Km 3’928, Istanbul, Türkiye.
Me voici donc au coeur d’Istanbul. Je me trouve le long du Bosphore, à Besiktas. Il y a cet énorme pont que j’aperçois au loin. Il traverse le Bosphore et de l’autre côté, c’est l’Asie… Je veux dire par là qu’à gauche c’est l’Europe et qu’à droite c’est l’Asie. Demain, en quittant Istanbul, ou même avant, en traversant le Bosphore, ce sera donc l’Asie!
Moi je rêvais de liberté. Mais ce soir là j’ai mis quelques instants avant de comprendre.
Elle tenait à peine debout, du haut de sa vieillesse. Les cheveux blancs, les yeux perçants, la sagesse dans l’âme. Elle était fébrile, maigre. Et tellement pauvre.
Elle tenait dans la main gauche un sac en plastique qui contenait quelques nourritures. A peine de quoi survivre quelques jours. Sa main droite elle la tenait bien haute, l’index en pointe. Comme pour signifier le « un ». Le « un » de solitude. Le mien. La mienne…
Elle versait une petite larme et, en me regardant droit dans les yeux, elle me parlait dans un bulgare juste et fort, mais à mes oreilles totalement incompréhensibles. Ce soir là, dans ce immeuble branlant de Zvezdet, à la sortie des Balkans, elle me pris pour son fils… Ou son petit fils. Moi je mis quelques instant à comprendre que dans son cri ce n’était pas sa pauvreté qu’elle pleurait, mais la mienne. Car qu’y a t’il de plus pauvre que l’homme seul ?
Zvezdet, à l’Est des Balkans
C’est ainsi que j’ai passé ma dernière nuit en Bulgarie. Chez l’habitant. Nicolae Dimitrov, 80 ans et son épouse mon accueilli spontanément. Ce soir là le « vieux Nicolae » sortait des bois lorsqu’il me vit passer. Le nuit tombait, le brouillard était épais, la pluie mouillait, la route grimpait et moi je me demandais bien où j’allais dormir. Il me vit passer et sans le comprendre je le compris. Je lui dis Istanbul en faisant tourner mes bras en signe de pédalages. Les mains contre sa joue il m’invita à passer la nuit. La nuit fût rustique. Il habitait avec sa femme dans un vielle immeuble de Zvezdet, à 30 km de la frontière turque. Zvezdet c’est un village tout à l’est des Balkans, quand tu grimpes un col qui te mène en Turquie. Je terminais mon périple bulgare et m’apprêtais à entamer celui de la Turquie. D’un tout autre calibre.
Le lendemain matin, après ma nuit chez Nicolae Dimitrov et son épouse, je découvris Zvezdet dans un premier temps. Arrivé de nuit le soir d’avant je ne l’avais qu’entre apperçus et là je vis de la pauvreté, des immeubles démolis et moi j’avais dormi au milieu de tout a sans m’en apercevoir grâce à la générosité de ce vieux couple de bulgare qui m’offrit le lit et le manger, et de chez qui je repartis plein de vivres. Doù cette envie de vivre. Enfin bref… Après 2 heures de vélo sous la pluie en quittant Zvezdet: la frontière turque, enfin, sorti du brouillard et de la pluie. Dans un premier temps le douanier bulgare qui ne dit pas le moindre mot. Dans un second temps les douaniers turcs, plus causants et impressionné par mon gros Cargo, avec qui je pu même déconner un peu. Comme quoi voyager à vélo, ça aide.
Turquie…
Alors c’est la Turquie qui s’ouvre à moi, et bientôt l’Asie. Oui car la Turquie c’est en Asie. Il y a ce petit bout, 260 km jusqu’à Istanbul qui appartient encore à l’Europe et puis après, ce sera l’Asie. Après Istanbul.
Hier soir, soir d’halloween, je suis entré dans Istanbul, pour terminer mon troisième soir turc. Il pleuvait. Beaucoup. J’étais trempe. Encore. C’est ainsi que s’est terminé ce mois d’octobre. Le mois d’octobre je l’avais entamé à Budapest, avec le soleil. Je te disais bon dieu que c’est grand Budapest! Bon pour te donner une idée de la chose, Istanbul compte… 7 fois plus d’habitants que Budapest. Et presque 2 fois plus que la Suisse. Comment te dire que pénétrer Istanbul avec mon Cargo sous cette pluie qui n’en finissait plus c’était pas très rigolo..
Istanbul
Après 20 km d’une longue ligne droite entourée de bâtiments, à me battre entre voiture et taxi, à me faufiler tant bien que mal pour accélérer ma cadence, le regard boueux, le coeur crispé et la tête à l’Asie, je me suis retrouvé sur cette route. Enorme route. Il y avait trois voies surbondées et une quatrième de secours. Au début je me suis dit merde qu’est ce que je fous sur l’autoroute. Mais non c’était pas une autoroute… Non l’autoroute était un peu plus pas, je l’ai vue quand j’ai traversé cette énorme pont. Et puis il y avait ces buildings et ces drapeaux turcs, toujours ces drapeaux turcs, que j’aperçois partout, dans chaque village, chaque quartier, chaque magasins enfin chez chacun quoi, depuis mon entrée en Turquie deux jours auparavant.
Enfin bref me voici donc au coeur d’Istanbul. Je me trouve le long du Bosphore, à Besiktas Il y a un énorme pont que j’apperçois au loin. Il traverse le Bosphore et de l’autre côté, c’est l’Asie… Je veux dire par là qu’à gauche c’est l’Europe et qu’à droite c’est l’Asie. Demain, en quittant Istanbul, ou même avant, en traversant le Bosphore, ce sera donc l’Asie!
Olivier Rochat