Saison des pluies

Km 42’332, Brekusu, Ghana.

Petit « texte réflexion » écrit en quittant Accra, débutant la saison des pluies, le 9 mai 2017.

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Je quitte Accra.

Je quitte Accra. Je quitte la côte de l’atlantique après 2 mois à leur côté. 2 mois partagé entre 2 capitales, Lomé et Accra, capitales respectives du Togo et du Ghana, et Cotonou, plus grande ville du Bénin.

2 mois très particulier partagé entre démarches administratives, retrouvailles puisque j’y ai retrouvé non seulement ma mère durant 2 semaines, plus de 30 mois après nous être quitté, mais également Séverine présidente de To go to children, venue avec une amie, et aussi d’aboutissement puisque ensemble nous avons participé à l’inauguration de notre seconde école non sans avoir visité la première, construite en 2013.

Puis les pauses se sont prolongées à Accra, pour raisons plus intimes. Et aujourd’hui, après deux mois de pause quasi constante, je reprends la route. Je quitte la côte, je quitte Accra et son climat étouffant où se mélange constamment chaleur et humidité dans une lourdeur éreintante.

Une lourdeur climatique qui me poursuit depuis mon arrivée en Afrique de l’ouest. Dès lors se sont mélangés tantôt la chaleur, dans la partie nord du Bénin (41 degré), tantôt l’humidité et les nuits particulière dont les températures en cette saison ne descendent jamais, hors orage, en dessous de 25 degré atteignant souvent les 27 degré au petit matin.

Vers une longue saison des pluies ?

Mais ces derniers jour le climat se décide enfin à changer, voici la saison des pluies qui arrivent. Tout du moins les orages se rapprochent les uns des autres, les nuages couvrent le ciel de plus en plus régulièrement.

Pour moi ce sera la 4ème que je m’apprête à traverser, mais si jusqu’ici je m’en étais plutôt bien tirer, il est fort probable qu’il en soit différent cette fois. En effet la saison des pluies ne touchent pas tous les pays au même moment.

Progressant dans la même direction qu’elle je risque fort de la retrouver tout le long de ma route jusqu’à Dakar, soit sur plusieurs milliers de km.

3 solutions s’offrent à mois pour traverser l’Afrique de l’ouest :

La 1ère c’est foncer, passer tout droit et traverser chaque pays en début de saison des pluies et notamment en Guinée où les routes ne sont pas souvent goudronnée et la pluviométrie annuelle de certaine régions du pays est multipliée par 4 par rapport à d’autres pays d’Afrique de l’ouest.

La 2ème c’est continuer sans se poser de questions.

La 3ème c’est profiter de la longueur de mes visas pour ne pas précipiter mon action et ainsi éviter le gros de la saison des pluies et traverser la Guinée au mois d’octobre seulement, évitant les mois de Juillet et août notamment, alors qu’il y pleut, en moyenne, 3 fois plus qu’à Londres sur une année entière (la mousson africaine).

Solutions la plus logique à mes yeux mais qui signifierait un retour…en 2018. Ce qui n’est pas pour me déplaire.

Enfin sur la route

La pluie de ce matin est venue elle aussi me conforter dans cette idée, comme je le fais depuis plusieurs mois maintenant.

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La pluie de ce matin

En effet sortir d’Accra, ville de plus de 2 millions d’habitants, ne fut pas une réelle partie de plaisir. Déjà que jouer avec un trafique pas toujours bienveillant avec les quelques cyclistes qui osent s’aventurer sur ces 3 voix n’est pas agréable en soit, mais lorsque la pluie s’y mêle, cela devient vite une galère dont vous n’attendez qu’une chose, vous éloigner. Mais la pluie étant arrivée de manière si inattendue, une dizaine de minutes après mon départ, je me retrouve vite coincé au milieu de cette circulation dont il ne manque bientôt que des rames au voiture pour que j’aille l’impression de faire du pédalo. En attendant, c’est moi qui rame.

Heureusement, aussi soudainement que cette prochaine avait débuté, la pluie s’est arrêtée. En bordure d’Accra. Comme pour me dire : te voici parti, je m’arrête !

Avant de reprendre de plus belle quelque instant plus tard m’indiquant ainsi que la pluie en cette saison est tout et beaucoup à la fois. Sauf prévisible.

À douceur retrouvée, quelques dizaines de minutes plus tard, voici que c’est une colline, en sortie d’Accra, que je retrouve. Ma première véritable montée depuis mon arrivée en Afrique de l’ouest. Et cette fois ce n’est pas un faux plat mais une véritable montée dont j’aperçois, au pied de cette dernière, cette route qui serpente la colline me laissant apercevoir quelques instants plus tard, au fil des virages et de l’ascension, Accra que je laisse derrière moi. Comme une princesse qui s’en va en me disant revient. En me disant suis moi !

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Accra que je laisse derrière moi.

 

Comme si Accra pleurait.

Cette montée je l’aborde comme un col alpin. Un Galibier, un Stelvio, un Grand-Saint Bernard. Sauf que le col d’aujourd’hui n’est qu’une colline et que la route qui y grimpe ne monte pas sur plus de 5 km. Mais bien qu’il n’aie pas (encore) plu ici, la pluie que je laisse derrière moi apporte une humidité écrasante, qui frôle les 100%, certainement.

À mesure que je grimpe il me faut lutter. Lutter non pas tant contre la pente mais contre cette lourdeur qui m’écrase. En 3 minutes à peine, alors qu’il y a peu encore je me trouvais dégoulinant de pluie, me voici dégoulinant de transpiration. Pourtant la vue que m’offre l’un des virages est vécue comme une récompense. Comme un violent rappel de ce qui fut souvent, depuis 11 ans maintenant, une certaine réalité: plus une route est difficile, plus elle est belle. C’était déjà le cas hier. C’est encore souvent le cas aujourd’hui.

Ainsi je regarde Accra une dernière fois, d’une vue impensable une heure auparavant, alors même que je me trouvais dans cette même Accra. Un peu comme Di Caprio dans Titanic.

Inversant l’ordre des faits me voici maintenant au nez du bateau. Appréciant comme le monde est beau. Surtout quand on les voit, tu sais, toutes ces merveilles ici bas.

Aussi l’Afrique de l’ouest soudainement me rappelle à chez moi, à ce pays, ces paysages qui me manque ici bas. Tu sais les alpages. Et les routes qui y mènent. Passant d’une vallée a l’autre, mélangeant les langues comme les paysages, passant de l’italien au romanche, après s’être levé en français et avant de s’endormir en Suisse-allemand.

Ma petite suisse.

Du Ghana aux alpes, des bananiers aux glaciers pourtant, il y a un monde, et même plusieurs, d’écart.
Là-bas les montées qui débutent, parfois, presque au niveau de la mer, se terminent, souvent, au pied des glaciers.

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Ici c’est bananier, cacaoyer en manguier tout du long.

Ici c’est bananier, cacaoyer en manguier tout du long. Et on se baigne en regardant les cocotiers. Pourtant demeure ce lien, comme une magie qui opere et qui résiste au temps, comme un plaisir qui rajeunit au fil du temps.

Celui de pédaler. Qui arrive à faire le lien entre une colline au Ghana et ce monde lointain, Celui de chez moi.

Soudainement me voici plongé dans des souvenirs et sensations qui peuvent venir, au fil du temps, à manquer. Un seul regard sur cet avion qui sen va quelque part et sur lequel il est écrit « Ethiopian Air Lines » et je réalise qu’en un instant, ou presque, je pourrais rentrer chez moi. Mais collé à la route, d’une gravité écrasante suite à la pesante lourdeur de l’humidité, je me rappelle à ce que l’Afrique m’enseigne chaque jour depuis bientôt 30 mois. De ces multitudes de règles, comportement et réalités dans lesquels je ne fait que passer mais dont l’une d’elle ressort vainqueur à chaque fois, me réconfortant dans mon chemin, quel qu’il soit.

Ici, on a le temps. Et avec lui tout fini par s’arranger.

Et si l’éloignement m’a enseigner qu’on peut aimer son pays sans aimer chacune de ses idées, de ses réalités, qu’elles soient politique ou éthique, l’Afrique quant à elle m’a enseigné le temps.

Car quel que soit nos idées, nos réalités, politique ou éthique, je pense qu’il demeure, du moment qu’il y’a conscience, notre réalité la plus réelle où même la spiritualité finit par s’y perdre, évoluant, elle aussi, au fil du temps. Tout simplement.

Alors autant vivre avec, le prendre sous toute ces formes, le temps. Et puisque seul lui décide de son rythme, ne devrions nous pas nous aussi le laisser décider du nôtre. Un peu.

Et nous contenter de décider du reste de ce qui est « décidable ? »

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Olivier Rochat

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