Km 17’933, Karonga, Malaŵi.
-I had a dream-
Petit, j’avais un rêve. Un rêve planqué en moi, plus fort que tout, que la vie que la mort. Et que l’amour, mais définis: le Malawi... Mais c’est absurde! me direz-vous. Au fond vous avez raison, c’est absurde! Ou plutôt ça le serait si ce n’était que ça. Mais le Malawi ce n’est pas que ça. Pas qu’un rêve planqué en moi. C’est avant tout une découverte par les livres, celle du Malawi, arrivée juste au moment où adolescent, je me perdais. Histoire de me retrouver j’avais gardé l’idée d’un jour, y aller. Aller au Malawi. Aujourd’hui j’y suis. En gros j’ai réalisé mon rêve et si ça paraît simple rassures-toi ça l’est. C’est pas compliqué. Pourtant bien plus qu’un rêve, aller au Malawi à vélo, plus qu’un rêve c’est un chemin. Et ça, cheminer, c’est une autre histoire…
Quelques mots sur le Malawi
Le Malawi, indépendant depuis 1964 et anciennement Nyassaland, est un petit pays (20% du territoire français) d’Afrique australe. Enclavé par les grands pays que sont la Zambie, le Mozambique et la Tanzanie, le Malawi n’a pas d’accès la mer. Obligé d’importer presque tout, le Malawi demeure depuis toujours l’un des pays les plus pauvre au monde et même officiellement est le pays le plus pauvre au monde en 2014. Seul le thé et le tabac sont encore exporté à ce jour et même le maïs, après plusieurs années de sécheresses, est aujourd’hui importé. Dans ces conditions le Malawi n’a pas beaucoup de chance de se développer. Cependant le Malawi est « construit » le long (à l’ouest) et au sud du lac Malawi, le troisième plus grand lac d’Afrique. Cet énorme lac, le plus propre de la vallée du Rift, permet d’irriguer un peu le pays et grâce à la pêche permet au habitants de vivre un peu mieux. C’est aussi un lac connu pour sa grande diversité de poissons rares mais aussi, grâce à la douceur et propreté de son eau, le paradis des baigneurs et de la tranquillité, le tourisme n’étant pas très développé au Malawi.
Un long chemin
Au jour 281 de ce voyage et au kilomètre 17’880, je suis entré au Malawi, laissant derrière moi la belle et grande Tanzanie et ses 3’024 kilomètres de route. 17ème pays de ce voyage et 8ème sur le continent africain, en entrant au Malawi je suis maintenant en pleine Afrique australe dans l’un des pays les plus pauvre au monde, si ce n’est le plus pauvre selon plusieurs statistiques. Mais plus que ça le Malawi est un pays que j’avais étudié dès l’âge de 12 ans en y faisant un premier exposé pour l’école. Le pays m’avait alors beaucoup plu à travers ce qui j’y avais lu et je m’y étais intéressé plus en profondeur allant notamment jusqu’à en apprendre un peu de sa langue principale: le Chichewa. Mais durant l’adolescence j’ai commencé à pédaler, faire des premiers tours en bicyclette dans les Alpes cols après cols ou pour aller travailler et enfin quelques petits voyages jusqu’en Croatie ou dans les Pyrénées notamment. Mais bien que mis un peu de côté ces dernières années le Malawi n’a jamais totalement disparu de mes pensées et ce vieux rêve résonnaient en moi comme une évidence: aller au Malawi à vélo.
Avec la création de Bike for Africa voici plus 3 ans les objectifs ont certes changé mais le Malawi, lui, est resté. Mais plus qu’un rêve réalisé c’est un chemin, un long chemin parsemé des embûches de l’adolescence, des sentiments, des rencontres, que j’ai fait pour y arriver. Hier 22 juin 2015, à 16h06 locale (la même heure qu’à Paris, Zurich ou Budapest), je suis donc entré au Malawi.
Après quelques minutes d’attentes, je laisse le sérieux douanier derrière moi. Cette fois ça y est, j’y suis! Je suis au Malawi!!!
Premiers kilomètres au Malawi
Difficile, après tant d’attente, d’avoir un regard objectif. L’émotion est grande et garder les pieds sur terre est indispensable. Cependant après quelques démarchent administratives (SIM Card, changement de la dernière monnaie etc…), le soleil se couche presque lorsque je pédale enfin mes premiers kilomètres au Malawi. Tout de suite je sens une ambiance différente de celle vécue en Tanzanie. Le long de la route marchent des dizaines de personnes. La végétation est épaisse, humide: finie les longues plaines de Tanzanie. Ici impossible de faire un bivouac sauvage.
J’arrive de nuit à Iponga, mon premier village. Une barrière bouche la route. Un policier, vêtu d’un habit vert foncé de militaire, m’interpelle et là je découvre le détendu Malawi. Mais avant de lui répondre je lui pose moi-même une question:
-« Hello my friend! Can you help me? I need to sleep somewhere, can I my put my tent here? »
Sans hésiter il me répond: – « Yeah of course you can! Oh you can put where you want, on my right there is a school… I will take care about your Bike! »…
Le ton est donné: comme toujours en Afrique, chaque problème à sa solution. Par contre si dans les autres pays ça prenaient toujours des plombes (Rwanda, Ethiopie), ici ça semble ne pas être le cas. Aucune demande de passeport, aucune vérification de mon visa, où je vais d’où je viens. Certes les quelques mots Chichewa que j’ai sorti au policier ont certainement aidé mais tout de même. Sur un « Zikomo Kwambiri » (Merci beaucoup), je plante ma tente. Et m’endors tout de suite, rassuré par la bienveillance du policier.
Modikai et un partage retrouvé
Au petit matin je me réveille entouré des petits écoliers. Sage et vêtu de bleu. Et puis c’est un homme, Modikai, qui vient me questionner. Tout de suite le contact est facile et rapidement je découvre l’hospitalité malawite (malawienne). Autour d’un Mandasi, Modikai, qui attend qu’une heure passe afin d’aller à ses examens, va m’expliquer spontanément de son quotidien. Et à vrai dire je suis surpris. Surpris par le naturel que je ne trouvais pas, jamais, depuis mon entrée en Afrique sub-saharienne. Ici cela semble plus facile. L’impression est bizarre. Modikai semble être pauvre, très pauvre. Mais avec lui je n’ai pas l’impression d’être regardé comme un Mzungu. Comme un riche. Comme un billet sur pattes. Comme ce fût souvent le cas (mais pas tout le temps) ces derniers mois. Son « most welcome » ainsi que celui de la jeune fille qui prépare les Mandasi dans sa petite huttes locales, me paraît honnête et sans attentes. Sans l’attente, fatigante, que l’on donne de l’argent en retour. Toujours.
En partant Modikai me souhaite bonne chance mais jamais ne me demande de l’aider , 1 ou 2 dollars ou quelque chose comme ça. Alors que c’était fréquemment le cas auparavant. Je lui paye un Mandasi et un thé que nous partageons avec son neveu.
Le Lac Malawi…
En reprenant ma route en direction de Karonga, la première ville que je vais croiser sur ma route, l’impression est toujours la même. Ici tout semble paisible, tout le monde est tranquille et la circulation est très faible. A part 2 camions et un bus je ne croise rien que des vélos durant mes 2 premières de route. Et rare sont les vélos ne « portant » qu’une seule personne. Et lorsque l’occupant est tout seul on trouve toujours un sac de charbon, un tas de bois ou quelques kilos de bananes accroché ici où là. Le Malawi est pauvre. Et ça se voit.
Pauvre mais souriant. En effet en arrivant à Karonga c’est sur la plage que je m’arrête un instant. Me voici à nouveau au bord du lac Malawi, mais cette fois au Malawi. Je me pose, les pieds dans l’eau. Puis arrive un jeune homme. Je l’observe. Il pose son vélo à côté de ces incroyables bateaux de pêcheurs. Taillé dans le tronc des gros arbres, ils semblent venu d’un autre temps. Dessus on ne trouve ni voile ni rien d’autre. C’est juste un tronc que l’on creuse puis que l’on met l’eau et enfin sur lequel on va pêcher…
Mais soudain l’homme se déshabille puis se savonne. En fait il vient se laver ici, puis même faire un peu de sa lessive, une scène fréquente sur les bords du lac Malawi. Et puis sur ma gauche c’est une dizaine de femme qui papotent, cousant des habits ou faisant la lessive elles aussi. En fait elles attendent sagement le retour des hommes partis pécher. Après quelques minutes le premier pêcheur, un jeune homme, arrive. Tout le monde se rue pour l’aider à sortir son bateau de l’eau. Puis on compte le poisson. Je découvre alors l’importance du Lac Malawi. Oui car le Malawi sans le Lac Malawi, c’est un peu comme Bike for Africa sans vélo. Il irait quelques part mais pas bien loin…
Finalement, je réalise que plus que réaliser mon rêve, il me reste à le vivre. Le chemin est derrière moi. Il y en aura un, un autre, celui du retour. Et puis de nos vies. Un éternel chemin. Mais là, maintenant, c’est une parenthèse. La parenthèse Malawi. En gros: J’ai pas fini de zigzaguer au Malawi. A commencer par les Nyika plateaux, avec vue sur la Zambie, que je m’apprête à rejoindre.
Olivier Rochat