De jante et d’adieu, l’AVENTURE continue

Km 15’296, Nzega, Tanzanie.

L’AVENTURE en grandes lettres et grands maux continue en Tanzanie. Pour commencer la pluie qui fait son retour avec un orage, terrible, violent, à déverser des torrents sous nos tentes en moins de 5 minutes. Puis cette jante, la mienne, qui trop affaiblie depuis le Soudan et de fréquents voiles, finit par céder. Enfin Stephan continue son chemin sur le sud alors que je m’en vais sur le Kilimandjaro, seul à nouveau. J’espérais des beaux paysages pour traverser la Tanzanie, ça l’est. Mais j’espérais également quelques jours sans heurts, ni trous ni bosses, il n’en fut rien…

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Malgré tout, l’AVENTURE continue (photo Stephan Seidel)

 

 

Retour de la pluie, et « pas qu’un peu »

Quelques kilomètres seulement après avoir pédalé mon 15’000ème kilomètre nous trouvons un endroit calme pour passer notre première nuit sauvage en Tanzanie. Pas difficile. Contrairement au Rwanda ou encore à l’Ouganda, la Tanzanie compte beaucoup moins d’habitants proportionnellement à sa taille et par conséquent trouver un endroit pour dormir sous tente est beaucoup plus facile. A la sortie d’un petit village, la nuit tombante, nous nous engageons donc à travers une petite forêt, à quelques centaines de mètres de la route. En effet l’endroit est propre, tranquille et plutôt sympa. Voici plusieurs nuits qu’il ne pleut plus et même si le ciel est gris nous plantons notre tente sereinement.

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nous plantons notre tente sereinement.

Des pâtes-sauces tomates ainsi qu’une superbe salade de fruits ananas-banane-orange sont au menu et c’est tranquillement que nous « cuisinons » tout ceci, parlant de tout et de rien, du pays qui nous plaît ma fois plutôt bien, de la famille qui nous manque et des festivals qui doivent bientôt commencer. Quand soudain…

Sans crier gare le vent se lève, les tentes, presque, s’élévent… Ouh là, que se passe-t’il? On se regarde, ça va se calmer. En effet le vent se calme. Puis vient la première goutte, une deuxième… puis le déluge! D’un coup de véritables trombes d’eau nous tombent dessus et nous avons juste le temps de foncer dans nos tentes en emportant ce qui doit l’être. En quelques minutes la pluie ruisselle sous ma tente alors que Stephan est déjà trempe… La casserole de 2 litres que j’utilise pour cuisiner est remplie d’eau en quelques minutes à peine et la pluie continue de tomber ainsi une bonne trentaine de minutes avant, enfin, de gentiment diminuer.

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Au petit matin le réveil est difficile

Au petit matin le réveil est difficile mais finalement ma tente aura, pour une fois, tenu le choc contrairement à celle de Stephan qui, pour une fois, à pris l’eau. Mais nos tentes sont également remplies de terres et de boues sur les côtés et la bâche de sol. Le jour est aux lavages, heureusement le soleil est de retour.

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Le jour est aux lavages, heureusement le soleil est de retour.

Premiers ennuis mécaniques

Après une matinée de lavages et séchages nous continuons enfin, presque serein et à peu près propre. Là, Stephan casse deux rayons et je constate au même moment qu’un boulon de mon porte bagage à céder… Bref, la journée s’annonce longue…

Nous reprenons la route après avoir réparé. De longues plaines, de temps en temps une forêt, des gros camions nous frôlant, un vent de face plutôt gènant. Malgré le retour du plat la route n’est pas facile. Puis vient une première crevaison pour moi. Rien de grave jusque là.

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De longues plaines, de temps en temps une forêt, des gros camions nous frôlant, un vent de face plutôt gènant.

Au soir nouveau bivouac sauvage. Un joli endroit à l’orée des bois et cette fois la pluie ne vient pas. Mais le sol est un poil humide et les moustiques, en cette saison des pluies qui touche à sa fin, ne se font pas prier… pour nous bouffer. Et au petit matin, me réveillant avec un gros rhume, je constate que mon pneu avant est lui aussi crevé… Décidément…

 

Ma roue a fait crac? Je m’arrête…

Finalement la journée, très ensoleillée, ne se passe pas trop mal malgré le vent qui cette fois est plus violent et ne nous aide pas vraiment, c’est le moins que l’on puisse dire. Le terrain quand à lui est toujours de plus en plus plat. Nous apercevons quelques villages de temps en temps, la population n’étant pas grande. Les gens y sont toujours aussi souriants mais se faire comprendre est plutôt difficile. Sur la route peu de voitures mais de nombreux camions faisant le trajet Rwanda-Dar es Salaam nous  rendent le trajet pas toujours très agréable.

C’est à une vingtaine de kilomètres de notre première ville en Tanzanie, Kahama, (plus de 400 km après notre entrée dans le pays) que soudain: Crac! Ma roue a fait crac? Je m’arrête… un rayon cassé, le 4ème depuis Kampala (Ouganda). Bon on s’arrête et c’est parti pour un petit moment de mécanique. J’enlève ma roue, dégonfle le pneu, sort le rayon et lorsque je m’apprête à remettre mon nouveau rayon en place je m’aperçois… que ma jante est fissurée. Sur tout le pourtour de la roue on peut apercevoir une grande « cicatrice » inquiétante.  Cette fois il est définitivement temps de changer de jante sans plus attendre.

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Sur tout le pourtour de la roue on peut apercevoir une grande « cicatrice » inquiétante (photo Stephan Seidel)

Heureusement Kahama n’est plus très loin (25 km) et bien que fissurée ma jante me ménera sans dommage (mais avec une nouvelle crevaison!) jusque là où pour 15 US Dollars je peux remplacer ma jante par une nouvelle jante locale. Bien que peu solide cela devra faire l’affaire pour rejoindre Dar es Salaam (1300 km environs) où je pourrai bénéficier de matériel de meilleur qualité.

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pour 15 US Dollars je peux remplacer ma jante par une nouvelle jante locale.

C’est donc en quelques heures à peine que l’opération est faite que nous continuons notre route, cette fois plus tranquillement, sans crevaisons ni ennuis mécaniques pour la première fois depuis (trop) longtemps. Mais Nzega, une petite ville à 110 km à l’et de Kahama, marque notre point de séparation.Stephan continue donc sur le sud et la ville de Tabora alors que je continue sur l’est…

 

Dernier adieu

 

Après 15 jours et plus de 1000 km à pédaler avec Stephan entre le Rwanda et la Tanzanie, nos routes se séparent. Stephan continue sur le sud alors que je m’embarque sur l’est de la Tanzanie.

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Stephan continue sur le sud alors que je m’embarque sur l’est de la Tanzanie.

En regardant Stephan partir je retrouve peut être mes textes, ma liberté, mes peurs et mes envies, mon rêve et ma folie. Mais je perds aussi une sécurité et avant tout, un ami.

Certes pas de ceux, de ces quelques uns parfois qu’un, qui sont là depuis toujours et probablement pour toujours. Mais un ami de la route tout de même.

J’ai commencé à pedaler dans les alpes en avril 2006. Aujourd’hui j’ai plus de 100’000 km (cent mille) au compteur soit quelques milliers d’heures. Sur le chemin de l’école puis du travail, d’une Princess puis à l’assaut des Alpes et les centaines de cols que j’y ai découvert, de la côte d’azur à la Slovénie, en passant par les Pyrénées et le Jura, j’ai pédaler seul, à quelques (trop) rares exceptions près.

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j’ai toujours pédalé seul, à quelques (trop) rares exceptions près (photo Stephan Seidel)

 

Ces deux semaines passées avec Stephan furent donc une grande première pour moi. Apprendre à freiner lorsque l’autre est en galère tout en ayant la joie d’être accompagné lorsque c’est moi qui galère. Parfois, certes, ne pas m’emballer face à mes émotions, rester humble et tant pis. Et le soir avoir à qui parler, quelqu’un avec qui manger, partager un repas pour une fois sans mendicité.

 

Voilà bientôt 250 jours que je suis sur la route et autant dire que ces 15 jours avec Stephan ne furent pas de trop. Mais nous voici déjà à la mi-Mai, les jours défilent, et me voici sur la route à nouveau, avec cette nouvelle jante local qui ma fois fera le coup et j’en prie tiendra le coup. Me voici seul à nouveau par choix surtout. Une embrassade et Stephan est déjà loin. GOD BLESS YOU. Stephan n’est plus là.
Mais pas le temps de rien du tout déjà il faut penser à trouver pour coucher, pour manger. En 30 secondes Stephan a disparu, vaincu par le temps et par les rêves d’un chacun.

Demeure le souvenir et pour longtemps, pour toujours probablement.

Alors ce soir j’ai retrouvé mes textes et je me comprends, ma liberté je la ressens, ainsi que mes peurs et mes envies, mon rêve et ma folie.

Mais c’est le sourire aux lèvres que je m’arrête après quelques misérables kilomètres. A trois pour une photo. Trois tanzaniens qui pour la première fois probablement ont tenu un appareil photo dans leur main, le mien! Au bout de cinq minutes ils en ressortiront une photo, de moi. L’horizon de traviole mais le sourire omniprésent. L’instant est magique, au fond banal mais pour moi vital. Car rien n’est facile en Afrique. Tout demande du temps, la logique n’est pas la même que les chez les blancs, l’Afrique est épuisante. Parfois tellement énervante… mais ici si souriante.

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rois tanzaniens qui pour la première fois probablement ont tenu un appareil photo dans leur main, le mien!

Et par ces sourires, ceux de ces 3 jeunes tanzaniens recrutés pour une photo et combler ma certaine pauvreté, je continue. Le soleil se couche. La nuit tombe. Je m’enfile dans un champ. Plante ma tente. Il fait nuit.
Pas envie de cuisiner. Un concombre, des tomates et du pain ma fois pas trop mauvais. Un simple souper. Et du chocolat pour une fois.
Et déjà il est temps de coucher. Bouffer par ces putains de con de moustique, ziiiiiiip, ma tente est fermée. La musique résonne au loin dans le village voisin. Demain est déjà presque hier, le temps file de plus en plus et les boules qui vont avec…

Mais ce soir il manque une tente à côté de moi

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il manque une tente à côté de moi

Pour suivre Stephan sur son blog cliquez sur le lien suivant: le blog de Stephan

Olivier Rochat

Une réflexion au sujet de « De jante et d’adieu, l’AVENTURE continue »

  1. Hannelore avec Micha

    nous te suivons étape par étape, Micha, rayon par rayon, mais il compatit, et moi je t’admire,

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