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Sous le soleil de juin

Km 60’730, Tahla, Maroc.

Ce n’est pas un adieu, c’est juste un au revoir.

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Peu à peu, au rythme qui fut le mien depuis près de 4 années maintenant (ou plutôt « qu’est devenu le mien après… »), mon esprit se tourne inévitablement à ce qui pourrait s’apparenter à la partie la plus délicate d’un voyage au long cours: le retour.

Pourtant la fin de ce voyage à proprement parler me semble loin encore et cette fin là, ce moment si particulier où je retrouverai les  » miens » et poserai mon vélo et le mode de vie qui l’accompagne, autant socialement que matériellement, pour de bon, marquant inévitablement une fin, certes, mais avec elle le début d’autre chose, n’est pas encore d’actualité.

Non depuis quelques jours c’est autre chose qui m’occupe l’esprit : quitter l’Afrique.

Mais il est vrai que depuis mon arrivée au Maroc j’ai fait traîner la chose. À tel point que le Maroc est devenu, aujourd’hui, le premier pays africain dans lequel j’ai pédalé plus de 5’000 km. Il faut dire qu’entre déserts et montagnes le Maroc m’en a mis, constamment, plein la vue et plein les jambes. Et puis, avec une culture riche et intéressante, un peuple accueillant et un coût de la vie assez bas, j’ai bien profité de ce pays où je verrai, bientôt si tout va bien, mon dernier tampon africain orner mon passeport. Ce sera alors le 104ème.

Et dernière « preuve écrite », s’il en faut, de mes entrées et sorties de ces différents territoires africain si fascinant, à mes yeux, les uns que les autres. Fascinant comme l’est le monde.

Mais plus encore que par ces multiples intérêts, voir même sont fait d’être le dernier pays africain de mon voyage et au vu du contexte de son apparition dans ce périple, le Maroc fut avant tout une géniale transition. Transition entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe d’où je viens.

Une transition autant culturelle que climatique ou matérielle, puisqu’ici j’ai redécouvert la neige autant que l’avancée des saisons (de l’hiver à l’été dans mon cas) et le rallongement marqué des jours, j’ai officiellement quitté les trophiques mais aussi profité d’un développement matériel global difficilement comparable avec celui vécu sous les trophiques africaines et redécouvert une organisation sociale relativement proche de celles connues en Europe sans compter sur l’agriculture et l’architecture qui, en certaines régions, rappellent grandement celles du pourtour méditerranéen.

Il est vrai que les pays d’Afrique du nord ont la particularité d’avoir, à mes yeux, deux « facettes ». Geographiquement parlant, c’est indiscutable, ils sont en Afrique. Pourtant l’énorme Sahara, plus grand désert chaud au monde, à marqué durant des siècles une barrière difficilement franchissable entre l’Afrique du nord et le reste du continent. Ainsi les échanges commerciaux, par-exemple, furent largement supérieur entre Europe et Afrique du nord qu’entre Afrique du nord et subsaharienne, la méditerranée étant un obstacle bien moindre que ne peut l’être le Sahara. Le climat qui sévit entre le Sahara et la méditerranée est bien plus proche de l’Europe du sud que de l’Afrique subsaharienne. Il est fait de 4 saisons, les jours se rallongent et se raccourcissent et, en conséquence, la société s’organise différemment par rapport à ces changements. Et si c’est toujours en Afrique que je me trouve, depuis près de 100 jours et 5’000 kilomètres il est vrai que c’est une Afrique bien différente avec laquelle j’ai vécu et partagé.

Une Afrique magnifique aux multiples facettes. Mais en plongeant dans les petites vallées du moyen Atlas ma route virevolte entre lac et montagnes alors qu’une étouffante canicule, dès la fin de matinée, vient m’ecraser littéralement, me scotchant à la route à chacune des incessantes montées qu’offrent cette région du monde.

Entre forêt de cèdres et de pins, je trouve parfois mon réconfort dans une petite rivière se faufilant parmi les buissons fleurit dont le rose contraste avec le scintillement extrême de ce soleil de juin. Et, parfois, lorsque le timing est le bon, m’égare à l’ombre d’un café, profitant d’un jus de fruit maison devant un match du mondial.

Tranquillement mais sûrement, la méditerranée se rapproche. Seule quelques détours, toujours (il y a tant à voir et rencontrer) et la douceur de vivre me retienne encore un peu. Et sous le doux regard insistant des coquelicots qui contraste forcément avec la « douleur caniculaire » des ascensions, sans que je ne puisse rien y faire ni contrôler, mon esprit se tourne peu à peu vers une autre partie du monde: l’Europe.

Mais mon esprit, cet esprit qui vit là les derniers jours de cette « transition Afro-europeenne », s’habille sans cesse de multiples visage. De la mélancolie à la joie, de l’excitation à l’appréhension. De la fatigue à l’euphorie, du désir à la satiété. Un million de choses dont je n’ai trouvé mots dans aucune langue, aucune, afin de les décrire.

Car si voyager en Afrique fut un challenge à plus d’un titre, un challenge avant tout humain, mettre mots et phrases sur ce ressenti là est toujours un véritable casse-tête. Casse-tête comme je les aime. Trouver le mot juste et idéal, le placer au bon moment, écrire ce vaste bal, cet infini présent. Pondre quelque chose, un mot qui tombe et qui s’assoit là, qui devient rose qui marche au pas.

Qui s’efface puis se récrit. Qui m’agace comme on dit. Puis recommencer jusqu’au mot suivant, la prochaine phase. Pour, finalement, se satisfaire de cette phrase.

La poser sur le papier, la partager au « monde entier », que ces quelques mots, d’un peu, attendrissent ce départ: « Ce n’est pas un adieu. C’est juste un au revoir »…

Olivier Rochat