de devoir rester plusieurs jours dans une ville , notamment à cause du prix. Mais par cette simple rencontre cette question est déjà réglée. Je sais déjà où dormir à Pretoria et même s’il me reste une longue route d’ici là, Pretoria, pour y revoir mes amis, m’impatiente déjà.
Rendez-vous est pris.
Olivier Rochat