Km 18’943, Chizumulu, Malaŵi.
-Temps du repos 2-
Voici 5 jours que j’ai quitté Cargo. Sans mon vélo j’ai pris un bateau, le Ilala, afin de rejoindre la petite île de Chizumulu où je me trouve actuellement. Je profite de me reposer et de prendre de belles photos. Ce matin j’ai écris un peu et qu’à l’instant je m’isole sur la colline de l’île, l’un des seuls endroits où la connexion y passe, pour le partager:
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Ce matin c’est avec le doux chant des vagues du lac Malawi que je prends mon envol. Enfin d’envol cycliste il n’y a pas. En effet mon vélo est resté sur le « continent », loin de cette douce accalmie qui m’accompagne depuis 4 jours. Oui ce matin c’est mon 4ème réveil sur l’île de Chizumulu et les couleurs vivent du lever de soleil que je viens d’apercevoir, survolant les montagnes du Mozambique et l’île malawite (ou malawienne, les deux sont possibles) de Likoma, ne vont que contribuer à profiter de cette escale hors du temps...
En effet ici à Chizumulu, une île de 3000 habitants pour3 km de long et 1km de large au maximum (mais tel un bypass elle se resserre à 100 mètres au centre lui offrant une forme unique), on vit autrement, encore plus simplement. On vit avec ce qu’on a c’est à dire pas grand chose si ce n’est du poisson qui se fait rare en cette saison. Oui ici c’est l’hiver mais j’ai bien du mal à m’en apercevoir, il fait tellement bon! Mais mis à part le poisson qui lui est exporté, tout le reste est importé ce qui offre une « croisière » romantique aux voyageurs désireux de s’y aventurer.
En effet seul le Chambo et le Ilala relie régulièrement cette île au reste du monde. Mais 2 bateaux par semaine ce n’est pas de trop ainsi le romantisme, disais-je, est de mise vu que tout ce qui est importé pour les insulaires passent par ces 2 bateaux et majoritairement le Ilala, plus gros et bon marché que le Chambo.
« Moi c’est à bord du Ilala que j’ai eu droit, malgré ma solitude, à mon moment de romantisme. Mais quel romantisme! »
J’étais monté dans ce mythique bateau de 70 ans le matin déjà au port isolé de Usisya. La traversée jusqu’à Nkhata Bay avait été belle et tranquille, avec de sauvages vues sur les montagnes côtières du nord du lac Malawi et les splendides petits villages isolé qui en résultent, mais la deuxième partie a navigué entre le romantisme africain, le leur, et la curiosité européenne, la mienne, en permanence.
Petit a petit le bateau s’est rempli durant les 6 heures d’attentes a Nkhata Bay. Matelas, sac de maïs, bananes, tomates, pains… il y en avait partout, pour tout les goûts et à tel point que les gens ne pouvaient plus s’asseoir sur les sièges donc moi non plus car j’avais payé en « classe économique », soit la plus cheap (les 1ères classes sont sur le pont supérieur moins chargé et les « cabines » ont une cabine).
Dans un premier temps j’ai trouvé une place tranquille entre les cuisines et les toilettes… mais lorsque le bateau est parti la tranquillité était probablement quelque part mais sûrement pas à bord du Ilala! Le pont inférieur réservé aux classes économiques était bondé et à ma droite se trouvaient quelques hommes qui comme moi étaient assis contre le mur. En face de moi deux militaires se partageaient leur pitance debout alors qu’un homme (un civil rassurez-vous) dormait par terre. A ma droite une femme tenait sa petite fille dans les bras -plus tard j’appris que l’homme a ma gauche était son mari-. La femme, assise sur une sorte de caisse, de par son recroquevillement m’empêchait de trouver une position acceptable alors que la tête de son jeune bébé reposait sur mes cuisses. Cela dit au moins ce petit bébé ne pleurait pas, et j’avais meilleur temps de rester calme car quand un bébé pleure bien souvent son copain d’en face se met à pleurer avec lui.
Dans un pays ou une femme à en moyenne plus de 6 enfants (soit 4 X plus qu’en Suisse! Et oui si la population du Malawi a quintuplé en 50 ans et doublé en moins de 20 ans soit 17 millions en 2015 contre 3, 75 en 1964 du temps de l’indépendance et 9-10 millions a la fin du siècle dernier, ce n’est pas a cause de l’immigration ) je ne pouvais pas m’attendre à une croisière entre adultes. Cela dit après une demie heure de pleure en coeur le calme était enfin retombé et seul deux poulets injustement amené là continuaient de caqueter sans discontinuer. Les chèvres quant à elles avaient suffisamment de places pour se taire. La croisière devenait plus agréable (mais perdait de son romantisme… quoique l’odeur de transpiration avait elle aussi son lot de romantisme).
Malheureusement placé sur le chemin des toilettes toutes les 2-3 minutes il me fallait faire en sorte de laisser ceux qui en avaient besoin la rejoindre sans trop me faire marcher dessus non plus.
Un peu de compagnie pour me sentir moins seul au milieu de tout ce monde
Mais malgré ma persévérante attitude la chaleur étouffante de cet endroit situé au fond du bateau à finalement eu raison de moi et c’est accroupis sur un sac de maïs et rafraîchi par une ouverture sur le lac que j’ai trouvé mon bonheur, partageant du riz et des beans avec Horace, venu de Lilongwe (la capitale du Malawi) pour voir ses grands parents qui habitent Likoma, l’île voisine et plus importante que celle de Chizumulu.
Oui ce fut une belle expérience que de partager quelques heures de ma nuit (le bateau quitte ilala aux alentours des 20 heures), un repas, quelques photos et notre vécu à chacun ainsi qu’un nouveau cours de Chichewa (toujours un cour de chichewa) avec ce jeune homme qui arrive à la fin de ces études avec une seule certitude: ça ne l’aidera pas à trouver du travail! Et pleins d’idées de « business » qui le travaille.
Finalement le bateau est arrivé en bordure de Chizumulu où j’ai pu saluer Horace une dernière fois et le laisser continuer à bord du Ilala en direction de Likoma avec la majorité du bateau. Il était 0h30… et là encore la sortie du bateau fut romantique! Mais quel bordel!
En fait il y avait tellement de bordel, matelas, cartons, mais etc.. devant la porte qu’il a fallu 15 minutes rien que pour la dégager. Ensuite il a fallu rejoindre le petit canot à moteur qui permet de ramener tout le monde aux ports (en fait Nkhata bay est le seul port à ma connaissance où l’on peut monter et descendre du bateau à pied sans utiliser ces canots à moteur. Je crois qu’à Monkey Bay c’est également possible). Là encore le canot fut surchargé mais a 1 heures du matin j’ai enfin pu mettre les pieds a terre.
Nick
Il est une heure du matin. Autour de moi se trouvent une centaine de personnes les pieds dans l’eau venues accueillir -et décharger- les deux canots a moteur qui quitte le Ilala remplis de monde et de matériel en tout genre. J’observe alors les 2 petits bateaux repartir en direction du Ilala, se charger de sac de maïs, et revenir. Ils le feront pendant près de 3 heures de temps avant de repartir, avec beaucoup de retard et presque à la lueur du jour naissant, en direction de Likoma.
Moi c’est chez Nick que je me dirige, a quelques centaines de mètres a peine du port. Nick est le seul blanc qui vit -et n’a jamais vécu autant de temps- sur l’île de Chizumulu. Venu d’Angleterre a l’époque du dictateur ubuesque Hastings Kamuzu Banda, il s’est installé au Malawi et à ouvert une lodge sur l’île de Chizumulu. Et malgré les nombreux obstacles, et ils sont nombreux, après 21 ans Nick est toujours là, près a accueillir les voyageurs et autres curieux venu découvrir la petite île de Chizumulu. Plongée, pêches, baignade, repos ou plus simplement ballades et photos comme j’aime à faire, l’île de Chizumulu est aussi belle que sympathique sont ses habitants et si les journées sont faites de rencontres agréables -et cours de Chichewa- de baignades et ballades, les soirées a écouter les récits parfois nostalgiques -mais toujours énergiques- de Nick valent eux aussi le détour.
Venu à une époque où parler à un blanc pouvait mener -et menait- un malawite en prison, porter un pantalon patte d’éléphant (je sais pas comment dire mais ces trucs hippies) était interdit tout autant qu’avoir les cheveux longs pour un homme ou porter un pantalon ou un short pour une femme, Nick a de quoi raconter et raconte en conséquence lorsque la discussion s’engage. Mais si les temps ont bien changé ils n’en sont pas plus facile pour autant et le Malawi -enfin ses habitants- a gagné et gagne toujours en pauvreté… et Nick en taxe et autre corruption.
Le président actuel, Peter Mutharika, n’est certainement pas plus constructif pour le Malawi que l’était ce vieux dictateur qui s’il tuait ses opposants de manière anti-démocratique nourrissait son peuple, lui. Ici les questions sont autres que les nôtres et si aujourd’hui les gens ont le droit de voter a quoi bon puisque ces votations ne sont pas prises en comptes quant a ses opposant ils sont toujours tués lorsqu’ils ne sont pas chassés (par-exemple Joyce banda, l’ancienne présidente du Malawi a dû s’exiler au USA pour rester en vie).
Mais Nick était là, a une heure du matin, a attendre sagement de savoir si un ou plusieurs blancs sortiraient du romantique Ilala. C’est donc accueilli avec surprise que j’ai planté ma tente au Wakwenda Retreat Backpackers sur l’une des belles plages de Chizumulu, accompagné de deux jeunes sympathique backpackers japonais venu apporter un charme certain a l’île de Chizumulu qui en a déjà tout plein.
Pourtant Nick restera longtemps tout comme je reste un peu car vivre au Malawi c’est aussi un « lifestyle ». En fait c’est vivre quoi… ici je ressens la même chose que chez Johnny Balloon a Mzuzu, Dany a Usisya, Gérard a Nkhata Bay ou chez « Oak » au Lukwe (Livongstonia), tous venu d’Europe pour vivre ici et non pas s’enrichir. Tous généreux dans leur manière de vivre, et honnête dans leurs paroles. Et surtout proches des gens. Et le goût de reviens y vécu déjà plusieurs fois au nord du Malawi continue son emprise sur moi. Ici je suis touriste et blancs qui plus est mais je ne le ressens pas.
A la découverte de Chizumulu
Ainsi je passe cette semaine a la découverte de cette île de 3 km de longs. J’y découvre alors les belles plages entourées de baobabs impressionnant et la petite montagne de l’île qui en son point culminant culmine a un peu plus de 140 mètres au dessus du niveau du lac, offrant quelques belles vues sur le sud de l’île, les côtes du Mozambique ainsi que l’autre îles malawite, plus importante et touristiques, celle de Likoma.
A la recherche des lézards souvent trop vif pour en prendre des belles photos, voir des crocos, d’un nouveau couché ou lever de soleil, je découvre l’île et ses habitants, peu à peu.
Je découvre le rigolo Fighton qui tient le seul restaurant de l’île, mais aussi de nombreuses personnes venues du continent dans l’espoir d’acheter du poissons et de le revendre à Nkhata Bay jusqu’à 10 fois son prix d’ici.
Rapidement je suis catalogué comme le blanc qui parle Chichewa. Les gamins s’écrient « give pictures give pictures » et les ballades sont entrecoupées de défilé où les gamins posent et reposent et en redemandent en permanence, sans jamais tomber dans le « trop » plein, gardant respect et sourire.
Puis William qui travaille pour Nick m’invite à la pêche avec ses fils alors qu’il m’assurera, ma t’il dit, le transfert jusqu’à Likoma en voilier!
D’ici là je reste encore un peu sur l’île de Chizumulu profiter un maximum de cette magnifique escale hors du temps. Cette après midi on m’invite au football alors je ne peux qu’accepter contrairement à hier ou l’on ma proposé une soirée « inoubliable » dans le seul bar de l’île, le Bagdadi, qui en plus de vendre de l’alcool accueil 7 Princess venue de Lilongwe réchauffer le coeur des hommes solitaires égaré sur l’île de Chizumulu. Préférant égarer ma poésie au coucher de soleil plus saint qu’à ce qui devait être un coucher très seins, j’ai néanmoins pu constater encore une fois et avec bonheur et poésie qu’un homme, à Chizumulu ou Istanbul, Lausanne ou Bahir dar, une fois qu’il a mangé, se pose toujours la même(s) « question(s) ».
Mais ce matin je me réveille seul car persuadé que le choix lui appartient… malgré ce que semblent prétendre certains.
Et si ma nuit fut « oubliable », je continue mon chemin. Loin de cargo, des cols et des kms que je retrouverai dans un avenir prochain.