Une journée dans la Jungle

Km 34’473, Komono, Congo-Brazzaville.

La jungle. La forêt équatoriale, celle du bassin du Congo, deuxième massif forestier du monde après la forêt amazonienne.

La vie, partout. Le parfait opposé du désert, du Sahara d’avant-hier. Ou du Namib d’hier. Si dans les déserts l’horizon est lointain, parfois infini, plongeant, effrayant si la solitude vous effraie, dans une forêt tropicale c’est différent. L’horizon s’arrête à quelques mètres d’ou part la vue. Les arbres s’entrelacent, impossible, ou presque, de les traverser. En s’enfonçant dans la forêt, même le ciel est difficile à appercevoir. 

Les bruits sont parfois fréquents, généralement de par les oiseaux. Un singe, une antilope. Pourtant il est très difficile d’apercevoir les animaux. Seul les bruits, finalement, sont perceptibles (depuis la route). La forêt est partout mais difficilement pénétrable, elle garde ses mystères et sa magie avec elle, à l’intérieur. Dans son intimité comme une jolie femme, élégante et pleine de vie, qui va voir un homme se retourner sur son passage. D’un sifflement, vulgaire, ce dernier verra ce rêve ephémère passer son chemin. Gardant son intimité, son mystère et ses réelles beauté avec lui. Avec elle. Mais le peu qu’elle me laisse aperecevoir, la forêt me laisse l’apprécier pleinement. Comme le sait si bien le faire la nature. La nature, désert ou forêt, sait se comporter.

Ce qui n’est que très rarement réciproque.

Mais n’exagérons rien. Restons simple. Voici quelques photos,  dont certaines sont prises par Pedro, mon nouveau compagnon de route.

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Une journée dans la Jungle (photo prise par Pedro)

Une journée dans la Jungle, sur les pistes, la poussière, les ponts de rivières.

La journée débute. Nous quittons Mossendjo et surtout, la route principale. En effet cette dernière traverse une rivière, mais il n’y a pas de pont. Il faut donc emprunter un bateau. Mais l’histoire est bien connue. Au milieu de la rivière le bateau s’arrête et on vous demande de payer.

Pour éviter de se prendre la tête avec des cons (pas d’autres mots), nous contournons cette section sur une route de 20 km plus longue mais qui va traverser cette rivière plus au nord et sur un pont. En quittant l’itinéraire rapide nous nous enfençons (un peu) dans la forêt, sur une route plus isolée, plus tranquille. Et plus difficile.

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8 km de route et ça pousse déjà pour Pedro.

Si la route s’améliore un peu, les collines s’enchaînent incessament. Il ne pleut pas se matin mais il règne une certaine humidité. Les collines nous valent de bon moments de transpiration. De jolies vues également.

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Les collines nous valent de bon moments de transpiration. De jolies vues également. (photo prise par Pedro)

Et ainsi de suite.

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Et ainsi de suite.

 

C’est donc sur un pont que nous traversons la rivière.

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C’est donc sur un pont que nous traversons la rivière.

La rivière est très belle. Sauvage. Nous n’appercevrons d’animaux ici, mais nul doute qu’en s’enfonçant sur plusieurs kilomètres dans la forêt sur une pirogue, nous en apercevrions.

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La rivière est très belle. Sauvage.

On essaie?

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On essaie?

L’après-midi le soleil revient. La piste est bosselée mais roulable. Le traffic est très faible. De temps à autre, un camion, généralement chargé de bois, passe. Jet de poussière garanti.

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de temps à autre, un camion, généralement chargé de bois, passe. Jet de poussière garanti.

 

Les collines continuent. Nous sommes maintenant en pleine forêt, parfois les arbres recouvrent brièvement la route. La route est toujours aussi poussièreuse, colorant littéralement les arbres et buissons en bord de route. Sur plusieurs mètres de hauteur.

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La route est toujours aussi poussièreuse, colorant littéralement les arbres et buissons en bord de route.

A part des oiseaux et insectes, pas d’animaux à observer. A si, un serpent. Mort. Peut-être heureusement. Quelques habitants de la région me diront que c’est un mamba, l’un des serpents les plus venimeux ET agressifs d’Afrique. A ma connaissance il aurait fallu ouvrir sa gueule pour le savoir assurément. L’intérieur de sa bouche est noir, ce qui donne son nom au fameux « black mamba », dont la couleur des écailles n’est pas noir, variant du jaune vert au gris métallique. C’est vrai qu’il lui ressemble un peu non?

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Quelques habitants de la région me diront que c’est un mamba, l’un des serpents les plus venimeux ET agressifs d’Afrique.

 

Après une belle et fatiguante journée de route, nous trouvons un petit village pour planter nos tentes. 

 

 

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Après une belle et fatiguante journée de route, nous trouvons un petit village pour planter nos tentes.

Ce soir là on y répare le toit des cases avant que la saison des pluies débute.

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Ce soir là on y répare le toit des cases avant que la saison des pluies débute.

Rats et antilopes au menu. Ca vous tente?

En fait ici on vit surtout par la chasse. Les rats sont piegés avec des trappes pleinent de nourritures qui se referment sur eux. Parfois ils en attrapent une vingtaine en une seule nuit. Les antilopes et autres gibier c’est avec le fusil qu’on les attrapes. Et c’est bien plus difficile. Ensuite on les revends en ville. Mais sans moyen de conservation par congélation, on les fumes dans une grosse hute.

Finalement on trouvera des crevettes attrapées dans la rivière à quelques centaines de mètres de la route. Ce soir, ce sera Paela au menu. Merci qui? Merci Pedro.

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Rats et antilopes au menu. Ca vous tente?

Bon c’est pas tout ça mais il faut encore se doucher. Direction la rivière. Une petit sentier dans la jungle.

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Direction la rivière. Une petit sentier dans la jungle.

Et une bonne douche avec de l’eau de source au milieu du chant des oiseaux. En plus on a même tout plein d’eau fraîche et naturel pour la route de demain. Elle est pas belle la vie dans la Jungle?

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Elle est pas belle la vie dans la Jungle?

 

 

 

 

 

Pas de Gabon, mais un nouveau compagnon

Km 34’348, Mossendjo, Congo-Brazzaville.

Toujours à la découverte du Congo-Brazzaville, j’ai passé 10 jours avec Pedro, un cycliste espagnol qui, comme moi, fait un tour d’Afrique à vélo et dans le sens des aiguilles d’une montre. Nous nous étions précedemment rencontré à Windhoek, en Namibie, mais cette fois c’est à Mbinda, un gros village à 7 km du Gabon, que nous nous sommes retrouvé, près de 3  mois après notre première rencontre. La frontière étant toujours fermée depuis les élections de fin août, nous avons décidé de revenir sur nos pas. En direction de Brazzaville pour y faire nos visas pour le Cameroun.

Voici quelques photos et mes impressions, écrites sur la route et mises en page aujourd’hui, sur le fait de retrouver un compagnon de route pour plusieurs jours après plus de 15 mois  d’itinérance solitaire.

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J’ai passé 10 jours avec Pedro, un cycliste espagnol qui, comme moi, fait un tour d’Afrique à vélo

* « Nous nous sommes disparus
Comme un marin qui prend les nues
Pour l’océan …
Et qui s’enfonce au fond de l’eau
L’amour emporté par les flots
Les flots du temps…
Nous aurions pu nous unir mieux
Comme on dit « s’unir devant Dieu « 
La mascarade …
Non moi ne m’a jamais tenté
Oui que la sincère amitié
Des camarades » 

Sauvage, souriante et authentique, l’aventure continue au Congo-Brazzaville.

En effet en rejoignant la frontière gabonaise entre Mbinda (Congo-Brazzaville) et Moanda (Gabon), je me retrouve face à l’impossibilité de rentrer au Gabon. Suites aux élections de fin août les frontières ont été fermée. Pourtant à l’ambassade du Gabon à Brazzaville, où j’ai obtenu mon visa, on m’avait dit -et certifié- qu’elles étaient déjà ouvertes, alors que ce n’était visiblement toujours pas le cas 5 semaines après les élections.

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En jouant avec les enfants durant l’attente à Mbinda

Après 3 journées d’attente et de repos, nous reprenons la route en sens inverse. Nous revenons donc sur nos pas.

Oui je dis « nous » puisqu’à défaut de Gabon, j’ai gagné un nouveau compagnon. C’est dorénavant avec Pedro que je continue ma route en Afrique.

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C’est dorénavant avec Pedro que je continue ma route en Afrique.

Pedro c’est un voyageur espagnol qui est parti de Madrid 3 mois avant mois avec une idée sensiblement similaire à la mienne : un Tour d’Afrique à vélo et dans le sens des aiguilles d’une montre. Et sans date de retour. Il était donc normal que nous nous rencontrions et cela aurait pu se faire bien plus tôt, même s’îl en fut autrement.

Pour comprendre notre histoire commune, remontons donc un peu le temps :

Novembre 2014 : Pedro entre en Afrique quelques jours avant moi. Nous n’avons alors aucune connaissance l’un envers l’autre.   

                                                                                 

Janvier 2015 : Lorsque j’entre au Soudan, le 21 janvier 2015, je ne sais pas encore que Pedro y es entré 5 jours auparavant. Un mois plus tard, j’entre en Ethiopie. Sur la route, le jour précédent mon entrée en Ethiopie, je dors dans le village de Doka, quelques dizaines de kilomètres avant la frontière. Il s’agit là de ma dernière nuit au Soudan. Dans le village on me dit que deux cyclistes me précèdent d’un jour. L’un deux est Pedro. Mais sans moyen de se contacter, nos chemins s’éloignent. Pedro pédale avec Niguel, un voyageur néo-zélandais que j’avais rencontré brièvement à Aswan. Les deux cyclistent décident de partir au nord de l’Ethiopie, ou peu de cyclistes se rendent. Je décide de passer par le centre du pays, pensant les rattraper à Addis Abeba. Je rejoindrai Addis Abeba bien avant eux.

Mars 2015: 5 semaines après y être entré, je quitte l’Ethiopie, partagé entre le pire et le meilleur, alors que Pedro y restera 5 semaines de plus.

Avril 2016: Notre histoire aurait bien pu s’arrêter là mais 13 mois plus tard, alors que je suis accueilli par Grant à Lady Grey (Afrique du Sud) de la communauté Warmshowers, je revient sur les traces de Pedro que Grant à également accueilli 1 mois plus tôt. Il me dit que Pedro effectue lui aussi un Tour d’Afrique (je l’ignorais à l’époque) et ne compte pas s’arrêter au Cap comme la plupart des voyageurs cyclistes le font. Il est, à ce moment du voyage comme aujourd’hui encore, le seul voyageur que je connais étant en train de remonter du Cap au Maroc à vélo, dans les mêmes dates (environs), que moi. Il y en a peut-être d’autres, mais c’est là la meilleure occasion – et peut-être bien la seul?- d’avoir un compagnon de route ces prochains mois.

Juin 2016: Mon visa sud-africain terminé, je quitte le pays en bus, du Cap jusqu’à la frontière namibienne, rattrapant un peu de mon retard sur Pedro. Après quelques hasards, finalement c’est à Windhoek, capitale de la Namibie, que je rencontre enfin Pedro. Cette fois nous comptons bien continuer ensemble, en direction de l’Afrique centrale. Mais la bien mystérieuse administration angolaise en décidera autrement. Sans visa, je suis obligé de contourner l’Angola alors que Pedro a, lui, eu son visa. Mais le rythme de route de l’un et les tentatives répétitives et avortées de l’autre -pour obtenir le visa angolais- finiront par nous permettre de nous retrouver au Congo-Brazzaville, à 7 km de la frontière gabonaise qui ne nous laissera pas passer.

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C’est à 7 km de la frontière gabonaise que nous effectuons nos premiers km ensemble

Nous revenons sur nos pas

Me voici maintenant avec un nouveau compagnon de route, pour la première fois depuis plus de 15 mois et la venue de mon frère pour m’accompagner durant 3 semaines en Tanzanie. Tous les cyclistes voyageurs ne recherchent pas la même chose et pour ma part, entrer en Afrique seul m’a permis, ou obligé, de devoir faire des efforts d’intégration. De devoir aller vers les autres, sans avoir personne sur qui compter, ou pour faire le travail à ma place. Si je veux parler à quelqu’un, ce sera avec les locaux. En étant accompagné, comme je l’avais été avec Stephan ou mon frère en 2015, j’ai trouvé que le rapport avec les pays traversé était très différent.  Sans s’en rendre compte, on peut rester plus distant des populations locales (ce ne sera bien sûr pas toujours le cas) en passant l’entier de nos discussions avec no(tre)s partenaire(s). Voyager à plusieurs à ses avantages et désavantages, de même que voyager seul.

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Les collines incessantes dans la forêt tropicale

Mais en choisissant de partir seul, bien conscient que je ne rencontrerais pas des milliers de voyageurs -et si tel était le cas rien n’indiquait que nous nous entendrions suffisamment bien pour passer plus de quelques jours ensemble- je savais que je passerai beaucoup de temps avec moi-même. Durant ce voyage et bien qu’en Afrique nous ne sommes finalement jamais seul, les nuits tombent relativement tôt durant toute l’année (entre 17h et 19h pour ma part), obligeant à trouver un endroit pour dormir. Lorsque je dors dans le bush, il m’arrive d’avoir fini ma toilette, ma cuisine, vers les 19 heures, peut-être même avant. Sans électricité, dans la nuit, il me reste plus de 10 heures a passé, à attendre. Réfléchir. Dormir.

Pédaler seul c’est aussi une manière d’avancer à laquelle je suis habitué depuis longtemps, et à laquelle j’ai du, petit à petit, me réhabituer dans ce voyage.  Pédaler sur son temps libre n’a pas grand chose en commun avec voyager pour plusieurs années à vélo. Si l’un sera plus une évasion, un changement au quotidien souvent blasant de notre existence, l’autre devient, au fil du temps, un nouveau  mode vie. Au contraire de l’évasion, ou encore de l’oubli de mes problèmes le temps d’une sortie à vélo, ce voyage est pour moi l’occasion de me retrouver. De me découvrir d’une manière beaucoup plus forte et honnête que je ne l’ai jamais faite auparavant, et que peut-être je ne ferai plus. Mes problèmes n’ont pas été fui, ils ont été affronté. J’ai du les comprendre, comprendre leur source si besoin, puis petit à petit ils ont disparu, laissant place à une réalité bien plus simple. Celle du quotidien du voyageur cycliste qui me permet de revenir à l’essentiel. M’alimenter. Dormir. Me laver. Sourire, aimer. Se distraire. Vivre.

Un problème? Ah bon…

Et si certains peuvent naturellement penser que voyager c’est un peu une manière de se déresponsabiliser -de mes « devoirs sociaux » par exemple-, il en fut tout le contraire. Car avant de vouloir créer une famille ou changer le monde et se responsabiliser vis à vis de ces tâches, il est bien de se responsabiliser vis à vis de soi-même.  De s’aimer soi-même avant de chercher à en aimer un/e autre. L’amour nous appartient. Pas notre partenaire.

* « Pauvres de leur cupidité
sont ceux qui s’échinent à garder
L’autre pour soi ..
Au diable les rêveurs qui
Ne tenant pas debout se lient
Les coeurs en croix
Au diable leur stupidité
Car même à deux nous ne sommes faits
Ouais que de soi…
Sûr que de soi … »

J’aime parfois dire qu’en effectuant un seul Tour d’Afrique, des « tours de moi-même » j’en ai fait des dizaines. En fait en moins de 6 mois, sans même chercher à le faire, le travail « thérapeutique » qui s’est opéré régulièrement dès le premier jour de mon voyage – et même dès que j’ai mis une date sur mon jour de départ, 6 mois avant ce dernier- a été bien plus grand que n’aurait même pu l’espérer un psy sur 6 ans de thérapie. Au fil du temps  j’ai trouvé réponse à mes questions, à mes soi-disant problèmes, pour la plupart imaginaires comme le sont la plupart des vôtres,  et ces derniers mois j’ai souvent eu l’impression d’avoir trouvé une nouvelle vision du monde, et surtout de moi-même, de mon existence. Une vision plus simple et légère. En simplifiant le matériel qui m’entoure,  j’ai aussi enrichi le spirituel qui m’habite. Qui nous habite tous. La plupart de mes journées sont simples. Mais elles comblent bien plus que mes besoins. Ces derniers ont diminué. Au final une certaine tristesse, mélancolie avec laquelle je suis né, j’ai grandi, s’en est comme allée. Remplacée par autre chose, comme un bonheur qui est juste là. Partout, toujours. Le bonheur d’être et d’exister. Peut-être aidé par la confiance en soit.

Beaucoup d’amis cyclistes, lorsqu’ils me font part de leur expérience de voyageur, m’expliquent avoir traversé une phase de haut, au début de leur voyage, puis des phases plus basses, enfin plus hautes.  Ce ne fut pas le cas pour moi. J’ai traversé ce voyage, que je traverse encore d’ailleurs, comme si j’étais parti du fond de l’océan, coincé dans les profondeurs avec un boulet accroché au pied. Gentiment mais sûrement, sans vraiment m’en rendre compte, j’ai trouvé le moyen de me délester du boulet qui me coinçait dans les profondeurs. Alors j’ai commencé à remonter, petit à petit, jusqu’à retrouver la surface de l’eau. Emporté par le vent, l’élan, à un moment donné j’aurai pu m’envoler, mais sachant que ne sachant pas voler je retomberait durement à la surface de l’eau, comme souvent par le passé, je suis resté à la surface, me laissant emporté par le courant de l’eau. Parfois fort, parfois doux. Rencontrant de temps à autres d’autres courants, parfois tumultueux, parfois franchement ennuyant, et acceptant un certain ennui à d’autres instants. Laissant passer les tempêtes. Apprenant, dans les faits, à m’adapter au courant de l’eau. Sans chercher ni à m’envoler, ni à faire de la plongée sous-marine.

Comme une montée timide mais incessante, qui se stabilise, enfin, dans un environnement qui est le sien. Sans addiction ni émotion exagérée.

Aujourd’hui mes problèmes d’hier, ceux qui peuplaient mon quotidien au début de mon voyage, ont disparu. Comme happé par le temps que j’ai su apprécier. Que chaque jour j’apprends à aimer. Le temps n’est pas mon ennemi, malgré ce qu’on nous apprend dans nos écoles. Mais à ce stade de mon existence physique, c’est à travers lui que je vis, que je vois. Que je ressens et que j’évolue. Le temps occupe chaque particule de mon existence et je dois faire avec. Physiquement je n’ai de solution.  Spirituellement je m’aime ainsi. Ne pas l’aimer équivaudrai à ne pas m’aimer. Etre son ennemi équivaudrai à être mon propre ennemi. Aujourd’hui, le temps, je le prend par la main.

J’apprend à apprecier le courant de l’eau. Car l’eau, c’est la vie.

 

J’ai parfois eu le sentiment d’avoir touché le bonheur

Un bonheur léger comme celui des enfants, mais qui se doit de rester vigilant car loin des parents. Un bonheur sans stress ni attente particulière. Le bonheur de revenir à l’essentiel et de prendre le surplus comme un cadeau, un petit plus. Celui d’avoir de l’électricité de 18 h à 22 heures lorsque nous passons la nuit -avec Pedro- dans une mission. Celui de regarder les match de foot le dimanche après-midi au cinéma du village et pleins d’autres encore qui font qu’être heureux, au fond, c’est très simple. C’est peut-être là qu’il se cache le bonheur. Dans la simplicité. Dans l’authenticité. Peut-être ne faut-il pas le chercher, plutôt le laisser s’exprimer, exister.

Et  surtout ne pas le rechercher. Il ne se cache pas.

Mais en découvrant le Congo-Brazzaville, je me suis aussi aperçu qu’une certaine fatigue s’était installée dans mon quotidien. Pas celle des jambes mais celle d’être, sans arrêt, un blanc parmi les noirs. Un différent qui ne laisse personne indifférent. Avec les avantages et les inconvénients que ça comporte. Car voyager en Afrique, opinion personnel, demande une certaine énergie, majoritairement dans les rapports humains. Une énergie journalière, répétitive. En voyageant comme je le fais j’ai la chance de découvrir une Afrique que tout le monde n’a pas l’occasion de connaître, au rythme de mon vélo. Et la simplicité que ce dernier m’apporte, autant spirituellement que matériellement. Mais bien qu’aujourd’hui je me rende compte que l’Afrique va terriblement me manquer le jour où je vais la quitter, je me dois d’admettre que l’égalité y est utopique. Je suis toujours un blanc. Un blanc à vélo, un blanc comme çi ou comme ça, que l’on aime ou que l’on n’aime pas. Mais un blanc avant tout. Un Mundélé, un Mzungu, un Farenji. Et si un jour j’ai besoin de parler, je n’ai personne.

En tant que blanc, ici je représente l’argent à tel point que certains africains, bien mieux lotis financièrement que moi, vont me voir comme une chance d’accéder à la richesse. J’ai parfois l’impression que l’un des plus gros problèmes de l’Afrique c’est qu’aujourd’hui elle ne croit pas en elle. Son potentiel, pourtant, est gigantesque. Bien sûr, personne n’a jamais vraiment joué le jeu avec l’Afrique. Mais aujourd’hui le complexe d’infériorité -par rapport aux blancs-, inconscient, qui habite bon nombre d’africain, est effrayant. J’ai rencontré beaucoup d’africain qui n’étaient pas pauvres (matériellement parlant) mais qui croyaient l’être. Un congolais (de RDC) m’avait dit en Zambie:

« Dieu nous a donné la richesse les terres les plus riches-, mais l’intelligencel’exploitation de cette richesse-, il l’a donnée aux blancs ». 

Avant d’ajouter que l’indépendance du pays, acquise en 1960, était venue beaucoup trop tôt. Alors que cette dernière est venue après plus de 4 siècles de l’un des génocides les plus inhumains -l’escalavage- qui a littérallement sucé l’Afrique de tout dévelopement positif –.naturel et culturel-  et 1 siècles de colonie prônant la haine et le classement des races, mettant les « races d’Afrique » entre l’animal et la « simple » infériorité, dans le meilleur des cas.  Soit beaucoup trop tard.

Alors que ce « classement » a perduré jusque dans les années ’90 (oui j’étais déjà né) en Afrique du Sud avec l’apartheid que certains (j’en ai rencontré) défendent encore.

Un « classement » qui perdure encore dans bon nombre de conscience (médiatique, politique…), lorsqu’il ne s’agit pas d’inconscience (le noir est un migrant, le blanc un expatrié).

En retrouvant Pedro je retrouve donc un blanc comme moi, voyageur qui plus est. Plus âgé aussi, et donc certainement plus expérimenté. Mais je retrouve surtout une épaule sur laquelle me reposer, et cette impression de facilité, celle où tout va bien se passer. Et quelqu’un à qui parler, avec qui partager. Car si le bonheur est d’exister, autant le partager.

* « Mon amour j’ai pas su tenir
Les promesses du devenir
Un avec toi
J’ai plus que moi-même à qui dire
Qu’il est triste mon triste empire
Qu’il est triste sans toi
Quel océan vers quel abîme
Dis-moi où mène ce chemin
Où tu n’es pas ?
Car si l’on ne meurt pas d’amour
Je peux te dire qu’il est certain
Qu’on meurt de toi

Qu’on meurt de toi … »
*= parole de la chanson « On meurt de toi », de Damien Saez
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Olivier Rochat
 

 

 

 

 

 

La Sardine d’Or

Km 34’170, Mayoko, Congo-Brazzaville.

Après mes premières journées à la découverte du Congo-Brazzaville, je suis entré dans la forêt tropicale. Un chemin beau, parfois spectaculaire mais souvent difficile qui me voit grimper collines les unes après les autres sur des pistes toujours roulables et poussiéreuse, mais très bosselée. Un chemin particulier, ou se mélange constamment pauvreté et richesse.

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La région est relativement isolée a cause de l’état des routes. Trouver de l’électricité n’est pas gagné d’avance, un simple restaurant local non plus. En effet je traverse parfois des dizaines de villages sans trouver une seule fois de l’électricité, ni même de quoi me ravitailler. Pas un seul petit restaurant, pas un fruit. Seul semble survivre quelques bars vendant majoritairement des bières chaudes et quelques sodas isolés sur les étagères.

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La région est relativement isolée a cause de l’état des routes.

 

 

Pourtant les gens restent majoritairement souriant et accueillant et parfois la traversée d’un village ressemble presque à une compétition de bonjours. Devant chaque maison on me salue « Bonjour Papa », « tu vas où « , « ça va ? » auquel je répond par un salut à mon tour.

Parfois un « c’est un touriste  » ou « mundele » accompagne les salutations et chaque rencontre demande une certaine énergie, peu semblent rester indifférent à mon passage. En effet je suis un blanc et je représente pour beaucoup la chance de se faire un peu d’argent, et si tel n’est pas le cas, ma présence ici à vélo peut en surprendre plus d’un et dès que je m’arrête les questions fusent.

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Ma présence ici à vélo peut en surprendre plus d’un et dès que je m’arrête les questions fusent.

La bureaucratie est également assez… surprenante et varie d’un village a l’autre. Parfois on me dit qu’il faut que je me fasse enregistrer à chaque village qui possède une police mais lorsque que j’y vais de mon plein gré on me demande pourquoi je demande à m’enregistrer…

 

J’y vois surtout l’occasion de se faire un peu d’argent mais par chance à vélo je n’ai pas besoin de permis,  ce qui n’est pas le cas des automobilistes qui se voient demander des dizaines de permis et autorisation différente. Hier, après m’être fait enregistrer dans un village, je demande au préfet qui m’a enregistré la route pour le marché histoire de me reposer et manger quelque chose. Plus tard, mangeant au marché je croise le préfet qui semble faussement surpris de me retrouver là.

« ah vous êtes là ? » commence til, avant de continuer sur quelques phrases de politesse. Puis d’ajouter: « un jus me ferait le plus grand bien ».

J’esquisse un sourire. « pardon? »

« Je disais qu’un jus me ferait le plus grand bien «  répète til presque vexé que je ne lui ai rien offert. Je le regarde se dandiner sûr de lui dans son beau costume, ses chaussures polies et pointues semblent repousser la poussière qui chaque jour repeint la rue, les étagères branlantes où gîsent quelques poissons qui n’attendent que d’être mangé et les bien trop rustiques maisons de bois -quelques planches ajustée- qui forment la majorité des habitations que je croise. Elles semblent n’avoir qu’une espérance de vie très courte et le quotidien des habitants semblent trancher avec celui de ce préfet bien nourri et qui en redemande.

« les blancs réalisent leurs idées et ensuite ils s’assoient. Ils ne sommes pas comme nous « , répond il au gérant du petit restaurant, où il s’est assis, qui lui demandait ce qu’un blanc à vélo peut bien faire ici.
Après cet instant philosophique, je reprends ma route.

 

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Fufu, poisson et aubergine accompagné d’une bière congolaise « Ngok ». Lorsque je peux m’offrir un petit plat je suis bien content

 

 

« Prend moi avec toi ! » me demande alors une femme qui me regarder partir. Je me demande bien comment elle peut me demander ça en face de 4 petits enfants dont certains sont probablement ces fils.

« mais je n’ai pas de place ! ». Et je n’ai pas envie non plus…

Plus loin un homme m’applaudit et m’offre un grand sourire en me souhaitant bonne route.
Puis quelques « bonjour  » m’accompagne enfin je quitte le village, seul point de ravitaillement aujourd’hui.

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Alors je m’enfonce dans la forêt sur une route est bosselée et les collines incessantes et humides mepuisent.

Alors je m’enfonce dans la forêt sur une route est bosselée et les collines incessantes et humides m’épuisent. Ma transpiration se mélange à la poussière et les motos sont la majorité du faible trafic que je croise. Le reste sont de gros camions remplis d’énormes troncs de bois.
Le bois de la région est exploité par de nombreuses entreprises qui détruisent à grandes échelles la forêt équatoriale, deuxième plus grande forêt vierge du monde et véritable poumons de l’humanité.

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c’est tout un écosystème que l’on tue

En la tuant c’est tout un écosystème que l’on tue. Des milliers d’espèces que l’on extermine dont certaines sont essentiels à notre survie . C’est un suicide lent en quelques sortes.

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C’est un suicide lent en quelques sortes.

Pourtant peut semblent s’en préoccuper et ici ce masse chinois, européen, sud-africain et bien d’autres encore. Creusant pour de l’or ou du diamant, coupant les arbres comme on coupe le foin chez moi, l’argent dicte ses lois. Dicte ses droits.

L’homme en devient son esclave, son sujet. Aussi, cruel, je m’aime parfois à le voir s’y perdre. À le voir construire son propre chemin de croix. L’argent le tueras.

Mais je me préfère à l’ignorer. Et le ventre creux, me nourrir des sourires qui accompagnent mon chemin dont je ne connais la fin. Mais qui passent des déserts les plus arides aux forêts les plus humides. Car si hier les vents des désert chantaient sous mes roues, aujourd’hui les chants infini des oiseaux les ont remplacé.

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Un mille patte de la taille de mon pied me coupe la route.

Ici ce cache des espèces et par milliers.
Un mille patte de la taille de mon pied me coupe la route. Je manque de l’écraser.
Et je continue ainsi, accueilli au soir par le chef du village de Singidi. Il m’offre un lit pour la nuit.

J’en repars sec et reposé, chanceux car cette nuit il a plu. La saison des pluies va sous peu commencer.

J’ai maintenant la forêt pour moi à l’orée du Gabon. Et même si ce n’est pas la première fois, je vois comme l’homme peut être bon.

Le problème c’est qu’il ne le sait pas.

ou alors ne le veut il pas?

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J’ai maintenant la forêt pour moi à l’orée du Gabon.

Paul (1)

Je rencontre alors Paul, un sud-africain qui travaille au Congo-Brazzaville depuis plus de deux ans. Son travail: chercheur d’or. Je l’avais précedemment rencontré à Brazzaville plus d’une semaine auparavant. Se rencontrer ici, dans la jungle sur une route relativement isolée, est assez surprenant. La frontière gabonaise étant toujours fermée suite aux élections, Paul me propose de rester avec lui, à Komono. Je passe ainsi 5 jours avec Paul, généreux, qui m’invitera et me présentera à certains de ces amis.

Il travaille depuis plus de 14 ans dans ce milieu. Son truc à lui, c’est les diamants. Il a commencé au Libéria avant de s’enfuir après s’être rendu compte que son permis de travail n’était pas légal et qu’il travaillait avec une fausse autorisation. Ensuite c’est en Angola et au Congo-Kinshasa qu’il a passé le plus clair de son temps, dans des conditions pas toujours faciles, souvent dangereuse, mais en défendant la légalité de son travail et surtout luttant contre l’utilisation abusive des enfants pour chercher l’or ou le diamant, comme cela se fait encore aujourd’hui, notamment en République Centrafricaine et au Congo-Kinshasa.

Aujourd’hui et depuis 2 ans il travaille au Congo-Brazzaville, pour une compagnie française. Dans cette forêt pourtant les gens vivent avec peu, parfois presque rien. L’agriculture n’a jamais été développée et les grandes compagnies sont misent en avant. Ainsi de nombreuses compagnies chinoises viennent faire leur business ici. Il n’y a ni inégration, ni volonté de le faire. Pourtant le sol est plutôt riche, dans certaines régions on trouve du diamant, et souvent de l’or. Lorsque Paul se rend sur son chantier actuel, dans une région isolée proche du Gabon, il part avec quelques hommes. Ils emportent  avec eux des sardines, des biscuits, de l’essence. Et avant même de commencer à creuser dans la jungle, la boue ou ailleurs, ils échangent ces biens contre ce qu’ils cherchent: de l’or.

Les locaux qui trouvent de l’or, s’ils ne sont pas engagés par une compagnie, ne pourront rien en faire. Et il faut plusieurs grammes pour pouvoir le vendre et en tirer quelque chose. Ainsi il est très facile d’échanger de l’essence, ou même une boîte de sardine, contre une petite pépite d’or. La dernière pépite qu’il a changé pesait 0.2 grammes, avec une valeur de 5’000 CFA (8 euros). La boîte de sardine en retour, n’en valait que 500 (moins de 80 centimes d’euros).

Puis nous allons voir une compagnie française qui vent l’entier de ces machines pour 2 millions d’euros. En effet, ils avaient misé sur le fer, mais le prix du fer a chuté durant l’année et cette compagnie a tout perdu. Maintenant en faillite, elle cherche à revendre ses biens, d’une valeur totale de 2 millions, alors qu’ils en avaient coûté plus de 20 X plus.

Le dernier matin, alors que je déjeune avec Paul, deux hommes arrivent. Ils tiennent une bouteille de verre, à l’intérieur de laquelle se trouve un liquide noireâtre, ressemblant d’aspect au Coca-Cola. Ils nous montrent un papier attestant qu’il s’agit là de Coltan-Uranium, radioactif au touché. Sa valeur est de 4,7 millions de CFA, soit près de 7’500 euros. Ne pouvant prouver sa provenance, les deux hommes s’en iront rapidement, essayant probablement de la vendre quelque part. Pourtant avec cette bouteille sur eux, ils risquent gros, surtout si elle a été volée.

Pendant plusieurs jours je découvre ainsi cette double réalité, celle d’une population pauvre qui vit sur un sol riche. Mais qui ne lui semble pas destiné. Ainsi Paul m’explique le jour ou il a augmenter un de ces travailleurs les plus fidèles, qu’il payait alors environ 150 euros par mois. 150 euros c’est déjà bien plus que la moyenne pour les locaux, ainsi en voulant l’augmenter  la mairie lui a fait comprendre que c’était très mauvais, car ça casse le marché. Une hiérarchie semble installée: En haut on trouve les chinois ou les occidentaux. Puis les philippins et les malaysiens qui travaillent pour eux. Enfin au bas de l’échelle, se trouvent les congolais…Pourtant chez eux.

 

1. Paul=prénom d’emprunt

Olivier Rochat

 

 

Bonjour Papa

Km 33’919, Sibiti, Congo-Brazzaville.

Petit retour sur mes premiers jours de route au Congo-Brazzaville. 17-20 septembre 2016

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Chaleureux, souriant, poussiéreux, accueillant, épuisant…

 

C’est ainsi que se passent mes premiers jours sur la route à la decouverte du Congo-Brazzaville.
Tantôt sur le goudron, tantôt sur des pistes poussiéreuse, poussière rouge et collante, je m’éloigne de Brazzaville.

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Tantôt sur le goudron, tantôt sur des pistes poussiéreuse, poussière rouge et collante, je m’éloigne de Brazzaville.

Dès les premiers kms, sous un soleil de retour après une semaine nuageuse à Brazzaville, je me retrouve étouffé, transpirant sur chacune des collines qui se suivent inlassablement. Après 5 semaines de pauses et seulement 10 jours de routes sur les 3 derniers mois, il faut se réaclimater au rythmes de la route mais aussi à l’humidité du lieu, bien que plus faible que le craignais.

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Les premières collines en quittant Brazzaville

Le Mzungu d’hier, Farenji avant hier, est devenu le Mundele aujourd’hui. Mais pourtant c’est avec des sourires et des « bonjour » que je traverse chacun des villages qui se trouvent sur ma route. « Bonjour Papa« , « Ca va? » me lancent presque chacun des villageois assis devant leur maison pour les uns, faisant la lessive pour les autres, vendant quelques beignets ou jouant avec des petits camions faits de cannettes, bouchons de bouteilles et fils de fer, parfois accompagné d’un morceau de bois taillé pour faire le corps du camion, pour les plus jeunes. Parfois un petit marché coloré vient égayer mes kms qui régulièrement se retrouvent coincé par des barrages policiers ou autres péages. La curiosité est alors de mise et les policiers me regardent avec questionnement. Avant de me laisser partir, toujours sans le moindre souci.  Ou du moins sans la moindre agressivité. Et sans omettre de me souhaiter une bonne route, un peu amusé face au Mundele qui traverse l’Afrique a vélo.

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Après 3 jours de route, je quitte la N1, route principale qui relie Brazzaville à Pointe-Noire

Enfin, après 3 jours de route, je quitte la N1, route principale qui relie Brazza a Pointe-Noire, afin de remonter vers le nord et la forêt tropicale.
Lorsque je me lance sur les pistes le soleil est couchant. C’est à ce moment qu’il devient rouge, magnifique. Dès lors et pour quelques précieux instants, je me retrouve avec une boule de feu en face de moi qui me réserve spectacle avant de disparaître sous l’horizon, rattrapée par les mouvements incéssants de l’univers. Alors il disparait et très vite la journée se termine. Sans transition, ou si peu, il fait nuit. Une autre aventure débute.

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Entre le jour et la nuit…

Oui car dans ces villages on ne trouve électricité. La nuit prend alors une tout autre signification que celle que nous lui connaissons dans notre belle Europe ou la nuit, vu de la brousse africaine, n’existe pas. Il y a toujours une lumière qui brille, une ampoule qui s’excite, un lampadaire qui protège. L’Europe ne dors plus. L’Europe ne dors pas. Vu d’ici elle me semble s’évader sans cesse dans son besoin de « toujours faire« , de vouloir contrôler. Son besoin d’exister, de consommer même lorsqu’il ne faudrait pas. « Ne rien faire c’est du temps perdu », le temps c’est de l’argent ». Mais parfois il faudrait se taire, se reposer. Se laisser aller aux rêves qui forment nos nuits. A l’inconnu d’un ciel noir. L’Europe me semble s’évader dans sa technologie trop présente qui a fait de l’homme son propre esclave tout en lui faisant perdre ces premiers instincts, la notion du jour et celle de la nuit.

Ceux qui font que chaque jour a un début. Et donc une fin. Et un rythme qui nous permet d’exister. Et non pas de s’évader. Car combien sommes nous, européen, à rêver de vivre, et non de voir? A rêver de ressentir, et non pas de faire? Nous rêvons d’oublier. De s’oublier. Nos cherchons à nous évader, comme si nous n’avions plus le courage nécessaire pour affronter simplement notre réalité.

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‘Europe oublie une chose essentielle, elle est différente de l’Afrique. Nos cultures, nos traditions, nos logiques sont différentes. Ce qui sera juste en Europe ne sera pas forcément perçu comme tel en Afrique, et vice-versa.

Et pire que tout, le système qu’elle prétend le plus juste, le plus évolué, pour sûr le plus matérialiste, l’Europe cherche à le promouvoir au monde entier. En pensant éduquer l’Afrique avec des démocraties qui n’ont jamais fonctionné chez elle, des droits humains qui n’ont jamais objectivement existé, hormis pour les plus riches,  l’Europe oublie une chose essentielle, elle est  différente de l’Afrique. Nos cultures, nos traditions, nos logiques sont différentes. Ce qui sera juste en Europe ne sera pas forcément perçu comme tel en Afrique, et vice-versa. L’Afrique d’aujourd’hui est fragmentée de pays qui n’ont, pour la plupart, aucune frontière correspondant aux traditions et coutumes, ni même à l’économie, locales. Les frontières africaines sont européennes. Ce sont celles des colonies d’hier qui perdurent aujourd’hui.

Et aujourd’hui justement, après des siècles de luttes, l’européen a fait son choix. Il a choisi de devenir son propre esclave. Mais lorsque l’esclave a choisi de l’être, la révolte n’existe pas. N’existe plus.

Et le malheur de l’Afrique c’est que l’Europe, qui a besoin de s’enrichir pour ressentir, est un continent pauvre et misérable. Ainsi la richesse première de l’Europe, c’est l’argent des autres.

Chez le Président

Mais ici, dans la campagne congolaise, la nuit il fait nuit. Tout simplement. Parfois un lampadaire me guide. C’est la Lune. Mais pas ce soir, le ciel est couvert. Il fait nuit noir et chaque geste, chaque rencontre, demande plus d’energie et regorge de mille mystères.
Et lorsque je rejoins un petit village, alors que la transition jour-nuit se termine dans quelques instants, je demande a un villageois s’il est possible de planter ma tente et passer ma nuit dans le village.
Quelle question!!!

Je découvre alors pour la première fois, mais pas la dernière, l’accueil de la campagne congolaise.  Nous nous rendons chez le président (chef du village) qui m’autorise -plutôt m’invite- bien sur, a dormir chez lui. Il me donnera son matelas et dormira sur une chaise, à l’entrée de la petite maison qui me servira de chambre.

Mais avant cela nous partageons l’Ounguila, le Vin de Canne a Sucre, et on m’explique alors le mariage de samedi prochain. On parle de la dotte, enfin de la bête qu’il faudra offrir avec le…yaourt. Un petit nom que l’on donne au vin de maïs que l’on offrira également.

Puis, lorsque je dis me diriger au Gabon, on me parle d’une tribu de ce pays voisin, les « faim » (aucune idée de l’ortographe) , qui se nourrisent de chaires humaines. On me prévient qu’il faudra faire attention car « là-bas, lorsqu’un homme est malade la famille le cache. Car si la maladie dure trop longtemps,… Il ne faut pas que la viande se perde. Alors un étranger…Il faudra que tu fasses attention »

Mythe ou réalite? N’y a t’il pas une part de réalite dans chaque mythe? Je me souviens de ces enfants, en Tanzanie, qui s’enfuyaient en me voyant. Ils pleuraient en s’écriant « Mama mama ». Leurs parents aimaient leur raconter que s’ils faisaient des bêtises un homme blanc viendrait pour les attraper. Ensuite il mangerait l’enfant qui a fait des bêtises.
Et c’est ainsi que nous nous évadons, à travers paroles et mythes farfelus, éclairés par une faible lampe torche qui me permet de distinguer chacun de mes interlocuteurs, mais sans vraiment les voirs.

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Ce n’est qu’au petit matin que je peux vraiment mettre un regard physique sur le président

Enfin nous partons nous couchés. Et pour la première fois je dors dans la chambre du président sur qui je pourrai enfin mettre un visage au petit matin.

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Je me lance sur des pistes poussiéreuse, grimpant collines les unes après les autres

Puis je me lance sur des pistes poussiéreuse, grimpant des collines qui me semblent ne jamais vouloir s’arrêter. La végétation qui borde ma route augmentent de km en km, m’offrant des paysages de plus en plus beau, contrairement a cette poussière que je bouffe. Et qui se mélange, a chaque colline que je grimpe, a la transpiration qui ressort de la chaleur et de l’humidité de cette journée qui se veut belle et souriante, a chaque village que je traverse… « Bonjour Papa », « ça va? » « tu vas ou? ». Ainsi je traverse les villages qui accompagnent ma route.

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La végétation qui borde ma route augmentent de km en km, m’offrant des paysages de plus en plus beau, contrairement a cette poussière que je bouffe.

Gentiment, j’entre dans la forêt équatoriale.

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Gentiment, j’entre dans la forêt équatoriale.

Et je continue ma route ainsi…

Olivier Rochat