Champion d’Afrique

Km 39’378, Foumbot, Cameroun.

C’est é l’ouest du Cameroun, plus précisemment dans la ville de Dschang et bien entouré, que j’ai assisté le 5 février 2017 à la victoire mémorable des Lions Indomptables du Cameroun en finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2017, jouée au Gabon.

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Une chefferie traditionnelle en pays Bamiléké

 

Voici un récit mis en page, écrit 2 jours après la finale, de retour sur la route:

Un match pour l’histoire

Le Cameroun trône à nouveau sur le football africain après sa victoire en finale de la CAN 2017, dimanche dernier face à l’Egypte.

Un match que j’ai regardé avec une grande curiosité avant de finalement le terminer dans la joie et une ambiance de folie comme je n’en avais jamais vécu jusqu’alors. Un match qui fut finalement, opinion personnel, très représentatif du tournoi des Lions Indomptables du Cameroun. Un tournoi commencé au trot puisque après ses trois matches de groupes très moyens, une élimination au premier tour du Cameroun n’est passée qu’à quelques centimètres, soit un tir sur le poteau d’un joueur gabonais dans le temps additionnel, puis d’une reprise manquée sur le renvoi, miraculeusement arrêtées par le gardien camerounais qui se trouvait au sol. Après être passé proche du KO, le Cameroun est gentiment monté en puissance, éliminant tout d’abord le Sénégal aux tirs aux buts, son plus coriace adversaire, puis le Ghana dans un match bien maitrisé amenant une qualification méritée pour la finale.

Mené 1-0 à la pause de cette finale, l’ambiance dans la ville universitaire de Dschang, à l’ouest du Cameroun, était bien morne. Alors qu’avant le match l’engouement dans le pays était tel qu’un jour férié semblait inévitable en cas de victoire ce soir, on plaisantait en parlant maintenant de jour de deuil.
Puis les joueurs sont rentrés sur la pelouse, la deuxième mi-temps à débuté, et le match a tourné. 10 minutes pour égaliser puis une légère domination et un second but mérité (?), tombé à 3 minutes de la fin du temps réglementaire, et le Cameroun était Champion d’Afrique pour la 5ème fois de son histoire, 2ème palmarès africain après celui de l’Egypte, adversaire du soir, et ses 7 victoires.

Après avoir perdu 3 fois contre l’Egypte, dont notamment la finale de 2008, les Lions Indomptables du Cameroun ont su renverser le cours des choses et prendre une nouvelle fois place dans l’histoire de la CAN, le tout avec une équipe rajeunie suite aux 8 forfaits d’avant tournoi.

Après cette fin de match de folie, la folie semble elle-même se répandre à travers tout le pays, en tout cas dans la ville de Dschang. Rapidement nous voici des centaines, des milliers de personnes au centre ville a chanter, hurler, taper deux couvercles de casseroles pour faire le plus de bruit possible. Debout dans le pick-up de Jeremy qui m’accueille durant deux jours au sein de son association TOCKEM avec laquelle nous traversons le centre ville au pas, je me retrouve vite coincé, presque incapable de bouger, entre de nombreux jeunes surexcités grimpant sur le pick-up, toit et capot compris. Nous croisons quelques voitures et camions bondés de jeunes qui tournent autour de la ville. Bientôt, sous le poids de tout ce monde, l’arrière du pick-up touche le sol, les jeunes continuent de vouloir grimper alors même qu’il n’y a plus de place. On s’accroche comme on peut et certains n’ont plus de contact avec le pick-up, s’agrippant à un bras, une épaule et risquant de tomber et de se « manger » violemment le sol pour ceux qui se trouvent bien en hauteur.

Ce soir 5 février 2017 le Cameroun est champion d’Afrique de football pour la 5ème fois de son histoire.

3 jours auparavant, la demi-finale m’avait permis de comprendre toute la passion qui entoure ce sport qui bien souvent demeure le principale divertissements dans bien des contrées africaines où la vie est rude et les journées répétitives. Ce sport dans lequel certaines des « stars » que nous apercevons, supportons, gagnent en un mois ce que bon nombre de leurs fervents supporters ne gagneront pas en plusieurs vie. Malgré cette absurdité, cette violence de traitement, finalement très visible en Afrique et notamment au Congo où l’argent me semblait être partout et nulle part à la fois, le football garde en lui son esprit fédérateur qui peut rassembler tout un peuple derrière son équipe et son drapeau, sa nation, sa fierté et surtout, son identité.

Au milieu de cette foule survoltée et heureuse, nous sommes 4 blancs dans ou sur ce le pick-up. Je n’en aperçois pas d’autres et pour la première fois dans ce pays, où la fierté est grande et la rancoeur envers le blanc pas toujours cachée, on ne me nomme plus « le blanc » alors que je me trouve entouré de noirs. Un homme s’accroche à ma tête et à mon épaule, il n’a plus de contact avec le sol, il est couché sur les gens à l’arrière du pick-up et surexcité me dit, ou crie: « nous avons gagné, nous avons gagné! » avant de s’apercevoir, surpris, qu’il se trouve à côté d’un blanc qui fête la victoire des camerounais:  » tu toi aussies pour le Cameroun? »

« ce soir nous sommes tous camerounais, nous sommes tous camerounais » termine-je, et nous levons les bras au ciel, au milieu des chants et des sourires et la joie que me transmet cette foule n’a plus de couleurs de peau, et bien que rassemblée sous un seul drapeau,elle n’est rien d’autre que de la joie.

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nous sommes tous camerounais »

Les environs de Dschang

En parallèle à cette fin de tournoi heureuse pour le Cameroun, je découvre depuis quelques jours les montagnes de l’ouest du pays. Le col de Bana notamment m’a mené à plus de 1800 mètres d’altitude avant la longue descente jusqu’en plaine, 1000 mètres plus bas. Puis c’est après une nouvelle ascension, le long d’une falaise impressionnante, que je me suis retrouvé dans les montagnes et la ville de Dschang ou Jérémy m’a accueilli et présenté, en parallèle à cette soirée mémorable, le site de son association TOCKEM avec laquelle il participe à différents projets et notamment le développement d’une école de plus de 200 élèves.

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C’est après une nouvelle ascension, le long d’une falaise impressionnante, que je me suis retrouvé dans les montagnes et la ville de Dschang

Située dans le village de Ntsingbeu, à une dizaine de kms de la ville de Dschang, TOCKEM et son équipe s’appliquent non pas à aider mais à développer le village et même la région , apportant un savoir-faire professionnel et son partage puisque les équipes sont faites de binômes avec les locaux mais je vous invite à venir en découvrir plus sur leur site internet: http://tockem.org/WordPress3/

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le village de Ntsingbeu

Pour ma part je ne peux qu’être reconnaissant de pouvoir vivre ces moments privilégiés et hier c’est accompagné de Jérémy que j’ai quitté TOCKEM. A vélo nous avons parcours quelques 80 kms, agréables avant que je reprenne ma route seule. Avant cela c’est les chutes de la Metché qu’il me présente. Une belle cascade bien que l’eau n’y soit pas aussi importante qu’en saison des pluies. Ces chutes furent pendant longtemps un lieu de sacrifice puisqu’on y jetait alors « les personnes mauvaises » alors que certains « rebelles » et indépendistes camerounais y furent jeté par l’armée française. Aujourd’hui elles restent un lieu sacré ou des offrandes, notamment du sel ou des repas, y sont déposés régulièrement.

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Les chutes de la Metché

En quittant Jérémy je ne peux que dire « merci » et reprendre mon chemin solitaire dans ce Cameroun multi-culturelle, que je vis et ressent comme un pays au caractère fort, peut-être le plus fort que j’aie ressenti jusqu’alors en Afrique. Un pays à peine plus petit que la France et qui comprend la région des forêts, celle du nord qui se rapproche du Sahel, le Littoral le long de l’océan Atlantique et les montagnes de l’ouest où je me trouve actuellement. Une sorte de carrefour entre plusieurs climats, qui lui vaut peut-être sa multi-culturalité et son caractère fort où chacun, au milieu de ces peuples et tribues nombreuses, se doit de se montrer fort au risque de disparaître dans l’anonymat.

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L’église sur le site de TOCKEM

J’y ressens des cultures fortes et différentes ainsi depuis que je suis dans la région où vivent les Bamiléké, une chose attire bien souvent mon attention: les petits et jolis toits pointus que j’aperçois le long de ma route. Accompagné parfois de peintures, ils m’apparaissent nouveau, unique même dans ce voyage. Leur architecture est bien différente que celle, beaucoup plus simple et « répétitive », que j’aperçois depuis de nombreux mois le long de ma route. Je les vois comme des « petits royaumes », presque  des chateaux et en fait ce sont les chefferies, qui sont là où vivent les chefs Bamiléké et représentes le pouvoir, les chefs étant ceux qui en ont le plus.

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les petits et jolis toits pointus que j’aperçois le long de ma route.

Mais en traversant hier la rivière « Noun » je quitte le pays Bamiléké me rapprochant encore plus de la Ring Road et des montagnes de l’ouest ainsi que de l’une des 2 régions anglophones du Cameroun. En atteignant Yaoundé c’est aussi l’épaisse forêt tropicale que je laissais derrière moi, franchissant un pas de plus de plus en direction de la 5ème et dernière grande région d’Afrique qu’il me este à découvrir et traverser: l’Afrique de l’ouest. Maintenant m’y voici tout près, ce n’est qu’une histoire de jours.

« ou vas-tu petit? » me demande un homme le long de la route. « je vais au Nigéria, en passant par Nkambé ».

« toute cette route à vélo » continue-t’il, » et tu n’as pas peur de mourir en route? »

« Peut-être Papa, peut-être. C’est Dieu qui décidera ». Puis je le vois qui, sans répondre, aquiesse avec ma réponse. Car ici voyager à vélo n’est pas commun, pas encré dans la culture. Cela est vu comme une souffrance et souffrir gratuitement, sans récompense matériel, les gens ne comprennent pas. Le plaisir de pédaler, le « spiritualisme en solitaire », non plus. Face à mon voyage, ou durant ce dernier, une réalité très forte m’est imposée: la religion. Qu’il soit appelé « Allah » ou simplement « Dieu », ce dernier prend ici une toute autre importance que celle que je lui connais en Europe ou d’autres logique et réalités peuplent le quotidien. La religion joue ici un rôle social très important et en me dirigeant au Nigeria c’est face à un autre Dieu que je me lance. Un Dieu plus européen, qui se dit venir des pays développé. Un Dieu qui se veut « connaître » et non pas « croire », qui se dit laïque mais qui n’en est pas moins manipulateur. Un Dieu qui s’aime à penser pour les gens, afin qu’ils aillent le temps de se divertir. Un peu comme si divertir rimait avec diversions. Et que son prochain est dangereux; que celui qu’on ne connait pas est méchant. Celui que j’appelle le Dieu média, parce qu’on l’écoute plus fortement que le plus saints des saints, alors même qu’il s’aime tant à vendre et que l’image est plutôt sein. Ce Dieu qui aujourd’hui me place le Nigeria en monstre, comme il le faisait hier avec le Soudan. Un Soudan classé zone rouge, c’est à dire la plus dangereuse. Rouge comme le sang devrait-on penser. Rouge comme l’amour pourrais-je imaginer après avoir traversé ce Soudan qui de loin m’offrit un accueil que je ne reçus nulle part ailleurs.

Peut-être que ma seule conviction sur ce pays, le Nigeria, à quelques centaines de kms de l’entamer, c’est qu’il ne sera ni médias ni paria. Il sera Nigeria. Les mots suivront. Quels qu’en soit la difficulté.

Encore quelques jours et ce sera l’Afrique de l’ouest.

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Je profite de mes derniers jours au Cameroun

Olivier Rochat

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