Iskenderun-Antakya: Du bateau à l’avion, le chant des bombes à l’horizon…

Km 5826, Iskenderun, Türkiye!

Merde! J’ai manqué le dernier bateau pour un jour. 12 ans passé à attendre ce moment et je manque le dernier bateau pour un jour! Merde quoi… Ils (les gouvernements) ont supprimés tous les bateaux acceptant les passagers reliant l’Afrique. Et le « dernier était hier », m’a dit le gars qui travaillait à l’agence pour réserver les tickets…

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Bon ben voilà quoi me voici coincé là l’esprit poète et l’air très con. J’ai pédalé 700 kilomètres… en 5 jours pour me retrouver ici, à compter les palmiers et regarder la mer, bien cachée entre deux pétroliers. Et ces camps de réfugiés syriens à l’horizon…

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Bon ben voilà quoi me voici coincé là l’esprit poète et l’air très con!

Iskenderun, le bateau est parti. Moi je reste ici…

Ici en fait c’est Iskenderun. Ou Alexandrette pour les francophones. Et Alexandrette c’est pas très loin de la Syrie.  Mais bon je vais pas me plaindre… J’y suis arrivé hier. J’ai quitté les bords de mer un jour auparavant et j’ai enchaîné les kilomètres. De jour. De nuit. 177 kilomètres un jour, 141 le lendemain… Mersin, Tarsus, Adana, Osmaniye… De belles villes mais sur ma route rien de bien excitant, au mieux des orangers, au pires des usine à la pelle…L’horizon est plutôt blasant.

Mais puisqu’il me fallait bien pédaler cette longue et interminable ligne droite pour venir mourir ici à Iskenderun et prendre ainsi ce fameux bateau pour l’Afrique, je l’ai fait! Mais finalement ce bateau ne partira pas… Jamais! Six jours auparavant l’agence m’avait dit que « oui », enfin que le bateau fonctionnait toujours mais ici c’est comme ça un jour c’est oui, un jour c’est non. Cette fois j’ai pas eu de bol à un jour près je le prenais. Mais là ils ont supprimé la ligne à ce qu’ils m’ont dit… Enfin tu sais je vais pas me plaindre. Je prendrai l’avion un peu plus loin. Non je vais pas me plaindre…

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il me fallait bien pédaler cette longue et interminable ligne droite

En attendant me voici proche de la Syrie…

Ici tout a bien changé. La Turquie n’est plus la même. Les gens sont toujours là pour t’aider quand t’en a besoin mais c’est quand différent. Plus « asiatique » je dirais. Le côté occidental de la Turquie, très présent jusqu’alors, disparaît peu à peu. Et puis il m’est maintenant difficile de trouver quelqu’un qui parle anglais et parfois communiquer en anglais est mal perçu. Je sens comme des regards dans mon dos... Une certaine tension règne également, ou du moins c’est mon ressenti. Avec l’afflux permanent des réfugiés syriens, la tension monte parfois entre turc et syrien. Oui c’est que la Syrie est là, à quoi, une centaine de kilomètres à peine. La police est omniprésente et quand j’aperçois ce panneau qui m’indique la direction à prendre pour me rendre en Syrie, la sensation est tout de même bizarre. M’imaginer que je me trouve maintenant à moins de 300 kilomptres d’Halep, une des villes les plus meurtrière du conflit syrien, est plutôt terrible. Me dire que les images qu »on nous montrent à la télé, les bombardements, les blessés, les réfugiés etc… tout ça est juste là, à côté de moi en fait, reste quand même une sensation étrange. D’autant plus que je me trouve ici dans le but de rejoindre l’Afrique, un pas de plus pour moi, un pas pourtant si important mais si proche d’un monde en totale perdition.

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Ici si proche d’un monde en totale perdition.

Me voici donc coincé là, à Iskenderun, avec une seule certitude: je ne rejoindrai pas l’Afrique en bateau. Je me tourne donc vers l’avion. Je n’ai plus le choix. C’est à Hatay (Antakya) que se trouve l’aéroport international le plus proche. 60 kilomètres à peine. Hatay- Istanbul, Istanbul-Alexandrie. Départ Mardi prochain. Une nouvelle expérience s’ouvre donc à moi: le vélo dans l’avion. Deux fois plus cher que le bateau et finalement plus long… sans te parler du stress des préparations. Emballer le vélo en espérant qu’il  arrivera entier à bon port. Enfin aéroport… Bref le bateau n’est pas parti… mais non je ne vais pas me plaindre…Non au fond il n’y a pas de quoi…

Gamin de rien

Tu sais sur ma route hier y avait cette gamine. Elle avait quoi 8 ou 9 ans, enfin quelque chose comme ça. Le regard sombre et les cheveux en bataille, elle tenait celui que je suppose être son tout petit frère dans les bras. Elle m’a regardé passer sur mon Cargo. Route plate et vent dans le dos moi j’fonçais là en direction du Cargo. C’est que j’y croyais encore à ce Cargo là. Moi j’te parlais de mon rêve. Oui tu sais t’as pas besoin de maison quand t’as l’horizon… Et moi crois moi je l’ai l’horizon… Bref mon rêve quoi…

Enfin bref…les cheveux en bataille, la peau foncée, les yeux vert pétant elle était troublante cette petite fille, assise là sur le bord de la route. Elle m’a suivi du regard tout du long et m’a même jeté un sourire lorsqu’elle me vit passer. Je l’a saluais, un instant j’ai même pensé à m’arrêter.La prendre en photo et puis te dire comme je suis beau, comme je suis bon. La prendre en photo et continuer comme si de rien n’était quoi.

Mais je l’ai pas prise en photo. J’me suis même pas arrêté. Simplement, j’ai pris le temps de la regarder. Ses cheveux étaient tellement sales qu’ils se liaient tous comme pour faire « un seul cheveu ». Ses habits je t’en parle même pas. Et au fond j’crois qu’elle était même pas si foncée que ça, sa peau. Plutôt crade en fait. Encore plus crade que les chiens errants… Mais elle me regardait passer d’un air innocent. Celui d’une petite fille de 8 ans.

Derrière elle y avait une tente bleue. Enfin une grosse bâche bleue servant de tente et puis une autre tente, et une autre encore. Certaine blanche. Les autres bleues. Posée là, dans un champ. Au bord de cette double voie quasi autoroute. C’était un village de tentes bleue sur lesquelles était disposés des tas d’habits qui séchaient. Le sol c’était un pré à la base, mais là… C’était plus un champs en fait. Si ce n’est quelques mètres de boues…Mais c’est vrai que la boue avait un peu séché quand même. Et je t’ai pas parlé des détritus qui jonchaient le sol… Bon y avait presque que de la ferraille et du pet mais y en avait quand même un sacré paquet… Pas d’éléctricité, deux trois feux pour rcéhauffer tout ça et manger quelque chose. Et elle, la petite fille, elle me regardait passer là. Le regard innocent. Le sourire bien présent.. Celui d’une petite fille de 8 ans. Petite réfugiée syrienne perdue dans un champ. Dans un camp.

Enfin je l’ai pas prise en photo mais  simplement mon bateau tu sais, même si ça m’emmerde de pas pouvoir le prendre, je vais pas en faire un drame. Y en a qui sont plus mal lotis…

Mahmut

A Iskenderun j’ai eu la chance de  rencontrer Mahmut. C’est lui qui m’a montré le chemin pour trouver l’agence des billets du fameux bateau. Il m’a attendu lorsque je discutais avec le type de l’agence et finalement j’ai dormi deux soirs chez lui et son meilleur ami, Ali. Dorigine syrienne. Mahmut tranche bien avec l’image qu’on les occidentaux à propos des gens d’ici. Après avoir visité Iskenderun, rencontré sa famille, manger ensemble et avoir bu quelques bières également, je quitte Iskenderun ce matin déçu de ne pas avoir pu prendre le bateau mais heureux d’avoir rencontré un nouvel ami. Me voici donc parti  nouveau sur mon Cargo en direction d’Hatay (appelé aussi Antakya ou Antioche) et de l’avion cette fois. Une nouvelle aventure qui s’ouvre à moi.

Olivier Rochat

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A Iskenderun j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer Mahmut.

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