Sur mon Cargo au sommet de mon plus Beau, le Passo dello Stelvio, la Botte est à mes pieds!

Km 466, Passo dello Stelvio, Italia

Seul!

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Cargo, un ami sans vie certes mais fidèle certainement

Me voici seul. Enfin seul avec Cargo. Cargo c’est mon vélo, aujourd’hui chargé comme deux chameaux. Cargo c’est aussi mon fidèle ami sans vie, sans vie certes mais fidèle certainement. Dans la solitude, comme dans la sursolitude, on se comprend lui et moi, on se soutient mutuellement. Lorsque l’un flanche, l’autre le porte, lorsque l’un se moque, l’autre le supporte. Faut-dire je l’ai choisi pour cette partie de ma vie et lui sans moi n’a pas vraiment de vie, si ce n’est qu’elle est un peu fadasse, alors moi je la rend juste un peu plus fantasque. Entre nous c’est aussi une histoire de cols, mais pourtant c’est la toute première fois que je l’emmène au sommet de mon plus Beau, le Passo dello Stelvio, d’où je t’écris cet écrit.

Tu comprends lui plus moi, Cargo et moi je veux dire, ça donne un peu Bike for Africa, au fond. Enfin le côté km de tout ça. On est lié…
Oui bon c’est vrai ça reste un vélo. Je l’oublierai.

Bref avant de tomber dans l’oubli on est parti pour un chemin de vie, à la découverte d’un chaud continent : l’Afrique!
Sur la route de celui-ci, nous voici donc au Passo dello Stelvio, sommet routier de l’Italie, pour un dernier adieu, à 1’000 lieues de l’Afrique, mais à seulement 3km de la Suisse que je laisse derrière moi.
Un dernier adieu car ici je joue plus que je voyage, ici le goudron m’appartient, je le connais parfaitement, je suis encore chez moi, mon dernier chez moi, la dernière fois que je peux dire adieu, jouer un peu.

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Prendre le temps de partir, au lac de Thoune

Moi tu sais j’aime bien prendre le temps de partir, dire adieu… ça laisse plus de temps pour revenir et puis on ne vit qu’une fois à ce qu’on dit. Autant prendre le temps pour cela.
Après avoir dit adieu aux amis, à la maison, aux parents, c’est donc à mon pays que je dis adieu.
Ainsi j’ai dit adieu à la Romandie, et puis il y eu quelques cols pour l’histoire et puis enfin les Grisons.

Les Grisons… tu sais l’odeur des grisons!

A chaque fois les Grisons tu sais je ne fais qu’y passer, mais ce qui est sûr c’est que si un jour à la maison je reviens, aux Grisons je repasserai. Faut dire les Grisons, enfin les cols des Grisons, c’est mon jouet favoris. Je passe de l’un à l’autre changeant de sens puis changeant de mots, sans jamais vraiment m’arrêter, sans jamais vraiment m’ennuyer… enfin je m’amuse quoi!
Mais cette fois c’est différent. Je pars. Tu comprends, je pars… Immortel, mais si vulnérable, je pars. Je ne fais que passer, mais cette fois sans revenir…

Ici dans les villages je suis un peu une attraction, chargé comme deux chameaux. Les gens me regardent passer au ralenti et puis me diriger vers un col tout en lacets que je m’oblige à grimper. Au ralenti. Mais je veux dire « vraiment » au ralenti. Un peu comme deux chameaux.

Oberalppass

Oberalppass, odeur de grisons

C’est bizarre tous ces regards car ici je joue plus que je voyage, je dit juste adieu quoi. Je suis encore chez moi au fond. Mais ces regards me font bizarre, comme si j’étais un étranger. Un étranger chez moi. Petit à petit je comprend que oui je l’ai gagnée ma liberté! j’ai tellement travaillé pour tout quitter que je suis libre mais ma maison maintenant, c’est là-bas quelque part. Partout je suis un étranger. Un étranger… Alors que les étrangers ici viennent travailler après avoir tout quitté…

Enfin bon trêve de question avant de partir pour de bon je suis donc venu contempler les Grisons. Le Val Surselva je l’ai passé et puis l’Engadine je l’ai traversée avant le parc national pour terminer. Enfin tout à l’heure il me restait l’Umbrail à grimper. L’Umbrail c’est un col routier, le plus haut de Suisse, tout à l’est de celle-ci. Je suis partis pour le grimper au ralenti (toujours au ralenti)  comme deux chameaux et puis ainsi dire adieu à mon petit pays si fière lorsqu’il le faut, mais que moi surtout je vois beau. Lorsqu’il le faut.

L’Umbrail tu sais fait partie de mes plus beaux. Sauvage, aux 1’000 virages, jamais facile mais pas insurmontable, il surplombe le Val Mustair, tout à l’est des Grisons.
Seulement aujourd’hui il était pas vraiment beau, l’Umbrail. Il était surtout pluie en fait. Pluie fine au début alors je me suis dit : vas-y ! Et fine est devenue corde, et quand il pleut des cordes c’est pas vraiment rigolo à vélo. Là je me suis dis merde… Mais trop tard, j’étais déjà poisson dans la montagne.
Et voilà, perdu au milieu de ce col sauvage, pentu et sans repos, je n’avais d’autre choix que de continuer mon pathétique chemin de croix. Lent comme deux chameaux. Au mieux, chercher de nouveaux mots.

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Et puis d’un coup d’un seul, comme par magie, la pluie devient éclaircie, le poisson devint aigle et l’Italie se devinait!

Regardant mon compteur qui m’indiquait que bientôt j’avais grimpé la moitié de ce beau palier, puis les 3/4, puis enfin qu’il me restait 2 km. 2 petits km avant d’arriver au col de l’Umbrail. Et moi qui me sentais de plus en plus poisson au milieu de toute cette eau.
Et puis d’un coup d’un seul la pluie fine devenue corde soudain devint éclaircie. Comme par magie. Moi qui m’attendais à dire adieu à mon pays par la pluie, je l’ai quitté par l’éclaircie, une mer de brouillard au bas de moi. Là le poisson devint aigle. Un instant je crû voler!
Comme quoi je le dirais jamais assez : les Alpes t’as pas besoin de les inventer pour qu’elles soient belles.

Au col de l’Umbrail, à 2’500m d’altitude, je suis arrivé en Italie, au ralenti bien que par le beau. En pleine éclaircie, mer de brouillard au bas de moi, il me restait 3km pour atteindre mon plus Beau. 3 km raide pour terminer, 3km italien pour commencer. 3 km dur mais vite grimpé : me voici au sommet de mon plus Beau ! Le Passo dello Stelvio !
Pour un dernier adieu, mélancolie.

Le Stelvio, plus haut col d’Italie, je l’écris comme si c’était mon ami pourtant à chaque fois je ne fais qu’y passer, à peine le temps de m’arrêter, même pas de bavarder, si ce n’est prendre une centaine de photos. Mais c’est mon plus Beau et c’est ainsi.

Enfin m’y voici la botte est à mes pieds, du sommet de l’Italie je ne peux qu’admirer, la Suisse est à mon derrière. Après ce dernier adieu le voyage peut commencer pour moi c’est le printemps!

Il est temps de partir, de voyager. Arrêter de calculer, si ce n’est les km pour un peu me structurer et puisqu’au fond c’est ainsi que je suis parrainé, je vais bien sûr continuer à les compter ! En m’efforçant de les conter pour rendre le tout plus beau.

Donc voilà, ce soir, après 5 jours de pédalage, me voici au col du Stelvio,  celui que j’appelle mon plus Beau.  Accompagné de mon Cargo chargé comme deux chameaux d’ici je te dit, et ce pour la dernière fois, adieu !

A dans deux ans!!!

Olivier Rochat

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Du Passo dello Stelvio, plus haute route d’Italie, la botte est à mes pieds!

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