La « plus belle route » d’Afrique

Km 12’780, Eldoret, Kenya.

C’est en quittant le Lac Turkana que j’ai découvert ce que j’ai appelé: la plus belle route d’Afrique. En effet malgré son statut de « route principale » j’ai pédalé durant 220 km sur une asphalte détruite  qui s’est mélangée aux cailloux, aux sables et parfois à la boue… En quittant Kalakol j’étais content de retrouver l’asphalte… Il n’en est rien. C’est donc depuis cette route monstrueusement merdique que j’ai découvert le Nord du Kenya. De beaux paysages, par moments monotones mais qui devinrent plus beau lorsque je me remis à grimper sur les hauts plateaux puis carrément industriels  en arrivant aux portes de Kitale puis enfin d’Eldoret, où je me trouve actuellement. Mais si j’ai découvert une route de merde (j’ai pas trouvé d’autre termes désolé) j’ai également découvert l’esprit kényan. Un esprit magnifique qui m’a plu (je pourrais dire agréable, calme, respesctueux et pleins d’autre encore). Ainsi le long de cette route j’ai dormi chaque soir chez l’habitant…

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La plus belle route d’Afrique

A la découverte du Kenya

En quittant le petit village Kalakol j’emprunte alors la seule route qui me mène sur Kitale, première ville kényane. Une route principale indiquée « bonne » sur ma carte. 360 km me sépare alors de Kitale. En réalité c’est  probablement la pire route que je n’ai jamais empruntée…

Le bitume est complètement ravagé, et parfois sur plusieurs centaines de mètres la route n’est que terre, parfois encore asphaltée. Ce qui forme d’énormes trous insupportables. Le vent quant à lui tourne dans tous les sens et j’avance finalement presque aussi lentement que sur les pistes d’auparavant et les 56 km reliant Kalakol à Lodwar sont un terrible et lent supplices. Cela dit les paysages sont plutôt jolis. Je découvre un pays beaucoup plus sauvage que l’Ethiopie. En effet je pédale rapidement plusieurs km sans apercevoir personnes, plusieurs dizaines de km sans voir le moindre village. Parfois une femme d’une tribu locale me coupe la route, me demandant quelques chose que bien sûr je ne comprends pas, mais le reste des rencontres est beaucoup plus plaisant.

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 A Kenya je découvre ainsi des gens  tranquilles et amicales

La langue nationale du Kenya étant le kiswahili on m’appelle également le « Mzungu » (Homme Blanc), ce qui change du « Farenji » éthiopien tout de même. Cela dit cela n’est pas méchant et je continue ma route plutôt tranquillement, toujours sur les routes défoncées kényane….

En Ethiopie les routes étaient belles et propres mais il y avait toujours un grain de sable pour me rendre fou. Une insulte un caillou(x), ou d’autres choses. Ici au Kenya c’est le contraire et les routes sont pourries au possible mais chaque jour a son héros pour me rendre le sourire. Ainsi en 5 jours j’ai pu dormir 3 fois chez l’habitant et 1 soir dans une mission d’où je reparti plein d’eau et tout propre.

David Mambo et l’esprit kényan

Ma première nuit sur cette « route » je l’ai passé chez David Mambo dans le petit village de Lokichar. Il m’accosta sur sa Yamaha alors que je galérais sur cette route pourrie. Il m’invita sans hésiter dans sa modeste demeure. Entre 3 chèvres et 2 moutons, nous avons partagé le repas et au matin le petit déjeuner. Finalement je suis reparti avec 7 litres d’eau potable, mon téléphone gratuitement rechargé, le corps frais et propre et surtout: les idées claires!

Pourtant la région (le continent? ) est pauvre et David, 27 ans, vit sans électricité ni eau courante (et pas grand chose d’autre) avec son fils d’un an et demi, son épouse, sa soeur, 2 tantes et sa mère, alors que son père, emporté par les conflits des dernières années, repose paisiblement quelques mètres plus loin. Inutile de dire que 3 personnes remplissent aisément sa maison:4 murs de 3-4m de long avec 2 lits, une petite table qui sert de cuisine, une autre de salle à manger lors de la saison des pluies… Sans parler qu’on ne se tient clairement pas debout. A moins d’être clairement petit.

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David Mambo avec sa famille devant sa maison

Certes le climat est différent sur ces terres ainsi le matin il faisait 25ºC au plus frais alors que la journée  il a fait jusqu’à 38ºC. Dormir dehors est donc préférable du moment qu’il ne pleut pas. Dès lors, lorsqu’il pleut, je me demande bien comment dorment-ils? Même si je sais bien qu’ils dorment! Et oui c’est l’Afrique…

David et sa famille m’ont offert tellement par de petits gestes que je ne peux que leur être reconnaissant.

De plus voici 6 jours que mon appareil photo m’a lâché., comme vous pouvez le voir sur ces photos prises avec mon téléphone portable. David me proposa l’aide de son meilleur ami qui s’y connaît un peu. Après quelques minutes de bricolage mon appareil s’est rallumé… Aujourd’hui j’ai donc déjà un héros!
Il s’appelle John. Comme presque tout le monde ici.

Puis David m’a généreusement donné le manche de sa pompe et me voici avec une pompe toute neuve…

Alors  en reprenant la route je maudis déjà cette route de merde (oui c’est une route de merde) mais en me retournant je regarde David partir dans l’autre direction. Il s’en va travailler sur sa petite Yamaha. 90 km l’attende avant de rejoindre Lodwar où il passera la semaine dans un hôpital. Après quoi il rentrera le week end pour voir sa petite famille quelques heures…

Je le regarde partir tranquillement et me retourne à ma route de merde qui fait de moi le plus malheureux des hommes à galèrer sur ce chemin que seul moi ai choisis.

Entre bourbier et haux plateaux, le retour de la pluie

Au bout d’un moment il s’est mis à pleuvoir. Ma route de merde est devenue un vaste bourbier. Coincé là juste avant la tombée de la nuit je me suis dit « merde me voici embourbé ». Ma jante voilée n’a rien arrangé à mon triste râle. Au milieu de ce bourbier j’ai joué avec ma clé à rayon quelques instants et j’ai repris la route, ma jante dévoilée (on va dire roulable), non sans arrêter de râler la misère du cycliste bien heureux qui y a trop cru et qui le paye.

Puis la nuit est tombée. Les pluies étant très locale le bourbier s’est vite asséché, ma route est redevenue un vaste champ de trous presque praticable. J’avançais enfin à une vitesse proche des 12 km/h. Jusqu’à ce que j’identifie comme plusieurs coups de feu résonne au loin. Hum… j’éteins ma frontale… et dans le noir total continue mon chemin, probablement proche des 8 km/h, bien que je ne voyais pas suffisamment pour le confirmer.

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Il s’est mis à pleuvoir et ma route de merde est devenue un vaste bourbier.

Je rejoins en pleine nuit, le râle haut mais le regard bas, le village de Kaynuk…
Et encore une fois l’hospitalité kenyanne ma foi, m’a rendu foi en l’être humain. Comme hier soir et ce soir, j’ai demandé à planter ma tente dans un endroit sûr. Et obtenu un endroit calme pour cela, mais aussi de quoi me laver et me nourrir, dans le pire des cas. Mais généralement j’ai droit à un lit et de l’électricité en plus.

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Et encore une fois l’hospitalité kenyanne ma foi, m’a rendu foi en l’être humain.

Retour sur les hauts plateaux

Bref, en quittant Kaynuk, plein de foi en moi, j’ai continué sur cette route de merde une trentaine de km (2h30!) comme cela. Et là enfin les trous diminuent. Ma route devient praticable…ce qui est plus pratique à pratiquer à vélo.

Illusions… me voici maintenant aux pieds d’une énorme montée! 60 km ( et combien d’heures?) plus loin j’arrive au col. Retour sur les hauts plateaux a 2300m d’altitude. Ici les locaux portent des bonnets et des manteaux des qu’il fait nuit et moi? Ben ça me fait marrer.. Il fait encore plus de 20ºC…

Et puis comme par magie j’ai pu cesser de comparer ma route aux excréments et j’ai rejoins kitale, première ville kényanne, à une vitesse de plus de 15km/h pour la première fois depuis 10 jours…

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Retour sur les hauts plateaux a 2300m d’altitude.

Là dans un premier temps j’ai rencontré un africain qui n’aime pas le foot (j’ai cru qu’il se foutait de ma gueule au début) mais qui m’offrit bien plus que ce que j’avais besoin.

Dans un second temps je suis allé aux nouvelles:

-La mauvaise nouvelle c’est que mon appareil photo ne fonctionne toujours pas.
-La bonne nouvelle c’est que je suis au kenya. Par conséquent j’ai toujours pas foi en la technologie, mais enfin en l’être humain.

J’ai donc amorcé un nouveau détour histoire de rejoindre la prochaine ville (Eldoret), plus grande, où m’as t’on dit, je trouverai de quoi réparer mon appareil photo. Même si malgré ma nouvelle foi je n’y crois pas. Me voici donc toujours au Kenya et l’Ouganda attendra quelques jours. Quant à moi, une foi(s) n’est pas coutume, j’ai à nouveau réussi à trouver un lit gratuit chez plus « pauvre » que moi…

Mais j’ai juste demandé à planter ma tente…

Finalement je suis arrivé à Eldoret, mon appareil photo a pu être réparé. J’ai trouvé du chocolat histoire de me reposer. Et puis ce matin je m’apprête à reprendre la route, en direction de l’Ouganda cette fois. L’équateur n’est plus très loin, mais en amorçant un nouveau détour en Ouganda je vais attendre un peu avant de cnahger d’hémisphère, En effet avant cela je m’apprête à rejoindre le Nil, le Nil Blanc cette fois, puis le Lac Victoria, plus grand lac d’Afrique.

Olivier Rochat

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chocolat… 

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