Km 43’707, Dapaong, Togo.
Petits récits de mes dernières émotions au Togo, à l’entame du Burkina Faso en regardant encore une fois la finale de la Champions League.
Ecrit le 5 juin 2017:
Me voici depuis 4 jours à Dapaong, chef-lieu de la région des savanes à l’extrême nord du Togo. Me voici aux portes du Burkina Faso.
Sur la route de Dapaong on enregistrait un étouffant 44 degré à l’ombre (!) au plus chaud de l’après midi. Dès le soir les orages, absent depuis plus d’une semaine, venaient balayer les rues par des bourrasques de vent qui précédait de peu la pluie rafraîchissante et attendue.
La température descendait subitement, laissant place aux nuages le lendemain, parsemé de violents orages puis d’une douceur retrouvée.
Le football comme principale distraction:
Dans cette ambiance je retrouvais, le soir venu, un peu de l’une de mes principales « activités hors voyage « , ou divertissement : le football.
Au bord de la route principale, deux télés trônaient fièrement accompagné de quelques bancs où se massaient une foule passionnée. Bien vite les bancs étaient submergé, au devant s’asseillaient les plus jeunes et les réticents à rester debout car ils étaient nombreux, justement, à ne pas pouvoir s’asseoir.
Puis un homme armé d’une lampe torche bon marché, le responsable de la place, arène poussiéreuse, venait ramasser son dû. Soit 100 francs CFA (15 centimes d’euro) que chacun se devait de payer s’il désirait assister au spectacle attendu. Oui car ce soir on attendait le christ, plus encore que le messie, venu pour triompher. Que seul un vieil italien, gardien du temple, semblait pouvoir être en mesure de battre.
Les pronostics eux étaient clair et net, sans équivoque : la maison blanche gagnera. Le christ marquera 3 fois. Seul quelques résistant, supporter italien d’un soir, du messie le reste du temps, prêchait courageusement pour le gardien du temple.
La foule elle déjà se pressait dans cet espace réduit et la tension montait. L’attention aussi d’ailleurs.
En ce soir de ramadan même la religion semblait reléguée au second plan face a ce nouveau concurrent véhiculant quelques unes des belles valeurs de son époque tel la gloire et le succès, l’argent, la fête et l’arrogance à défaut de culture, de bon sens où de littérature, j’ai nommé le dieu football. Ce sport fascinant qui transforme des Hommes en demi-dieu alors que leur principal talent, parfois l’unique, se transmet par les pieds et d’une seule malice : celle de se rouler par terre.
Ce sport fascinant qui est peut-être le seul ici à concurrencer un peu la religion. Alimentant soudainement les discussions d’une arrogance certaine en donnant valeur à chacun, et ce quels qu’en soit son ignorance, en promouvant ce bel adage : j’ai raison les autres ont tort. Autrement dit lorsqu’un sport est pour une décennie réduit en deux joueurs, un peu comme l’est de nos jours la religion selon beaucoup.
Ce sport fascinant dont certains de ses Hommes devenu des dieux sont là preuve vivante, s’il en fallait une, qu’un « dieu » se peut d’être bête comme ses pieds. Représentant alors d’une manière censée et réfléchie l’humanité.
Mais passons car ce soir seul comptait passion. Le coup d’envoi était donné. Le ballon pouvait rouler et les regards le suivre. Le match était lancé et dès lors, pour plus de 90 minutes, le temps de s’arrêter.
Soudainement je redevenais ce gosse qui tapait dans un ballon, rêvait de gloire et de grandeur, portant le maillot de l’Irlande tantôt gardien puis attaquant.
Nous étions maintenant tous lié dans cette arène par la même passion, la même ferveur. J’en oubliais presque l’état de ce sport devenu roi. Ces valeurs puants le faux et l’illogisme primaire. Le ridicule moral de la situation. J’étais redevenu ce gosse qui tapait le cuire au pied des bois. J’en oubliais même, dans cette arène, ma couleur de peau et pour la première fois depuis quelques temps on ne me dévisageait plus, je n’étais plus « un blanc » mais un spectateur venu regarder. Se divertir. Et seul quelques Hommes semblaient un tant soit peu perturber la passion qu’apportait ce nouveau dieu à tout un peuple niché dans ce périmètre réduit. Quittant l’arène pour aller prier ils offraient leur place à l’un des mômes dont tous n’attendait que ça. Agglutiné derrière ce rideau qui fermait l’arène, ces derniers, trop pauvres pour y entrer, restaient patiemment dehors, guettant chaque sortie qui déplaçant le rideau au passage d’un homme , offrirait quelques secondes d’écran à l’enfant. Pour qu’enfin il puisse apprécier le spectacle tant attendu. Le retour du christ et bien vivant.
Ce christ qui aujourd’hui ne prêche pas par la parole mais par les pieds. Et qui est venu pour triompher.
Et le spectacle était au rendez vous ce soir. La maison blanche l’emporta, le viel italien fut vaincu 4 fois, le messie distancé dans cette course effrénée au graal doré qui déjà semblait promise au christ. Le ballon d’or. Le match le plus attendu de l’année, décrit comme le plus cher de l’histoire, un match à 1 milliard, avait donné son verdict qui ne surprenait personne. Pas un seul homme. Le christiano soulevait un nouveau trophée.
La coupe était levée, Madrid gardait triomphe et bientôt, chacun s’en retournait chez soi. Rapidement les dieux s’éteignaient en même que la TV, la vie reprenait même s’il est bon de dire qu’elle ne s’était jamais vraiment arrêtée. Le football quant à lui retrouvait sa place, plus humble et bienveillante, dans la société. Celle de ce poster accroché entre les deux taules qui font office de salon de coiffure. Celle d’avoir le nom de cette cafétéria « Nescafé Diego Forlan ». Celle d’alimenter débat, de transformer un champ poussière en stade, deux morceaux de bois en buts. De transmettre la joie et avec elle offrir aux jeunes d’ici un autre jeu que le bar: un peu d’espoir.
Puis je m’en retournais chez moi, gardant pour quelques instant encore l’âme du môme rêveur et passionné de grandeur qui ce soir m’avait retrouvé. Ce soir à Dapaong la logique humaine, les guerres qu’ont mènent, le réchauffement climatique, les complaintes fatiguantes, les droits des minorités, des animaux et celui de voter, les salaires trop bas, et bref, les problèmes de chacun s’étaient comme arrêté d’agir. Comme le temps qui, durant 90 minutes, nous avait à tous ici présent offert une seconde jeunesse. Sorte d’ivresse. Comme s’il avait reculé. Le temps. Nous offrant une fenêtre sur un autre monde, à la manière d’un film de science fiction que nous regardons sans trop se poser de questions -et heureusement. Car c’est un film. Oui ce n’était qu’un film.
Et parce qu’au lendemain déjà , dès 5 heures, les Hommes se lèveront, ils iront au champs.
Ici la vie se bat plus qu’elle ne se gagne. À la sueur du front.
Le Togo est maintenant derrière moi. »
Olivier Rochat