Le boueux millionaire

Km 48’610, Kankan, Guinée.

Déjà plus de deux semaines que je me traîne en Guinée. Deux semaines rendues difficiles premièrement par le mauvais état des routes en cette saison et, deuxièmement, par le paludisme et la fièvre typhoïde que j’ai conjointement attrapé. Aujourd’hui je suis sur pieds, soigné ET reposé, prêt à repartir. Mais avant cela voici un petit retour en images, ainsi qu’avec quelques mots, sur certaines des particularités rencontrée en Guinée : la beauté des paysages, l’accueil des locaux, le mauvais état des routes et…la monnaie locale, incroyablement faible.

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Déjà plus de deux semaines que je me traîne en Guinée.

La saison des pluies bat son plein

En me rendant en Guinée j’effectue une boucle. En effet mon visa guinéen est particulier puisqu’il m’autorise à voyager en Guinée jusqu’à fin novembre avec autant d’entrées/sorties que je le souhaite mais je n’ai pas le droit d’y rester plus de 30 jours consécutivement. Après quoi je dois sortir du pays pour y entrer à nouveau si je souhaite y rester plus longtemps.

La Guinée étant un pays qui m’intéresse grandement je décide d’y entrer par le sud-est, explorer l’est du pays, partir vers le sud au Libéria puis au Sierra-Leone, et enfin revenir par l’ouest et continuer sur la Guinée-Bissau.

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‘y découvre un terrain de montagnes et de collines qui se mélangent délicieusement avec forêts et savanes.

Dès mes premiers jours je pars vers le nord et Kankan, deuxième ville du pays. J’y découvre un terrain de montagnes et de collines qui se mélangent délicieusement avec forêts et savanes. Mais s’il est vrai que j’ai été ébloui par les paysages, ce ne sera pas sans mal que j’y arriverai.

En effet dès mes premiers jours en Guinée j’ai été étonné, sublimé parfois, par les paysages magnifiques, les petits villages aussi qui peuplent la région, fait de petites maisons de terre rondes au toit de paille surplombé d’une imposante mosquée, ainsi que par la gentillesse des locaux. Mais c’est également sur un terrain très mauvais que je vais m’aventurer.

Les petits villages qui peuplent la région, fait de petites maisons de terre rondes au toit de paille

Les petits villages qui peuplent la région, fait de petites maisons de terre rondes au toit de paille

Un terrain tantôt boueux ou caillouteux, avec une météo capricieuse mélangeant les fréquents orages aux périodes plus chaudes.

Un terrain tantôt boueux ou caillouteux, avec une météo capricieuse mélangeant les fréquents orages aux périodes plus chaudes.

Un terrain tantôt boueux ou caillouteux, avec une météo capricieuse mélangeant les fréquents orages aux périodes plus chaudes.

Heureusement dans cette Afrique rurale où je ne trouve que très peu d’électricité et quasiment jamais d’eau courante, je bénéficie de l’accueil des locaux, en particulier au soir lorsque je passe ma nuit dans les village. Presque instantanément, une fois arrivé, l’on m’apporte une chaise pour m’asseoir. On prépare de l’eau pour que je puisse me laver et bien souvent un très gros plat de riz accompagné de feuilles de manioc, de sauces arachides ou d’un morceau de viande parfois. S’ensuit d’intéressantes discussions avec les locaux, lorsque la langue le permet, avant de profiter d’une nuit de repos bien méritée.

Oui car de l'énergie il m'en faut pour affronter ce terrain jamais facile, très usant, où la nourriture que je trouve n'est pas

Oui car de l’énergie il m’en faut pour affronter ce terrain jamais facile, très usant

Oui car de l’énergie il m’en faut pour affronter ce terrain jamais facile, très usant, où la nourriture que je trouve n’est pas mauvaise mais toujours très répétitive.

C’est ainsi qu’au bout de plusieurs jours et centaines de kilomètres j’arrive enfin à Kankan.

Quelques photos de route

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La Guinée rurale

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On charge !

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Montages…

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Mon préféré, le Caméléon !

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Mon détesté, la boue!

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Pffff!

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On patauge comme on peut dans ces cas-là !

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Oh que j’aime la Guinée moi!

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Caméléon petit frère

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Guinée rurale bis!

Je suis millionnaire!

Le franc guinéen, en opposition au franc CFA

Si la Guinée reste un pays bon marché lorsqu’on y  voyage en utilisant les produits « locaux », l’utilisation de la monnaie reste  elle très…comment dire?particulière! En effet la Guinée est la seule ancienne colonie française d’Afrique de l’ouest à ne pas utiliser le franc CFA.

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l’utilisation de la monnaie reste elle très…coment dire? Particulière! En effet

Le franc CFA en deux mots

Créé en 1939, le Franc CFA est imposé par la France  à ses colonies. Ainsi la France, dirigée par le Général de Gaulle, renforce également le contrôle sur la monnaie des pays africains.
Son objectif ? Assurer que pour l’avenir les matières premières restent à la portée de tous, même durant les périodes de guerre.

En 1960, les pays africains colonisés par les Français obtiennent leur indépendance.
Et pour cela, ils ont dû combattre avec les forces armées françaises. Mais sans surprise le Franc CFA demeure la monnaie utilisée par ces pays. Très vite, les pays se divisent alors en deux grands groupes distincts :

– Bénin, Burkina Faso, Sénégal, Mali, Togo, Côte-d’Ivoire, Niger et Guinée-Bissau, soit 8 états d’Afrique de l’ouest qui se rassemble pour former l’UEMOA.

– Cameroun, Rébulique Centrafricaine, République du Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad, soit six états d’Afrique centrale qui se rassemble pour former la CEMAC.

Notons que d’autres pays africains utilisent une monnaie également connue sous le nom de franc, sans que celle-ci soit attachée directement à l’euro. Ce qui signifie que ces pays ne font pas partie de la zone franc.
Ces pays en question sont le Burundi, le Rwanda, le Djibouti, la République de Guinée ainsi que la République Démocratique du Congo qui utilisent actuellement le dollar.

Le Franc CFA, une monnaie de colon ?(!)

Pour pouvoir stabiliser les finances des pays qui utilisent le Franc CFA, trois règles ont été adoptées :

– le trésor public français assure la convertibilité des Francs CFA dans n’importe quelle devise
– le taux de parité qu’il y a entre le franc CFA dans la zone UEMOA et CEMAC est fixe ( 1€= 655,95FCFA)
– les transferts de capitaux dans la zone franc sont libres et gratuits

Par contre, 50 % des réserves du Franc CFA doivent être déposées sur des comptes du trésor public français (en 2005 cela représentait environ 76 000 000 000 euros de bénéfices pour la France).

Pour que la parité avec l’euro soit assurée, les pays de la zone Franc sont dans l’obligation de contrôler scrupuleusement la hausse des prix, à cause du déséquilibre.
Par conséquent, les banques d’Afrique, qui sont pourtant en surliquidité, sont obligées de limiter les prêts aux entreprises. Comme il y a moins de crédit, il y a donc moins d’investissements dans les pays.

En conséquence, il y a moins d’investissements, il y a moins d’infrastructures, donc le développement ne peux pas vraiment être au rendez-vous.

Une aubaine pour la France

Ce système profite grandement à la France étant donné que le libre échange des capitaux permet à toutes les entreprises étrangères d’investir sur place.
Dans la zone UEMOA les entreprises françaises détiennent 50 % des investissements étrangers. Comparée à la zone Euro où 60 % des échanges se font entre les pays membres. Il est donc clair que la zone franc se doit de booster le commerce entre les pays qui utilisent le CFA.
Mais la réalité est vraiment différente : les exportations de la zone UEMOA vers la zone CEMAC ne dépassent pas les 2 % et les exportations des pays de la zone CEMAC vers les zones de l’UEMOA ne dépassent pas les 3 %.

Cela signifie donc que les francs CFA CEMAC ne sont pas utilisables dans la zone UEMOA et les Francs CFA UEMOA ne sont pas utilisables dans la zone CEMAC.

Pour simplifier les choses : si un ressortissant sénégalais voyage au Cameroun, il n’aura pas la possibilité d’utiliser son argent même si les deux pays utilisent la même monnaie et que ces monnaies ont la même valeur.
Il sera donc obligé de convertir les Francs CFA UEMOA en euro pour convertir ensuite les euros en Franc CFA CEMAC.

Ahmed Sékou Touré

Plusieurs pays ont refusé l’assujettissement monétaire et ont essayé plusieurs fois d’en sortir, dont notamment Sylvanus Olimpio (Togo), Modibo Keita (Mali), Thomas Sankara (Burkina Faso) ou encore le général Khadafi qui cherchait à crée une monnaie panafricaine, ce qui aurait un effet catastrophique pour les occidentaux. Tous ont été tué avant de parvenir à leurs fins.

Le seul état qui a réussi à y sortir totalement est la République de Guinée.
Son premier président, Ahmed Sékou Touré, souhaitait être indépendant totalement, tant dans la politique que dans l’économie.
Mais cette action a froissé grandement le président français de l’époque, Charles de Gaulle.

Lors d’un discours, le président de la Guinée déclare : « Je préfère la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage », Charles de Gaulle ne tarda pas à y répondre : « L’indépendance est à la disposition de la Guinée ».

Deux mois plus tard, la Guinée obtient son indépendance totale.
La France fut humiliée par cette décision et retire tous les fonctionnaires et les crédits en cours dans ce pays, « bloquant » ainsi le développement économique de la Guinée. En conséquence la Guinée est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres et moins développé d’Afrique de l’ouest -et donc au monde-.

 Des liasses de billets pour pas grand chose

Aujourd’hui un euro vaut environ 10’000 francs guinéen contre 656 francs CFA. La plus haute coupure n’est « que » de 20’000 francs guinéen, ce qui équivaut à 2 euros. Ce qui veut dire que pour chaque achat que vous effectuez, vous vous retrouvez avec de nombreux billets de monnaie, parfois des dizaines suivant l’achat. De plus on n’utilise pas de pièce de monnaie en Guinée, le plus petit billet étant de 100 francs guinéen, soit environ 1 centimes d’euro.

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Pour chaque achat que vous effectuez, vous vous retrouvez avec de nombreux billets de monnaie

Ainsi je me retrouve parfois avec des liasses de billets pour de très petites sommes comme une fois où j’achète un Fanta à 7’000 francs guinéen (0.70 euro) en payant avec un billet de 10’000. Mon change est donc de 3’000 francs guinéen qu’on me rend en, tenez vous bien, 30 billets. 30 billets pour…30 centimes! Bienvenue en Guinée où, vous l’aurez compris, chaque centime compte!!!

Et puis si vous changez 100 euros en francs guinéen, vous serez millionaire. Je l’ai fait ce matin, je suis millionaire ce soir. Enfin si on veut… Ou plus vraiment. Le prix de mon auberge, la moins chère de la ville: 80’000 francs (8 euros). Celui d’un oeuf cuit, 1’500. Celui d’une main de bananes, 2’000 francs. Un thé simple, 1’500 francs. Et celui de mon visa? Près de 2 millions de francs guinéen. Ouïe!!! À ce rythme là, je ne serai pas millionnaire bien longtemps.

Les guinéens n’ont plus…

Un demi-million dans mon lit

Un demi-million dans mon lit

Olivier Rochat

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