Le 5ème mois: coup de coeur au coeur de la Nubie.

Km 9543, Wad Medani, Soudan.

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Après 5 mois sur la route, me voici au Soudan!

De l’oasis de Kharga à Wad Medani, de la route des oasis à la savane au sud du Soudan. 1903 kilomètres de route. Aswan également. La belle Aswan. Le Soudan et mes premières canicules. Khartoum. Sa capitale. Et ce soir le Nil. A Wad Medani. C’est peut-être la dernière fois que je le vois. La dernière fois que je le traverse. Mais ce soir aussi se termine mon 5ème mois. Je réalise pas que dans un mois, une demi-année ce sera écoulée. Une demi-année à travers et l’Europe et l’Afrique avec mon Cargo comme seul et unique compagnon…

Les « grands » moments de ce 5ème mois

C’est dans un petit village à la sortie de l’oasis de Kharga, dernier oasis de la belle route des oasis, que j’ai entamé ce 5ème mois. Je me remettais à peine d’une méchante gastro et je reprenais la route en direction d’Aswan, dernière ville avant le Soudan. Il me restait alors à peine plus de 200 kilomètres pour en terminer avec le désert.

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Cela dit la dernière ligne droite du désert fût sacrément pénible…. Plus de 200 kilomètres sans rien à se mettre sous la dent. Si ce n’est ce vent, violent. Finalement j’aurai même terminé les 50 derniers kilomètres dans un camion qui me poussa un bout, jusqu’à cette cafétéria où je me trouve. J’ai demandé un peu de « Maya » (eau) au conducteur… il m’a offert à manger pour trois et m’a poussé le dernier bout… Il a même fini par m’offrir quelques (!) thés et la Shisha dans cette cafétéria où ce fût une petite émeute pour marquer mon arrivée…

Oui les égyptiens sont comme ça: toujours souriant mais tu ne sais jamais vraiment à quoi t’attendre. Parfois ils te demandent 5 euros pour gonfler un pneu, parfois ils te poussent sur 100 kilomètres t’offrent à boire et à manger et à la fin te proposent de l’argent pour dormir…Parfois Nil parfois désert, entre rien et tout!

C’est donc ainsi, entre rien et tout, Nil et désert que je suis enfin arrivée à Aswan, aux portes du Soudan, entre l’Afrique et l’Orient.

A Aswan, aux portes du Soudan, j’attends patiemment que mon visa pour le Soudan me soit délivré. A Aswan, aux portes de l’Afrique, là où cesse l’Orient, là où l’Afrique débute, la gentillesse des gens, me voici au pied de mon but. Poétiquement parlant, je dirais que l’Europe n’est plus qu’un mauvais souvenir. Mais je vais me garder de le dire, à défaut de l’écrire. L’Europe, pour moi, quoi qu’il en soit, quoi qu’il arrive, restera un bon sous-venir! Poétiquement parlant mais politiquement correct également.

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Aswan c’est un premier pas en Nubie et un dernier pas en Egypte; Et surtout un nouveau pas sur ce vaste continent qu’est l’Afrique.

« Au loin passe cette camionnette verte. Dedans s’entassent des « chameaux bétails »… des ânes et des veaux. Gros et beaux. »

Aujourd’hui à Aswan j’ai presque j’ai changé de monde…Peu à peu je me sens partir. Je me sens « ralentir » et quelque part: « revenir ». Revenir à des essentiels oublié qu’il me faudra du temps pour réapprivoiser. Du temps pour accepter. Peu à peu la route m’emporte, je me sens vivant mais en même temps rien dans cet univers de corruption où finalement je me ballade sans trop me poser de question. Parce qu’au fond cette corruption là n’est pas toujours pire que celle qui sévit, enfin se vit chez moi.

En direction du Soudan

Finalement j’obtiens mon visa pour le Soudan après 2 jours d’attente et donc c’est avec 2213 km et 46 jours au compteur que je m’apprête à lui dire au revoir, a l’Égypte, à ce pays où le juste milieux n’est qu’illusions. Ou alors c’est à toi de le créer.. Dire au revoir à ce pays plus orient qu’Afrique, plus souriant que fric. Plus poussière que lumière au fond…

C’est en bus que j’arrive au  Soudan et au soir du mercredi 21 janvier 2015, j’arrive à Wadi Halfa, tout au nord de ce grand et chaud pays qu’est le Soudan.

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Après ma première nuit au Soudan, passée dans un « hôtel » miséreux où j’aurai payé 10 pounds (1.25 dollars) pour dormir dans une chambre sale, bourrée de moustiques et accompagné de 2 autres colocataires, je me réveille dans un autre monde: l’Afrique!  

Un autre monde. La différence avec l’Égypte est marquante. Plus pauvre, plus « cheap », plus détendu. Moins d’arnaque, je découvre aussi une administration hyper tatillonne et des dizaines de papier à faire (héritage anglais) mais également beaucoup plus rigolote. A la douanes les flics me courent après pour me prendre en photo, alors que 100 m plus loin, côté égyptien, pas moyen d’obtenir un sourire. J’ai fini trois fois au poste à me faire effacer mes photos en Égypte, mais ici c’est différent.

Une musique joyeuse et calme résonne dans Wadi Halfa, ou a presque midi, le soleil cogne bien. Fini les ados qui me courent après, les « money money », et welcome ultrarepetitif. Après l’Égypte mais avant la (terrible? ) Ethiopie, ce calme joyeux, malgré la poussiéreuse pauvreté, fait du bien.

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Nubie

Je reste 2 jours à Wadi Halfa avant de reprendre la route à travers le Soudan et donc la Nubie. Ma route est plate, quoique à peine vallonnée, mais parfaitement revêtue. Pas un trou. La circulation y est faible. Sur la route de Dongola, ma première ville soudanaise, qui se trouve 400 km au Sud de Wadi Halfa et dans le désert de Nubie, je croise également bon nombres d’éthiopiens. Venu travailler durement par ici pour trouver meilleurs salaire, je découvre une autre réalité, celle du miséreux. Celle du plus pauvre que le pauvre. Celle de l’éthiopien qui vient travailler au Soudan pour 150 dollars par mois qu’il n’a pas chez lui…Mais avant de découvrir la belle et terrible Ethiopie, je découvre donc le beau et chaud Soudan, mais également une nourriture qui me plaît bien, bien mieux que celle découverte en Egypte je dois dire. Histoire de goût personnel.

Premier coup de cœur en Nubie

En fait la Nubie fût pour moi un premier coup de cœur dans ce voyage. Ici je traverse des villages où il n’a plus plu de puis les années 80’… Je croise des gens qui n’ont jamais vu tomber la pluie, qui de toute leur vie n’ont jamais vu « l’eau tomber du ciel », comme ils aiment à me dire, mais perdu au milieu de cet océan désertique où le soleil cogne 365 jours dans l’an (et 366 une fois tous les 4 ans), le « soudanais » du Nord (de Nubie) moi je le vois touchant, émouvant, sobre, simple et bien que pauvre, il se fait souvent noble. Noble de cœur, il me semble ne pas appartenir à la même humanité…

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Moi j’en ai l’impression d’avoir changé d’humanité. Les gens d’ici regardent l’humanité d’en bas, avec tout le respect qu’il se doit, alors que celle-ci n’a jamais pris le temps de les regarder… ce qui ne la jamais empêché de ne pas les respecter.

Calme et paisible, « le soudanais » ne semble pas être perturbé plus que ça par le reste du monde, mais lorsqu’il vient à lui, il le prend dans ses bras, lui offre à manger et retourne s’asseoir sur une chaise ombragée. Le soleil finira bien par se coucher. ..

Dans le désert

Dans l’absolu infini du désert, un premier pas à terre, me voici. Les kilomètres déroulent, les rencontrent se suivent mais ne se ressemblent pas. Le Soudan pauvre mais chaudement avance à travers moi. Ou réciproquement je sais pas. Même si aujourd’hui, enfin maintenant, il m’éveille des manques. En manque de toits. En manque d’amour. En manque de Toi. Princess est toujours là. Entre le pauvre de son paraître et le riche de son être, entre l’imaginaire et l’imagé, Princess est encore là. Quelques part au fond de moi. Et parfois au bout du fil… Le Cap lui, est encore loin. Mais moi je le garde droit, le Cap. Princess ou pas.

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Dans l’absolu infini du désert

Alors, après cette longe traversée du désert de Nubie, je suis arrivé au désert de Bayuda. J’ai fait un grand détour pour cela mais car grâce à ce long détour de près de 300 kilomètres je pourrai alors apercevoir les pyramides de Meroé.

En direction des pyramides de Meroé

N’ayant que très peu d’informations sur le désert de Bayuda, je n’avais aucune idée si je trouverai de quoi me ravitailler ou non. Je suis  donc parti avec le plein de provisions. Cependant, quelques kilomètres avant de débuter cette longue traversée, je croise Manuel et son frère, deux cyclistes allemands venus tout droit d’Allemagne pour traverser l’Afrique du Caire au Cap. Retenu par le temps, Manuel va arrêter son préiple à Khartoum, mais son frère va continuer jusqu’au Cap, avec l’objectif d’y être début Mai.

Ensemble nous avons découvert le désert de Bayuda, durant lequel j’ai pu apercevoir mes premiers animaux sauvages. Un peu de végétation, des ânes et chameaux sauvages, un beau serpent couleur sable, de nombreuses traces de scorpions, peu à peu le désert diminue, l’Afrique se fait plus vivante. Sur la route des pyramides de Meroé, je profite bien de ce nouvel élan. Après près de 2500 km dans le désert, il était temps. ..

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Les pyramides de Méroé

Moins majestueuses que celles d’Egypte, moins touristiques également, plus petites et au fond plus charmantes, les pyramides de Meroé m’ont ravi l’espace d’une matinée, le long de ma chaude route en direction de Khartoum. Cette impression de redéfinir le temps, me dire qu’il y a si peu de cela je me débattais en Moldavie ou je ne sais trop où. Que hier j’étais loin et que le pire c’est que demain je serai loin, à nouveau. Les pyramides de Meroé, cet air de nouveauté, pourtant si vieille, les pyramides de Méroé… Oui c’est le Soudan souvent si chaud mais parfois si beau… Au fond qui aurait cru qu’au Soudan j’aurai vu ce que je vois ?

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Je les ai aperçus au haut d’une petite colline. Je pédalais alors sur cette grosse route qui mène droit à Khartoum, la capitale et ville principale du Soudan. Vent de dos j’avançais bien malgré les gros et lent camions qui manquent souvent de me rentrer dedans tout du long de cette longue route. Je les ai aperçues sur ma gauche. Elle devaient être à un bon kilomètres de moi. Peut-être un peu plus. Il était 9h00 du matin, à peine, mais le soleil cognait déjà bien. Entre elles et ma route, se trouvait cette vaste plaine désertique et derrière les pyramides, de petites montagnes rocailleuse, limite noir. De loin on aurait dit une forteresse, dont les pyramides seraient les sortes de tour. Les plus grosses d’entre elles, celle qui sont autour et sont visibles depuis la route, sont bien érodées et ne finissent plus en pointe. Ce qui renforça mon impression première de forteresse.

Une fois dans le site, j’ai pu profiter de cette véritable cité de pyramides, entourée de sables, de buissons et de petites collines. Sur le sol j’ai pu voir de nombreuses traces de serpents ou de scorpions, ce qui n’avait rien de rassurant mais donnait un air plus « naturel » à cette visite, changeant des grosses (mais belle) pyramides de Giza où il y a bien plus de « Picsou » que de scorpions ou autre serpents.

Khartoum

Après ma promenade aux pyramides de Meroé, j’ai repris ma route en direction de Khartoum et donc de l’Ethiopie. En effet c’est à Khartoum que je compte obtenir mon visa pour l’Ethiopie. Après un dernier regard sur les belles pyramides de Meroé. Mais avant de me rendre à Khartoum, je me suis arrêté dans le petit village de Wawissi, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Khartoum. En effet, j’ai eu la chance de passer 6 jours avec Hashim et sa famille. J’ai ainsi pu partager des moments forts avec les soudanais. Découvrir leur mode de vies, leur nourriture, leur pensée et rêve du monde occidental. Et j’ai gagné quelques amitiés…

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 Visa pour l’Ethiopie

C’est à khartoum que j’ai pu obtenir mon visa pour l’Ethiopie. Cela n’a pas été de grande difficulté. 60 dollars pur un visa de 3 mois. 1h30 d’attente à peine. Khartoum est une grande ville qui couplée à Khartoum Nord et Ondurman est tout de même peuplée de 8 millions d’habitants environs. Le Nil la traverse et c’est à Khartoum qu’il devient unique. En effet, il existe deux Nil en quelques sortes: le Nil blanc qui vient du Sud-Soudan et de l’Ouganda, puis le Nil bleu, tout droit venu des hauts plateaux d’Ethiopie. C’est d’ailleurs ce Nil là que je m’apprête à suivre de Khartoum  jusqu’en Ethiopie.

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Hashim et les bonnes âmes de ma Route

Cela dit avant de quitter Kharoum, j’ai « fêté » mon 150ème jour sur la route. En 150 jours j’ai fait certes quelques kilomètres, mais quelques rencontres également. Ainsi je t’ai parlé précédemment d’Hashim, dans le petit village soudanais de Wawissi. Mais je pourrais aussi te parler d’un autre monde: la Roumanie. Ah Timisoara et ces beaux immeubles communistes ^^! Ou encore mieux: la Moldavie!!! Là ce n’est pas que les immeubles qui sont communistes: c’est aussi le gouvernement! Et puis Zvezdet… en grimpant un col inondé à la sortie des Balkans. Un vieil homme m’invite. Sa maison: c’est incroyable qu’elle tienne encore debout! Et que dire, que penser d’Istanbul. Débarquer sous la pluie, pleine nuit, dans cette ville gigantesque de 15 millions d’habitants. Ne plus se retrouver. Est-ce dieu qui l’a mise sur ma route? Et si tu n’y crois pas, c’est qui? En tout cas on s’est rencontré et tout ce qu’elle m’a montré de sa ville à travers sa propre générosité, jamais je ne l’oublierai. Et Ulas qui me vit en pleine nuit depuis sa moto. Je me trouvais dans cette station service façon Stephen King. Mais il me vît et 10 jours plus tard je dormais encore chez lui.

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Hashim, l’une des âmes de ma route

Alors en quittant Hashim j’ai juste envie de dire merci à toutes les âmes de mon voyage. Que ce soit pour une simple nuit dans une station service moldave, 2 jours dans ce petit appartement, lucarne d’un grand immeuble de Timisoara où 2 jours chez Hatef, tout au nord de l’Egypte. Village pauvre. Hathef égorge le boeuf pour gagner sa vie. Musulman, sa femme est voilée. Au début elle ne me disait pas bonjour. A la fin on faisait des plaisanteries à tour de rôles… Et on s’est presque fait la bise. Oui je sais ça paraît grotesque mais lorsque deux mondes se rencontre et qu’il n’y a pas d’attentes et rien d’autres que le besoin, le besoin d’aider et celui de partager, je crois qu’il n’y a pas de raison de se chamailler.

Alors après 150 jours de route je m’apprête enfin à quitter Khartoum. En suivant le Nil Bleu en direction des hauts plateaux d’Ethiopie. A la recherche de nouvelles sensations, de nouveaux kilomètres mais surtout, de nouvelles âmes de Route.

Le Nil

Le Nil, source de vie. Source d’espoir. Ou quand un pays dépend de lui. Je pense à l’Egypte  et ses plus de 80 millions qui se tassent presque uniquement à son long. Le long du désert. Le Nil, source des pyramides. Sources des Oasis. Enorme dépotoir parfois. Pour moi énorme tout court.

A Wad Medani, 200 kilomètres au Sud de Khartoum, j’ai traversé le il, peut-être pour la dernière fois.

Ce soir ça fait 5 mois que je suis parti. Le temps passe et le temps change. Mais le tout va de plus en plus vite… Le soleil s’incline. Un dernier regard sur le Nil. Source de vie. Moi je m’en vais en direction de l’Ethiopie.

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Les chiffres de ce mois:

Km: 1906                                                                                                                                                   Heures de pédalages:    98 heures 26 minutes                                                                                           Pays: 2     (Egypte, Soudan)

Les article de ce mois:

– De mot à meute:

– Aswan, entre Afrique et Orient:

– Soudan!

– Nubie

– Sable

– Bayuda

Meroé

– En direction de l’Ethiopie

– Ames de ma route

– Nil

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