Km 31’081, Cap Agulhas, Afrique du Sud.
-Jour 604-
Il y a 20 mois, alors au col du Stelvio, le toit routier d’Italie, je m’écriais: La botte est à mes pieds! Quelques semaines plus tard, rejoignant Istanbul, c’est l’Europe que je laissais derrière moi. Aujourd’hui, me voici au pied de l’Afrique…
Olivier Rochat, le 10 mai 2016
De retour sur l’océan Indien
C’est le long de l’océan indien que j’ai terminé cette descente de l’Afrique (et de l’Afrique du Sud) et notamment le long de la Garden Road, une route réputée pour ces paysages. Malheureusement le mauvais temps m’aura un peu empêché d’en profiter pleinement. De plus, mon visa sud-africain touchant gentiment à sa fin, je n’aurai fait que passer dans cette belle région.
Après avoir remis mon vélo à neuf à East London, puis passé une journée de repos à Port Elizabeth, je termine enfin cette traversée, le long de cette fameuse Garden route, un peu fatigué et, malgré l’accueil, avec l’envie de changer d’ambiance…
le 4 mai 2016
« Sourire à peine forcé lorsque cet après midi j’ai passé mon premier panneau m’indiquant mon arrivée prochaine au Cap, tout au sud du continent africain.
Voici une bonne semaine que j’avance à très petit pas le long de l’océan indien, rejoint alors à East London.
Freiné tantôt par le vent de face constant, dépassant parfois les 50 km/h, tantôt par la pluie fraîche, les ennuis mécaniques, et cet accueil toujours si particulier.
Pourtant, malgré les innombrables invitations, l’Afrique du Sud me monte gentiment à la tête.
Le racisme est constant et la seule idée d’y échapper reste soit de voyager comme un touriste, soit de ne pas y prêter attention.
De blanc à nègre, de noir a blanc, et surtout, de noir à nègre, l’Afrique du Sud a un réel problème avec elle même. Tout ce qui n’est pas touristique est barricadé.
Les quartier de blancs sont probablement autant protégés qu’un quartier militaire, dans les villages de noirs on me regarde un peu comme un demi extraterrestre lorsque j’ai le culot de me présenter dans un bar.
On me demandera de payer une bière. Je dis non. Ensuite on me dira « welcome ». Tout se passera bien si ce n’est que j’en perdrai ma partie de billard, lamentablement. 7 boules a 2.
Au bar justement on trouve souvent… des barreaux. Histoire d’éviter les vols. pareil dans les magasins où on ne prend pas les produits à la main en les amenant a la caisse. On les commandes depuis l’entrée… tout les produits se trouvant derrière des barreaux, comme en cage derrière laquelle déambule le petit pakistanais, lorsqu’il n’est pas indien, qui t’amenera ta boîte de sardine et ton paquet de chips, lorsque ce n’est pas un paquet de biscuit.
Pour faire face aux petits commerçants barricadés, on trouve ces grands « mall », centres commerciaux aussi médiocre qu’inutile où déambule la couche moyenne, soit 90% d’obésité, a peine exagéré, qui font que le pauvre d’aujourd’hui est plus pauvre que celui d’hier. Aujourd’hui il a un pouvoir d’achat, un sac à main en peau de serpent et des envies irréalisable. Hier il avait une âme, des idées et le sourire qui va avec.
A la sortie du parking tu trouveras des « surveillants », illégaux eux aussi, parfois de mèche avec les voleurs de voitures nigerians.
« Le Nigeria est un pays d’enculé! ». Cette phrase combien de fois l’ai-je entendu?
J’attends toujours de rencontrer mon premier sud-africain qui y a foutu les pieds plutôt que les préjugé, moi, au Nigeria…
Avec plus de 18’000 meurtres par an, soit 50 par jour, ceci explique cela. Ma moyenne étant, jour de repos compris, de 51 km par jour il m’est difficile de me représenter qu’à chaque km que je pédale une personne se fait tuer en Afrique du Sud, à l’arme blanche, d’une arme à feu, de manière violente.
Avec plus de 20’000 morts par an sur la route également, il y a un réel problème ici.
Lorsqu’invite généreusement pour un petit déjeuner par un couple de retraité on me répond « are you kidding? » lorsque je leur explique avoir passé quelques nuits chez… des noirs, on me prend pour le dernier des fous. Hé oui j’ai déjà dormi avec des noirs… Parfois on me prend pour un dégénéré.
« That’s a miracle!!! » ajoutera la très gentille petite dame lorsqu’elle comprend que J’ai traversé 16 pays africain sans me faire flinguer, ni même voler, et que la seule fois que j’ai du me défendre avec les mains c’était… en Europe.
A croire que les negros sont pas intéressé par les cyclos. Ou alors que se sont les barreaux qui attirent les voleurs.
Ou alors les noirs africains sont eux aussi des êtres humains? Mmm…ont me traitra d’arrogance.
Ou alors je suis vraiment un miraculé. Mais après 599 jours de route (!!!), dont 520 en Afrique, j’ai du mal à y croire moi au miracles. Une fois je veux bien mais 520 fois…
Pourtant l’accueil m’a souvent été royal, plus particulièrement de la part des blancs. Hier j’ai passé ma journée a port Elizabeth invité au petit et normal déjeuner, une superbe balade l’après midi et au dîner le soir également. Enfin apprenant la mésaventure de mon ordi qui a rendu l’âme, une dame me donnera le sien pour presque rien…
Simplement ici j’ai l’impression que vivent plein de gens extraordinaires qui ensemble forment quelques choses d’un peu brutal, vraiment très loin de l’extra- ordinaire.
On ne vit pas ensemble ici. Et tout n’est pas la faute du noir qui a mal géré l’après apartheid.
Le problème, c’est évident, est plus profond.
J’en remercie bien sûr toutes les personnes, nombreuses, qui m’ont donné de leur temps, leur nourriture, leur maison, parfois leur argent, toujours leur conseil. Mais simplement on peut aimer ou ne pas aimer l’Afrique du Sud, pays magnifique au demeurant.
Seulement il m’est clair que le temps passé alors dans d’autres pays africain, de la campagne du Malawi aux montagnes du Rwanda, des moments inoubliables au Soudan au cailloux d’Éthiopie sans oublier le superbe Ouganda et les pistes sableuse du Kenya ou celles de Namibie, et que dire des cols du Lesotho, oui ce tout ça qui est derrière moi, c’est bien ça qui restera lorsque j’atteindrai, tout bientôt, le Cap.
Et c’est ça que j’attendrai, si je dois n’avoir qu’une attente, lorsque je remontrai sur le nord et surtout sur l’Afrique de l’ouest.
Sourire a peine force lorsque cet après midi j’ai passé mon tout premier panneau m’indiquant mon arrivée prochaine au Cap, tout au sud du continent africain.
Sourire quand même…
En entrant dans la province de Western Cape
le 6 mai 2016
« Vent de dos, c’est sous la pluie, le brouillard, que hier je suis rentré dans la province de Western Cape.
Me voici gentiment mais sûrement tout au bout de cette traversée nord-sud en zig-zag du continent africain. Le Cap Agulhas, point le plus au sud du continent marquant la frontière entre les océans indien et atlantique, n’est plus qu’à 360 km de routes.
Un détail si l’on considère qu’Alexandrie est maintenant quasiment 25’000 km derrière moi.
L’idée de rejoindre enfin le Cap est plutôt excitante et après plus de 17 mois en Afrique j’en ai le besoin de changer de direction, remonter vers le nord, l’Afrique de l’Ouest.
Hier c’est les petits cols de bord de mers de Grootrivier et Bloukrans qui ont consitué probablement là mes derniers cols avant le Cap alors qu’une nouvelle fois j’aurai été invité, dans une ferme, pour passer la nuit.
la beauté du lieu et cette route que l’on m’a décrit comme l’une des plus belle d’Afrique
Malgré la beauté du lieu et cette route que l’on m’a décrit comme l’une des plus belle d’Afrique, la Garden Road, je ne m’attarde guère. Le vent cette fois me pousse…
L’accueil est toujours agréabée mais je n’en retire que l’envie de passer mon chemin de ces derniers kilomètres, un peu attiré par la date de fin de mon visa. Il me reste 11 jours alors que la frontière la plus proche est à 1’400 km.
L’idée de revenir en Namibie, une troisième fois, ne me gène guerre, au contraire, aussi je profite comme il se doit de ces derniers kilomètres. Bien aidé par le vent, mes écouteurs et cette Afrique que je laisse derrière moi mais qu’ici n’est que souvenir.
Dans ce pays si particulier qu’est l’Afrique du Sud, à la fois proche du mien, de la culture qu’y ma vu grandir, et pourtant si loin, se termine gentiment un voyage que j’ai entamé il ya une dizaine d’année. Mélange de rêve, de peur et d’évasion. Un voyage que sans savoir pourquoi, je me devais d’accomplir.
Aujourd’hui je suis presque triste que tout cela se termine bientôt.
Mais heureusement heureux de bientôt en entamer un autre de voyage, la remontée vers le Nord.
Et d’ici quelques km seulement changer de destination: on rentre à la maison…
Enfin presque… »
Le dernier jour
On m’avait beaucoup parlé de la Garden Route mais pourtant c’est à la sortie de cette dernière que j’aurai, d’une certaine manière, retrouvé mon chemin.
En quittant cette route bondée de traffic, la N2, c’est sur les pistes que je m’élance, à travers champs. Une bonne manière de se retrouver, empruntant notamment le dernier bac à traille d’Afrique qui permet de traverser la rivière Breede et d’entrer dans le village de Malgas.
Sur les pistes de la région, très vallonée, je découvre toujours une belle nature mais si souvent entourée de fils barbelé comme dans presque l’entier de mes kms en Afrique du Sud. Heureusement depuis mon entrée dans la province de western cape je découvre des maisons « moins barricadées » et profite un peu d’une région qui m’a l’air moins paranoïaque que le reste de l’Afrique du Sud.
Finalement, le 10 mai 2016, je rejoins enfin le Cap Agulhas, au sud, tout au sud, du continent africain:
C’est avec 8 mois de « retard » et 14’000 de plus que mes prévisions initiales que j’ai rejoint le Cap Agulhas, le point le plus au sud du continet africain, frontière de deux océans, l’Atlantique et l’Indien.
C’est un bon sentiment, à la fois fort et magnifique, que d’avoir traversé, une première fois, l’Afrique à vélo. C’était un rêve et il m’est important de remercier tout ceux qui d’une manière ou d’une autre on contribué à celà, plus particulièrement ceux qui ont été sur ma route et l’ont rendu plus belle ou plus facile. Que ce soit autour d’un repas, avec un lit qui m’a été offert tant de fois ou simplement partager un thé, je ne peux que leur dire merci pour cela, pour avoir rendu mon parcours de Lausanne à l’Afrique du Sud encore plus beau dans les beaux moments, plus doux dans les moments difficiles.
Durant cette traversée africaine, j’ai traversé 25 pays dont 16 en Afrique, pédalé plus de 31’000 km dont plus de 25’000 en Afrique et passé plus de 1’800 heures sur mon vélo mais ce que je garde, aujourd’hui, c’est les gens rencontrés le long de la route.
Et de la motivation, plus que jamais, pour remonter à la maison… par l’autre côté de l’Afrique!