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Sirocco, la bal(l)ade saharienne

Km 56’769, Tah, Maroc.

Voici un (long) récit de mes derniers kilomètres au Sahara dans le possible dernier pays africain de mon voyage, le Maroc. Plus encore, au Sahara occidental.

« Là ou le Sahara rencontre la mer, l’océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons. »

"Là ou le Sahara rencontre la mer, l'océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons."

« Là ou le Sahara rencontre la mer, l’océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons. »

Nous pensions y passer 20 jours, peut-être 25. Nous rêvions d’en passer 15, tout en craignant d’en passer 30.

« Le vent décidera! », nous le savions. Lui qui balaye le grand désert en quasi permanence, il décidera de notre avancée. Nous devrons nous y adapter. Nous en formaliser. Dans ces régions particulière comme l’est le Sahara, à la merci des distances et du vent, c’est ce dernier qui contrôle, c’est lui qui décide. Nous, nous nous adaptons. Nous faisons avec. Quitte à attendre pour cela.

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Dans ces régions particulière comme l’est le Sahara, à la merci des distances et du vent, c’est ce dernier qui contrôle, c’est lui qui décide.

Après 30 jours en Mauritanie, nous quittons cet époustouflant pays, magnifique à de nombreuses reprises et qui nous aura été accueillant jusqu’au dernier jour. Après l’éreintant voyage en train, nous rejoignons, sale et fatigué, Nouadhibou, à l’extrême nord de notre périple mauritanien, 50 kilomètres au sud de la frontière. Nous rejoignons aussi la côte Atlantique et, après 2 jours de repos incroyablement bienvenu chez Mohamed et sa famille ( mais quel accueil !), nous attaquons l’une des parties réputées les plus compliquées de mon voyage : la traversée du Sahara occidental du sud au nord. Soit 1300 kilomètres de désert, le long de l’Atlantique balayé par un vent qui, la grande majorité du temps, souffle du nord et parfois très fortement. Nous nous préparons donc à rouler contre le vent, comme tout le monde nous l’indique, pour plus de 1’000 kilomètres.

nous quittons cet époustouflant pays, magnifique à de nombreuses reprises et qui nous aura été accueillant jusqu'au dernier jour.

nous quittons cet époustouflant pays, magnifique à de nombreuses reprises et qui nous aura été accueillant jusqu’au dernier jour.

En recherche d’indépendance

Le Sahara occidental est une région, un pays même, très particulier. Reconnu comme  » territoire non-autonome » par l’ONU, sous gouvernement marocain depuis 1976, ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental se situe au sud du Maroc, au nord de la Mauritanie et partage une courte frontière avec l’Algérie à l’est. L’ouest du pays est longé par l’océan Atlantique et sa ville principale, Laayoune, se trouve juste en face des îles canaries. Sa superficie est plus grande que celle du Royaume-Uni mais, peuplé d’à peine un demi-million d’habitants, le territoire deviendrait le second pays le moins densément peuplé au monde en cas d’indépendance, juste derrière la Mongolie. La région est à l’origine peuplée de nomades, les sahraouis, en conflit depuis plus de 40 ans avec le Maroc pour ce territoire qu’ils revendiquent le leur sous le nom de « République arabe sahraouie démocratique (RASD) », via le Front Polisario. Celui-ci est un mouvement dont l’objectif est l’indépendance totale du Sahara occidental, revendication soutenue par l’Algérie. Devenu un enjeu global illustrant la rivalité entre le Maroc et l’Algérie, le dossier saharien bloque toujours la construction de l’Union du Maghreb arabe (UMA).

Aujourd’hui la majorité du pays est gouvernée par le Maroc qui administre et contrôle environ 80 % du territoire, tandis que le Front Polisario en contrôle 20 % laissés par le Maroc derrière une longue ceinture de sécurité, le « mur marocain » devenu aujourd’hui la frontière de facto, plusieurs centaines de kilomètres à l’intérieur des terres. De nombreuses mines « peuplent » cette frontière.

Mais soyons clair, une fois la frontière traversée, nous sommes bien au Maroc. Les imposants drapeaux marocains brandits un peu partout où poussent des bâtiments nous le rappellent. Le tampon d’entrée est bien un tampon marocain et c’est de « bienvenue au Maroc » que nous accueille la police. La route que nous empruntons, la seule qui traverse le Sahara occidental dans son ensemble, est sous contrôle totale du Maroc. En y entrant, j’entre là dans ce qui pourrait bien être le dernier pays africain de mon voyage (?), le 33ème, j’ai nommé: le Royaume du Maroc !

 

La région est à l'origine peuplée de nomades, les sahraouis

La région est à l’origine peuplée de nomades, les sahraouis

Mais ce n’est pas tant pour son histoire ou sa politique que j’avais noté cette partie depuis même avant mon départ voici 42 mois (!), mais bien plus pour son climat. Nous sommes là au Sahara, le long de la côte océanique sur ce qui fut la première route entièrement goudronnée à traverser le Sahara dans son ensemble terminée en 2005 côté mauritanien, 1992 (à vérifier) côté marocain. De toutes manière il n’y en a pas 36 puisqu’à ma connaissance seules 4 ou 5 routes officiels traversent le grand désert. Celle du Nil à l’est, avec deux variantes le long de la mer rouge et le long des oasis égyptiens, la mythique route de Tamanghasset, goudronnée sur quasiment tout son ensemble qui traverse le Sahara par son centre permettant de relier Alger à Lagos au Nigeria, celle qui relie Alger à Gao au Mali, non-goudronnée dans sa plus grande partie. Ces deux dernières, ainsi que quelques pistes pas toujours balisées, anciennes routes des caravanes du Sahara, sont interdites aux touristes pour causes de sécurité. La 4ème, celle de l’ouest est donc celle du Sahara que nous empruntons actuellement, reliant Tanger à Dakar le long de la côte Atlantique. Une autre route relie la Mauritanie à l’Algérie (Bir Mogrein-Tindouf), mais trouver des informations sérieuses quant à l’ouverture (aux touristes) de cette route est très compliqué, de nombreux camps de réfugiés sahraouis se trouvent également côté algérien de la route.

 

 

C’est donc sans réels options que nous empruntons cette route. Réputée pour son vent du nord, nous savons que nous débutons là l’une des parties les plus ardues du périple. De plus, le vent nous a déjà beaucoup soufflé contre en Mauritanie et, avec le manque de temps sur nos visas mauritanien, nous n’avons pu nous reposer comme souhaité. En quittant la Mauritanie, nous avons déjà plus de 1’000 kilomètres de Sahara dans les jambes, il nous en reste plus de 1’300.

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En quittant la Mauritanie, nous avons déjà plus de 1’000 kilomètres de Sahara dans les jambes, il nous en reste plus de 1’300.

Face à cette situation très particulière, notre « plan » est de jouer la gestion. Plutôt que de foncer tête baissée face au vent et s’épuiser inutilement jusqu’à littéralement « péter un câble », nous nous préparons à attendre s’il le faut, tel que nous l’avions fait en Mauritanie. Préférant ainsi les jours où le vent nous sera le moins défavorable, quitte à rouler la nuit pour cela, nous espérons ainsi sauver de l’énergie et garder le cap plus longtemps. Notre plus grande chance, pensons-nous, c’est soit d’avoir un vent d’ouest -de l’océan- comme il en arrive parfois, vent qui ne nous sera pas trop mauvais, soit un vent faible, voir inexistant. Car c’est lorsque le vent sera le moins fort que nous dépenserons le moins d’énergie. Et de l’énergie, pour traverser le Sahara, nous en aurons besoin.

Mais pourtant, sans n’avoir pu même l’espérer, en rejoignant Nouadhibou un phénomène particulier va se produire. Dès notre sortie du train, quelque chose me frappe: le vent souffle du sud. Mais que se passe-t-il ? Nous avons 5 kilomètres à descendre au sud pour rejoindre la ville et nous n’avançons pas à dix kilomètres à l’heure. Oui, le vent souffle du sud !!!? Il nous balaie même !

Au soir, installé chez Mohamed, nous contrôlons la météo et effectivement le vent souffle du sud. Il semble venir de la mer, propulsé par un énorme orage aux larges des côtes, et vient se  » fracasser » sur les terres. Là, il se divise en deux, descend au sud par la Mauritanie, monte au nord par le Maroc. Nous comprenons notre chance et n’hésitons pas longtemps : nous partons même avant la fin de notre visa. La situation s’inverse, de chassé nous devenons chasseur. De patient nous devenons impatient. Il faut comprendre qu’un jour avec le vent c’est minimum 100 kilomètres, certainement plus, avec une dépense d’énergie moindre. Le contraire c’est 50 kilomètres avec une dépense d’énergie monstrueuse. Le tout dans une région extrêmement répétitive où vous ne rencontrez pas grand monde et les paysages ne changent pas. Ou si peu. Le vent de face n’est pas seulement difficile pour les cyclistes que nous sommes, il est frustrant. Usant. Lutter contre c’est changer de caractère, devenir irritable, colérique. Le vent rend fou. Et fou, nous le sommes déjà suffisant sans ça. C’est décidé, nous partons. Et sans nous retourner.

Dès notre départ de Nouadhibou, comme indiqué par les prévisions météorologiques, le vent nous pousse. Il nous porte, travaille à notre place. En deux heures nous faisons la même distance qu’auparavant en un jour. Euphorique, nous nous lançons sur la route tout en sachant que cela peut ne pas durer. Chaque heure avec le vent peut être la dernière pour des semaines, nous en sommes bien conscient. Il faut profiter. Et nous en profitons.

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Parfois, des dunes lointaines se dressent au milieu des buissons

Les premiers jours se font dans un vide total ou presque. Seules quelques cafétéria, disposée tous les quelques 80-100 kilomètres, et les antennes téléphoniques nous servent d’abri et/ou de réapprovisionnement. Parfois, des dunes lointaines se dressent au milieu des buissons alors que les matins se font toujours frais et, parfois, sous un épais brouillard.
Des paysages lunaires habités de petits buissons côtoient notre route. Se répétant inlassablement.

Des paysages lunaires habités de petits buissons côtoient notre route.

Des paysages lunaires habités de petits buissons côtoient notre route.

Parfois, nous apercevons l’océan dont les vagues, soufflées elles aussi, viennent se fracasser contre les falaises. Elles me rappellent à l’Irlande. De l’Irlande au Sahara occidental, le parallèle est osé, certes, mais l’océan est le même. L’humidité et la grande fraîcheur des nuits, amenées par l’océan justement, le justifie un peu. Le long de l’océan, tous les 2-3 kilomètres, se trouvent de petites maisons. On pense d’abord à des maisons de pêcheurs. Ce sont des militaires qui contrôles l’immigration clandestines. Mais les villages sont très rares et la majorité des bâtiments que nous apercevons sont militaires, ornés d’énormes drapeau marocains. L’impression est bizarre, les gens qui vivent ici semblent ne pas y être né. Tout y est neuf, grand et propre. Organisé. Du contrôle de police/gendarmerie à l’intérieur des cafétéria. Plus proche de l’Europe que de l’Afrique de mes 3 dernières années, nous changeons de monde.

De l'Irlande au Sahara occidental, le parallèle est osé, certes, mais l'océan est le même.

De l’Irlande au Sahara occidental, le parallèle est osé, certes, mais l’océan est le même.

Il nous faudra atteindre Boujdour, notre première ville au 6ème jour de route, pour apercevoir une femme. Jusqu’ici, seul polices, militaire, gendarmerie, ouvriers des cafétérias et gens de passages ont croisés notre route. Tout y est grand et neuf, propres et surréaliste

Ce Sahara là, chaque jour, détruit tous les clichés qu’on puisse lui donner. Quelques fleurs, violettes, se dressent en bord de route, défiant le sable et les camions. Les chameaux font face à l’océan, puis disparaissent sous le brouillard alors qu’au 3ème jour de route, un panneau nous indique notre passage du tropique du cancer. Pour la première fois depuis plus de 3 ans, je me trouve au nord des tropiques.

Quelques fleurs, violettes, se dressent en bord de route, défiant le sable et les camions.

Quelques fleurs, violettes, se dressent en bord de route, défiant le sable et les camions.

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Ce Sahara là, chaque jour, détruit tous les clichés qu’on puisse lui donner.

Les chameaux font face à l'océan, puis disparaissent sous le brouillard

Les chameaux font face à l’océan, puis disparaissent sous le brouillard

un panneau nous indique notre passage du tropique du cancer. Pour la première fois depuis plus de 3 ans, je me trouve au nord des tropiques.

un panneau nous indique notre passage du tropique du cancer. Pour la première fois depuis plus de 3 ans, je me trouve au nord des tropiques.

Mais notre bonheur à nous, c’est le vent.

Si, après ce départ en fanfare, il s’arrête, nous soufflant contre pour un après-midi, il revient de plus belle dès le lendemain. Plus fortement encore. Il nous balaie. Nous souffle, nous porte à 30 km/h sans effort. 37 en poussant un peu. 40 parfois. Les kilomètres défilent maintenant sous nos yeux. Nous n’avons pas de moteur, mais avec ce vent, c’est tout comme. Des étapes que nous pensions durer plusieurs jours se déroulent en quelques heures. Les pauses déjeuners se font avec 80 kilomètres dans les jambes, parfois plus. Les après-midi nous en pédalons 60, souvent plus.
Et la situation météorologique, que nous observons de temps à autre grâce à l’étonnante connexion marocaine (3G même à plus de 100 kilomètres du village le plus proche), s’améliore. La chance est avec nous. Ici 1 jour avec un vent du sud était un rêve. Alors que dire d’une semaine ? La situation est inespérée. Nous nous engouffrons dans la brèche bien conscient que nous aurons le temps de nous reposer plus au nord, profiter des bazar aux épices et fruits colorés, du printemps qui s’annonce. Le Sahara se traverse. Le Maroc se découvre. Nous découvrirons plus tard, aujourd’hui, nous traversons. Nous pédalons.

Le Sahara défile sous nos yeux mais le marché de Boujdour, notre premier bazar, nous offre du magnifique. Les épices sentent bon et les boutiques offrent de tout, des fruits secs aux chocolats, de l’huile d’olive aux pâtisseries marocaines, des oranges délicieuses aux tomates tout aussi bonne, industriel ou artisanal. Nous sommes en vie.

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Le Sahara défile sous nos yeux

Mais sous un vent toujours aussi bon et généreux, nous continuons.

Tel des albatros, poussé par une tempête qui souffle dans notre dos, nous filons à toute vitesse, fracassant nos principes engendrés depuis plus de 3 ans. Tout me semble inversé, du rapport aux gens à celui de cette partie du voyage, à tel point que j’ai l’impression d’être ivre. De ne pas comprendre. D’être un autre, dans une situation autre, dans une culture autre, dans un climat autre. Je m’étais préparé aux jours les plus longs, pénibles et ennuyants de ma vie nomades. Ils sont les plus faciles. Les plus lisses. Les plus rapides aussi. 365 kilomètres sont avalés les 3 premiers jours. 173 le 4ème. Je m’étais préparé à souffrir du vent mais ce sont les cyclistes que nous croisons qui se retrouvent dans cette situation. Et eux aussi sont surpris. On leur avait prédit une traversée facile avec vent de dos, les voici qui galère pour tenir un 10 km/h. Le visage fermé, l’humeur difficile, c’est l’amertume qui les gagnes. Et on les comprends. Pour eux le Sahara se traverse en souffrant. Chaque kilomètres en sueur. Pour nous en sifflotant à 35 km/h, chantant le refrain des chansons qui passent sur nos MP3. Et moi je me tape des fous rire en repensant à tout ça. Car si le vent de face rend fou, celui de dos, lui, rend heureux. Il rend ivre. Le tout à 30 de moyenne. 40 en poussant un peu. Bon, on s’arrête, on compatit, on a presque pitié et, de gènes, on échange quelques mots. Et très vite, nous repartons. Cruel ? Certainement pas. Si le vent les freines ce n’est que brièvement. Dans quelques jours, il changera et, comme prévu, les poussera. Pour nous c’est le contraire, c’est maintenant ou jamais. La patience est une vertu…Sauf dans notre situation. Nous fonçons!

À mesure que nous continuons au nord, la circulation augmente. Les contrôles de police aussi. Quelques villages apparaissent enfin, puis une ville. Puis une autre le lendemain. C’est la vie qui augmente. Le Maroc attendu se rapproche, le Sahara se termine. Le bruit du trafic remplace peu à peu celui des vagues se fracassant aux falaises. Un champ d’éolienne se dresse au loin. Éole, justement, est avec nous. Seuls quelques dunes, soudaines, bordent notre route qui devient deux voies au moment d’aborder Lâayoune, plus grande ville du Sahara occidental. La route les coupes en deux et, en ce jour de tempête, le sable y est balancé à travers la route. Entre camions et voitures, le sable nous renversent dans un mini chaos. Rapidement des gonfle de sable se forment sur la route, freinant le trafic alors que les plus gros camions, avec une prise au vent maximale, s’arrête complètement pour éviter tous risques. Sableux, nous gagnons Lâayoune. Mais, poussé encore par ce vent tempétueux, continuons dans un paysage d’infini chargé de timides buissons et d’éoliennes au fond d’un horizon qui ne semble vouloir se terminer. Au soir, dans le village de Tah, nous quittons le Sahara occidental. 350 kilomètres de Sahara nous sépare de Guelmim, parfois proclamée porte du Sahara.

Après la plus longue semaine de ce voyage, 984 kilomètres au compteur pour près de 2’500 km au total, la traversées du Sahara est presque terminée.

Ce n’est que le lendemain que nous pouvons mettre un nom sur cet étonnant phénomène : le Sirocco. Le sirocco est, je cite, « un vent violent, très sec et très chaud qui souffle sur l’Afrique et le sud de la mer Méditerranée.
Le sirocco se produit lorsqu’une masse d’air tropicale et stationnaire installée sur le Sahara se trouve entre une zone anticyclonique à la verticale de la ligne du tropique du cancer et une soudaine zone de forte dépression se creusant rapidement au-dessus de la mer Méditerranée. La masse d’air saharienne brûlante est alors aspirée vers le nord par la dépression et remonte en direction sud-nord au-dessus du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie. »

Ce phénomène expliqué ne changera rien à notre sentiment général: de la chance. Beaucoup de chance, celle d’avoir été au bon moment au bon endroit. Ou un karma au top du top.

Nous pensions y passer 20 jours, peut-être 25. Nous revions d’en passer 15, tout en craignant d’en passer 30. 7 auront suffit.

« Là ou le Sahara rencontre la mer, l’océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons. »

"Là ou le Sahara rencontre la mer, l'océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons."

« Là ou le Sahara rencontre la mer, l’océan. Où les grandes eaux se mélangent aux grands déserts, nous pédalons. »

 Olivier Rochat

Panoramas de Mauritanie

Km 55’838, Nouadhibou, Mauritanie.

-dont 1’528 en Mauritanie-

Durant 1 mois j’ai découvert quelques régions, souvent merveilleuses, de la Mauritanie.

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Les dunes de l’Adrar

En compagnie de Pedro, voyageur espagnol, je me suis fait surprendre par le côté « photogénique » des paysages mauritanien, très particulier et différents de ceux vécus précédemment en Afrique subsaharienne.

En voici quelques uns:

Les villages sont construits de magnifiques maisons de terres cuites et peuplés, à grande majorité, de Peul.

Le long du fleuve Sénégal, les villages sont construits de magnifiques maisons de terres cuites et peuplés, à grande majorité, de Peuls.

Au sud de ce dernier, le Sénégal, le sahel. Au nord, la Mauritanie, le Sahara

Le fleuve Sénégal. Au sud de ce dernier (droite sur la photo), le Sénégal, le sahel. Au nord (d’où la photo est prise), la Mauritanie, le Sahara. Nous quittons l’Afrique subsaharienne. Ici le village de N’gorel, notre dernière nuit parmi les Peuls.

 Une piste, bonne, nous mène villages après villages au milieu d'un sahel aride

Une piste, bonne, nous mène villages après villages au milieu d’un sahel aride. (Photo par Pedro Alonso)

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De Aleg à Nouakchott, nous passons nos premiers kilomètres dans le Sahara. De nombreux nomades côtoient notre route.

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Pour changer du bitume, nous nous égarons sur les dunes que traversent notre route.

 Le Sahara nourrit mes fantasmes depuis longtemps. Il les nourrit toujours aujourd'hui.

Le Sahara nourrit mes fantasmes depuis longtemps. Il les nourrit toujours aujourd’hui.

Après Nouakchott le vent nous balaie. Rien ne le freine. Il nous bouffe littéralement et, parfois, nous roulons de nuit car il y souffle moins fort.

Après Nouakchott le vent nous balaie. Rien ne le freine. Il nous bouffe littéralement et, parfois, nous roulons de nuit car il y souffle moins fort. (Photo par Pedro Alonso)

Ainsi l'enfer débute. Ainsi l'enfer nous ouvre sa porte. Nous ouvre sa gueule.

Ainsi l’enfer débute. Ainsi l’enfer nous ouvre sa porte. Nous ouvre sa gueule. (Photo par Pedro Alonso)

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Enfin, nous débutons l’Adrar, une région plus intéressante, chargée d’Oasis et de montagnes. (Photo par Pedro Alonso)

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Tergit, notre premier oasis. Nous nous y reposerons 1 jour.

Entre les oasis, des dunes nous entourent. Le sable est projeté sur notre route, formant des gonfles importantes, déblayées régulièrement.

Entre les oasis, des dunes nous entourent. Le sable est projeté sur notre route, formant des gonfles importantes, déblayées régulièrement. (Photo par Pedro Alonso)

 le magnifique village de Tounghad, village aux maisons de pierre entourant un oasis en flanc de montagnes

Le magnifique village de Tounghad, village aux maisons de pierre entourant un oasis en flanc de montagnes.

Mais la route pour parvenir à ces lieux isolés n'est jamais facile. Les rivières asséchées sont pleines d'un sable profond. Après de nombreuses collines, il nous faut pousser!

Mais la route pour parvenir à ces lieux isolés n’est jamais facile. Les rivières asséchées sont pleines d’un sable profond. Après de nombreuses collines, il nous faut pousser! (Photo par Pedro Alonso)

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Après le sable, ce sont les cailloux qui nous freinent.

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Le passe Nouatil nous offre quelques merveilleux panoramas.

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Nous avons suffisamment d’espace. Pour nous seul…ou presque.

La route de Choum nous offre encore quelques beaux panoramas ainsi qu'un couché de soleil époustouflant.

De retour sur le goudron, la route de Choum nous offre encore quelques beaux panoramas…

La route de Choum nous offre encore quelques beaux panoramas ainsi qu'un couché de soleil époustouflant.

…ainsi qu’un couché de soleil époustouflant.

Enfin c'est sur le toit d'un train considéré comme le plus long du monde que nous quittons l'Adrar. Il transporte chaque jour d'énormes quantité de minerai de fer. Nous passerons 15 heures sur le haut des minerais.

Enfin c’est sur le toit d’un train considéré comme le plus long du monde que nous quittons l’Adrar. Il transporte chaque jour d’énormes quantité de minerai de fer. Nous passerons 15 heures sur le haut des minerais.

Le train peut mesurer jusqu'à 3 kilomètres de long.

Le train peut mesurer jusqu’à 3 kilomètres de long.

Mais la Mauritanie sait aussi accueillir. Nous y passons nos deux dernières nuit en (très) bonnes compagnies, choyés comme rarement.

Mais la Mauritanie sait aussi accueillir. Nous y passons nos deux dernières nuit en (très) bonnes compagnies, choyés comme rarement.  (Photo par Pedro Alonso)

Olivier Rochat

La nuit, le crépuscule et l’enfer

Km 55’311, Akjoujt, Mauritanie.

-Sur la route de l’Adrar-

Traverser le Sahara est une aventure différente , une expérience à part. Aussi mystérieuse que fantastique et difficile. Le Sahara nourrit mes fantasmes depuis longtemps. Il les nourrit toujours aujourd’hui. Et puis ici je ressens toute mon impuissance face aux éléments. Face au vent qui transforme 100 kilomètres en infini. 10 kilomètres en heures. 1 kilomètres en distance. Chaque distance, même la plus petite, en challenge. Mais traverser le Sahara est une chose, y vivre en est une autre. Au fond vivre ici, dans ce climat et cet isolement, c’est un « scandale! » Plus que ça une forme d’héroïsme. Quelle force, quelle folie faut-il avoir pour survivre, des siècles durant, dans ce climat là ? Nous quittons la côte, plate et venteuse, sans réel intérêt pour nous. Direction l’Adrar, une région d’Oasis et de montagnes, dans les profondeurs du Sahara. 400 kilomètres nous en sépare. Une seule ville, Akjoujt, au 2/3 de la route. Tout le monde s’y arrête car c’est le seul endroit où l’on y trouve nourriture, gîte et électricité. 4 jours nous ont été nécessaire pour la rejoindre. 4 jours difficile.

 Le Sahara nourrit mes fantasmes depuis longtemps. Il les nourrit toujours aujourd'hui.

Le Sahara nourrit mes fantasmes depuis longtemps. Il les nourrit toujours aujourd’hui.

Voici un récit écrit le long de cette route:

« Nous voici embarqué à travers le Sahara, le grand désert. Depuis Nouakchott nous avons retrouvé le plat, la répétition de paysages sans saveurs qui l’accompagnent, pour ne pas dire l’ennui, les distances et le vent.

Pour échapper au vent qui souffle plus fort en journée, nous partons dorénavant bien avant l’aube, alors que la nuit est encore noire et que le froid est piquant. Plus que ça, il me gèle. Comprenez, il doit faire… 8°C. Après 3 ans en Afrique, je le ressens comme un -30…

Je m’habille d’un training bien chaud, d’une paire de gants dégotée au marché de Nouakchott, d’un pull sous lequel j’ai double couche, et mon foulard me protège les oreilles. Seul mes pieds gardent un peu de leur liberté. Peut-être plus pour longtemps. Me reste encore à couvrir ma tête de la capuche de mon pull, et puis je m’en vais, réchauffé d’un café chauffé avec un réchaud à gaz péclotant -le froid bon Dieu- et nourri d’un bol de céréales. Nous débutons la journée les yeux encore mi-fermés mais le cœur déjà bien ouvert à l’inconnu des nuits sahariennes. Le ciel y est d’une beauté sans commune mesure. Les étoiles nous parlent. Et moi, je discute avec elles.

Nous laissons sans grand regret l’abri qui nous a servi de nuit, généralement une tente nomade, parfois de rencontre-s également. Les rencontres justement sont souvent rude, sans réel politesse. Au milieu de nulle part vivent quelques nomades qui font paîtres leurs bien courageux chameaux à une bosse. Leurs dromadaires. Parfois ces derniers sont accompagnés de chèvres ou de moutons alors que quelques chiens rôdent. Bien souvent sans être allé à l’école, enfermé dans un vaste infini, le Sahara, les nomades qui les accompagnent ne parlent pas le français et nos quelques mots de langues locales, ils ont l’air de ne pas les comprendre. Entrer en communication avec eux demeure un challenge certain à l’issue incertaine. Mais en ont-t-ils réellement envie ? Difficile à dire. Ils ont d’autres choses à faire, certainement. Ou plutôt non justement, que font-ils, ici, assis au milieu de nulle part? Que sommes nous pour eux, si ce n’est ce mot, « l’argent », que nous lancent celui-ci, d’un sourire trahissant ses dents jaunies par le sucre du thé qu’on boit tant par ici? De l’argent !!!? Ici !!?? Mais pour quoi faire !??? Le néant ne s’achète pas! Ne se vend pas. Enfin, je crois. Ils seraient riche, bien plus même que Donald Trump, si c’était le cas.

Nous laissons sans grand regret l'abri qui nous a servi de nuit, généralement une tente nomade, parfois de rencontre-s également.

Nous laissons sans grand regret l’abri qui nous a servi de nuit, généralement une tente nomade, parfois de rencontre-s également.

Leur réalité me dépasse autant qu’elle me fascine. Je les respecte pour leur mode de vie, car il demeure au milieu d’un climat qui compte parmi les plus rude de la planète. Ce respect est profond, sincère et teinté de fascination, plus encore d’administration. Comme oubliés du reste du monde, ils sont ce que je ne serai jamais. Tout en étant bien plus que ce que je suis et n’ai jamais été. Pourtant je ne les aimes pas tant. Enfin, un peu quand même. Et si ce n’est par leurs manières, c’est par leur force, leur authenticité, que je les aime. Nous essayons, pourtant, de communiquer avec eux. Sans jamais y parvenir. Ou si peu là encore. Ils nous parlent dans leur langue, visiblement le Hassani, sans avoir l’air de comprendre que nous ne comprenons rien de ce qu’ils disent. Ils insistent, persistent et signent. Mais c’est un peu réciproque. Même notre nom, ils n’ont l’air de le comprendre. La distance qui nous sépare me semble grande comme l’est le Sahara et Dieu que l’Afrique noire me semble loin, avec ses sourires et toute sa vie, dans ce vaste infini.

Pourtant, toujours, ils finiront par nous offrir le thé, par séries de trois tasses, et même souvent à manger. Du riz, du couscous ou un mélange de pain écrasé avec une sauce accompagnée de viande de dromadaires. Les légumes n’existent pas ici. Eux non plus ne survivent à ce monde là. Cette nourriture nourrit le corps, c’est vrai, mais Dieu qu’elle est rude.

Toujours, ils finiront par nous offrir le thé, par séries de trois tasses, et même souvent à manger.

Toujours, ils finiront par nous offrir le thé, par séries de trois tasses, et même souvent à manger.

Pourtant c’est sans conteste le climat qui est le plus rude. Il est encore bien plus rude que le plus rude des nomades.
Seul les matins -et les soirées parfois- nous sont plus doux, sauf par le froid qui nous glace. Oui car le vent y dort, lui. Il est grand temps de partir. Débuter la route.

La nuit nous offre tout son infini, elle aussi. Aveugle des yeux, l’imagination n’en est que plus renforcée. Les lumières rouge des antennes téléphoniques scintillent au loin. Pendant plusieurs dizaines de minutes, nous les apercevons, petits points rouge au fond de la nuit. Parfois c’est un phare qui brille au loin, comme une étoile. Celui d’un véhicule. Il brille au fond de cette ligne droite. Il est si lointain qu’il nous faut bien dix minutes, parfois plus, pour comprendre qu’il bouge, qu’il s’approche. Puis finalement devient deux, s’accompagne d’un bruit de moteur, cligne deux fois pour nous saluer avant de nous passer lentement. C’est un gros camion. Puis le noir, l’inconnu et l’imagination reprennent leurs droits, parfois accompagné d’une lumière rouge, celle de la prochaine antennes téléphonique qui nous accompagne pour la prochaine demi-heure. La nuit est encore longue mais finalement, au bout de quelques dizaines de minutes ou quelques heures, suivant notre heure de départ (entre 2 heures et 6 heures du matin), nous apercevons l’horizon qui, d’une légère teinte orangée dominant le fond du ciel, change peu à peu. Le soleil s’approche. Les étoiles se taisent. C’est à leur tour de dormir. Dommage. Elles me racontaient des histoires. Des poèmes.

Le ciel se couvre de couleurs et si le néant nous entoure, le paradis semble quant à lui nous surplomber.

Le ciel se couvre de couleurs et si le néant nous entoure, le paradis semble quant à lui nous surplomber.

Déjà nous distinguons les premiers buissons, au son d’une voiture qui passe. Nous avançons vite et, bientôt, j’aperçois les chiffres de mon compteur: 23 kilomètres ce matin. Un rien. Nous sommes parti tard et le Sahara est si grand. Le soleil s’approche encore. L’orange du soleil qui arrive prend de plus en plus de place à l’horizon. Le noir du ciel passe au bleu marine d’un fond de mer. Le ciel se couvre de couleurs et si le néant nous entoure, le paradis semble quant à lui nous surplomber.

Il fait déjà jour depuis un bon moment lorsqu’enfin le soleil se décide à surgir de l’horizon, boule brillante, à droite -l’est- de notre route. Paradoxalement les températures baissent encore, pour atteindre peu de temps après leurs paroxysme en négatif. Il fait froid. Une trentaine de minutes plus tard, la courbe s’inverse enfin. Le soleil brille au ciel, nous éblouit. Nous apercevons maintenant ce vaste infini. L’horizon est partout et seuls quelques buissons lui résiste un peu, survivant ici et là, nous rappelant à quel point la nature est fantastique. Miraculeuse. Les antennes téléphonique, souvent distantes d’une quinzaine de kilomètres l’une de l’autre, rythmes toujours notre avancée.

Lorsque nous les apercevons, nous avons l’impression d’être tout proche. De pouvoir y arriver rapidement. Ce n’est pas tant le réseau qu’elles sont sensées offrir qui nous intéresse. Ce dernier, de toute manière, est souvent misérable. Sinon inexistant. C’est plutôt l’abri qu’elles nous offrent que nous recherchons, tel un phare en pleine tempête océanique. Un gardien y vit, parfois accompagné de sa famille. Vivant dans une tente, accompagné de chèvres, moutons et/ou chameaux, parfois d’un chien ou d’un chat respirant la solitude à plein nez, tous passent leur journée à attendre. Attendre. Et attendre encore. Ici attendre est une activité à part entière.

Mais parfois c’est jusqu’à quinze kilomètres qui nous en sépare. Le terrain est si plat, si vide, que mettre une distance sur quelque chose en face de nous est un réel challenge. Nous sommes en mer, en fait. L’eau y est de sable comme les vagues y sont de dunes. Ces antennes se dressent en face de nous tel le phare du marin, nous pensons y arriver bientôt, mais pendant plusieurs kilomètres elles semblent garder la même taille, la même insignifiance teintée d’espoir, comme si elles aussi bougeaient avec nous. Comme si l’horizon bougeait lui aussi.

L’infini est rude. Il n’est jamais fini. C’est là toute sa rudesse. Il est si libre qu’il en devient prison. Nous, nous sommes prisonniers de notre liberté. Et suffisamment libre pour comprendre notre impuissance face à cette nature là. Pour la vivre aussi. Une impuissance teintée de solitude. La patience comme seul vertu. Ici, nous ne sommes qu’un grain de sable. Nous sommes redevenu poussière. La bonne nouvelle, c’est que nous l’avons toujours été, poussière. Nous en reprenons simplement conscience.

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L’infini est rude. Il n’est jamais fini.

Et lorsque le vent se lève il est 8 heures, parfois 9 heures ou à peine plus. Et il a faim. Comme toujours. Ce matin il a même deux proies. Vite, il attaque! De plus en plus fort. Avec certitude et violence. Nous nous sentons chassés, humiliés, par ce vent qui balaie le désert et seul une folie philosophique me rappelle que ce n’est point lui qui va contre moi. C’est moi qui vais contre lui. Dans les faits il n’a qu’une direction depuis plusieurs jours. Elle est l’inverse à la nôtre (nord-est pour nous), mais parfois, lorsque la route esquisse un léger changement de direction, il nous frappe de côté, nous violentant, comme s’il essayait de nous pousser au milieu de la route. Nous voici coquille de noix au milieu de l’océan, ou bien grain de sable au milieu du Sahara, c’est selon. Nous luttons maintenant contre le vent pour avancer, mais aussi pour garder notre ligne. Éviter, aussi, de se prendre un camion. Bien vite nous diminuons notre rythme tout en augmentant nos efforts. Le sable est maintenant propulsé en pleine route. Il dessine des vagues ici et là, parfois nous bouffe jusqu’à la gueule. Seul un mur semble pouvoir l’arrêter. Il pénètre partout. Chaque orifice, quel qu’il soit, est transpercé par le sable. Ainsi l’enfer débute. Ainsi l’enfer nous ouvre sa porte. Nous ouvre sa gueule. Pour nous, il est temps de se reposer.

Ainsi l'enfer débute. Ainsi l'enfer nous ouvre sa porte. Nous ouvre sa gueule.

Ainsi l’enfer débute. Ainsi l’enfer nous ouvre sa porte. Nous ouvre sa gueule.

Alors nous visons la prochaine antenne qui se dresse en face de nous, tout en refusant de savoir qu’il nous faudra 45 minutes, peut-être 1 heure, pour l’atteindre. Pour mourir enfin. Ou vivre c’est selon. Et mieux renaître une fois le vent tombé, ce soir ou demain. On ne sait pas. Il nous faut attendre. Car il n’y a qu’en patience, comme me le rappelle sagement Pedro, que nous pourrons dompter le vent avant qu’il nous dompte lui. Si nous ne voulons pas finir en squelettes séchés, fou ou suicidaire, il va nous falloir gérer. Attendre l’accalmie. Et s’y lancer. Repartir au bon moment. Comme le phénix renaît de ces cendres.

Une heure en enfer plus tard, l’antenne a bien grossi. Nous l’atteignons. Il est temps de se protéger, respirer.

La tente qui borde l'antenne est vide. Devons nous y entrer ?

La tente qui borde l’antenne est vide. Devons nous y entrer ?

La tente qui borde l’antenne est vide. Devons nous y entrer ? Nous entrons. Nous verrons bien. Je suis sûr que le gardien comprendra, après tout c’est encore l’Afrique ici. Les gens sont plus compréhensibles que par chez moi. Ils n’ont pas peur de l’étranger. Et puis dans ce vide là les rencontres sont si rares qu’il ne faut pas les perdres. Elles comptent double. Oui c’est décidé, nous entrons!

À l’intérieur, le vent ne passe plus. Nous l’entendons juste crier, taper à la porte, puis repartir. Nous trouvons là un abri, un véritable oasis. Et l’enfer n’y entre pas. Il reste dehors.

Nous trouvons là un abri, un véritable oasis. Et l'enfer n'y entre pas. Il reste dehors.

Nous trouvons là un abri, un véritable oasis. Et l’enfer n’y entre pas. Il reste dehors.

Il est temps de s’asseoir. D’attendre. Et mourir enfin. Mourir en écoutant le vent qui nous chante son opéra. Son Beethoven. C’est qu’il est en forme aujourd’hui. Il se prend pour Eminem mais a la justesse d’un Mozart. La folie aussi. Les notes partent et reviennent, teintée de sable et d’inspiration. C’est qu’il chante fort, le vent. Mais il chante juste. Et ne semble vouloir se calmer. Je l’entends qui chante un Requiem, comme pour nous ordonner « d’arrêter ou mourir ». Ce n’est pas une question. Dorénavant l’arrêt n’est plus une option, c’est une nécessité. Le vent ne pose pas de question. Il impose des réponses.thomas wiesel thomas

Le temps, quant à lui, s’arrête enfin. Nous attendons. Des heures durant. Sans savoir, ni espérer, quand nous repartirons.

Seul quelques mots traînent.

Ils me disent comme tu es belle. Comme je t’aime. Toujours plus. Pi que tu me manque. Toujours plus. Et ce bien au-delà d’un quelconque infini.

Oui. Que je t’aime.

Et le vent n’y peut rien… »

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Olivier Rochat

Mauritanie: à nous le Sahara

 Km 55’013, Nouakchott, Mauritanie.

L’Afrique à vélo, leçon numéro 1: sortir des itinéraires traditionnels.

L'Afrique à vélo, leçon numéro 1: sortir des itinéraires traditionnels.

L’Afrique à vélo, leçon numéro 1: sortir des itinéraires traditionnels.

Je ne vais pas y aller par 4 chemins ces dix premiers jours de route en Mauritanie n’ont pas été beau ou sympathique ni même agréable. Beaucoup plus que ça, ils ont été fabuleux. Accueillant. Venteux. Spectaculaire. Et changeant. Bienvenus, même, tant ils ont apporté un souffle nouveau sur mon périple.

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Je ne vais pas y aller par 4 chemins ces dix premiers jours de route en Mauritanie n’ont pas été beau ou sympathique ni même agréable. Beaucoup plus que ça, ils ont été fabuleux. Accueillant. Venteux. Spectaculaire. Et changeant.

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Et cette fois on peut le dire: nous avons quitté l’Afrique noire. Et non sans quelques journées délicieuses longeant le fleuve Sénégal en guise d’adieu. Quittant là la route goudronnée et avec elle le trafic et le contrôle -toujours bienveillant certes- des policiers, nous longeons ainsi le fleuve Sénégal, apercevant, 5 jours après l’avoir quitté, les terres du Sénégal, plus fertiles et « développées », qui émergent sur l’autre rive. Pour la dernière fois.

 Le fleuve Sénégal. Un fleuve qui sépare le Sénégal de la Mauritanie.

Le fleuve Sénégal. Un fleuve qui sépare le Sénégal de la Mauritanie. (photo par Pedro)

Une frontière marquante pour un vrai changement

Il faut comprendre que la plupart des frontières d’Afrique ne sont bien souvent ni culturel ni géographique, résultat des colonies qui, il y a environ un siècle, se sont partagé l’Afrique à la manière dont l’on se partage un gâteau d’anniversaire. Encore que les parts -du gâteau- sont généralement plus égales. Ces frontières ne prennent en compte ni les langues ni les ethnies locales. Ces dernières se retrouvent ainsi séparée. À gauche de la frontière on parle le Peul. À droite aussi. Mais une fois à l’école ceux de droites parleront l’anglais, ceux de gauches le français (exemple). Plus tard un passeport éloignera plus encore ce peuple, ou un autre, appartenant aujourd’hui à différentes nations tout en étant, objectivement, le même peuple. Ainsi passer une frontière c’est souvent changer de langues  » coloniales », de monnaies, de réseau téléphonique ou de produits de consommation, pour tous résultats « d’importation culturel ». Pourtant, bien souvent, le peuple, la langue locale, reste la même. Les ethnies, les langues, les cultures africaines ne sont si peu prisent en compte dans ce découpage du continent que leurs frontières sont très fictives voire indéfinissable. Les peuples se mélangent, plus encore que les religions qui voient les mosquées pousser en face des églises dans des villages à majorité animistes (!). Le principe de nation tel que nous le connaissons aujourd’hui est un principe aussi récent qu’occidental, pour le moins non-africain. C’est pourquoi, peut-être, l’africain tel que je le vois et vit semble s’identifie d’abord à son continent, l’Afrique, avant de s’identifier à sa nation. Aux yeux du monde, l’africain est bien souvent africain bien avant d’être ivoirien, sénégalais, burundais ou tchadien. Je pense qu’il est avant tout Peul, Yoruba, Massai, Chewa, Sénoufo ou j’en passe. La tribu -ethnie- d’origine compte plus que la nation.

 

En Mauritanie c’est un peu différent. En tout les cas, ça l’a été pour nous. Pour moi.

 

Au sud de ce dernier, le Sénégal, le sahel. Au nord, la Mauritanie, le Sahara

Au sud de ce dernier, le Sénégal, le sahel. Au nord, la Mauritanie, le Sahara

La Mauritanie est donc séparée du Sénégal par un fleuve, le fleuve Sénégal. Au sud de ce dernier, le Sénégal, le sahel. Au nord, la Mauritanie, le Sahara. Une frontière géographique, mais culturel également bien que les peul et wolofs, très présents au Sénégal, sont aussi présent en Mauritanie et notamment le long de ce fleuve que nous longeant durant une semaine, ne l’apercevant qu’épisodiquement. Dès que la route nous éloigne du fleuve, les paysages deviennent extrêmement arides, les arbres se raréfient, nous apercevons même nos premières dunes, et les villages sont souvent peuplés de maures vivant dans de grandes tentes pointues, souvent décorées, ressemblant aux nomades.

Dès que la route nous éloigne du fleuve, les paysages deviennent extrêmement arides,

Dès que la route nous éloigne du fleuve, les paysages deviennent extrêmement arides,

Lorsque nous replongeons le long du fleuve la végétation augmente, de même que champs et cultures, nous trouvons quelques légumes. Les villages sont construits de magnifiques maisons de terres cuites et peuplés, à grande majorité, de Peul. Nous, nous avons le droit de serrer la main aux femmes.

Les villages sont construits de magnifiques maisons de terres cuites et peuplés, à grande majorité, de Peul.

Les villages sont construits de magnifiques maisons de terres cuites et peuplés, à grande majorité, de Peul.

En quittant la route nationale, nous retrouvons aussi cette campagne si accueillante -et belle- que nous aimons tant. Une piste, bonne, nous mène villages après villages au milieu d’un sahel aride dont la vie, l’eau, tourne essentiellement autour du fleuve Sénégal. Les maisons de terres cuites au fenêtre basse savent rester fraîche même en pleine journée, et les belles mosquées qui les dominent donnent à ces villages un réel attrait, un bonheur pour les yeux.

 Une piste, bonne, nous mène villages après villages au milieu d'un sahel aride

Une piste, bonne, nous mène villages après villages au milieu d’un sahel aride

Au soir, nous demandons à passer la nuit dans un village. Pour ainsi faire et respectant les traditions locales, nous demandons à parler au chef du village. Les enfants, curieux et amusé, nous y mènent. Dès lors la situation sort presque de tout contrôle, les enfants nous communiquant leur joies sans réfléchirs. Ils me baptisent « Neymar », et c’est sous des Neymar! Neymar ! Neymar ! que nous traversons le village. Amusé et un brin taquin, Pedro, en bon madrilène, continue avec un « Hala Madrid » que les enfants reprennent  en cœur, et ce jusqu’à ce nous rencontrions enfin le chef du village qui nous accueille en grande pompe, provoquant un attroupement de dizaines et dizaines d’enfants.

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Les enfants, curieux et amusé, nous y mènent. Dès lors la situation sort presque de tout contrôle,

Ce soir-là, partagé avec ces villageois dans ce village magnifique bordant le fleuve Sénégal, je le vit, intérieurement parlant, de manière très intense. Très forte. Nous partageons ensemble, comme toujours, le repas. Assis autour d’un grand bol de nourriture, riz, macaronis ou thieboudiène (plat typique sénégalais), plongeant à tour de rôle notre main dans cet énorme bol. En quittant ce village, nous en sommes conscient, nous quittons cette culture là. Nous quittons le sahel. Cette soirée, vécue tant de fois en Afrique noire, sera peut-être la dernière.

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Ce soir-là, partagé avec ces villageois dans ce village magnifique bordant le fleuve Sénégal, je le vit, intérieurement parlant, de manière très intense. Très forte.

A nous le Sahara

En effet, pour rejoindre Nouakchott, la capitale de la Mauritanie, nous empruntons un détour. La plupart des cyclistes rencontrés empruntent la route de la côte, qu’on nous dit ennuyante. Mais en empruntant ce détour de plus de 300 kilomètres à l’intérieur des terre, l’ennui ne sera définitivement pas de la partie. Bien au contraire.

 

En empruntant ce détour de plus de 300 kilomètres à l'intérieur des terre, l'ennui ne sera définitivement pas de la partie. Bien au contraire.

En empruntant ce détour de plus de 300 kilomètres à l’intérieur des terre, l’ennui ne sera définitivement pas de la partie. Bien au contraire. (photo par Pedro)

À mesure que nous nous éloignons du fleuve, nous nous rapprochons du Sahara. Ce détour nous permet également de ne pas prendre le vent en pleine face. Il vient du nord-est, nous allons au nord-ouest. Mais plus que ça et bien vite de superbes dunes, spectaculaires et fantastiques, bordent notre route. Les voici qui traversent notre route, goudronnée heureusement, qui foncent sur Nouakchott.

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Les voici qui traversent notre route, goudronnée heureusement, qui foncent sur Nouakchott.

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rbes dunes, spectaculaires et fantastiques, bordent notre route

Pour 3 jours nous allons pénétrer l’un des décors les plus spectaculaire que j’ai pu voir directement depuis une route goudronnée. Les villages sont nombreux, parsemés de tentes aux toits -souvent- bleus et maisons souvent colorées. Ils nous facilitent grandement la tâche puisque nous pouvons nous y abriter du vent, nous reposer corps et esprit tout en rencontrant les locaux qui nous invitent souvent à manger.

Les villages sont nombreux, parsemés de tentes

Les villages sont nombreux, parsemés de tentes

 nous pouvons nous y abriter du vent

nous pouvons nous y abriter du vent

Les dunes, quant à elles, nous plongent dans un Sahara fantastique. Les buissons qui les habitent parfois nous rappellent au sahel. Les maures qui peuples la région à l’Afrique du nord. La route nationale, jonchée de trous à certains endroits, au danger fréquent des routes africaines. Et les innombrables collines que nous traversons nous apportent vues et difficultés. Je suis éblouis, estomaqué parfois, et je m’avoue me demander parfois outre je suis.

 

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Les dunes, quant à elles, nous plongent dans un Sahara fantastique

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Les buissons qui les habitent parfois nous rappellent au sahel

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Les maures qui peuples la région à l’Afrique du nord (photo par Pedro)

La route nationale, jonchée de trous à certains endroits, au danger fréquent des routes africaines

La route nationale, jonchée de trous à certains endroits, au danger fréquent des routes africaines

les innombrables collines que nous traversons nous apportent vues et difficultés.

les innombrables collines que nous traversons nous apportent vues et difficultés. (photo par Pedro)

Demeure cette impression aussi prenante qu’incertaine, celle d’avoir changé de monde.

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Demeure cette impression aussi prenante qu’incertaine, celle d’avoir changé de monde.

(photo par Pedro)

En attaquant le plus grand désert chaud du monde, le Sahara (près de 15 fois la France), nous débutons une partie difficile de notre périple. D’autant plus que nous l’affrontons depuis le sud, alors que le vent vient généralement du nord (plus ou moins). Une partie charnière et inévitable. Une sorte de fantasme pour moi. Ce désert demeure à mes yeux aussi fascinant que certains de ses recoins sont impénétrables.

(photo par Pedro)

En attaquant le plus grand désert chaud du monde, le Sahara (près de 15 fois la France), nous débutons une partie difficile de notre périple. (photo par Pedro)

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Sa traversée, pourtant, a débuté de manière éblouissante.

Olivier Rochat