Dame Hippo et la campagne du Malaŵi

Km 18’526, Mzuzu, Malaŵi.

Malawi, Malawi… cet instant plénitude, cet instant gratitude. Oh Malawi… le jour où j’ai compris que dix ans en Afrique ne changerait pas ma vie, mais pour sûr qu’une semaine ici changerait sa perception-

Me voici à Mzuzu, troisième ville du pays et autant dire que cela fait du bien. Après une magnifique soirée passée dans la belle réserve de Vwaza en compagnie des Hippos et de 5 volontaires américains, la traversée de la campagne malawite fût d’abord tranquille puis bien plus difficile avec l’arrivée dans les Viphya Mountains et pas mal de difficulté à trouver de la nourriture à travers cette très pauvre campagne. Cependant c’est bien vivant que je suis arrivé à Mzuzu où à travers une jolie musique folk je mets mes écrits de la route à jours dont voici les principaux extraits, deux petits textes écrits en cours de route, le premier dans la campagne de Mzimba après une nuit proche des Hippos, le second dès mon arrivée à Mzuzu.

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le jour où j’ai compris que dix ans en Afrique ne changerait pas ma vie, mais pour sûr qu’une semaine ici changerait sa perception

A travers la région de Mzimba

En reprenant ma route je suis descendu sur le sud à travers la région de Mzimba. Une région pauvre et non asphaltée. Marquant une pause après un peu plus d’un jour de route et une nuit dans la belle et tranquille réserve de Vwaza, j’écrits alors mes premières impressions.

« Bob Marley n’est pas loin et c’est une musique de Jamaïque qui doucement berce mes écrits, écrits depuis l’une de ces petites boutiques de téléphone. Plus prompt à fumer des pets qu’à taper dans un ballon sous le soleil tapant (ni sur quiconque d’ailleurs), le malawite ne va pas changer le monde. Mais n’en perd pas son sourire pour autant, inimitable, inarrêtable, presque extraterrestre. Mais le monde tourne sans lui. Et les extraterrestres se font toujours attendre. Tant mieux le sourire reste.                                                                                                           Pourtant c’est un gentil petit retour sur terre qui m’accompagne depuis hier et mon arrivée a Rumphi, petite ville d’une dizaine de milliers d’habitants mais plus grand centre de la semaine et des jours prochain. En effet la traversée des Nyika plateaux, sublimissimes en tout point, qu’elle soit animal, végétal ou décoral, fut trop belle pour être répétée. Me voici maintenant sur les routes de campagne à la découverte de l’ouest du pays. Sur des pistes toujours plutôt bonnes hormis quelques passages trop sableux pour les pédaler, je découvre ainsi la paisible campagne malawite, me rapprochant du centre du pays.

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Sur des pistes toujours plutôt bonnes hormis quelques passages trop sableux pour les pédaler

Des paysages beaux mais pas trop, une route plate mais pas trop, des villages pauvre mais pas trop (qu’elle surprise de trouver du riz ou du coca tous les 20 km à peine, l’extrême pauvreté de l’extrême nord du pays diminue un peu), un accueil sympa mais pas trop (j’ai quand même eu droit à un premier « money » sur sol malawite -pas mal en 9 jours- et une demande en mariage –ok j’exagère un poil mais j’ai vu l’idée dans son sourire atomique et son incroyable intérêt subit pour la carte africaine que je martyrise depuis 6 mois comme devrait le faire un bon chrétien avec la Bible- à l’instant), cette région n’est pas trop mais suffisante. Heureusement après les émotions des derniers jours ça passe bien bien que le bitume, ce bon vieux pote, commence à me manquer après 400 km (et 5 cols) sur des pistes allant de très bonne à très moyenne, mais toujours accessible à vélo et voiture en cette saison sèche.

 

Dame Hippo

Hier c’est dans la belle et cheap réserve de Vwaza que j’ai passé un bivouac au spot parfait, avec vue sur le petit lac de Kazuni. A l’entrée, faisant tout mon possible pour dialoguer en Chichewa, jobtients sans le demander un prix d’entrée a moitié prix en tant que résidant malawite!!! Comme quoi parler local ça aide!

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c’est dans la belle et cheap réserve de Vwaza que j’ai passé un bivouac au spot parfait,

Paradis des moustiques et des mouches tsé-tsé, le lac de Kazuni c’est aussi le paradis des antilopes qui viennent s’y abreuver, des croco qui viennent bouffer puis se reposer, des babouins toujours prompt à faire rêver avec leur agilité, ainsi qu attention, du prédateur le plus mortel d’Afrique après les moustiques mais pas le plus agile: l’HIPPOPOTAME!

Hé oui de caractère de footballeur vaincu (ou de hockeyeur) mais autant gros que gras, l’hippopotame se vexe sans raison. Ainsi il peut rattraper un homme sur terre ferme facilement et là, bien qu’herbivore, il n’en fera pour ainsi dire qu’une bouchée qu’il recrachera de sa gueule si énorme qu’elle en est l’une des plus grosses sur Terre, grâce à son pouvoir d’ouverture souverain.

-La mandibule de l’hippopotame, c’est-à-dire sa mâchoire inférieure, peut s’ouvrir à 150° – ce qui est énorme – et elle est musclée en conséquence. D’où le célèbre bâillement de l’hippopotame : loin d’être seulement un geste de lassitude, il peut se révéler vraiment menaçant, si le mâle renverse sa tête le plus en arrière possible, en exposant toute sa gorge dans un geste de défi, pour calmer toute velléité de révolution interne-

pour quelques mots sur l’Hippo et éviter des maux si vous le croisez cliquez-ici

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Le prédateur le plus mortel d’Afrique après les moustiques: l HIPPOPOTAME!

De nombreux accidents arrivent chaque année en Afrique, notamment en Centrafrique où dernièrement c’est tout un groupe d’écoliers se rendant à l’école en pyrogue (hé oui le métro y a pas partout) qui est malheureusement passé trop près de Dame Hippo qui en aura dépecé quelques uns. Survivante mais gravement blessée, une jeune fille s’enfuyant sur la berge se coucha pour morte quand dame Hippo la ratrappa. Ce qui calma Dame Hippo qui resta près de la jeune fille plus d’une heure, sans que personne ne puisse intervenir faute d’armes à feu. A la fin, la petite fille mouru du sang perdu. Une bien triste histoire qui n’a rien d’une légende et bien que la ce soit extrême, est courante en Afrique où Dame Hippo tue plus que n’importe quel carnivore réputé (d’après mes sources) et nage aussi extrêmement vite.

C’est donc à côté mais suffisamment loin des hippos de la réserve de Vwaza que j’ai passé ma nuit. Mais qu’elle nuit! A entendre ce rond mammifère aux petites pattes sortir et rentrer de l’eau sans arrêt, braillant  ses idées sans discontinuer ni discuter (t’imagine même pas le bruit quoi, un rot énooorme) . Heureusement moustiques et mouche tsé-tsé ne sont pas trop fan de cette sécheresse alors que les crocos sont restés bien caché, tout comme les éléphants, plus discret par ici dont je n’aurai aperçu qu’un caca, de la taille d’un chat quand même.

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C’est donc à côté mais suffisamment loin des hippos de la réserve de Vwaza que j’ai passé ma nuit

Entouré de 5 jeunes volontaires américain(e)s venu enseigner anglais ou mathématiques au Malawi pour parfaire leur formation universitaire, la soirée fut sympathique et rappelant celle d’avant passée en compagnie d’un journaliste américain (lui aussi) de la BBC faisant un documentaire sur la pauvreté dans le monde. Choisissant les fermiers du nord du Malawi pour comparer avec ceux de l’occident, le moins que je puisse dire c’est qu’il avait bien choisi son pays.

C’est donc ainsi que je continue ce tour du Malawi. L’idée est de remonter au nord par de belles montagnes avant de m’en aller bailler sur les plages du lac Malawi que je longerai en bateau.

Mulungu atumbike Malawi

Ce qui veut dire: God bless Malawi.

Et si dieu ne bless pas, je continuerai car la flamme est en moi puisque Malaŵi signifie flamme en Chichewa

 

Les montagnes de Viphya et l’accueil d’un pauvre nommé « Argent »

Encore une fois inoubliable, improbable instant dans la campagne malawite. Mais me voici de retour sur le tarmac, pour quelques dizaines de kilomètres à peine. Après 8 jours sur les pistes soit 455 kilomètres et 6 cols, un record, il était temps. Avant de découvrir l’escarpement de Livingstonia et l’une des plus incroyables routes d’Afrique sur les hauteurs du lac Malawi, arriver dans une ville, la troisième du pays en fait, fait du bien. Au jambes déjà mais surtout à l’estomac. Eh oui même le plus improbable accueil, aussi touchant soit t’il, s’il nourrit le coeur ne nourrit pas l’estomac. Jamais. Car le Malawi loin du lac et des cages à touristes est pauvre.

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Les montagnes de Viphya

Pauvre, soyons honnête et réaliste, à crever la dalle. Le Malaŵi n’a pas d’habit, dors en groupe d’individus couiné les uns contre les autres autour d’un feu plastique parce que bien souvent même le bois y a pas, le maïs ne pousse plus, le reste non plus donc il a faim mais se nourrit, semble t’il, de son propre sourire, bien trop naïf, incertain et peu malin dirons les têtes pensantes, pour en retirer quoi que ce soit d’autre qu’un éternel mais inutile, semble-t’il, espoir. A peine caché derrière son beau regard. Et tellement difficile à prendre en photos mais comment demander à des gens qui n’ont jamais posé de rester naturel?

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il a faim mais se nourrit, semble t’il, de son propre sourire

Oui j’ai eu faim hier. Une journée entière à traverser des villages sans trouver quoi que ce soit si ce n’est du Coca et des biscuits, dans le meilleur des cas. Mais rien de remplissant à se mettre sous la dent. Ah oui j’ai trouvé du pain toast, c’est sûr quelle richesse! Et puis c’est tellement bon quand t’as rien pour les toaster. Mais pas trace d’un quelconque choix, d’un luxe inutile, Même en arrivant à Mzuzu, la sympathique et grandissante troisième ville du pays et capitale du nord, impossible de trouver un restos ou même un thé avant le centre de la ville, certes bien construit, sympathique et varié avec ses restos indiens, italiens, ses multiples choix de café, innombrables banques tout en restant suffisamment local et sans jamais marquer ces insupportable barrière entre la richesse et la misère. Ici tout le monde est pauvre mais le riche ne se voit pas trop, il est juste bourgeois.

Mais pourtant chez ces gens, quel richesse. Celle du coeur, comme hier soir dans le village de Venge, dans la campagne de nulle part du Malawi. Peut-être et même sûrement la soirée la plus forte, la plus touchante mais au fond la plus navrante et la plus blessante de tout mon voyage…

 

« puisque l’on crève sous les ponts et que ce monde s’en fout, puisqu’on est que des pions content d’être à genoux »

Oui à genoux donc, autour d’un piètre feu où 5 ou 6 adultes et une vingtaine de gosses m’ont mené un interrogatoire dès la tombée de la nuit juste après que j’eu plantée ma tente à côté de la maison de Jimmy, le frère du leader du village qui ce soir n’était pas là. Une soirée forte, je dois dire. Deux monde si différents qu’ils n’ont pas la même réalité. Mais alors pas du tout. En face de moi il y avait un peu de Nsima (le plat national car le moins chère, 4 fois moins chère que le riz au Malawi où ce dernier y est importé) que se partageait tant bien que mal toute cette petite population alors qu’autour c’était tout une flopée de gamins qui sans dire mot, impressionné, regardait mon vélo qui valait certainement plus que tout le village. Puis soudain, sous les ordres de sa mère, un gamin s’en va puis s’en revient une dizaine de minutes plus tard avec une bassine d’eau bouillante, difficilement chauffée sur le petit feu.

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juste après que j’eu plantée ma tente à côté de la maison de Jimmy

« We want you have a bath »… et là jdis pas que j’en avais pas besoin mais certainement pas plus qu’eux…

Puis l’heure d’aller coucher arrive, après un nouvel apprentissage du Chichewa entre les rire et la concentration. Alors au petit matin lorsque je me lève c’est à nouveau un bain que l’on me prépare alors que déjà tout le monde se réchauffe tant bien que mal autour du feu bien trop petit pour réchauffer plus qu’un peu. Et pas de petit déjeûner, pas de thé, juste l’envie de bien figurer, des sourires. Et oui le maïs n’a pas poussé cette année… Enfin autour du feu c’est tout un vocabulaire de Chichewa que l’on me prépare sur papier, soigneusement mis en page par l’homme qui parle le plus l’anglais. Là j’apprends la vrai signification du « ^ » que certain auront remarqué sur placé sur le « W » de Malaŵi  qui est l’écriture officielle en Chichewa et dont la prononciation se situe entre un « v » de voiture et un « w » de « wapiti ». en gros on le prononce vvv mais pas trop.

Alors vient le temps de séparer: pour mes amis d’une nuit de reprendre leur difficile quotidien et pour moi ma pseudo difficile route (le difficile voulu est-il vraiment difficile?), non sans oublier de me donner son nom, écrit en haut à droite: Argent Msondo Nyirenda… Oui j’ai bien lu, cet homme s’appelle « Argent »…Et moi l’Afrique je la trouve de plus en plus magique et déraisonnée, d’ailleurs ça me rappelle ce pauvre orphelin qui m’accueilli en Ouganda alors que lui-même n’avait pas plus de futur que de lit. Il s’appelait Goodluck…

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Alors vient le temps de séparer: pour mes amis d’une nuit de reprendre leur difficile quotidien et pour moi ma pseudo difficile route

Les montagnes de Viphya

Sur la route donc c’est cette interminable journée sans faim qui me mena dans la campagne puis sur une route comme je n’en avais fais dans ce voyage: un sentier. Un sentier de montagne afin de traverser les montagnes de Viphya. Mais quelle sensation étrange de se retrouver dans cette campagne de plus en plus éloignée où même en saison sèche une voiture ne passe pas…

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Quand soudain sorti de nulle part c’est une école, bien construite, qui me coupe la route

Quand soudain sorti de nulle part c’est une école, bien construite, qui me coupe la route. Je rencontre alors Jerry, le head-teacher de cette école bien plus solide que les villages qui la côtoient. Sur le sol les gamins ont tracé la carte du Malawi avec des cailloux alors que des petits poteaux rappellent les villes et de l’herbe rappelant par hasard les contours du Malawi le représentent justement sur cette improvisée carte. Jerry tout content de m’entendre parler le Chichewa et tenir mon discours plus de 5 minutes sans placer un seul mot d’anglais, m’indique la route, enfin le sentier, pour traverser les montagnes de Viphya.

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un pont pour le moins branlant

Après avoir traversé un pont pour le moins branlant c’est sûr un incroyable col que je m’engage. Un col qui a la particularité que l’ai grimpé à pieds. En effet quelle pente! Sans virages à peine droit haut à travers la montagne…

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c’est donc après une bonne heure de marche que j’ai rejoins les plateaux de Viphya

Et c’est donc après une bonne heure de marche que j’ai rejoins les plateaux de Viphya avant de retrouver, enfin, le tarmac et la sympathique ville de Mzuzu où les bars et café n’ont aucun mal à fredonner un jazz ou un country. Puis c’est dans mon auberge où je plante ma tente pour 3.5 dollars que je rencontre Gérard qui fût le créateur du Mzoozoozoo ily a 16 ans. Et Gérard a la particularité particulière d’avoir grandi… au pont de Chailly, à 5 km de chez moi à Lausanne… Oh comme le monde est petit me dis-je quand soudain un autre francophone passe la porte! Et là de petit le monde devient minuscule en effet c’est il y a tout juste un mois, à l’ambassade du Mozambique à Dar es Salaam que j’avais croisé David, la soixantaine et voyageant seul à travers l’Afrique en transport publique. Il a choisi le Mozambique avant le Malawi et remonte sur Nairobi. La chance de nous croiser était probablement nulle d’autant plus que c’est la première fois que je paye pour dormir au Malawi….

Mais la nullité n’existe pas au Malawi.

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Olivier Rochat

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