Nubie

Km 8367, Kerma, Soudan

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Nubie, soleil haut, soleil beau, soleil chaud, coup de soleil, intemporel, c’est le coup de coeur. La gentillesse des gens, l’incroyable « dépourvance » de méchanceté d’un peuple qui semble autant dépourvu de cruauté que de richesse, le nubien à un coeur qui me plaît. Il me paraît paresseux et l’avoue lui-même, souvent, modeste, il ne s’aime pas vraiment. C’est le premier être que je vois ainsi. Et lorsque je lui dis « mais j’aime le Soudan », il croit que je mens. Dommage. Il m’arrive de mentir. Mais il m’arrive aussi d’apprécier vraiment le coeur des gens. Et d’avoir envie de le dire… Me voici dans une cafétéria, le long de la route. Chaude route (soleil chaud, coeur chaud…Nubie Nubien) je bois un café. Je crois t’avais deviné. Me voici au coeur de la Nubie, au coeur, donc, d’un premier coup de coeur. Là où vivre me paraît impossible je crois apercevoir un coeur, ou peut-être une simplicité, que je n’ai que trop rarement aperçue là où vivre, au fond, n’est pas si difficile. Où vivre pourrait être simple et beau, mais devient force et course, dur, long et stressant… Course à l’abattoir, forcé de le dire… Stress au pourboire, longueur de nos vies. Oui je parle de chez moi, la belle Europe. Là où les gens se plaignent de ce qu’ils n’ont pas sans s’apercevoir qu’ils ont beaucoup trop. Que j’ai beaucoup trop…

Bref, le Soudan pour moi c’est un premier coup de coeur. Ou plus que le Soudan, la Nubie.

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Nubie, pays sec, coeur généreux

Ici je traverse des villages où il n’a plus plu de puis les années 80’…Je croise des gens qui n’ont jamais vu tomber la pluie, qui de toute leur vie n’ont jamais vu « l’eau tomber du ciel », comme ils aiment à me dire, mais perdu au milieu de cet océan désertique où le soleil cogne 365 jours dans l’an (et 366 une fois tous les 4 ans), le « soudanais » du Nord (de Nubie) moi je le vois touchant, émouvant, sobre, simple et bien que pauvre, il se fait souvent noble. Noble de coeur, il me semble ne pas appartenir à la même humanité…

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Moi j’en ai l’impression d’avoir changé d’humanité. Les gens d’ici regardent l’humanité d’en bas, avec tout le respect qu’il se doit, alors que celle-ci n’a jamais pris le temps de les regarder… ce qui ne la jamais empêché de ne pas les respecter.

Calme et paisible, « le soudanais » ne semble pas être perturbé plus que ça par le reste du monde, mais lorsqu’il vient à lui, il le prend dans ses bras, lui offre à manger et retourne s’asseoir sur une chaise ombragée. Le soleil finira bien par se coucher. ..

De beaux esprits m’entourent dans ce vaste désert… Moi j’ai enfin repris la route après 6 jours de repos administratif, le soleil cogne, pas un nuage à l’horizon. Pourtant les gens portent souvent le bonnet, des gants et une chaude veste… le soleil rend frileux…

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Découverte du Soudan

Ma route est plate, quoique à peine vallonnée, mais parfaitement revêtue. Pas un trou. La circulation y est faible. Sur la route de Dongola, ma première ville soudanaise, qui se trouve 400 km au Sud de Wadi Halfa et dans le désert de Nubie, je croise également bon nombres d’éthiopiens. Venu travailler durement là pour trouver meilleurs salaire, je découvre une autre réalité, celle du miséreux. Celle du plus pauvre que le pauvre. Celle de l’éthiopien qui vient travailler au Soudan pour 150 dollars par mois qu’il n’a pas chez lui…Mais avant de découvrir la belle et terrible Ethiopie, je découvre donc le beau coeur chaud meurs du Soudan, mais également une nourriture qui me plaît bien, bien mieux que celle découverte en Egypte je dois dire. Histoire de goût personnel.

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je découvre une autre réalité, celle du miséreux. Celle du plus pauvre que le pauvre

Nourriture à bon goût

Bien sûr on y trouve toujours ce fameux « Ful », qu’on pourrait qualifier de « Beans ». Depuis mon arrivée à Alexandrie j’en trouve partout et ici ça ne semble pas vouloir changer. Mais ici je le trouve plus épicé, gouteux. Le cuisinier du coin y ajoute une touche personnel, il me semble moins fade qu’en Egypte. Le Falafel (Tahameïa) ne semble pas bien différent, mais je l’apprécie toujours autant. Souvent pour seulement 2 ou 3 pounds (0,25-0.38 de dollars), je le mange sous forme de sandwich. Mais ici différemment qu’en l’Egypte où je le mangeais plus fade, le cuisinier y ajoutera une touche personnel, une petite sauce ou quelques chose, des aubergines, carottes. Et puis bien enrouler dans une grosse tranche d’ « aesch » (pain), il me convient bien. Le pain aussi je le trouve meilleur. Certes il ressemble un peu au pain à Kebab de Suisse, mais en Egypte il était sec et sans aucune texture. Le soudanais le fabrique plus moelleux, plus frais également.

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En découvrant la nourriture soudanaise à Wadi Halfa

Parfois d’ailleurs il m’arrive de m’arrêter devant ses monstrueux fours à pains que j’aperçois dans certains villages. Sous forme de terre glaise, ils y enferment un pauvre gars enfournant par dizaine ces « aesch » (pains). Je le vois suer goutte, pour trouver toujours et coûte que coûte le bon rythme et ne jamais retirer le pain trop tard, tout en laissant suffisamment longtemps. Il est midi. Il doit faire dans les 33 degré à l’ombre… je n’ose pas imaginer la température qu’il peut faire devant ce foutu four… Pauvre gars. Tout ça pour du pain…

Nourriture bon marché

Mais ici je mange également des « potatoes » with meat, sorte de (très bon) hâchis parmentier. Une omelette coûte 8 pounds (1 dollars), du foul 10 pounds, du moutons 20 pounds et parfois paraît-il qu’on trouve du chameau également. Parfois je me laisse aller avec un mélange de « Salata », on y trouve des aubergines, poivrons, carottes, le tout parsemé d’un fin fromage. Le tout pour 10 pounds. Comme en Egypte les gens boivent beaucoup de thé (Tchaï), mais ici ils l’accompagnent souvent de lait (lait en poudre sur lequel ils versent le thé bouillant en le chinoisant = Tchaï lehben). Le thé coûte 2 pounds et 3 avec du lait alors que le café (gawa) coûte 3 pounds. Celui-ci ressemble a un café turc tamisé, fort mais un poil que le turc. Et lui tu peux le boire jusqu’au fond.

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Tchaï Lehbem: lait en poudre sur lequel il verse le thé bouillant en le chinoisant

Différence sociale

Et puis enfin il m’arrive d’apercevoir une femme pour servir le thé, le boire ou participer à une quelconque activité sociale, ce qui, à l’exception du Sud qui y est déjà nubien, ne m’était jamais arrivé en Egypte. Et c’était peut-être là le plus difficile. Ne voir que des hommes tourner en rond à longueur de journée, sans jamais apercevoir le moindre sourire (sourire?) féminin, la moindre complainte féminine, la moindre élégance féminine… Je pense que les égyptiens, plus machos, auraient besoin de ceci… De ces sourires-là.

Ici je dors pour 10 à 25 pounds (1,25 à 3 dollars). Dans les funduk (hôtel ou dortoir). Je paie le lit et généralement il y en de 3 a 5 par chambre. Si je veux passer une nuit tranquille, je paie 10 pounds par lit, sinon je dors pour 10 pounds et me contente de ne pas être seul. Souvent c’est un jeune travailleur éthiopien ou un sud-soudanais en fuite de son pays en guerre qui partage ma chambre. Où quand deux mondes se croisent. Pourtant je m’endors ici sans peur, malgré mes dollars, malgré ma richesse et ma blancheur.

Les toilettes (hammam), toilettes turcs, sont parfois très propres bien que rustiques. Mais parfois complètement dégueulasses où je trouve des coulures de merde séchant par terre. Cela dit elle sont toujours en grand nombre je trouve toujours un endroit propre pour me laver, faire la lessive.

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Cargo

Pour parler vélo, je dirais que j’avance lentement malgré le vent. Le vent de dos qui me pousse et m’inspire, comme cette route qui soudain m’aspire. Le vent est avec moi. Moi j’avance sans forcer. Je profite de cette région qui me plaît tout en avançant gentiment. Je parle avec les gens, ces deux pauvres gamines à qui j’offre trois crayon contre une photo. Je sais pas si je dois au fond. Peut-être devrais-je passer tout droit, ne pas m’arrêter sur ce qui est différent de moi. Pourtant pour une fois pas besoin de courir pour obtenir un sourire. Celui de ce pauvre gamin qui me fait voir d’un qu’il est certainement bien moins pauvre que ça et de deux que l’Afrique n’a pas besoin de moi. C’est simplement moi qui ai besoin d’ailes. Alors j’apprends petit à petit l’arabe. Enfin quelques mots seulement. Je sais dire vélo, je sais dire moi, je sais dire Suisse, je sais dire manger, besoin et eau.

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Ana agalé swissra, ana ayce akol. C’est certainement faux mais ici on me comprend…Moi Suisse vélo, moi besoin manger… Me voici parlant l’arabe!

Petite vidéo du Soudan:

Cliquez ici pour accéder à la vidéo: QUAND DEUX MONDES SE RENCONTRENT

Je me suis assis le long de la route, depuis 10 minutes ils m’observaient. Je leur ai fait quelques signes, ils m’ont répondu puis enfin, se sont approchés. J’ai sorti ma caméra, sans savoir pourquoi. Deux mondes se sont rencontrés. Celui de l’I-phone face au ballon baudruche…
3 crayons de couleurs plus tard, le contact était fait. Ils m’ont dit « Choukrane », et moi je me suis senti tout petit. En les regardants partir, rire et gigoter inlassablement, sans caméra, j’ai compris que l’Afrique n’avait pas besoin de moi. Mais que moi j’avais besoin d’elle…
Le « petit soudanais » est bien timide. Moi ici chaque jour je me sens revivre malgré la monotonie d’un pays pauvre et chaud 365 dans l’an dont le seul avenir est le panneau solaire.
Pourtant dans chaque village, je croise des éthiopiens, venu ici pour gagner plus que chez eux: 150 dollars par moi… pour travailler 7/7.

Oui l Afrique est encore grande, le cap est encore loin…

Olivier Rochat

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